Avis n° 151 (2018-2019) de Mme Sylvie ROBERT , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 22 novembre 2018

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N° 151

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2018

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , pour 2019 ,

TOME II

Fascicule 2

CULTURE :
CRÉATION ET TRANSMISSION DES SAVOIRS
ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE

Par Mme Sylvie ROBERT,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; M. Max Brisson, Mme Catherine Dumas, MM. Jacques Grosperrin, Antoine Karam, Mme Françoise Laborde, MM. Jean-Pierre Leleux, Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot, M. Pierre Ouzoulias, Mme Sylvie Robert , vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Claude Kern, Mme Claudine Lepage, M. Michel Savin , secrétaires ; MM. Maurice Antiste, David Assouline, Mmes Annick Billon, Maryvonne Blondin, Céline Boulay-Espéronnier, Marie-Thérèse Bruguière, Céline Brulin, M. Joseph Castelli, Mmes Laure Darcos, Nicole Duranton, M. André Gattolin, Mme Samia Ghali, MM. Abdallah Hassani, Jean-Raymond Hugonet, Mmes Mireille Jouve, Claudine Kauffmann, MM. Guy-Dominique Kennel, Laurent Lafon, Michel Laugier, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Claude Malhuret, Christian Manable, Jean-Marie Mizzon, Mme Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, Stéphane Piednoir, Mme Sonia de la Provôté, MM. Damien Regnard, Bruno Retailleau, Jean-Yves Roux, Alain Schmitz, Mme Dominique Vérien .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 1255 , 1285 , 1288 , 1302 à 1307 , 1357 et T.A. 189

Sénat : 146 et 147 à 153 (2018-2019)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La mission « Culture » se décompose en trois programmes portant sur les crédits relatifs respectivement à la création, aux patrimoines et à la transmission des savoirs et à la démocratisation de la culture. En 2019, le budget de la mission s'élève à 3,1 milliards d'euros en autorisations d'engagement (+ 0,03 %) et à 2,94 milliards d'euros en crédits de paiement (+ 0,03 %).

Le présent fascicule regroupe l'examen successif de deux des trois programmes qui composent la mission « Culture » :

- le programme 131 « Création » , qui vise à encourager la création, à soutenir les artistes, les équipes artistiques et la structuration des professions artistiques et à favoriser la diffusion dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques. Avec 783,90 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 782,31 millions d'euros en crédits de paiement (CP), ce programme représente un peu plus de 25 % des crédits de la mission. Ses crédits sont stables en CP et se contractent de 7,6 % en AE par rapport à 2018 ;

- le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisations de la culture » . Avec 1 290,47 millions d'euros en autorisations d'engagement et 1 262 millions d'euros en crédits de paiement, les crédits de ce programme représentent environ 42 % des crédits de la mission. Plus de 60 % des crédits de ce programme financent les fonctions de « soutien » du ministère de la culture. Les autres crédits permettent de soutenir les établissements d'enseignement supérieur relevant du ministère, l'éducation artistique et culturelle, l'action culturelle internationale et le développement et la pérennisation de l'emploi dans le spectacle. Les crédits en faveur du soutien à la langue française et aux langues de France, jusqu'ici inscrits sur le programme 175 « Patrimoines », sont désormais portés par le présent programme.

Compte tenu de l'ampleur prise par l'enjeu d'accès à la culture, l'imbrication entre les deux programmes est de plus en forte.

INTRODUCTION

Qualifié l'an passé de « budget de transformation », le budget de la culture pour 2019 est présenté cette année comme un « budget de choix » . Lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2019, Françoise Nyssen, alors ministre de la culture, estimait que la stabilité de ce budget, dans un contexte marqué par des efforts de réduction des dépenses publiques, devait être interprété comme la marque de l'engagement du Gouvernement en faveur de la culture. C'est également ce qu'a indiqué Franck Riester lors de son audition devant votre commission le 14 novembre dernier, soulignant que le budget de la culture n'avait pas été une variable d'ajustement et qu'il allait permettre de lancer une politique culturelle ambitieuse.

Les crédits de la mission « culture » n'évoluent pratiquement pas par rapport à l'an passé dans un contexte marqué par une remontée de l'inflation. L' augmentation des crédits de paiement se limite à 0,03 % - comme d'ailleurs celle des autorisations d'engagement - pour s'établir à près de 2 938 millions d'euros , contre 2 937 millions d'euros en 2018. L'augmentation des crédits est donc moins importante que ne le laissait prévoir la prévision triennale présentée dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, qui avait autorisé une augmentation du plafond de la mission de l'ordre de 11 millions d'euros.

Répartition des crédits entre les programmes de la mission


Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat

Ce budget est marqué par trois priorités : garantir l' équité territoriale , soutenir l'accès de la jeunesse à la culture et préserver la diversité culturelle . En ce qui concerne les programmes 131 « Création » et 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », ces priorités se traduisent principalement par :

- un renforcement des crédits déconcentrés pour que les moyens soient gérés au plus près des territoires ;

- un effort particulier en faveur du développement de l' éducation artistique et culturelle et, notamment, du Pass culture , que le Gouvernement considère comme des outils de nature à permettre de garantir l'égalité de tous les enfants ;

- la poursuite du plan « Culture près de chez vous » , présenté le 29 mars dernier, pour conduire les artistes et les oeuvres sur les routes de France ;

- la mise en avant de la contribution du fonds pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps) et du futur Centre national de la musique (CNM) à la promotion de la diversité culturelle même si, dans les deux cas, les crédits ne paraissent guère au rendez-vous.

Évolution des crédits de chacun des programmes de la mission « Culture » entre 2018 et 2019

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Le nouveau ministre de la culture, Franck Riester, a repris à son compte ces différentes orientations. Il n'a manifesté sur aucun des sujets le signe d'une inflexion lors de son audition devant votre commission. Il a souligné l'effort de sincérité budgétaire réalisé dans l'élaboration de ce budget pour refléter au mieux les dépenses qui seraient effectivement engagées en 2019. Dans ces conditions, l'annonce du financement d'un certain nombre d'actions sur la base de crédits susceptibles d'être dégagés en gestion l'an prochain, outre qu'elle fait peser une forte incertitude sur des pans entiers d'intervention publique, paraît aussi contradictoire que regrettable, tant il prive le Parlement de ses moyens de contrôle sur l'action du Gouvernement et rend les budgets peu lisibles.

En revanche, le souci manifesté par le nouveau ministre de mieux associer le Parlement en amont de la prise de décision en ce qui concerne les actions conduites par le ministère de la culture parait de bon augure, alors que beaucoup de priorités, à commencer par le Pass culture, ont été élaborées jusqu'ici dans une grande opacité, en dépit du fort impact qu'elles sont susceptibles d'avoir tant sur les finances publiques que sur la manière de concevoir les politiques culturelles.

De même, sa volonté de mieux prendre en compte les collectivités territoriales est particulièrement nécessaire, tant leur contribution au financement de la culture et à la mise en oeuvre des priorités culturelles définies au niveau national est déterminante. Les collectivités territoriales ne sauraient être réduites à un rôle d'exécutant, d'autant que leurs marges de manoeuvre ne cessent d'être réduites, récemment encore dans le cadre de la contractualisation financière avec l'État, qui leur impose de ne pas accroître leurs dépenses courantes au-delà de 1,2 % par an.

LES PROGRAMMES 131 « CRÉATION » ET 224 « TRANSMISSION DES SAVOIRS »

I. QUELQUES AUGMENTATIONS CIBLÉES

A. UNE RECONDUCTION QUASI À L'IDENTIQUE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 131 « CRÉATION »

Pour la deuxième année consécutive, les crédits du programme 131 restent quasiment stables . Les crédits de paiement s'établissent à 782,3 millions d'euros, en hausse d'environ 3,4 millions d'euros (+0,44 %). Toutefois, compte tenu du niveau de l' inflation , susceptible d'atteindre près de 2 % en 2018, cette stabilité des crédits inquiète les professionnels, qui constatent que les marges de manoeuvre s'amenuisent de plus en plus.

La contraction sensible des autorisations d'engagement en 2019, à 783,9 millions d'euros (- 7,62 %), s'explique par l'ampleur des autorisations d'engagement en 2018, justifiée par plusieurs grands projets, en particulier l'engagement du projet de Cité du théâtre aux Ateliers Berthier et l'opération de relocalisation du Centre national des arts plastiques (CNAP) à Pantin. Compte tenu de l'échéancier des travaux, l'année 2019 ne requiert pas de reconduire ce niveau d'autorisations, qui pourraient repartir à la hausse en 2020. Les crédits inscrits au titre de 2019 devraient, pour ces deux projets, permettre de financer les études de maîtrise d'oeuvre.

1. Le spectacle vivant

Les crédits de l'action 1 baissent de 33 millions d'euros en autorisations d'engagement pour revenir au niveau de 2017, à 705,97 millions d'euros (- 4,53 % sur un an). Les crédits de paiement, en revanche, croissent d'un million d'euros pour s'établir à 705,94 millions d'euros (+ 0,15 %).

Les subventions pour charges de service public des différents opérateurs de l'État sont reconduites à un niveau équivalent à 2018 , où des efforts leur avaient été demandés pour réduire leurs coûts. Une fois encore, seul l'Opéra-comique bénéficie d'une revalorisation de sa subvention pour tenir compte de sa réouverture au printemps 2017 et de l'allongement de sa période de programmation. Un nouveau contrat d'objectifs et de moyens devrait être adopté en ce qui concerne cet opérateur d'ici la fin de l'année.

Les nouveaux crédits obtenus au titre de ce projet de loi de finances devraient principalement porter sur la mise en oeuvre des priorités gouvernementales en termes d'accès à la culture et d'irrigation culturelle des territoires . La baisse des crédits d'intervention centraux, qui s'établissent à 63,91 millions d'euros (- 7,58 millions d'euros, soit une baisse de 10 %), est compensée par une augmentation des crédits d'intervention déconcentrés , portés à 313,17 millions d'euros (+7,54 millions d'euros, soit une hausse de 2,5 %).

Typologie des bénéficiaires
des crédits d'intervention déconcentrés

Crédits PLF2018 AE=CP

Nombre de bénéficiaires

Montant minimum attribué à un bénéficiaire

Montant maximum attribué à un bénéficiaire

Crédits PLF2019 AE=CP

Nombre de bénéficiaires

Montant minimum attribué à un bénéficiaire

Montant maximum attribué à un bénéficiaire

Centres dramatiques nationaux (CDN)

60 771 966 €

37

550 000 €

4 807 000 €

61 371 966 €

38

550 000 €

4 807 000 €

Scènes nationales (SN)

58 296 984 €

73

310 000 €

3 578 000 €

58 781 984 €

74

310 000 €

3 578 000 €

Opéras nationaux en région (et maisons d'opéras)

28 086 506 €

15

364 000 €

6 043 817 €

28 486 506 €

15

364 000 €

6 043 817 €

Orchestres nationaux en région et opéras en région

22 303 736 €

18

480 000 €

2 414 356 €

22 203 736 €

17

480 000 €

2 414 356 €

Centres chorégraphiques nationaux (CCN)

15 306 353 €

19

500 000 €

1 572 000 €

15 381 353 €

19

500 000 €

1 572 000 €

Scènes de musiques actuelles (SMAC)

12 198 640 €

97

75 000 €

350 000 €

12 671 140 €

97

75 000 €

350 000 €

Centres nationaux des arts de la rue et de l'espace public (CNAREP)

4 784 692 €

14

250 000 €

822 000 €

4 784 692 €

14

250 000 €

822 000 €

Centres nationaux de création musicale (CNCM)

2 556 044 €

7

233 000 €

673 000 €

2 756 044 €

8

233 000 €

673 000 €

Pôles nationaux du cirque (PNC)

3 736 000 €

12

250 000 €

355 000 €

3 736 000 €

12

250 000 €

355 000 €

Centres de développement chorégraphique nationaux (CDCN)

3 326 535 €

12

100 000 €

371 000 €

3 491 535 €

12

100 000 €

371 000 €

Sous-total structures labellisées et réseaux

211 367 456 €

302

75 000 €

6 043 817 €

213 664 956 €

306

75 000 €

6 043 817 €

Sous-total aides aux lieux non labellisés

30 590 960 €

373

10 000 €

1 269 000 €

30 835 960 €

363

10 000 €

1 269 000 €

Sous-total aides aux équipes conventionnées

34 411 615 €

484

50 000 €

660 520 €

38 158 353 €

461

50 000 €

466 800 €

Sous-total aides aux équipes non conventionnées

12 680 322 €

780

1 000 €

215 000 €

12 680 322 €

783

5 000 €

90 000 €

Soutien aux festivals musicaux

3 972 111 €

25

2 000 €

590 000 €

4 617 611 €

90

2 000 €

399 000 €

Soutien aux festivals de théâtre et domaines connexes

1 789 057 €

82

2 000 €

399 000 €

2 129 757 €

30

2 000 €

590 000 €

Soutien aux festivals chorégraphiques

1 140 374 €

60

2 000 €

353 324 €

1 140 374 €

15

2 000 €

353 324 €

Soutien aux festivals pluridisciplinaires

163 531 €

15

1 000 €

30 000 €

1 463 531 €

14

1 000 €

30 000 €

Sous-total soutien aux festivals

7 065 073 €

182

1 000 €

1 372 324 €

9 351 273 €

149

1 000 €

590 000 €

Sous-total soutien aux résidences

5 557 225 €

160

2 000 €

320 000 €

5 662 225 €

211

2 000 €

180 000 €

Valorisation des écritures contemporaines

465 475 €

18

1 500 €

190 000 €

465 475 €

4

1 500 €

190 000 €

Organismes régionaux et départementaux

366 000 €

4

5 000 €

250 000 €

366 000 €

2

5 000 €

320 000 €

Recherche Patrimoine

199 000 €

4

7 000 €

295 000 €

364 000 €

1

7 000 €

190 000 €

Recherche Création

53 000 €

53 000 €

2

5 000 €

45 000 €

Contrats de filière musique

300 000 €

7

5 000 €

320 000 €

500 000 €

10

Sous-total autres dispositifs

1 383 475 €

33

1 500 €

320 000 €

1 748 475 €

19

1 500 €

320 000 €

Nouvelles labellisations et renforcement des marges artistiques

2 576 482 €

1 066 862 €

Total dépenses d'intervention fonctionnement services déconcentrés Action 1 - Spectacle vivant

305 632 608 €

2315

1 000 €

6 043 817 €

313 168 426 €

2296

1 000 €

6 043 817 €

Source : Ministère de la culture

Le ministère de la culture a fait part de son souhait de poursuivre sa politique de labellisation et d'accroître la mise en réseaux et les concertations avec les différents échelons territoriaux . À ce titre, 920 000 euros sont débloqués pour accompagner et consolider les structures labellisées existantes et financer de nouvelles labellisations. Un effort de 200 000 euros est consenti pour développer la signature des contrats régionaux de filière de musiques actuelles .

