B. DES RÉSEAUX DE VENTE QUI RÉSISTENT

1. La part prépondérante des réseaux spécialisés

Il existe en France plus de 20 000 lieux où l'on peut acheter des livres, dont 15 000 ont une activité véritablement régulière de vente de livres et près de 5 000 exercent cette activité à titre principal . Le secteur emploie 15 000 personnes.

La part de marché des librairies a connu une lente érosion au fil des ans, passant de 25,8 % en 2006 à 21,5 % en 2013, principalement en raison du recul des librairies des grands magasins et surtout des librairies-papeteries-presse. Les dernières années ont vu une lente remontée, la part de marché étant maintenant stabilisée à 22 %.

Les grandes surfaces culturelles spécialisées ont dépassé le réseau des libraires en 2015, avec une part de marché de 24 % des ventes en valeur.

Les grandes surfaces non spécialisées ont réalisé 19 % des ventes de livres en 2016. Les hypermarchés, environ un millier en France, présentent un assortiment restreint et la part du poche, du livre de jeunesse, des dictionnaires, du pratique et du parascolaire y est prépondérante.

Les circuits de vente directe (vente par correspondance (VPC), courtage et clubs de livres) représentent 9,5 % du marché en 2017 (hors ventes des clubs par Internet).

La vente par Internet s'est considérablement développée ces dernières années et représente 20 % des ventes, contre 0,9 % il y a quinze ans. Six opérateurs principaux ont porté ce développement : Amazon, Fnac, BOL, Alapage, France Loisirs et Chapitre. Ils ne sont aujourd'hui plus que quatre, après la fermeture rapide de BOL (2001) et, plus récemment (2012), celle d'Alapage.

2. Des librairies indépendantes à l'équilibre fragile

Les librairies indépendantes apparaissent comme un secteur particulièrement fragile , qui justifie des aides publiques. En effet, leur développement est entravé par une rentabilité parmi les plus faibles du commerce de détail , des charges croissantes (transport, loyer, fiscalité, personnel...), des capacités d'investissement limitées alors que la modernisation est nécessaire pour répondre aux enjeux du secteur et à la concurrence accrue des réseaux de la vente en ligne, en particulier de certains acteurs établis à l'étranger qui bénéficient d'un environnement fiscal plus favorable.

Le Centre national du livre (CNL) intervient en faveur des librairies indépendantes selon deux modalités distinctes : des prêts sans intérêt (1,6 million d'euros en 2016) d'une part, principalement dans le cadre d'opérations de reprise ou de création de librairies, et des subventions (1,8 million d'euros en 2016) d'autre part. Le CNL gère dans ce dernier cadre un dispositif de soutien à la mise en valeur des fonds en librairie d'un montant de 930 000 euros en 2016 et un dispositif d'aide aux libraires francophones à l'étranger pour la constitution d'un fonds ou l'élargissement des stocks de livres en langue française pour 265 000 euros en 2016.

Le CNL instruit également les demandes de label de Librairie indépendante de référence (LIR) . Institué en 2009, ce label valable pour une durée de trois ans a pour objectifs de valoriser la qualité du travail de sélection, de conseil et d'animation de librairies indépendantes et de permettre aux collectivités qui le souhaitent de les exonérer de contribution économique territoriale (CET). En 2017, le label LIR a été attribué à 24 librairies, dont 18 pour la première fois, établissant à 537 le nombre de librairies bénéficiant du label. Cette reconnaissance offre la possibilité aux collectivités territoriales d'exonérer de CET l'établissement. Environ 80 % des bénéficiaires obtiennent une exonération totale. Le coût total pour les collectivités de l'exonération s'élève à 1,475 million d'euros en 2017 .

