III. UNE FRAGILISATION DURABLE DU SECTEUR ASSOCIATIF NON PRISE EN COMPTE PAR LE GOUVERNEMENT

A. UN MOUVEMENT ASSOCIATIF DURABLEMENT AFFAIBLI

1. La contraction de l'emploi associatif à la suite de la réforme des contrats aidés

En 2018, le gouvernement a réformé en profondeur le régime des contrats aidés.

D'une part, leur nombre a été fortement réduit : 200 0000 ont été votés en 2018 (dont 30 500 ont été réservés à l'Éducation nationale au titre de l'accompagnement des élèves en situation de handicap) et 100 000 9 ( * ) sont prévus pour 2019, alors qu'ils s'élevaient à 453 000 en 2016 et encore à 291 000 en 2017.

D'autre part, les contrats aidés ont été transformé en « parcours emplois compétences » (PEC) et recentrés exclusivement sur leur finalité d'insertion durable dans l'emploi pour les publics les plus en difficulté. Afin d'atteindre cet objectif, les obligations qualitatives des employeurs ont été accrues : introduction d'un entretien associant, aux côtés du prescripteur, l'employeur et le bénéficiaire, mise en oeuvre effective des obligations en matière d'engagements de formation et d'accompagnement par l'employeur.

Or, ces exigences induisent des coûts directs (formation) et indirects (encadrement) alors même que le dispositif introduit par le ministère du travail ne prévoit ni aide au tutorat, ni contribution à la formation pour les employeurs.

Au contraire, la prise en charge des PEC a été abaissée à 50 % du SMIC 10 ( * ) brut contre 75 % auparavant, avec des différences de prise en charge notables selon les régions. Ainsi, certains arrêtés préfectoraux ont imposé des taux de prise en charge plus restrictifs que la circulaire nationale : dans les régions Normandie et Bretagne, le taux s'élève à 35 % ; dans la région Grand Est et dans les Pays de la Loire, il est de 40 %.

Il en résulte qu'entre 2017 et 2018, le nombre de contrats aidés signés par les associations est passé de 83 661 à 32 773 tandis que 12 500 employeurs associatifs ont disparu dès 2017, en raison de la réduction brutale du nombre de contrats aidés décidée par le gouvernement.

Ainsi, les régies de quartier (7 000 emplois, 133 implantations) ont perdu 250 emplois. À Rouen, 70 personnes étaient employées. Seules 20 ont été maintenues dans leur emploi, mais la structure n'est plus viable.

Il est encore trop tôt pour disposer de statistiques précises sur les répercussions de la réforme des contrats aidés sur les associations et sur les secteurs particulièrement concernés par la réduction des contrats aidés. Toutefois, selon les représentants des associations et des collectivités territoriales entendus par votre rapporteur pour avis, les petites associations culturelles et sportives sont celles qui ont le plus souffert de la réforme . 20 % des clubs sportifs étaient menacés dans certaines régions en 2018.

La diminution des emplois associatifs va encore s'accentuer puisqu'en mai 2018, 92 000 salariés étaient encore bénéficiaires des anciens contrats aidés, lesquels ne seront pas renouvelés à échéance.

Les crédits affectés au financement des contrats aidés (en crédits de paiement) sont ainsi passés de 4,2 milliards d'euros en 2016 à 2,4 milliards en 2017, 1,4 milliard d'euros en 2018 et 600 millions d'euros en 2019. Cela constitue pour les associations, qui représentent plus du tiers du total des emplois aidés (38 %), une perte d'1,6 milliard d'euros de subventions indirectes.

2. L'impact négatif des réformes fiscales sur les ressources des associations

Les dispositions fiscales mises en oeuvre par la loi de finances pour 2018 ont eu un impact négatif important sur la générosité des contribuables en faveur des fondations reconnues d'utilité publique.

Ainsi, le remplacement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) a fait passer le nombre d'assujettis à cet impôt de 358 000 à 120 000 foyers (soit 66 % de foyers en moins), supprimant l'incitation qu'avaient de nombreux contribuables à faire preuve de générosité envers les fondations reconnues d'utilité publique.

Selon les chiffres de France Générosités, les premières estimations des fondations collectrices montrent une baisse moyenne d'au moins 50 % des dons provenant de l'IFI par rapport à 2017 . Cela représenterait pour l'année 2018 une perte de l'ordre de 130 à 150 millions d'euros.

Cette baisse de la collecte auprès des particuliers fortunés doit être replacée dans le contexte d'une baisse générale de la collecte grand public en raison de la réévaluation du taux de contribution sociale généralisée (CSG) - qui touche également les retraités, donateurs traditionnels - et les inquiétudes soulevées par la mise en oeuvre du prélèvement à la source à partir de 2019 11 ( * ) .

Ainsi, en 2018, la baisse des sommes collectées par l'Institut Pasteur attribuable aux réformes fiscales devrait s'élever à 3,5 millions d'euros sur douze mois, soit une diminution de 16 % sur un an (la collecte réalisée auprès des particuliers en 2017 avait permis de recueillir 21 millions d'euros au total).

Les réformes lancées en ce début de quinquennat ont donc grandement fragilisé le mouvement associatif. Or, si les discours du gouvernement insistent sur l'importance du secteur associatif, aucune mesure concrète n'a été prise jusqu'à présent pour le soutenir.


* 9 Auxquels il faut ajouter 30 000 PEC dédiés à l'accompagnement des élèves en situation de handicap sont le financement est transféré directement au ministère de l'éducation nationale.

* 10 Salaire minimum interprofessionnel de croissance.

* 11 L'article 3 du projet de loi de finances pour 2019 prévoit une avance égale à 60 % de la réduction d'impôt accordée l'année précédente qui devra être remboursée si les dons prévus ne sont pas effectués.

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