Si le soutien aux artistes et aux équipes artistiques est reconduit à l'identique par rapport à 2018, à 12,24 millions d'euros, un soutien renforcé (+ 250 000 euros) sera octroyé aux compagnies qui mutualisent les emplois administratifs entre elles ou créent des synergies artistiques , dans un souci de renforcer la structuration des professions artistiques. Dans l'objectif de favoriser la création indépendante, 450 000 euros devraient venir abonder le mécanisme d'accompagnement financier, courant sur une période de trois ans, des directeurs artistes de centre dramatique national (CDN) ou de centre chorégraphique national (CCN) au terme de leur mandat à la tête de ces institutions.

Enfin, afin d'encourager le développement du secteur de l'économie sociale et solidaire , des mesures nouvelles (+ 250 000 euros) sont prévues en direction des lieux intermédiaires , portant le niveau du soutien à hauteur de 500 000 euros.

2. Les arts visuels : un niveau de crédits toujours faible

Malgré une hausse de près de 2,4 millions d'euros des crédits de paiement par rapport à 2018 (+ 3,24 %), les crédits de l'action 2 « soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts visuels » restent profondément déséquilibrés par rapport à ceux du spectacle vivant . L'action 2 repasse même, en autorisations d'engagement, sous la barre symbolique des 10 % qui avait été franchie depuis 2017. Cette situation persistante étonne d'autant plus que l'intérêt du public pour les arts visuels ne se dément pas : la fréquentation des lieux de diffusion des arts visuels atteindrait le tiers de celle dans le domaine du spectacle vivant, mais à peine 10 % des crédits du programme « Création » sont consacrés aux arts visuels.

Évolution de la part des crédits de l'action 2 dans le programme 131

LFI 2017

LFI 2018

PLF 2019

Autorisations d'engagement

11,4 %

12,9 %

9,9 %

Crédits
de paiement

9,9 %

9,5 %

9,8 %

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Outre deux enveloppes supplémentaires de 200 000 euros destinées à accroître le soutien du ministère de la culture en faveur respectivement de la photographie et de la mode et du design , les autres mesures nouvelles inscrites au projet de loi de finances pour 2019 visent, à nouveau cette année, à accroître la présence des arts visuels dans les territoires :

- 200 000 euros sont débloqués pour faciliter l'adoption de nouveaux schémas d'orientation pour le développement des arts visuels (SODAVI) , destinés à renforcer la filière des arts visuels dans les territoires par le biais de la concertation et de la mise en réseau des différents acteurs.

- 130 000 euros supplémentaires sont consentis pour accompagner le développement des FRAC et des centres d'art contemporain d'intérêt national en régions .

En revanche, aucun effort similaire à celui réalisé en faveur du soutien aux lieux intermédiaires et indépendants participant à l'économie sociale et solidaire dans le domaine du spectacle vivant n'est prévu dans le domaine des arts plastiques. De nombreuses associations participent pourtant à la diffusion des arts visuels et jouent un rôle important dans les premières années de la carrière des artistes visuels. Pratiquement rien n'est fait dans leur direction et les aides à la création se concentrent exclusivement sur les artistes individuels.

Votre rapporteure a reçu l'assurance que le décret portant création du Conseil national des professions des arts visuels (CNPAV) serait publié avant la fin de l'année, ouvrant ainsi la voie à l'installation de ce nouvel organe. Sa création est demandée depuis plusieurs années, tant une instance de dialogue entre les organisations professionnelles, l'État et les collectivités territoriales fait aujourd'hui défaut au regard de la fragilité importante de ce secteur, accrue par son manque de structuration et de reconnaissance.

B. UNE HAUSSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 224 « TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE » QUI PROFITE ESSENTIELLEMENT À L'OBJECTIF GOUVERNEMENTAL D'AMÉLIORER L'ACCÈS À LA CULTURE

Le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », même hors dépenses de personnel , est celui qui connaît la progression la plus sensible de ses crédits . Les crédits de paiement, hors titre 2, progressent de 11,5 millions d'euros (+2,2 %) .

En revanche, les autorisations d'engagement enregistrent une baisse de 25,5 millions d'euros (- 4,3 %). Elle s'explique principalement par la diminution des investissements dans les établissements de l'enseignement supérieur culture et la réduction du montant des autorisations d'engagement au titre du fonds pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps).

Compte tenu de la priorité du Gouvernement d'améliorer l'accès à la culture et de soutenir l'emploi dans le secteur culturel, l'action 2 « Soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle » et l'action 8 « Développement et professionnalisation de l'emploi dans le spectacle » sont les deux principales actions bénéficiaires des augmentations de crédits.

Les crédits de l' action 2 , sur laquelle sont inscrites l'enveloppe pour les projets d'éducation artistique et culturelle, celle de mise en oeuvre du plan « Culture près de chez vous », et celle destinée à la part de l'État dans le financement du Pass culture, progressent de près de 30 millions d'euros (+ 17,5 %). Il s'agit de l'action sur laquelle se concentrent l'essentiel des efforts réalisés au titre de ce projet de loi de finances pour 2019.

Le plan « Culture près de chez vous »

Le Plan « Culture près de chez vous », présenté par la ministre de la Culture le 29 mars 2018, a pour objectif de lutter contre la ségrégation culturelle dans certaines zones de nos territoires, identifiées comme territoires prioritaires, où l'offre en équipements culturels publics est peu dense,

Il repose sur trois piliers : la circulation des artistes, la circulation des oeuvres et l'implantation de Micro-Folies.

Il mobilise 6,5 millions de crédits supplémentaires en 2018, dont 3 M€ déconcentrés en DRAC, sur le Programme 224 (Transmission des savoirs) et 3,7 M€ de crédits dédiés à l'itinérance sur le programme 131 (Création).

Cette politique, fondée sur un dialogue partenarial avec les collectivités territoriales, s'appuie sur l'implication de l'ensemble du réseau du ministère de la Culture : les services du ministère de la Culture et en premier lieu les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), les établissements publics nationaux du spectacle vivant (EPPGHV, Chaillot, Comédie-Française, Opéra de Paris, Opéra comique...), les musées nationaux, le réseau des 450 labels de la création artistique (FRAC, scènes nationales, centres dramatiques nationaux...), ainsi que tous les autres acteurs culturels soutenus par le ministère de la Culture.

S'agissant de la circulation des oeuvres dans les territoires prioritaires, le Plan « Culture près de chez vous » s'est accompagné de la mise en place d'un catalogue de 480 oeuvres muséales iconiques prêtées par 61 institutions nationales : 60 lieux sur les territoires en ont bénéficié.

Le déploiement de 200 Micro-Folies, dès 2018, sur l'ensemble du territoire, est piloté par l'établissement public du parc et de la grande halle de La Villette (EPPGHV). Elles ont vocation à s'implanter dans des quartiers de la politique de la ville mais également en milieu rural, adossées, de préférence, à une structure culturelle existante. Imaginées par l'EPPGHV, les Micro-Folies sont des espaces modulables de démocratie culturelle et d'accès ludique aux oeuvres de 12 grands opérateurs culturels partenaires de cette initiative (Château de Versailles, Centre Pompidou, Louvre, Musée national Picasso, Musée du Quai Branly, Philharmonie de Paris, RMN-GP, Universcience, Institut du Monde Arabe, Musée d'Orsay, Opéra national de Paris, et le Festival d'Avignon), sous la forme d'un musée numérique. Ces espaces pourront également intégrer un Fab-Lab, un espace scénique et un espace de rencontre, qui permettent aux habitants des territoires d'être à la fois spectateurs et créateurs. Les Micro-Folies sont conçues en fonction des besoins des collectivités territoriales au regard des spécificités du territoire.

Source : Ministère de la culture

Si votre rapporteure salue l'initiative du ministère de la culture, elle tient à souligner qu'aujourd'hui, l'accès à la culture ne peut reposer uniquement sur une logique de mise à disposition des « grandes oeuvres » par le biais de la mobilisation des opérateurs nationaux et du jumelage de ces établissements avec des acteurs culturels locaux. Cette approche de démocratisation culturelle n'est plus suffisante. S'intéresser à la « culture près de chez soi », c'est aussi avoir un regard attentif sur les ressources artistiques et culturelles d'un territoire donné ; accompagner les acteurs culturels qui mettent en oeuvre des projets associant les habitants, en tant que sujets porteurs de culture, et qui favorisent ainsi la pratique artistique. En somme, c'est développer une vision beaucoup plus ascendante, qui laisse une place aux droits culturels et soutient les initiatives artistiques en prise avec les territoires.

Les crédits de l' action 8 progressent de 5 millions d'euros (+ 20 %), malgré la baisse des crédits du Fonpeps, en raison de l'inscription sur cette ligne des 18 millions d'euros de crédits destinés à pérenniser la compensation de la hausse de la CSG pour les artistes auteurs . Sur ce point, votre rapporteure regrette profondément l'inertie du Gouvernement à traiter cette problématique. Lors des discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 il y a un an, le principe d'une compensation pour l'année 2018 avait été acté , dans l'attente d'une solution pérenne.

Le décret du 15 mai 2018 a institué une mesure de soutien au pouvoir d'achat des artistes-auteurs. Outre qu'il ne s'agit nullement d'un mécanisme de compensation, alors que le Gouvernement s'était engagé en ce sens lors des débats parlementaires, il ne vise que les auteurs affiliés et non l'ensemble des auteurs assujettis, excluant de fait une partie importante du public cible. Un an plus tard, force est de constater que la situation n'a guère évolué et demeure préoccupante, d'autant plus que les artistes-auteurs n'ont toujours pas perçu le moindre versement .

Au cours des échanges sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 , le Gouvernement a précisé que la mesure de soutien au pouvoir d'achat des artistes-auteurs serait reconduite en 2019 , à un niveau équivalent, et a esquissé les brides d'une solution pérenne à partir de 2020 . Votre rapporteure appelle néanmoins à faire bénéficier de cette mesure transitoire l'ensemble des artistes-auteurs, ce qui implique nécessairement d'augmenter le montant alloué à ce dispositif. C'est pourquoi, elle sera particulièrement vigilante à la lettre du prochain décret.

Une petite partie de la hausse des crédits du programme 224 s'explique par le transfert, en provenance du programme 175 « Patrimoines », des crédits consacrés à la promotion et au développement du patrimoine linguistique de la France , qu'il s'agisse du français, des langues de France ou du plurilinguisme. Une nouvelle action 9 « Langue française et langues de France », dotée de 3,2 millions d'euros de crédits, un montant stable par rapport à 2018, permettra en particulier de financer une partie des actions résultant du plan « Langue française et plurilinguisme » lancé par le Président de la République le 20 mars 2018 à l'occasion de la journée internationale de la francophonie. Un million d'euros permettra de reconduire l'appel à projets destiné à mobiliser des actions en faveur de la maîtrise du français en direction des populations les plus vulnérables sur l'ensemble du territoire, avec un effort particulier réalisé en direction des populations migrantes.

Les grandes lignes du plan « Langue française et plurilinguisme »

Sur la base des conclusions du travail préparatoire mené par Leïla Slimani, la stratégie présentée en mars dernier par le Président de la République doit permettre de défendre la francophonie , de faire vivre la langue française et de la faire passer de la cinquième place à la troisième place des langues les plus parlées dans le monde.

Le plan comporte 33 mesures , classées en trois catégories, « Apprendre », « Communiquer » et « Créer » . Ces mesures portent autant sur la formation des étudiants étrangers, sur le soutien à l'éducation et à la création en Afrique que sur la valorisation du métier de professeur de français, la diffusion de la langue française via le numérique, le renforcement du français dans les mondes économique ou diplomatique, le soutien à la traduction, le lancement d'une impulsion pour les industries culturelles ou encore, en France, l'ouverture des bibliothèques le dimanche et le soir, l'augmentation du volume de cours de français à destination des réfugiés, l'introduction de davantage d'écrivains d'expression française, autre que français, dans les programmes scolaires, ou encore l'organisation d'un concours international d'éloquence en français dont la finale se tiendra à Paris, avant l'ouverture des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024.

Les crédits inscrits au titre de la nouvelle action 9 du programme 224 devraient financer des actions en faveur de la promotion de la langue française et du plurilinguisme autour des trois axes suivants :

- le développement d'une communauté linguistique française à l'échelle mondiale ;

- l'appropriation et la maîtrise de la langue française en France , en particulier au bénéfice des personnes les plus fragiles et, en premier lieu, des réfugiés ;

- la construction d'une francophonie des savoirs , afin que le français demeure une langue majeure des sciences et des techniques.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

En revanche, les trois autres actions du programme devraient voir leurs crédits baisser en 2019 :

- l' action 1 « Soutien aux établissements d'enseignement supérieur et insertion professionnelle » voit ses crédits de paiement se contracter de plus de 22 millions d'euros , même si les moyens des établissements sont globalement préservés et qu'une enveloppe de 730 000 euros est annoncée pour l'accompagnement de la mise en place du statut d'enseignant-chercheur au sein des établissements nationaux de l'enseignement supérieur culture de manière à faciliter le rapprochement de ces établissements avec le schéma européen Licence, Master, Doctorat (LMD) issu des accords de Bologne. La mise en place de doctorats et d'activités de recherche au sein de ces établissements revêt un caractère déterminant pour garantir leur plein alignement sur les standards de l'enseignement supérieur français et européen ;

- l' action 6 « action culturelle internationale », qui avait été fortement revalorisée en 2017 et 2018 dans la foulée de l'adoption de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine et de la réflexion autour de la création de lieux refuges pour les biens culturels en péril, enregistre une baisse de ses crédits de près de 10 %, faisant revenir sa dotation juste en dessous de son niveau de 2017 ;

- l' action 7 « fonctions de soutien du ministère » est en baisse de 5 %, dans une période marquée par un vaste mouvement de dématérialisation des démarches administratives du ministère, avec la mise en oeuvre du programme 100 % DEMAT.