L'amendement « libraires » dans le projet de loi de finances pour 2018

Le Sénat avait adopté le 24 novembre, dans le cadre de l'examen de la première partie de la loi de finances pour 2018, un amendement qui visait à étendre la possibilité d'exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE) à toutes les librairies réalisant un chiffre d'affaires annuel d'au maximum 200 millions d'euros, dont au moins 50 % sur la vente de livres au détail et à terme.

Cette proposition a suscité de très fortes réactions du réseau des librairies indépendantes , qui souffre tout particulièrement de l'augmentation des loyers en centre-ville et de la concurrence de l'e-commerce. En effet, les principaux concernés craignaient que les collectivités, face à la charge financière potentielle, annulent les exonérations en vigueur . L'amendement n'a finalement pas été retenu, en particulier suite à une intervention de votre commission. Ce débat autour du périmètre du label LiR a cependant conduit à confier une mission à l'Inspection générale des affaires culturelles.

Source : commission de la culture du Sénat

À ces interventions viennent s'ajouter les contributions apportées par l'Institut pour le financement des industries culturelles ( IFCIC ) et par l'Association pour le développement de la librairie de création ( ADELC ).

L'IFCIC gère, pour le compte du ministère de la culture, un fonds spécialisé pour les industries culturelles à partir duquel il octroie des contre-garanties aux établissements bancaires qui consentent des prêts à des entreprises du secteur culturel, et notamment aux librairies. En 2017, 2,292 M€ de crédits ont bénéficié d'une garantie dans le cadre de ce dispositif . En outre, dans le cadre du plan de soutien à la librairie, un fonds d'intervention en trésorerie réservé aux librairies indépendantes (FALIB) a été créé à compter du 1 er janvier 2014 et placé auprès de l'IFCIC. Doté de 5 M€ et destiné à consentir des avances de trésorerie de court terme et moyen terme, il doit permettre de pallier le désengagement du secteur bancaire en matière de financement pour ces commerces. En 2017, 17 avances ont été accordées pour un montant de 1,4 M€ .

L'ADELC , quant à elle, gère le fonds de soutien à la transmission des librairies créé par le ministère de la culture en 2008, qui a bénéficié en 2014 d'un apport de 4 M€ venant abonder la dotation initiale de 3 M€. Le renforcement de la dotation du fonds en 2014 doit permettre de répondre à l'augmentation attendue du nombre de transmissions de librairies dans les années qui viennent, en raison du renouvellement générationnel des responsables de nombreuses librairies indépendantes. En 2017, l'ADELC a accompagné 11 opérations de reprise pour un total de 562 000 M€ d'avances accordées.

En 2017, le secteur de la librairie a ainsi bénéficié de 7,661 M€ sous forme de subventions, et de 3,21 M€ sous forme de prêts.

3. La place finalement modeste du livre numérique

Considéré il y a quelques années encore comme une menace mortelle pour le réseau des vendeurs , le livre numérique n'a pas connu le succès escompté. « L'objet » livre fait mieux que résister au numérique, exemple unique dans un monde bouleversé par les nouveaux usages dématérialisés.

Source : syndicat national de l'édition (SNE)

L'édition numérique a généré en 2017 un chiffre d'affaires de 202 millions d'euros , tous supports et toutes catégories éditoriales confondues et représente désormais 7,6 % du chiffre d'affaires des ventes de livres des éditeurs (6,4 % en 2016). Surtout, les ventes en numérique sont pour les trois quart issues du secteur universitaire et professionnel. Les ventes « grand public » sont donc très réduites .

Il existe un écart très important entre la part du numérique en Europe , comprise en 2 % et 5 %, et dans le monde anglo-saxon , où elle s'établit autour de 15 %. Cette différence s'explique surtout par la politique de prix bas pour les livres numériques, voire de vente à perte, menée par Amazon aux États-Unis et, plus encore au Royaume-Uni, pour faciliter l'adoption du Kindle. Cette politique n'a en revanche pu être menée sur les principaux marchés européens, qui ont étendu au livre numérique leurs lois de prix fixe du livre.

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