II. UN BUDGET MARQUÉ PAR LA CRÉATION DE L'AGENCE NATIONALE DU SPORT

A. LA CRÉATION DE L'AGENCE NATIONALE DU SPORT

La nécessité de réformer l'organisation de la politique du sport et sa gouvernance s'est imposée au cours des dernières années à mesure que l'insuffisante coordination entre les acteurs est devenue source d'inefficacité. Les subventions du CNDS qui jouent un rôle essentiel pour la vie de nombreux clubs et fédérations ne font l'objet d'aucune concertation avec les collectivités territoriales qui constituent pourtant le premier financeur du sport local . Les collectivités territoriales ne coordonnent par ailleurs que très peu leurs investissements, ce qui permet à certains acteurs de cumuler les aides tandis que d'autres, moins informés, ne savent pas comment obtenir un soutien.

Les fédérations sportives peuvent ainsi être amenées à renoncer à demander une subvention au CNDS compte du rapport défavorable entre la complexité de la procédure d'appel à projets et le montant de l'aide qui est le plus souvent limité. Par ailleurs, les priorités thématiques retenues par le CNDS ne peuvent pas toujours être satisfaites par les fédérations les plus fragiles 4 ( * ) qui se concentrent sur leurs missions essentielles.

La création de l'Agence nationale du sport au premier trimestre 2019 doit permettre de répondre à ce besoin de coordination . Elle devrait prendre la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP) dont l'État, les collectivités territoriales et le mouvement sportif disposeraient chacun de 30 % des droits de vote, les 10 % restants étant attribués aux acteurs économiques.

Il reviendra à cette nouvelle structure de développer les pratiques sportives et de soutenir la haute performance. Les missions confiées à cette agence seront donc vastes :

- assurer une cohérence stratégique entre les niveaux nationaux et locaux ;

- améliorer l'évaluation des performances des fédérations dans la détection et la formation des athlètes à fort potentiel ;

- mobiliser des professionnels de soutien de très haut niveau ;

- rattraper le retard en matière de veille, de recherche et d'innovation ;

- attirer les meilleurs entraîneurs ;

- et mobiliser les startups du monde du sport.

Comme le proposait Claude Onesta dans son rapport de janvier 2018, il reviendra à cette agence de créer un accompagnement individualisé de l'athlète dans sa fédération mais également de veiller au suivi et à l'évaluation de la performance de l'allocation des moyens au sein des fédérations. Ce type d'organisation a déjà par le passé démontré sa pertinence au Royaume-Uni et au Canada pour améliorer la performance.

Afin de développer le sport pour tous, l'Agence nationale du sport devra répondre aux difficultés de coordination entre les financeurs. Une conférence régionale des financeurs pourrait ainsi être créée afin de coordonner les projets de financements au niveau local. Votre rapporteur pour avis n'a pas pu obtenir beaucoup de précisions sur le fonctionnement de cette conférence régionale et notamment sur la manière dont les collectivités territoriales pourraient être amenées à devoir s'inscrire dans un cadre collectif pour développer leurs projets . Sur le plan administratif, l'objectif serait qu'un seul dossier de subvention soit partagé entre les différentes collectivités territoriales pour chaque projet.

Le président du CNOSF a indiqué lors de son audition par votre rapporteur le 17 octobre dernier, qu'il faudrait sans doute de 5 à 6 ans pour opérer la transition.

La nouvelle agence du sport bénéficiera, en 2019, d'un budget évalué à près de 350 millions d'euros, qui intégrera les subventions accordées par le ministère des sports au Comité national olympique et sportif français (CNOSF), et au Comité paralympique et sportif français (CPSF). Le président du CNOSF, Denis Masseglia, souhaite que ce budget soit porté à 400 millions d'euros d'ici 2020 grâce à un prélèvement de 5 % sur les paris sportifs.

La création de cette agence a suscité de nombreuses interrogations et quelques inquiétudes, notamment de la part des fédérations mais aussi des syndicats. Les représentants du SNEPS s'inquiètent que l'agence ne soit qu'une « coquille vide » et s'interrogent sur les modalités de prise de décision. Comment les associations d'élus pourraient-elles notamment décider à la place des collectivités concernant des engagements financiers ? Qui siégera pour représenter les entreprises ? Le Medef n'a pas développé de compétence en matière sportive. Pour le SNEPS, « l'État va abandonner ses crédits d'intervention à une agence de concertation » . Plus généralement, les représentants de ce syndicat estiment qu'il s'agit d'une réforme budgétaire qui vise en particulier à remplacer des fonctionnaires par des agents privés .

Ces inquiétudes n'ont pas été apaisées par l'annonce du Gouvernement selon laquelle l'État ne rémunérera plus directement quelques 1 600 conseillers techniques sportifs (CTS). Même si cette évolution n'est pas prévue dans le présent PLF, la réaction a été vive dans le mouvement sportif comme en témoigne la lettre ouverte aux élus signée par près de 400 sportifs de haut niveau. La mobilisation a été d'autant plus forte que la réduction drastique des contrats aidés et la suppression de nombreux emplois associatifs a aussi fragilisé notre maillage territorial de clubs 5 ( * ) .

Pour les représentants du SNEPS, le changement de statut des CTS risque de bousculer toute l'organisation du sport pour dix ans car seuls 20 % d'entre eux seraient prêts à accepter ce changement de statut.

Le SNEP partage les inquiétudes évoquées précédemment d'une réforme uniquement budgétaire. Il souhaite le maintien d'un ministère des sports à côté du pôle éducatif sportif qui existe au ministère de l'éducation nationale. Ses représentants déplorent la baisse de 21 % en 2018 de nombre de postes d'enseignants en EPS. Ils estiment qu' « il y a un problème avec le sport en France car on ne donne pas envie aux jeunes de continuer notamment en milieu rural » .

Cette préoccupation concernant le sport scolaire est partagée par Jean-Luc Rougé, qui rappelle qu'il existe différents modèles dans le monde, le Royaume-Uni privilégiant l'école et les États-Unis l'université comme maillons principaux. En France, « le sport fait partie du monde éducatif, c'est un choix de l'État » . Il regrette que la priorité donnée au sport pour tous ait décrédibilisé le rôle de la licence.

Concernant l'évolution de la gouvernance, Jean-Luc Rougé n'approuve pas la création d'un GIP et préconise par contre la création d'une structure interfédérale au niveau national.


* 4 Cinq fédérations sont considérées comme étant en situation financière fragile (Athlétisme, Danse, Ski nautique, Maccabi, Taekwondo) tandis que 4 autres fédérations unisport connaissent une situation dégradée (Baseball, Hockey, Cyclisme et Échecs).

* 5 Nos collègues, Alain Dufaut et Jacques-Bernard Magner, ont mis en évidence les difficultés engendrées par la baisse des contrats dans leur rapport d'information n° 321 (2017-2018) « Réduction des contrats aidés : offrir une alternative crédible au secteur associatif »

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