C. LES QUESTIONS D'EMPLOI

1. Une baisse des emplois du ministère qui ne devrait pas toucher les DRAC

Dans un contexte global marqué par une réorganisation de son fonctionnement, le mouvement de réduction du plafond d'emplois du ministère de la culture engagé depuis 2018 devrait se poursuivre . Après un premier abaissement du schéma d'emplois en 2018, qui s'est traduit par un recul de 41 équivalents temps plein annuel travaillé (ETPT) cette année, le plafond d'emplois du ministère s'établit pour 2019 à 11 089 ETPT, en recul de 59 ETPT par rapport au plafond d'emplois autorisé en loi de finances initiale pour 2018. La loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022 prévoit un schéma d'emplois à hauteur de - 160 ETPT sur le titre 2 et le titre 3 chaque année jusqu'en 2022.

L'emploi est en revanche sanctuarisé, à la fois dans les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) et dans les services à compétence nationale, de manière à ne pas en affecter le fonctionnement, alors que le ministère souhaite s'appuyer de manière croissante sur ses services déconcentrés.

Par ailleurs, les crédits inscrits pour les dépenses de personnel devraient progresser en 2019 de manière à permettre la poursuite de l'amélioration des conditions de rémunération des agents du ministère. Les dépenses de personnel (titre 2) prévues sur le programme 224 croissent de 9 millions d'euros en autorisations d'engagement (+ 1,3 %) et de 9,9 millions d'euros en crédits de paiement (+ 1,4 %).

2. Une période charnière pour les emplois culturels

Avec l'ouverture d'une nouvelle négociation autour du régime de l'assurance chômage, l'emploi dans le domaine culturel semble aujourd'hui à une période charnière. A priori , l'accord relatif à l'assurance-chômage des intermittents du spectacle conclu en 2016 avant d'être ratifié en avril 2017 ne devrait pas être remis en cause , d'autant que sa validité devait s'étendre sur une période de trois ans courant du 1 er octobre 2017 au 30 septembre 2020. Le ministère du travail ne paraît pas favorable à rouvrir les discussions autour de cet accord, même si les économies qu'il aurait permis de réaliser (66 millions d'euros) seraient légèrement inférieures aux prévisions initiales réalisées par l'Unédic (90 millions d'euros).

Au demeurant, cet accord s'est accompagné de la création d'un fonds national pour soutenir l'emploi pérenne dans le spectacle vivant et enregistré (Fonpeps) , au sein des structures publiques comme privées. La dizaine de mesures qui le compose a été progressivement mise en place à partir de janvier 2017 et ne produit pas encore, de ce fait, tous ses effets. Le déficit de l'assurance chômage pourrait, à terme, également se réduire du fait des effets bénéfiques de ce dispositif, notamment en termes d'allongement de la durée des contrats.

On peut dès lors regretter, d'une part, la lenteur de la montée en puissance de ce dispositif et, d'autre part, la baisse des crédits qui devraient lui être consacrés en 2019, alors même que les effets de ces dispositions n'ont pas encore pu être véritablement évalués.

Même si l'on ne peut que se réjouir que le Gouvernement ait décidé de proroger le dispositif au-delà de 2018 , ce qui n'était pas assuré, seuls 9,59 millions d'euros de crédits de paiement sont inscrits au titre de l'année 2019, contre 22,59 millions d'euros en 2018 (- 57,55 %). La lente montée en puissance des différents dispositifs expliquerait ce fort réajustement. Elle tiendrait à la fois à leur méconnaissance persistante et à des difficultés à activer certains d'entre eux du fait de leur calibrage trop ciblé . Une réflexion serait en cours pour regrouper les mesures existantes autour de trois axes :

- la pérennisation et l'allongement des contrats , avec l'idée de mieux intégrer les différents dispositifs existants (aide à l'embauche d'un premier salarié en contrat à durée indéterminée, prime à l'emploi pérenne des salariés du spectacle, prime aux contrats de longue durée dans le secteur du spectacle et aide à l'embauche de jeunes artistes diplômés). Depuis la mise en place du Fonpeps en 2017, 8,45 millions d'euros seulement auraient été consommés jusqu'ici au titre de ces différentes mesures ;

- le soutien aux secteurs fragiles ou en développement autour du dispositif de soutien à l'emploi dans le secteur de l'édition phonographique, dont le fonctionnement se révèle aujourd'hui insatisfaisant, et du nouveau dispositif de soutien à l'emploi du plateau artistique de spectacles vivants diffusés dans des salles de petite jauge, créé très récemment par un décret du 4 juillet 2018. Cette nouvelle mesure doit permettre d'irriguer les territoires, notamment ruraux, en apportant un soutien aux salles dont la capacité est inférieure à 300 places ;

- l'aide à des dispositifs de soutien créés par accord collectif pour répondre aux besoins du secteur , à l'image du dispositif d'aide à la garde d'enfants mis en place pour faciliter l'emploi des intermittentes.

La disparition du dispositif des emplois aidés en janvier 2018 a fragilisé de nombreuses structures qui interviennent dans le domaine de la culture, qui y avaient recours jusqu'à présent. Son remplacement par le dispositif des parcours emploi compétences (PEC) a considérablement changé la donne pour les associations culturelles, compte tenu des conditions exigées pour la formation et l'accompagnement personnalisé des salariés embauchés en PEC et de la participation financière désormais réduite de l'État dans ce cadre. Un certain nombre d'entre elles ont été contraintes d'abandonner leur activité, avec des conséquences qui pourraient ne pas être négligeables dans les zones déjà blanches de la culture, qu'il s'agisse des zones rurales ou des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Votre rapporteure appelle le Gouvernement à prendre conscience de ces effets extrêmement préjudiciables qui vont à l'encontre de la volonté politique exprimée d'endiguer les fractures ou déserts culturels . De manière générale, la cohérence entre certaines décisions, aux impacts immédiats et dévastateurs, et le discours positif sur la politique culturelle, laisse perplexe.

Le ministère de la culture n'aurait pas véritablement conduit, à ce stade, d'étude sur le sujet , faute de disposer du recul suffisant pour apprécier l'impact de ces changements sur l'emploi dans le domaine de la culture. Un délai minimal d'un an serait nécessaire pour recueillir des données exploitables. Il serait important que cette évaluation soit effectivement réalisée pour déterminer l'impact de ces évolutions sur les structures culturelles et les risques qu'elle peut induire sur l'aménagement culturel du territoire. Ses effets sur les associations oeuvrant dans le domaine des arts visuels ont été significatifs, d'autant que celles-ci n'ont pas accès à d'autres dispositifs comme celui du Fonpeps, conçu seulement à destination du spectacle vivant.

II. LES POINTS DE VIGILANCE DE VOTRE RAPPORTEURE

A. DES MARGES DE MANoeUVRE DE PLUS EN PLUS FAIBLES POUR METTRE EN oeUVRE LES PRIORITÉS GOUVERNEMENTALES

1. Un budget « serré » laissant à l'État des marges de manoeuvre de plus en plus réduites

Le niveau des crédits de la plupart des actions semble avoir été passé au crible de manière à dégager des marges de manoeuvre pour pouvoir financer, à budget quasi constant, les priorités du ministère . C'est en particulier le Pass culture, mesure sans doute la plus emblématique de ce quinquennat dans le domaine de la culture, qui en est le principal bénéficiaire (+ 29 millions d'euros par rapport à 2018).

L'exemple des crédits consacrés au financement des établissements d'enseignement supérieur placés sous la tutelle du ministère de la culture , qui devraient enregistrer en 2019 une baisse significative , de l'ordre de 22 millions d'euros (- 8,34 %), en est une bonne illustration. D'après les informations communiquées à votre rapporteure, cette contraction des crédits ne devrait pas impacter les missions des établissements, dont les moyens de fonctionnement seraient même légèrement renforcés (+ 1 million d'euros). La baisse concerne les dépenses d'investissement, d'une part, et les bourses sur critères sociaux, d'autre part.

Les dépenses d'investissement dans l'enseignement supérieur culture enregistrent une baisse de 17,4 millions d'euros en crédits de paiement par rapport à 2018. Elle correspond pour l'essentiel à l'adaptation des échéanciers d'investissement à l'avancement effectif des travaux, notamment compte tenu des retards pris dans les travaux des écoles nationales supérieures d'architecture de Marseille et Toulouse et du report du lancement de l'opération de relocalisation de l'école nationale supérieure d'art de Cergy-Pontoise.

Les crédits consacrés aux bourses sur critères sociaux auraient été surévalués d'environ un tiers ces dernières années au regard des spécificités de la démographie étudiante dans l'enseignement supérieur culture par rapport au reste de l'enseignement supérieur. Fin 2016, le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) aurait ainsi disposé d'avances de trésorerie représentant environ une année complète de fonctionnement du fait de cette surévaluation. Un effort de rationalisation avait été amorcé en 2018, avec une première baisse du montant de ces crédits de l'ordre de 10 millions d'euros. Le mouvement devrait être poursuivi en 2019 avec une nouvelle baisse de plus de 2 millions d'euros.

Évolution des bourses attribuées aux étudiants
des établissements de l'enseignement supérieur culture

En M€

PLF 2013

PLF 2016

PLF 2017

PLF 2018

PLF 2019

Bourses sur critères sociaux (BCS)

25,70

33,42

33,60

23,73

21,56

Aides spécifiques pour les déplacements
des étudiants d'Outre-mer

0,20

0,21

0,21

0,21

0,21

Aide au mérite

Compris dans BCS

0,65

0,72

0,72

Compris dans BCS

Frais de gestion CNOUS

0,50

0,70

0,726

0,51

0,45

Assistance aux étudiants en situation
de handicap

-

-

0,25

0,25

0,20

FNAU (fonds national d'aides d'urgence)

0,50

0,60

0,60

0,60

0,50

Allocations formation recherche (AFR) ;
bourses Focillon et INP

0,50

0,45

0,45

0,45

0,34

Bourses de mobilité dans les écoles d'architecture

1,30

1,30

1,29

1,29

1,50

Aides individuelles aux élèves des conservatoires à rayonnement régional (CRR) et des conservatoires à rayonnement départemental (CRD)

-

1,10

1,60

1,60

1,60

Aide à la recherche du premier emploi (ARPE)

-

-

2

0,5

0,50

TOTAL

28,70

38,445

41,45

29,86

26,86

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat
à partir d'informations communiquées par le ministère de la culture

Cette première baisse des crédits l'an passé ne semble effectivement pas avoir eu d'impact sur le nombre de bénéficiaires des bourses sur critères sociaux, qui a continué de croître, comme le confirme le tableau ci-après :

2013/2014

2014/2015

2015/2016

2016/2017

2017/2018

Boursiers sur critères sociaux enseignement supérieur (y.c. aides au mérite)

10 302

10 448

10 577

10 981

11189

Boursiers spécifiques écoles d'architecture (aides à la mobilité)

1 235

1 220

1074

1 517

1137

Total boursiers

11 537

11 668

11 651

13 208

12 326

Source : Ministère de la culture

Évolution du nombre de bénéficiaires
pour chaque catégorie de bourses sur les dernières années :

Il conviendra cependant d'observer ces chiffres l'année prochaine, pour s'assurer que les réserves dont dispose le CNOUS demeurent suffisantes pour honorer les demandes de bourses.

Le fort réajustement opéré sur la dotation du Fonpeps procède sans doute de la même volonté de dégager des crédits pour financer les priorités identifiées par le Gouvernement. Le tempo de cette décision et l'ampleur de la baisse peuvent néanmoins surprendre, alors qu'une nouvelle mesure destinée à soutenir les salles de petite jauge a été créée en juillet dernier et qu'une réorganisation de l'ensemble des dispositifs est envisagée pour en accroître la performance et la mobilisation. Lors de son audition devant votre commission, mercredi 14 novembre, le ministre de la culture, Franck Riester, a lui-même reconnu qu'« il ne peut pas y avoir de création sans créateurs ». Il a loué l'intérêt du Fonpeps pour pérenniser les emplois dans le spectacle et regretté qu'il n'ait pas été davantage utilisé jusqu'à présent.

Il est vrai que la baisse des crédits, tant en ce qui concerne l'action 1 et l'action 8 du programme 224, peut répondre à un souci de sincérité budgétaire . Cet argument est d'ailleurs largement mis en avant par le Gouvernement. Il peut cependant apparaître contradictoire avec l'annonce par le ministre du financement d'un certain nombre de priorités par la voie de crédits qui ne sont pas spécifiquement inscrits dans le bleu budgétaire , mais devraient être dégagés en gestion l'année prochaine. C'est par exemple le cas, pour le programme 131, des 5 millions d'euros destinés à la création du Centre national de la musique (CNM) ou, pour le programme 224, des 800 000 euros qui doivent être débloqués pour permettre l'alignement des rémunérations des enseignants des écoles supérieures d'art territoriales sur celles des enseignants des écoles supérieures d'art nationales, et qui répondent à la fois au souci de reconnaître le travail de formation effectué par ces enseignants et à la nécessité absolue de renforcer l'attractivité de ces écoles territoriales.

Cette pratique consistant à annoncer, avant même que la loi de finances de l'année à venir ne soit votée , qu'un certain nombre d'actions seront prises en charge en gestion sans crédits spécifiques, ne paraît pas de bonne méthode . Certes, la loi organique relative aux lois de finances offre la possibilité d'utiliser, au sein d'un même programme budgétaire, les crédits votés pour des dépenses pour lesquelles elles n'étaient pas prévues en vertu du principe de fongibilité des crédits. Mais, en l'espèce, ces dépenses sont effectivement prévues, ce qui, d'une part, renvoie l'image d'une gestion peu rigoureuse de l'argent public , et, d'autre part, rend le contrôle parlementaire sur l'emploi des crédits particulièrement délicat . Elle laisse en effet entendre, dès le départ, aux parlementaires que le budget tel qu'il sera exécuté sera différent du projet de budget qui leur est soumis.

Il conviendra par ailleurs d'être vigilant à ce que ces différents ajustements budgétaires ne compromettent pas les capacités de l'État à faire face aux besoins en matière culturelle. Elle accroît le risque que certaines dépenses culturelles se retrouvent à la merci d'annulations de crédits . La décision d'abaisser le niveau de la réserve de précaution depuis deux ans rend ces annulations d'autant plus plausibles.

D'après les informations communiquées à votre rapporteure, les efforts de réduction des crédits consentis dans le projet de loi de finances pour 2019 en ce qui concerne les bourses ou les programmes de travaux des établissements de l'enseignement supérieur culture pourront être difficilement renouvelés à l'occasion des prochains exercices . Le niveau des investissements dans les écoles est à un point bas qui ne pourra pas perdurer, compte tenu des besoins existants en matière de remise aux normes et des différents projets en cours ou en perspective (école nationale supérieure d'art de Cergy-Pontoise, école nationale supérieure d'architecture de La Villette, conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon). De même, le niveau des bourses devra impérativement être réévalué quand les réserves disponibles auront été intégralement consommées. Les services du ministère évoquent à coup sûr 2021, sauf à ce que des annulations de crédits interviennent d'ici là. Il faudra cependant s'assurer que l'intégration de l'ensemble des établissements de l'enseignement supérieur culture à Parcoursup d'ici 2020 n'ait pas des effets sur la composition de la démographie étudiante qui pourrait rendre délicate le financement des bourses.

Inquiétudes des écoles d'art autour de leur intégration dans Parcoursup

Si l'intégration de l'ensemble des établissements de l'enseignement supérieur culture dans le dispositif Parcoursup d'ici 2020 pourrait améliorer la visibilité de cette orientation auprès des lycéens, à condition d'élaborer l'algorithme en conséquence, elle suscite des interrogations au sein de l'ANdEA, compte tenu de la spécificité de ces établissements par rapport au reste des établissements de l'enseignement supérieur.

Nombre d'étudiants des écoles d'art présentent des parcours atypiques (étudiants en reprise d'études, étudiants étrangers) pour lesquels l'inscription obligatoire à réaliser via Parcoursup avant le 15 mars de chaque année pourrait poser problème. Compte tenu de l'enrichissement apporté par ces étudiants au sein des écoles, l'ANdEA propose que la possibilité d'organiser un deuxième concours en parallèle selon un calendrier plus long soit conservée.

Le calendrier très resserré imposé par Parcoursup aux établissements pour organiser les épreuves d'examen d'entrée devrait conduire à l'organisation concomitante de plusieurs concours d'entrée, réduisant le choix offert aux élèves et augmentant la concurrence entre les établissements, à moins que ceux-ci ne décident de mutualiser leurs examens d'entrée, rendant impossible les rencontres sur site des candidats, qui sont aujourd'hui l'occasion de mettre en avant les spécificités des établissements. L'ANdEA sollicite l'extension de la période d'organisation des concours d'entrée pour éviter que ne survienne une baisse du niveau de recrutement.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat

L'expérience passée montre combien il est difficile, une fois la décision d'abaisser une ligne budgétaire prise, de renouer ensuite avec les niveaux de crédits connus précédemment . Même lorsqu'une augmentation est décidée, elle reste généralement dans des proportions nettement inférieures aux baisses intervenues antérieurement.

L' évolution des crédits des conservatoires en est une parfaite illustration. Le réengagement de l'État dans le financement des conservatoires depuis 2016, après un mouvement de baisse continue des crédits intervenu à partir de 2013, dont le paroxysme fut atteint en 2015, ne s'est révélé que partiel. Le montant des crédits qui devraient être consacrés en 2019 aux conservatoires (environ 21 millions d'euros, en reconduction par rapport à 2018) demeure en deçà des 35 millions d'euros octroyés aux conservatoires en 2006 ou même des 27 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale pour 2012.

Évolution des crédits des conservatoires depuis 2017

2017

2018

2019

Action 1 : Soutien aux CRR et CRD adossés à des pôles d'enseignement supérieur

dotation théorique

6,00

6,00

6,00

programmé

4,35

5,50

6,43

dont Aides individuelles

-

0,77

1,08

1,08

Action 2 : Soutien aux conservatoires classés en faveur de la jeunesse et de la diversité

dotation théorique

10,92

13,77

13,77

programmé

11,46

15,02

15,02

TOTAL

dotation théorique

16,92

19,77

19,77

programmé

15,81

20,52

21,46

Source : Ministère de la culture

Votre rapporteure n'a pas obtenu de précisions en ce qui concerne la répartition des crédits entre les différents niveaux de conservatoires (conservatoires à rayonnement régional, conservatoires à rayonnement départemental et conservatoires à rayonnement communal), ni même en fonction du motif du soutien étatique. Une partie de ces crédits sont destinés à soutenir les conservatoires qui respectent les critères d'engagements fixés par l'État, que ce soit la mise en place d'une tarification sociale et le renouvellement des pratiques pédagogiques, la diversification de l'offre artistique ou le développement de réseaux et de partenariats avec les autres acteurs locaux. Mais une partie d'entre eux est également destiné à la poursuite de la mise en oeuvre du plan « chorale », décidé l'an dernier dans une optique de renforcer l'éducation artistique et culturelle à l'école.

En revanche, le montant des aides de l'État aux conservatoires dans chacune des régions est connu, laissant apparaître de grandes disparités liées aux différences d'implantation des conservatoires dans chacune d'entre elles :

Montant des aides apportées aux conservatoires par région

dans le cadre du réengagement de l'État en 2018

Région

Montants en M€

Auvergne-Rhône-Alpes

1,60

Bourgogne-Franche-Comté

1,66

Bretagne

1,02

Centre-Val de Loire

0,61

Corse

0,05

Grand-Est

1,14

Guadeloupe

0,08

Guyane

0,14

Hauts-de-France

1,47

Ile-de-France

5,64

Martinique

0,15

Normandie

1,17

Nouvelle-Aquitaine

1,40

Occitanie

1,15

Océan indien - La Réunion

0,24

Pays de Loire

0,62

Provence-Alpes-Côte d'Azur

2,81

TOTAL

21,16

Source : Ministère de la culture

2. Une déconcentration des crédits en hausse qui s'accompagne d'un appel croissant aux collectivités territoriales pour financer les priorités gouvernementales

La déconcentration s'est accélérée ces dernières années en parallèle de la réforme territoriale. Le décret n° 2015-510 du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration consacre notamment le principe de la déconcentration des services de l'État. Cette charte reconnaît que le niveau régional est pertinent pour la mise en oeuvre des politiques culturelles . Cette réaffirmation s'est traduite par une montée en puissance croissante des services déconcentrés dans le fonctionnement du ministère. Cette évolution n'a pas toujours été aisée dans le contexte de la réforme territoriale, notamment pour les DRAC situées dans des régions fusionnées, du fait des difficultés géographiques et techniques qui sont apparues, mais aussi des différences de fonctionnement et de culture qui pouvaient exister entre les services. La période de trois ans octroyée aux DRAC pour achever l'absorption de la réforme territoriale arrive à son terme en 2018.

Le résultat du rapport inter-inspections de février 2018
de revue des missions des DRAC,
de leur organisation et de leurs moyens de fonctionnement

À la demande de la ministre de la Culture une revue des missions, de l'organisation et des moyens des DRAC a été réalisée par l'inspection générale des affaires culturelles, l'inspection générale de l'administration et l'inspection générale des finances.

Le rapport souligne la forte attente des collectivités et des services de l'État à l'égard des DRAC . En effet, celles-ci jouent un rôle d' accompagnateur des territoires et publics les plus éloignés de l'offre culturelle. Les travaux des inspections présentent néanmoins des pistes de réforme, qui sont en cours de mise oeuvre dans le cadre d'un plan d'action défini en quatre axes principaux :

- améliorer les outils informatiques et développer des démarches de simplification ;

- développer l'évaluation de l'action des DRAC et des politiques publiques menées ;

- améliorer la gestion des ressources humaines et mettre en oeuvre d'une gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs, et des compétences ;

- ajuster l'organisation des équipes de direction.

Source : Ministère de la culture

Au-delà de la volonté d'être le plus en adéquation possible avec les réalités territoriales, ce mouvement de déconcentration est conçu comme un moyen de mettre en oeuvre l'aménagement culturel du territoire et de favoriser l'équité territoriale . Les disparités qui subsistent aujourd'hui entre régions en matière de financement de la culture restent fortes. D'après les informations communiquées à votre rapporteure, si les crédits d'intervention du ministère de la culture seraient, en moyenne, de 15 € par habitant, ils s'établiraient à 37 € en Ile-de-France, hors prise en compte des crédits destinés aux établissements publics nationaux, et au-delà de 100 € si ceux-ci étaient pris en compte.

La question du rattrapage du niveau des crédits dans certaines régions revêt donc un sens particulier, afin de réduire le déséquilibre persistant en termes de dépenses culturelles entre Paris et les autres territoires . Une attention plus grande doit être portée à la question des villes moyennes et des zones les plus éloignées de l'offre culturelle traditionnelle. Sur l'ensemble de la mission « Culture », le Gouvernement indique que la part des crédits consacrés au financement en dehors de Paris va s'accroître de deux points par rapport à 2018.

Dans le cadre du processus de transformation engagé dans la foulée du Comité Action Publique 2022, le ministère de la culture s'est fixé pour objectif de recentrer les services centraux sur leurs missions de conception, d'élaboration et d'évaluation des politiques publiques et de confier leur mise en oeuvre sur le territoire aux services déconcentrés .

Un chantier intitulé « Administration centrale stratège » a été lancé à cette fin. S'appuyant sur plusieurs groupes de travail, il doit permettre à la fois de mieux définir le rôle du Secrétariat général et ceux des directions sectorielles (direction générale des patrimoines, direction générale de la création artistique, direction générale des médias et des industries culturelles et délégation générale à la langue française et aux langues de France) et d'améliorer le fonctionnement de l'administration centrale.

Afin de permettre aux services déconcentrés de mieux prendre en charge la mise en oeuvre de la politique en matière culturelle, la déconcentration des crédits est renforcée . D'après les informations communiquées à votre rapporteure, 80 % des crédits du programme 131 « Création » et 62 % des crédits du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » seraient déconcentrés en 2019.

Encore faut-il que les crédits déconcentrés soient effectivement transférés aux services déconcentrés et puissent être pleinement consommés pour que cette déconcentration des crédits porte pleinement ses fruits. Chaque année, les décisions de gels et de dégels de crédits sont une source de difficultés pour la gestion des crédits au sein des DRAC, a fortiori encore plus lorsque les décisions de dégel interviennent en fin d'année. À chacune de ces décisions, l'ensemble des dossiers de demandes de subventions doit être rouvert. Même lorsque les dégels sont presque intégraux, les pertes pour les DRAC en termes de crédits sont significatives et peuvent engendrer des difficultés de fonctionnement. En 2017 où 0,4 % des crédits sont restés au niveau central suite à la décision de ne pas dégeler intégralement au titre du programme 131, la DRAC n'a jamais perçu 250 000 euros de crédits qui devaient lui être initialement déconcentrés. Le dégel a heureusement été intégral sur l'année 2018.

Cette déconcentration s'accompagne d'une volonté de l'État d'approfondir sa coopération avec les collectivités territoriales , à la fois pour les inciter à maintenir ou à développer leur engagement en faveur de la culture et pour atteindre ses objectifs en matière d'aménagement équilibré des territoires et de lutte contre la ségrégation culturelle. C'est dans cette optique qu'ont été développés différents dispositifs de contractualisation avec les collectivités territoriales. Les questions d'éducation artistique et culturelle y tiennent de plus en plus une bonne place.

Si le développement de tels partenariats est nécessaire pour garantir l'inscription du soutien public dans la durée, l'État doit également prendre garde à ne pas trop laisser reposer sur les collectivités territoriales la mise en oeuvre de ses propres priorités . Si le Gouvernement affirme clairement ses priorités culturelles ces dernières années, il n'y associe pas forcément les budgets nécessaires et sollicite les collectivités territoriales pour contribuer à leur mise en oeuvre de manière à s'inscrire pleinement dans les territoires. Or, avec la mise en place du nouveau dispositif de contractualisation État-collectivités prévu par la loi de programmation des finances publiques, qui contraint les collectivités à limiter l'augmentation de leurs dépenses en valeur et à périmètre constant à 1,2 %, les collectivités territoriales n'ont plus forcément les moyens d'accompagner l'État dans la réalisation de ses nouvelles priorités . Qu'il s'agisse d'éducation artistique et culturelle, de Pass culture ou du plan « Culture près de chez vous », les collectivités territoriales sont essentielles à leur mise en oeuvre et à leur financement, sans que l'État ait prévu d'exclure ces coûts supplémentaires du périmètre des dépenses prises en compte dans le calcul des 1,2 %, au risque d'empêcher l'atteinte de ses propres objectifs.

Dépenses culturelles des collectivités territoriales
par type de collectivité

En millions d'euros constants 2016

2006*

2010*

2014*

2010**

2014***

2016***

Région

En millions d'euros

623

700

689

736

786

669

dont fonctionnement

435

508

477

535

516

489

dont investissement

188

192

212

201

269

179

Départements

En millions d'euros

1 449

1 471

1 320

1 511

1 371

1 324

dont fonctionnement

992

1 013

958

1 046

999

993

dont investissement

457

458

362

465

373

330

EPCI

En millions d'euros

944

1 123

1 513

1 128

1 729

1 689

dont fonctionnement

586

801

1 094

804

1 243

1271

dont investissement

359

321

419

324

486

418

Communes

En millions d'euros

4 886

4 873

4 830

4 983

5 874

5 180

dont fonctionnement

3 801

3 905

3 699

3 996

4 417

4 192

dont investissement

1 086

968

1 131

986

1 456

988

* Champ : France métropolitaine, communes de +10 000 hab. et EPCI comportant au moins une commune de +10 000 hab.

** Champ : France entière, communes de +10 000 hab. et EPCI comportant au moins une commune de +10 000 hab.

*** Champ : France entière, communes de +3 500 hab. et EPCI comportant au moins une commune de +3 500 hab.

Source : ministère de la culture, département des études,
de la prospective et des statistiques, 2018

B. DES PRIORITÉS QUI MÉRITERAIENT D'ÊTRE PRÉCISÉES

1. Vaincre la ségrégation culturelle
a) Le soutien à l'éducation artistique et culturelle : une hausse en trompe l'oeil

La lutte contre les déterminismes sociaux et économiques de nature à entraver l'accès à la culture constitue l'une des principales priorités fixées par le Gouvernement en matière de politique culturelle. C'est ce qui a justifié l'effort important réalisé en 2018 pour accroître les crédits consacrés à l'éducation artistique et culturelle (EAC), perçue comme un moyen de :

- permettre à tous les élèves de se constituer une culture personnelle riche et cohérente tout au long de leur parcours scolaire ;

- développer et renforcer leur pratique artistique

- faciliter la rencontre des artistes et des oeuvres, ainsi que la fréquentation des lieux culturels.

Cet effort est poursuivi en 2019, même si l'essentiel des nouveaux crédits porte sur le Pass culture, classé au sein de l'éducation artistique et culturelle. Hors Pass culture, les dépenses d'éducation artistique et culturelle ne progressent en réalité que de 400 000 euros (+0,37 %).

Évolution des crédits de l'éducation artistique et culturelle
entre 2017 et 2018

Parmi les cinq axes que comprend la politique d'éducation artistique et culturelle , deux enregistrent des hausses de crédits :

- les mesures mises en place pour éveiller le goût de la lecture auprès des jeunes publics, afin d'amplifier le développement de partenariats entre les écoles et les bibliothèques municipales et de développer les contrats territoire lecture et les contrats territoire écriture avec les collectivités territoriales (+ 770 000 euros, soit une hausse 5,74 %) ;

- les actions visant à renforcer les partenariats avec l'ensemble des pouvoirs publics et des associations qui s'engagent en faveur de l'accès des jeunes à la culture (+ 3,76 millions d'euros, soit une hausse de 16,35 %). La contractualisation , avec les collectivités territoriales par le biais des contrats d'éducation artistique et culturelle (CTEAC/CLEA) ou avec des lieux culturels polyvalents (convention 100 % EAC), constitue pour le ministère de la culture un levier important pour atteindre l'objectif fixé par le Président de la République d'un accès de l'ensemble des enfants aux actions d'éducation artistique et culturelle avant la fin du quinquennat. Le ministère de la culture n'accorde pas une subvention pour charges de service public sans exiger de l'opérateur qu'il participe aux actions d'EAC. La centaine d'établissements publics nationaux placés sous la tutelle du ministère de la culture ont dans leurs missions de proposer des actions d'EAC. Le montant de leur investissement en matière d'EAC, sur leur dotation, est évalué à plus de 30 millions d'euros. En 2018, 3 millions d'euros de moyens complémentaires leur ont été alloués pour qu'ils puissent développer des projets-phare en matière d'EAC et d'accès de tous à la culture.

L' expérimentation « ville 100 % EAC » , lancée en septembre dernier dans dix villes pilotes (Bessancourt, Cannes, Carros, Château-Arnoux-Saint-Auban, Château-Thierry, Guingamp, La Courneuve, Metz, Quimper et Saint-Brieuc), qui doit permettre que 100 % des enfants bénéficient dans ces villes d'un projet structurant chaque année, avec l'équivalent de deux heures de pratique artistique dans les écoles et en lien avec les acteurs culturels et la fréquentation d'oeuvres, sera également poursuivie dans ce cadre. Son suivi et son évaluation devraient être déterminés, en partenariat avec le Haut conseil de l'éducation artistique et culturelle (HCEAC).

Les crédits pour les actions destinées à développer les pratiques artistiques et culturelles à l'école et hors de l'école , qui constitue l'axe phare des politiques en matière d'EAC, restent à peu près stables : ils se contractent de 370 000 euros (- 0,83 %). Leur mise en oeuvre repose sur une action conjointe des ministères chargés de la culture et de l'éducation nationale , comme en témoigne le lancement du plan « À l'école des arts et de la culture » le 17 septembre dernier. L'accent mis sur la pratique musicale pendant l'année scolaire 2017-2018 avec la rentrée en musique et la fête de la musique à l'école sera poursuivi. Les crédits destinés à favoriser la participation des conservatoires au plan « chorales » sont reconduits. Un effort d'un million d'euros sera également consenti pour soutenir la pratique théâtrale à l'école. Hors temps scolaire, le ministère de la culture indique qu'il s'impliquera dans la mise en oeuvre du « plan mercredi », en lien avec les collectivités territoriales, en accompagnant le développement des propositions culturelles faites aux jeunes durant cette journée de loisirs.

Les deux derniers axes de l'EAC voient le montant de leurs crédits réduit :

- les crédits alloués pour le soutien aux actions d'éducation aux médias et à l'information se contractent d'1,06 million d'euros (- 8,09 %) en dépit du lancement du nouveau plan d'éducation aux médias et à l'information mis en oeuvre à compter de 2008 dans le cadre de la lutte contre la manipulation de l'information pour un budget de 3 millions d'euros. Une nouvelle fois, il est regrettable de constater une forme d' incohérence à diminuer ces crédits, alors que parallèlement, la majorité présidentielle s'est efforcée de faire adopter une proposition de loi relative à la lutte contre la manipulation de l'information ;

- les actions de formation à destination des acteurs de l'EAC perdent 2,7 millions d'euros (- 18 %) . Ces crédits visent à former les différents acteurs susceptibles de contribuer à la mise en oeuvre de cette politique : artistes, professionnels de la culture et de l'éducation, du temps scolaire et du temps de loisir, futurs professionnels en formation dans l'enseignement supérieur sous la tutelle du ministère de la culture. Ils permettent également de nouer des partenariats entre les DRAC et les écoles supérieures du professorat et de l'éducation et de soutenir les pôles de ressources pour l'éducation artistique et culturelle.

Répartition des crédits de l'éducation artistique et culturelle en 2019

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Compte tenu de la multiplicité d'acteurs impliqués dans la mise en oeuvre de l'EAC, il apparaît encore délicat de pouvoir en évaluer précisément le fonctionnement et la réussite . Pour la première fois cette année, une enquête devrait être conduite auprès des chefs d'établissements dans le primaire et le secondaire pour essayer de mesurer l'impact de la politique publique en matière d'EAC. Par ailleurs, les indicateurs de performance retenus pour mesurer l'impact de l'EAC en matière d'accès à la culture ne rendent pas correctement compte de la situation . L'indicateur 2.1. qui doit faire apparaître la part des enfants et adolescents ayant bénéficié d'une action d'EAC est élaboré de telle sorte qu'un même enfant peut être comptabilisé à plusieurs reprises comme ayant bénéficié d'une action d'EAC, puisqu'il agrège le nombre de bénéficiaires de chaque dispositif, ce qui peut accroître faussement la part d'enfants touchés. L'indicateur n'est plus adapté à la réalité des dispositifs, puisque certains outils aujourd'hui disparus sont encore suivis, alors que d'autres qui ont fait leur apparition ne sont pas pris en compte. Enfin, aucun indicateur ne permet de mesurer le nombre de conventions signées avec les collectivités territoriales en matière d'EAC.

L' implication des deux ministères concernés par le portage conjoint de cette politique reste elle-même difficile à appréhender . Il est vrai que Françoise Nyssen et Jean-Michel Blanquer ont semblé unis lors de leur prise de parole sur ce sujet. Pour autant, l'engagement du ministère de de l'éducation nationale demeure dérisoire en comparaison de celui du ministère de la culture, ce qui ne manque pas de soulever des interrogations. D'un montant de 3 millions d'euros en 2018, les crédits destinés à financer la part du ministère de l'éducation nationale au parcours d'éducation artistique et culturelle sur la mission « Enseignement scolaire » sont réduits à 2 millions d'euros en 2019 .

Surtout, le rôle joué par les collectivités territoriales dans la mise en oeuvre de cette politique reste déterminant . C'est pour une très large partie sur leurs épaules que reposent véritablement le financement et la réalisation de cette priorité. L'État en donne davantage l'impulsion. Depuis 2017, chaque convention conclue avec une ou plusieurs collectivités territoriales doit comprendre une « clause EAC », de façon à couvrir progressivement l'ensemble du territoire. Il en est de même pour toutes les conventions conclues avec les structures culturelles labellisées.

b) Une réduction des moyens alloués aux autres outils de démocratisation culturelle

En dépit de l'affirmation de la priorité accordée à la lutte contre la ségrégation sociale et au renforcement de l'équité territoriale, la plupart des autres outils de démocratisation culturelle enregistrent une baisse du montant de leurs crédits (-5,1 % après transferts et même - 8,61 % à périmètre constant).

L'essentiel de l'effort réalisé par le Gouvernement en matière de démocratisation culturelle porte donc, dans le projet de loi de finances pour 2019, sur la jeunesse . Les crédits en matière de politique territoriale et de cohésion sociale, qui comprennent les crédits inscrits au titre du plan ministériel « Culture près de chez vous », subissent eux aussi une contraction de près de 20 %, alors même que l'équité territoriale est présentée comme l'un des axes prioritaires du budget de la culture pour 2019.

Seuls les dispositifs concernant les personnes en situation de handicap, les personnes placées sous-main de justice et les personnes hospitalisées voient leurs crédits revalorisés, de même que ceux consacrés au soutien à la transition et à l'innovation numériques.

Votre rapporteure s'est par ailleurs étonnée de constater que les crédits destinés à la sécurisation des sites et des événements culturels pour pallier la disparition du fonds d'urgence et accompagner la mise à niveau des dispositifs des acteurs culturels pour sécuriser l'accueil de leur public soient inscrits sur cette ligne budgétaire qui a trait à la démocratisation culturelle. Ce choix s'explique par le fait que cette mesure pourrait contribuer à améliorer l'attractivité touristique du secteur culturel et des territoires et que cette ligne budgétaire ne devrait plus bénéficier désormais qu'aux seuls acteurs relevant du programme 131 « Création ».

Répartition des crédits destinés aux actions
menées dans le domaine de la démocratisation culturelle,
de l'irrigation culturelle du territoire et des pratiques amateurs

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat

2. Le Pass culture : un projet décrit comme le « chantier culturel du quinquennat » dont les contours demeurent obscurs

Depuis l'annonce du projet de Pass culture par Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle en 2017, cette initiative a suscité de nombreuses réserves . Les écueils rencontrés par le « bonus cultura » en Italie, qui a pourtant servi de modèle à la proposition présidentielle, y ont probablement contribué. Le dispositif mis en place dans la Péninsule n'a pas rencontré le succès escompté, avec un taux d'inscription décevant de la part des jeunes susceptibles d'en bénéficier (61 %), et a fait l'objet de plusieurs dérives, en particulier la revente ou le détournement des bons.

Votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication a déjà eu l'occasion d'exprimer un certain nombre d'interrogations en ce qui concerne le Pass culture, sur la base des travaux 1 ( * ) réalisés par le groupe de travail 2 ( * ) mis en place en son sein à partir de décembre 2017. Elle juge en particulier indispensable que l'outil permette une véritable diversification des pratiques culturelles des jeunes. À cette fin, le pass doit pouvoir donner accès à des formations à la pratique artistique ; son contenu doit être éditorialisé , des plafonds instaurés pour éviter que les jeunes ne consomment tous leurs crédits sur l'offre numérique et des outils de médiation intégrés pour mieux accompagner et guider les jeunes dans leur parcours.

La mise en place du Pass culture ne doit pas non plus entrer en concurrence ou absorber les initiatives locales mises en place en faveur des jeunes , à l'image des différents pass régionaux ou départementaux existants. La disparition de ces dispositifs locaux serait regrettable compte tenu de leur fort ancrage local. Leur périmètre n'est d'ailleurs pas toujours similaire à celui du Pass culture, puisque certains incluent également des activités sportives ou de loisirs ou des offres de transport.

D'après les informations qui nous ont été communiquées, l' expérimentation du Pass culture auprès de 10 000 jeunes , initialement prévue pour le mois de novembre, devrait débuter dans les premiers mois de l'année 2019 et prendre rapidement de l'ampleur. Il est prévu d'élargir l'expérimentation à de nouveaux bénéficiaires ou de nouveaux territoires à l'occasion de vagues successives intervenant tous les trois mois, pour atteindre potentiellement jusqu'à 200 000 jeunes d'ici la fin de l'année. Il est important que cette expérimentation débute sur de bonnes bases pour qu'elle soit vraiment profitable et permette d'adapter ensuite au mieux l'instrument, ce qui nécessite de s'assurer de la bonne représentativité du panel et de la véritable diversité des offres proposées . La surreprésentation des étudiants parmi les candidats à l'expérimentation explique les retards pris dans le lancement de celle-ci jusqu'alors.

Il faudra être très vigilant aux différentes évaluations qui seront réalisées au fur et à mesure de l'expérimentation. La qualité des organismes qui en seront chargés sera, à ce titre, déterminante. Il paraît important que ces études fassent correctement apparaître les gains retirés en termes de démocratisation culturelle, ce qui suppose de retenir des indicateurs pertinents. L'une des craintes actuelles est en effet que le Pass culture ne puisse, au final, renforcer les inégalités territoriales entre les jeunes citadins et ceux qui vivent au contraire dans les zones rurales ou dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. C'est d'ailleurs ce qui rend les questions de médiation et de mobilité si aiguës : sans une réponse appropriée à ces questions et une forte association des acteurs non-culturels, à l'instar de la SNCF ou des sites d'offres de co-voiturage, le pass ne pourra pas être un véritable levier pour améliorer l'accès à la culture des jeunes qui en sont les plus éloignés.

Le lancement de l'expérimentation justifie la forte augmentation des crédits prévus pour la mise en oeuvre du Pass culture en 2019 (+ 29 millions d'euros). Cette somme doit permettre de rembourser les offreurs pour les dépenses qui auront été effectuées par les jeunes dans le cadre de l'expérimentation, de continuer à développer l'application , et de rémunérer les référents en régions chargés de recruter les jeunes et les offreurs.

À ce stade, l'algorithme n'a pas encore été élaboré et certains critères doivent encore être définis pour déterminer la nature des offres qui seront mises en avant. Après plusieurs mois de flottement, force est de constater que l'équipe chargée de développer le Pass culture semble désormais travailler avec le souci d'éviter les écueils que nous avions identifiés et la volonté de mieux communiquer autour de cet instrument.

Elle souligne ainsi que le pass n'est pas uniquement destiné aux jeunes , puisqu'à terme, l'application devrait être ouverte à tous pour consulter les offres culturelles à proximité. Il devrait surtout profiter à l'ensemble des acteurs culturels , en les faisant mieux connaître auprès du public, avec des gains potentiels en termes de fréquentation : le cas des offres itinérantes existant dans les zones rurales est ainsi mis en avant. Il devrait enfin servir d'outil pour évaluer si les politiques de soutien à la culture sont correctement calibrées au regard de l'évolution des pratiques culturelles dont les jeunes utilisant le pass rendront compte. À cette fin, il conviendra d'associer étroitement les DRAC à la mise en oeuvre du Pass culture, afin que celles-ci puissent l'utiliser pour repérer des initiatives culturelles territoriales (lieux, collectifs d'artistes, festivals, compagnies...) jusqu'ici méconnues, mais attractives, qui mériteraient un accompagnement de la part de l'État. Le Pass culture pourrait également fournir l'occasion d'élaborer une cartographie des offres culturelles existantes, hors labels ou projets déjà existants.

D'après les informations communiquées à votre rapporteure, l'objectif reste de réduire au maximum la part de l'État dans le financement du dispositif, afin qu'elle ne dépasse pas 20 %. Une partie des coûts sera prise en charge par les offreurs : les offres numériques, en particulier, ne seront pas remboursées, puisque le pass donne l'occasion aux offreurs de fidéliser une clientèle. Une autre partie du financement sera enfin assurée par des partenaires , avec une attention particulière portée aux entreprises susceptibles d'être intéressées d'être mises en contact avec des jeunes entrant dans la vie active (banques, assurances, fournisseurs d'accès à internet, fournisseurs d'énergie), et, éventuellement, des mécènes . Des garanties ont été données sur le fait qu'aucune donnée relative aux jeunes ne serait communiquée, ni aux offreurs, ni aux partenaires.

Votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication sera très vigilante à ce que cet outil soit mis au service des politiques publiques . Un suivi attentif et un contrôle resserré de la mise en oeuvre des expérimentations du Pass culture sera assurée par le groupe de travail sur le Pass culture tout au long de l'année 2019.

C. DES CHANTIERS À L'ISSUE TOUJOURS INCERTAINE

1. La revalorisation du statut des enseignants des écoles d'art territoriales aura-t-elle lieu ?

Le statut des enseignants des écoles d'art territoriales n'est pas identique à celui des enseignants des écoles d'art nationales. Des différences subsistent en termes de niveau de recrutement, de grille indiciaire, de temps de travail ou encore de décharges horaires pour les activités de recherche. Comme les enseignants de ces deux catégories d'écoles dispensent la même formation et que l'ensemble de ces écoles, toutes intégrées au système LMD, délivrent le même diplôme national, la persistance de ces différences fait craindre aux écoles territoriales le risque d'un décrochage vis-à-vis des écoles nationales.

La progression du statut des enseignants des écoles territoriales constitue un enjeu important pour garantir la cohérence du réseau des écoles d'art à travers notre pays . Le Parlement avait d'ailleurs commandé au Gouvernement un rapport destiné à évaluer les conditions d'alignement des statuts de ces enseignants dans le cadre de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, dite « loi Fioraso ». Remis en avril 2015, il préconisait la création d'un cadre d'emplois spécifique des professeurs territoriaux d'enseignement supérieur d'arts plastiques dont l'échelonnement indiciaire serait identique à celui de la fonction publique d'État. Cette solution fait cependant débat, d'autres lui préférant la création d'un troisième grade.

Quelle que soit la piste retenue, la réforme se révèle délicate à mettre en oeuvre . D'une part, son coût constitue un élément d'inquiétude pour les collectivités territoriales, qui financent la majeure partie des budgets de ces écoles, dans la mesure où elles sont déjà confrontées à des contraintes financières importantes. D'autre part, la perspective d'une nouvelle revalorisation du statut des enseignants des écoles nationales , un temps envisagée pour 2017 avant que la parution du décret ne soit finalement suspendue, a longtemps freiné toute avancée des discussions sur le sujet, puisque l'alignement aurait été, dans ces conditions, immédiatement dépassé.

De premiers progrès ont été enregistrés au cours de l'année 2018. Après avoir engagé des travaux en lien étroit avec le ministère de l'intérieur, les collectivités territoriales dont relèvent ces écoles, les personnels de ces établissements, ainsi que les ministères chargés du budget et de la fonction publique, le ministère de la culture a annoncé, en septembre dernier, le déblocage d'une enveloppe de 800 000 euros destinée à revaloriser les salaires des enseignants des écoles d'art territoriales à hauteur de ceux des enseignants des écoles nationales. Le montant de cette enveloppe ne prendrait cependant pas en compte la situation des enseignants contractuels, laissant craindre aux collectivités territoriales de devoir prendre en charge à leur frais le surcoût pour ces personnels.

Comme la décision relative à cette nouvelle enveloppe est intervenue après la finalisation des documents budgétaires annexés à la loi de finances, ces crédits n'y sont pas inscrits . Ils devraient être débloqués en gestion en 2019 si cela se révélait nécessaire. D'après les informations communiquées à votre rapporteure, plusieurs options sont étudiées s'agissant du moment auquel interviendra ce versement : il pourrait s'agir, soit d'attendre la réforme statutaire d'ensemble , qui comprendra une revalorisation de la grille indiciaire, ce qui en reporterait nécessairement l'exécution dans l'attente d'un accord sur la revalorisation du statut, soit de verser à titre transitoire cette enveloppe aux enseignants sous la forme d'un complément de rémunération dont les modalités restent à définir.

Dans le second cas, le ministère de la culture penche en faveur du versement d'une indemnité de suivi et d'orientation des élèves (ISOE). Cette option soulève néanmoins des difficultés. D'une part, environ un tiers des enseignants des écoles d'art territoriales ont atteint le plafond de leur grille indiciaire . Le versement de cette prime devrait donc s'accompagner d'un relèvement du plafond à titre transitoire, en attendant qu'intervienne un accord sur le relèvement du statut de ces enseignants. D'autre part, ces primes sont normalement également applicables aux professeurs des conservatoires , alors que la réforme statutaire en projet ne doit porter que sur les enseignants des établissements d'enseignement supérieur. Les conséquences financières pour les collectivités territoriales seraient trop lourdes en cas d'extension du dispositif à l'ensemble des enseignants artistiques. Il faudrait dès lors créer un grade supplémentaire pour les enseignants des écoles supérieures d'art, de manière à garantir que la réforme reste circonscrite à l'enseignement supérieur. Si des solutions étaient trouvées à ces différentes questions, votre rapporteure a reçu l'assurance que les crédits pourraient être déployés à partir de la rentrée 2019 .

Cette revalorisation des salaires des enseignants des écoles territoriales ne suffira pas, quoi qu'il en soit, à supprimer le risque de l'accentuation d'un enseignement à deux vitesses selon le statut national ou territorial des écoles. Déjà, une revalorisation du statut des enseignants des écoles nationales reste annoncée pour les années à venir. Ensuite, l'enjeu pour les écoles d'art territoriales dépasse largement le simple alignement de la grille salariale de leurs enseignants sur celle des enseignants des écoles nationales. L' alignement du statut dans son ensemble est nécessaire pour le rendre pleinement compatible avec les exigences fixées par les accords de Bologne . À la différence du statut des enseignants au sein des écoles nationales, qui a évolué avant l'entrée en vigueur de la loi Fioraso, le statut des enseignants des écoles d'art territoriales ne prévoit ni l'annualisation du temps de travail, ni la possibilité de décharge pour des heures de recherche. Il autorise le recrutement à un niveau bac + 3, alors même que ces écoles ont vocation à délivrer des diplômes de grade master.

2. En attendant le Centre national de la musique

La relance du projet de Centre national de la musique (CNM), abandonné une première fois en 2012, faute de pouvoir réunir le budget de 100 millions d'euros dont il était prévu de le doter, a suscité de grands espoirs parmi les professionnels du spectacle vivant qui l'appellent de leurs voeux depuis bientôt dix ans. La filière musicale s'est métamorphosée au cours de la dernière décennie : la chute des ventes de disques, l'essor du streaming , le poids croissant du live par rapport à la musique enregistrée, la forte internationalisation de la vie musicale et l'arrivée de nouveaux acteurs poursuivant des stratégies « à 360° » ont contribué à faire apparaître de nouveaux modèles économiques dans l'industrie musicale.

Malgré l'éparpillement des acteurs, les frontières entre les différentes familles musicales s'estompent , avec un rapprochement dans les modèles de production et de distribution des différents styles musicaux et des différences devenues moins marquées dans le fonctionnement des établissements publics et des établissements privés. L'ensemble de la filière est d'ailleurs confrontée à des défis communs , qu'il s'agisse du mouvement de concentration ou du poids grandissant des plateformes numériques qui interpellent au regard de la question de la répartition de la valeur.

Le travail mené en 2017 par Roch-Olivier Maistre, à l'occasion de son rapport intitulé « Rassembler la musique pour un centre national », a d'ailleurs contribué à mettre en évidence les convergences croissantes dans le champ musical. Il a confirmé le besoin de réunir autour d'une même table l'ensemble des acteurs du spectacle vivant et de la musique enregistrée pour apaiser les tensions et mieux faire valoir leurs préoccupations. Il a suggéré des pistes relatives au périmètre, à la gouvernance et au financement de la future institution.

Lors de sa venue au Printemps de Bourges en avril dernier, la ministre de la culture de l'époque, Françoise Nyssen, a confirmé la décision de créer un Centre national de la musique pour « répondre aux grands défis à venir : préserver la diversité de la création, soutenir [la production française] dans un contexte de concurrence accrue et se donner les moyens de conquérir les marchés internationaux ». Quatre missions devraient lui être assignées :

- l' observation de la filière musicale ;

- l' information et la formation des professionnels ;

- le soutien économique aux acteurs ;

- et le développement international .

Les députés Emilie Cariou et Pascal Bois, auxquels le Premier ministre a confié en mai dernier une mission de préfiguration du CNM, devraient rendre publiques leurs conclusions dans les prochaines semaines.

Le budget susceptible d'être alloué à la future institution demeure un sujet d'inquiétude. Il semble que le rapport d'Émilie Cariou et de Pascal Bois évoque un budget de 20 millions d'euros. Lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2019, Françoise Nyssen avait fait part de sa décision de mobiliser « jusqu'à 5 millions d'euros pour amorcer le financement de cette nouvelle institution ». Aucun crédit n'a cependant été inscrit dans le bleu budgétaire, ce qui ne manque pas d'inquiéter les acteurs de la filière musicale, déjà échaudés par le premier abandon du projet il y a six ans. D'après les informations recueillies par votre rapporteure, ces 5 millions d'euros seraient débloqués en 2019 sur la base de crédits de gestion, comme l'a confirmé le ministre de la culture, Franck Riester, lors de son audition devant votre commission le mercredi 14 novembre dernier.

Un véhicule législatif restera de toute façon nécessaire pour transformer en CNM l'actuel Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), puisque ce dernier a été créé par l'article 30 de la loi du 4 janvier 2002 relative aux musées de France. Le ministre de la culture, Franck Riester, a laissé entendre lors de son audition, que la mise en place du CNM pourrait intervenir dans le courant du second semestre de l'année 2019.

Il n'en demeure pas moins qu'une enveloppe de 5 millions d'euros paraît bien dérisoire au regard de l'enjeu que représente le CNM pour la filière musicale, quand bien même cette institution ne devait être créée qu'en cours d'année. La création de l'observatoire de la musique , prévu par la loi n° 206-925 de 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, est en suspens dans l'attente de la mise en place de cette nouvelle institution. Le manque d'informations sur le secteur du spectacle vivant fait aujourd'hui cruellement défaut pour mieux le connaître et évaluer l'effet des politiques publiques mises en oeuvre. Seul l'observatoire pourrait permettre de mesurer correctement la concentration dans le secteur de la musique et son impact sur la diversité culturelle. Face à l'accélération du phénomène, il y a urgence à disposer d'informations précises sur ce point pour élaborer les réponses publiques les plus appropriées.

Le risque de décevoir les acteurs de la filière musicale et de les conduire à se désintéresser du projet, s'il n'apporte aucune réelle plus-value par rapport à la situation actuelle, où le travail réalisé par le CNV est unanimement salué, ne doit pas être pris à la légère. Une dotation minimale de 10 millions d'euros , pour amorcer ce travail d'information et d'observation, paraîtrait la bienvenue pour permettre à la nouvelle institution d'amorcer ses missions d'information et d'observation. C'est le sens de l'amendement adopté par votre commission de la culture, qui prévoit d'inscrire 5 millions d'euros en faveur du CNM , en complément des 5 millions d'euros qui doivent être dégagés en gestion, conformément à la promesse du Gouvernement.

3. Quel niveau d'accompagnement pour le spectacle vivant ?

Le secteur du spectacle vivant a été particulièrement impacté ces dernières années par les conséquences des attentats qui ont frappé la France à partir de l'automne 2015. Plusieurs dispositifs ont été créés au cours des dernières années en soutien à ce secteur.

La loi du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015 a créé, pour une période limitée courant jusqu'au 31 décembre 2018, un fonds d'urgence pour soutenir les entreprises de spectacle affectées de manière conjoncturelle par les baisses de fréquentation et les aider à assumer les surcoûts liés à l'amélioration de leurs dispositifs de sécurité.

Doté de 14,66 millions d'euros de crédits de la part du ministère de la culture entre 2015 et 2018, le fonds a également été abondé à hauteur de 6 millions d'euros par des acteurs publics (CNV, Ville de Paris) et privés (sociétés de gestion de droits). Des aides remboursables financées par le CNV et la Ville de Paris ont également été octroyés via ce dispositif pour un montant total de 1,56 million d'euros.

Le dispositif, géré directement par le CNV, a très bien fonctionné , avec plus de 800 dossiers soutenus en trois ans, pour un montant total avoisinant 18 millions d'euros . L'écart entre le montant des dotations et le montant des aides effectivement distribuées s'explique par le niveau des frais de gestion. Déduction faite des frais de gestion du CNV, jusqu'à 19,9 millions d'euros pouvaient être distribués sous la forme d'aides non remboursables au titre du fonds d'urgence. Le fonds disposait encore d'environ trois millions d'euros d'aides à verser sur l'année 2018.

La participation des professionnels au comité d'engagement du fonds d'urgence a sans doute contribué à son acceptation et conféré aux aides distribuées une vraie légitimité.

Répartition des dépenses du fonds d'urgence entre 2015 et 2017

Nombre

Montants attribués

Aides non remboursables*

729

16 266 674 €

Théâtres du festival off d'Avignon**

15

141 175 €

Forfaits sécurité théâtres privés ***

68

199 719 €

Aides remboursables

42

1 410 000 €

(*) à partir de 2017, l'ensemble des structures ont bénéficié des mêmes dispositifs dans le cadre du fonds d'urgence. Les chiffres traduisent cette évolution

(**) dossiers pris en charge directement par la DGCA en 2017, les chiffres concernent 2015 et 2016 uniquement.

(***) dispositif mis en place en 2015 et 2016 et n'existant plus en 2017 (les théâtres privés n'ont plus de dispositif spécifique en 2017).

Source : Ministère de la culture

Le fonds a pu bénéficier à une multiplicité de structures sur tous les territoires , même si l'Ile-de-France a obtenu près de la moitié des aides distribuées, qui s'explique par l'implantation des entreprises de spectacles.

Destination des aides non remboursables distribuées entre 2015 et 2017
en fonction de la qualité des entreprises bénéficiaires
(hors forfaits théâtres privés et théâtres du off d'Avignon)

ACTIVITÉ DE LA STRUCTURE

Nombre de dossiers

Montant total non remboursable

Compagnie/Collectif d'artistes

21

136 487 €

Exploitant de salle avec production/diffusion

267

4 985 205 €

Exploitant de salle sans production/diffusion

34

835 792 €

Organisateur de festival

191

4 340 382 €

Producteur national/Entrepreneur de tournée

127

4 107 364 €

Producteur/diffuseur/promoteur local

89

1 861 444 €

TOTAL GÉNÉRAL

729

16 266 674 €

Source : Ministère de la culture

Répartition géographique des aides non remboursables distribuées entre 2015 et 2017 (hors théâtres du off d'Avignon et forfaits sécurité des théâtres privés)

RÉGIONS

Nombre de Dossiers

Montant total non remboursable

%

GRAND EST

28

471 711 €

2,89%

NOUVELLE AQUITAINE

42

641 318 €

3,94%

AUVERGNE-RHONE-ALPES

63

880 375 €

5,41%

BOURGOGNE-FRANCHE-COMTE

22

340 817 €

2,09%

BRETAGNE

36

772 310 €

4,75%

CENTRE-VAL-DE-LOIRE

13

245 149 €

1,50%

CORSE

3

18 589 €

0,11%

GUADELOUPE

1

10 000 €

0,06%

ILE-DE-FRANCE

315

9 719 425 €

59,75%

dont Paris

232

8 071 757 €

49,62%

OCCITANIE

33

484 469 €

2,98%

HAUTS-DE-FRANCE

40

678 526 €

4,17%

NORMANDIE

29

399 926 €

2,45%

PAYS-DE-LA-LOIRE

24

381 818 €

2,34%

PROVENCE-ALPES-COTE-D'AZUR

80

1 222 241 €

7,51%

TOTAL GÉNÉRAL

729

16 266 674 €

100 %

Source : Ministère de la culture

La disparition programmée du fonds d'urgence à la fin de l'année 2018 constitue un sujet d'inquiétude pour les entreprises de spectacle vivant, toujours confrontées à d'importants coûts de sécurisation face à la persistance des menaces. Le ministère de la culture a décidé de poursuivre son effort en faveur de la sécurisation des sites et événements culturels en réservant une dotation de deux millions d'euros en 2019. D'après les informations communiquées à votre rapporteure, les modalités réglementaires d'octroi des aides ainsi financées sont en cours de définition en vue de l'entrée en vigueur d'un nouveau dispositif de soutien le 1 er janvier 2019.

Le montant de ces crédits reste, quoi qu'il en soit, sans commune mesure avec ce qu'il a été par le passé . C'est d'autant plus vrai que cette dotation devrait profiter à l'ensemble des acteurs culturels , hors opérateurs nationaux : elle n'est donc plus limitée, comme l'était le fonds d'urgence, au seul champ du spectacle vivant. Par ailleurs, le fonds d'indemnisation et de prévention de la délinquance (FIPD), dont 5 millions d'euros de crédits avaient servi en 2017 à prendre en charge l'équipement de sécurisation d'un certain nombre d'acteurs culturels, ne pourra plus être mobilisé à cette fin.

Le ministère de la culture fait observer que tous les acteurs culturels étaient conscients du principe de la dégressivité progressive du soutien . Dès l'origine, il avait été indiqué que le fonds d'urgence n'avait pas vocation à devenir un instrument pérenne, mais que sa création répondait à la nécessité de pallier l'urgence afin de redonner confiance au public. Aujourd'hui, le niveau de fréquentation est revenu à la normale, à l'exception notable des cabarets et des cirques, qui ont davantage subi le contrecoup, en raison de leur fréquentation par les visiteurs étrangers et les familles. Même si le ministère de la culture réfléchit à la manière dont il pourrait soutenir les investissements en matière de sécurité, sans avoir à ce stade trouvé de réelle solution, les coûts de sécurité doivent, dans l'ensemble, être désormais internalisés par les entreprises de spectacles , ce qui appelle une réflexion sur leur modèle économique.

La situation est particulièrement délicate pour les festivals , compte tenu de la fragilité de leur équilibre économique , a fortiori encore davantage pour les festivals dont l'accès est gratuit, à l'instar des festivals des arts de la rue, qui ne disposent pas de la capacité d'internaliser les coûts de sécurité en l'absence de billetterie. Ceci explique l'émoi qu'a suscité la publication de l'instruction du ministre de l'intérieur du 15 mai 2018 relative à l'indemnisation des services d'ordre , quelques semaines avant l'ouverture la saison des festivals. Cette instruction était pourtant souhaitée par l'ensemble de la profession pour obtenir des clarifications compte tenu des disparités observées dans la manière dont les préfets facturaient les services d'ordre mobilisés à l'occasion d'événements culturels d'un département à l'autre. Elle rappelle le principe, posé à l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure, de l'indemnisation des services d'ordre et impose le remboursement des frais engagés par l'État pour les prestations de services d'ordre réalisées au profit de l'organisateur. À cette fin, elle demande qu'une convention administrative et financière de mise à disposition soit systématiquement conclue entre le préfet et l'organisateur avant l'événement.

Appliquée strictement dans les premières semaines, cette instruction s'est traduite par une explosion du coût des prestations de services d'ordre pour certains festivals , à l'image des Eurockéennes de Belfort, avec un devis dont le montant était multiplié par dix par rapport à 2017 (254 000 euros contre 20 000 euros). Face au risque de fermeture de certains festivals, les ministres de la culture et de l'intérieur ont demandé aux préfets de faire preuve de discernement dans l'application de cette instruction, de discuter avec l'organisateur en amont de l'événement du dispositif déployé et de son coût et d'établir une facture dont le montant est compatible avec l'équilibre économique du festival . Aucun festival n'aurait finalement été annulé en 2018 en raison du coût de facturation des services d'ordre. De nombreux festivals se sont vus finalement exonérés de la hausse du surcoût lié à l'indemnisation des services d'ordre, même si les festivals qui s'appuient sur des modèles commerciaux ont vu le montant de leur facture croître .

Coûts d'indemnisation des services d'ordre demandés à plusieurs festivals au cours des dernières années

Festival

2018

2017

2016

2015

2014

Initial

Final

No Logo (39)

45

33

29,8

14,3

8,1

5,5

Les Déferlantes (66)

4,7

0

-

-

-

Soirées d'été Machecoul (44)

14

0

0

-

-

-

We love Green (94)

27

0

-

-

-

Rock en Seine (92)

257

50

-

-

-

-

Marsatac (13)

?

10

-

-

-

-

Eurockéennes de Belfort (90)

254

80

30

-

-

-

Faites du bruit (29)

8,64

-

-

-

-

Source : Ministère de la culture

Rien n'indique, à ce stade, que l'instruction ne soit pas pleinement appliquée en 2019, avec un impact probable sur le prix des places , alors que la modestie du coût des billets en France a favorisé jusqu'ici la présence d'un public diversifié. Les collectivités territoriales s'inquiètent également de devoir en assumer les conséquences, soit en étant contraintes à accroître le niveau de leur soutien, soit en se résignant à accepter la disparition de certains événements.

Évolution des crédits en faveur des festivals au cours de la dernière décennie

D'une très grande hétérogénéité quant à leur durée, leur modèle économique, leur histoire, leur implantation, leur renommée, leur rayonnement et leur dominante, les festivals français couvrent de multiples domaines artistiques et esthétiques. Bien que parfois pluridisciplinaires, ils sont fortement spécialisés dans un domaine artistique ou une esthétique. La musique représente la majorité des manifestations et des financements.

Par la forte implication des collectivités territoriales dans le domaine de la culture, le développement des festivals s'est fortement intensifié au cours des années 1980. La ministre de la culture, Françoise Nyssen, a nommé Serge Kancel référent permanent et transversal des festivals et a annoncé le 20 juillet 2018 la diffusion d'une charte des festivals et la mise en ligne d'un panorama des festivals. On peut estimer que le nombre de manifestations revendiquant le titre de « festival » se situe entre 8 000 et 10 000 comprenant le cinéma et le livre. Le panorama recense 1 931 manifestations dans le secteur du spectacle vivant.

Ces festivals sont en permanente recomposition avec en 2017, selon le panorama des festivals, 67 naissances de festivals. L'année 2018 est décisive pour comprendre les implications de la circulaire du 15 mai 2018 concernant la refacturation des prestations de sécurité publique.

Dans le champ de la musique, le recensement le plus récent (effectué en 2015) a permis de dénombrer 2 438 festivals musicaux, au sein desquels on compte précisément : 1 887 festivals de musiques actuelles et 551 festivals de musique classique à contemporaine.

Sur cet ensemble extrêmement divers, l'État a apporté son soutien en 2017 à 194 manifestations de spectacle vivant et 23 d'arts plastiques . En sus de ces chiffres, qui ne prennent en compte que les crédits dédiés, une part non négligeable du soutien aux festivals est assurée par le financement des labels et réseaux du spectacle vivant qui sont eux-mêmes organisateurs de temps festivaliers souvent reconnus dont le financement est intégré à leur subvention globale. Le nombre de festivals aidés est aujourd'hui globalement stabilisé. A noter l'exception du domaine chorégraphique dont le nombre de festivals soutenus en 2017 est passé de 14 à 60.

Le financement par le ministère de la Culture s'élevait en 2017 à 18,1 M€ pour le spectacle vivant, dont plus de 10 M€ pour une dizaine de manifestations d'envergure nationale voire internationale (Avignon, Aix-en-Provence, Festival d'Automne, etc), et 3,1 M€ pour les arts plastiques.

L'évolution des crédits spécifiquement dédiés aux festivals du spectacle vivant par le ministère de la Culture a ainsi connu depuis dix ans un recentrage en nombre de festivals subventionnés : entre 2008 et 2017, on peut observer à la fois une concentration des crédits du ministère et une augmentation sensible de la subvention moyenne sur chaque festival (de 66K€ à 93K€).

Les fonds européens jouent quant à eux un rôle marginal dans le financement des festivals musicaux. Seul le Festival d'art lyrique d'Aix-en-Provence bénéficie de fonds européens au titre du programme ENOA pour son académie, qui oeuvre à la formation et à la mobilité d'artistes émergents, et encourage la création et la diffusion de nouvelles oeuvres opératiques.

Il convient d'ajouter les crédits alloués dans le cadre du fonds d'urgence qui ont représenté, en 2017, 280 dossiers pour un montant global de 5,3M€ en aides non remboursables et 270K€ en aides remboursables.

Source : Ministère de la culture

Dans ce contexte, les amendements déposés à l'Assemblée nationale à l'occasion de l'examen en première lecture du projet de loi de finances pour 2019 destinés à réduire le montant des crédits d'impôt dans le domaine de la culture ou à en restreindre le champ des bénéficiaires suscitent de fortes inquiétudes . C'est notamment le crédit d'impôt pour le spectacle vivant, créé en 2016 pour soutenir la création et la production de spectacles vivants musicaux et de variétés, qui est visé. Les députés ont adopté plusieurs amendements qui visent à :

- en exclure du bénéfice les spectacles d'humour et les comédies musicales (article 55 sexdecies ) ;

- en rendre plus sévères les critères d'éligibilité afin de mieux l'orienter en soutien à la production d'artistes émergents et en accompagnement d'entreprises moins subventionnées et prenant des risques financiers, conformément aux conclusions d'une évaluation réalisée par l'inspection générale des finances et l'inspection générale des affaires publiques qui n'ont pas encore été rendues publiques (article 55 sexdecies ) ;

- en limiter la durée dans le temps à 2022 (article 55 terdecies ).

Il est vrai que le coût du dispositif, initialement évalué à 5 millions d'euros par an, devrait se révéler plus élevé en vitesse de croisière - sans doute entre 15 et 20 millions d'euros. Compte tenu de sa création récente, aucune évaluation du dispositif n'a pu encore être véritablement réalisée par le ministère de la culture. Celui-ci s'est engagé à renforcer ses outils de pilotage pour permettre une analyse affinée du dispositif (mise en place d'un formulaire de demande d'agrément plus détaillé, suivi de la ventilation des dépenses, meilleure connaissance de la dépense fiscale en lien avec le ministère de l'action et des comptes publics). Les évaluations réalisées par des cabinets privés laissent apparaître un bilan très positif de ce crédit d'impôt, aux retombées supérieures au coût qu'il représente pour le budget de l'État.

Dans ces conditions, il paraît essentiel d'en préserver l'esprit dans l'attente d'évaluations plus précises, tant il permet d'apporter une aide à un secteur en proie à de forts bouleversements et de soutenir la diversité musicale. Votre rapporteure estime que rien ne justifie d'exclure les spectacles d'humour et les comédies musicales de son bénéfice, compte tenu de leur contribution à l'économie du secteur et du signal très négatif que cette exclusion adresserait vis-à-vis de ces esthétiques. Parallèlement, les critères d'éligibilité retenus sont mal calibrés et risquent, au contraire, d'être contreproductifs et de nuire à l'attractivité du CISV ainsi qu'à l'émergence des artistes. Plutôt que de revenir simplement à l'existant, votre commission de la culture propose de les modifier afin de renforcer, plus encore, l'efficacité du CISV.

Les résultats des premières évaluations relatives aux effets
du crédit d'impôt pour le spectacle vivant sur ce secteur

Une étude demandée par le ministère de la Culture et remise le 25 juillet 2018 par le cabinet PMP Beyond Consulting ainsi qu'une étude demandée par un syndicat professionnel et remise par le cabinet Ernst and Young en septembre 2017 ont mis en lumière les effets positifs du CISV.

1. Le CISV contribue au développement de l'emploi et à l' augmentation des recettes fiscales et sociales

Le CISV a permis aux entreprises bénéficiaires du crédit d'impôt de créer des emplois permanents et intermittents (72 % de ces emplois concernent des artistes). L'étude du cabinet Ernst and Young indique que 483 emplois ont été créés en un an au sein de la filière (et 67 parmi les prestataires de la filière). Toujours selon cette étude, pour 1 € de dépense fiscale engagée par l'État, les entreprises bénéficiaires ont restitué 2,4 € en recettes sociales et fiscales .

2. Le CISV contribue à l'émergence et à la diversité des esthétiques dans le champ musical

Si les musiques actuelles sont les principales bénéficiaires du CISV, la musique classique et la musique contemporaine sont également soutenues, représentant 10 % des 1 684 spectacles faisant l'objet d'une demande d'agrément. Le CISV a bénéficié majoritairement à des petites entreprises (86 %) qui réalisent un chiffre d'affaires inférieur à 5 millions d'euros. Il permet donc le soutien à la diversité du secteur et tend à réduire les effets de concentration qui se développent dans le domaine de la musique.

64 % des demandes d'agréments provisoires affichent des devis de spectacles inférieurs à 100 000 euros et 81 % inférieurs à 200 000 euros, ce qui correspond bien à des projets de production destinés à des artistes émergents .

Le CISV contribue ainsi à accompagner les entreprises dans leur prise de risque pour la production d'artistes émergents et à renforcer la rentabilité de leurs projets.

3. Le CISV contribue à la diffusion et au rayonnement national et international des artistes du champ de la musique et des variétés

Le CISV a permis un essor de la diffusion des concerts et spectacles (deux dates supplémentaires en moyenne par spectacle aidé). L'étude du cabinet Ernst and Young indique que presque 2 400 dates auraient été générées ex nihilo .

Sur les 51 agréments définitifs accordés pour 807 représentations, 12 % ont été réalisées à l'étranger, 72 % en régions, 9 % à Paris et 7 % en Ile-de-France (hors Paris). Le CISV accompagne donc la prise de risque des producteurs pour les dates internationales et pour des artistes émergents avec également une diffusion largement répartie sur le territoire national .

4. Le CISV contribue à la diversité des modes de production

Grâce à une intervention publique forte dans le domaine culturel, la France n'a pas connu les phénomènes de concentration dans le secteur de la musique comme c'est actuellement le cas dans d'autres pays. Le CISV participe à la régulation mise en place par l'État pour ce secteur et contribue à la survie des producteurs domestiques face aux grands groupes internationaux .

Par ailleurs, le CISV permet un rayonnement de la production musicale sur l'ensemble du territoire national, car même si 47 % des entreprises bénéficiaires du crédit d'impôt sont originaires de la région Ile-de-France, 53 % des demandes proviennent d'autres régions : Auvergne Rhône Alpes, Nouvelle Aquitaine, Pays-de-la-Loire, Bretagne, Occitanie en priorité.

Enfin le CISV bénéficie à des opérateurs économiques variés : 52 % d'associations, 28 % de société à responsabilité limitée (SARL), 15 % de société par actions simplifiée (SAS), 5 % à d'autres structures juridiques.

Source : Ministère de la culture

*

Compte tenu de ces observations, votre rapporteure pour avis propose à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 131 « Création » et 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2019.

*

* *

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2019.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 28 NOVEMBRE 2019

___________

La commission procède à l'examen du rapport pour avis sur les crédits du programme 131 « Création » et du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2019.

Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis des crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » . - Les points de vigilance que j'avais évoqués l'année dernière dans mon rapport n'ont globalement pas été levés : le Pass culture, le Fonpeps (Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle), les conservatoires et les écoles d'art. Les différents chantiers n'ont pas beaucoup progressé.

Toutefois, ce budget est un budget consolidé, stabilisé, avec une baisse des autorisations d'engagement, mais qui s'explique principalement par l'évolution d'un certain nombre d'échéanciers de travaux. Je pense à la relocalisation du Centre national des arts plastiques (CNAP) à Pantin et d'un certain nombre d'établissements de l'enseignement supérieur culture. En revanche, les crédits de paiement sont à peu près stables, avec certaines évolutions positives.

Le niveau de crédits de chacune des actions a été ajusté au plus près de la consommation des années précédentes. Je pense notamment aux bourses de l'enseignement supérieur, au Fonpeps. Le gouvernement le justifie par une volonté de sincérité budgétaire. Mais, le risque - et on le verra l'année prochaine - est qu'il n'y ait plus aucune marge de manoeuvre, alors qu'un certain nombre de chantiers, que j'évoquais précédemment, doivent être relancés l'année prochaine. Dans le même temps, et cela a été flagrant lors de l'audition du ministre, on nous parle des crédits de gestion. Lorsqu'on l'interroge sur l'origine des cinq millions d'euros qu'il a promis pour le Centre national de la musique (CNM) et qu'il nous répond qu'ils seront dégagés en gestion - il en est de même pour les 800 000 euros pour les écoles d'art -, il nous indique clairement disposer de marges de manoeuvre. Au final, la lisibilité du bleu budgétaire, mais aussi du budget de ces deux programmes va nous demander beaucoup plus de vigilance et de contrôle sur la mise en place des différentes actions car, traditionnellement, les crédits de gestion échappent au contrôle du Parlement.

Les collectivités territoriales sont mises à contribution, et ceci de plus en plus. Je pense notamment à l'éducation artistique et culturelle. Nous avons, cette année, auditionné les grandes associations d'élus. Elles nous ont indiqué que le capage à 1,2 % des dépenses de fonctionnement est une situation ubuesque. Le ministère leur demande d'intervenir avec lui dans le cadre d'un partenariat sur un certain nombre d'actions. Le plafonnement des dépenses à 1,2 % va les empêcher de le faire.

Les augmentations de crédits répondent à trois priorités. D'abord, le renforcement de l'équité territoriale qui se traduit par une augmentation des crédits déconcentrés. C'est un aspect intéressant. Je vous conseille d'interroger les DRAC de votre région afin de s'assurer qu'elles disposent bien de budgets en hausse. En matière d'arts visuels, les nouveaux crédits sont destinés à faciliter l'adoption des schémas d'orientation pour le développement des arts visuels (SODAVI) et à accompagner les Fonds régionaux d'art contemporain (FRAC) et les centres d'art en régions. Je veux simplement, comme je l'ai fait l'année dernière, souligner que les crédits destinés aux arts visuels restent faibles. C'est le parent pauvre du budget de la culture. Il y a peu d'efforts en direction des collectifs d'artistes et des lieux intermédiaires. Or ces lieux sont en plein développement et structurants pour nos territoires. La création du conseil national des professions des arts visuels, dont nous appelons à la création depuis plusieurs années pour permettre au secteur de se structurer, notamment sur son volet social, est annoncée pour la fin de l'année. J'espère que cela va se faire.

En matière d'accès de la jeunesse à la culture, les crédits sont en augmentation et de manière assez importante. L'implication des deux ministères - de la culture et de l'éducation nationale - est assez forte. Mais je remarque que l'engagement du ministère de l'éducation nationale en termes de crédits n'est pas encore à la hauteur de ce que l'on pourrait espérer. Beaucoup des actions d'éducation artistique et culturelle reposent sur l'investissement des collectivités territoriales.

J'attire votre vigilance sur plusieurs crédits : ceux destinés à réduire les inégalités territoriales dans l'accès à la culture et ceux destinés au développement des pratiques amateurs sont en baisse. On nous explique que l'accompagnement de ces projets sera fait par l'éducation artistique et culturelle. Je n'en suis pas certaine. C'est une question qu'il nous faudra suivre avec attention.

En ce qui concerne la promotion de la diversité culturelle, le Gouvernement met en exergue le rôle joué par le Centre national de la musique et le Fonpeps. Le projet du CNM est ancien. Il a désormais près de dix ans. L'idée est de retrouver au sein d'un même centre l'ensemble des esthétiques musicales, avoir un centre de ressources, un observatoire de la filière,... Il est vrai que les députés Pascal Bois et Emilie Cariou ont rendu leur rapport pour permettre le lancement du CNM. Mais comme je l'avais évoqué lors de l'audition du ministre, aucun crédit pour sa mise en place n'est inscrit au budget, alors qu'elle est attendue et que le Gouvernement a fait une promesse en ce sens. Le ministre rétorque que cinq millions d'euros seront consacrés sur la base de crédits de gestion. Je vous proposerai d'abonder ces crédits à hauteur de cinq millions d'euros supplémentaires et de demander au ministre de commencer à le mettre effectivement en place.

Je souhaite revenir sur les crédits d'impôt. Vous n'êtes pas sans savoir qu'à l'Assemblée nationale le crédit d'impôt spectacle vivant a été repérimétré par le Gouvernement via un amendement qui le fragilise considérablement. Nous devons prendre des décisions qui permettraient à la fois de revenir à un crédit d'impôt moins strict, tout en fixant de nouveaux critères pour qu'il joue mieux son rôle de soutien à l'émergence.

Le Fonpeps a été prorogé au-delà de 2018, mais les crédits sont en baisse en 2019. Je trouve qu'il était prématuré de réduire tout de suite les crédits avant même d'avoir véritablement expérimenté les effets de cette réforme. Si l'année prochaine, il faut les augmenter en raison de l'apparition de nouveaux besoins, l'État aura-t-il la capacité de le faire ?

La compensation de la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) pour les artistes-auteurs, pour un montant de 18 millions d'euros, est inscrite au programme 224. Le problème, c'est que le décret du 15 mai 2018 n'a pas prévu un mécanisme de compensation, mais simplement de soutien du pouvoir d'achat. Il n'existe aujourd'hui aucune proposition négociée et validée par les artistes et le Gouvernement sur la question des artistes-auteurs pour assurer la pérennité de la compensation. Par ailleurs, à ma connaissance, aucun versement n'a été effectué au titre de 2018, alors que nous sommes fin novembre.

Enfin, comme le sport, la culture a été impactée par la baisse des emplois aidés. Les associations sur nos territoires ont pour certaines disparu. Cela contribue à la fragilisation du secteur artistique. Au total, si le budget est stable, le secteur est touché par de nombreux facteurs exogènes et connexes qui le fragilisent.

C'est pourquoi nous allons devoir suivre, au sein de cette commission, plusieurs sujets préoccupants. Je commencerai par le Pass culture. Nous avons, hier, avec notre collègue Jean-Raymond Hugonet, président du groupe de travail dédié, et Sonia de la Provôté, auditionné assez longuement la start-up d'État sur le Pass culture - notamment Éric Garandeau et ses collaborateurs. J'ai l'impression qu'il y a eu une reprise en main politique par le ministère de ce dossier, soucieux d'éviter les différents écueils que nous avions identifiés. Très clairement, le projet allait jusque-là dans le mur, avec un manque de clarté sur ses objectifs. Il y a désormais une volonté de bien faire, ce qui ne doit pas nous empêcher d'être extrêmement vigilants. Je vous propose que le groupe de travail présidé par M. Hugonet soit l'instance de suivi de très près de la mise en oeuvre de ce pass. L'expérimentation qui devait commencer à l'automne dernier n'a toujours pas débuté. Elle n'aura lieu qu'au début de l'année 2019. Ce retard n'est pas dû à une question financière, mais de cadrage de l'expérimentation. Ils doivent trouver un panel de 10 000 jeunes. Or, les profils des candidats sont trop homogènes : il n'y a presque que des étudiants dans le Finistère. De la même façon, un travail doit être fait envers les offreurs. Dans un certain nombre de départements, trop peu d'offreurs se sont déclarés intéressés pour participer à ce pass. 34 millions d'euros sont inscrits en 2019 pour mettre en place l'expérimentation. Mais il n'y a aucune ventilation précise des crédits. L'estimation a été faite, si vous me permettez l'expression, « au doigt mouillé ».

Un autre point de vigilance concerne les écoles d'art dans nos territoires ; un alignement du statut des enseignants des écoles d'art territoriales sur celui des écoles d'art nationales est nécessaire. J'avais évoqué ce sujet l'année dernière. Une négociation devait être lancée à ce sujet, mais le chantier n'a guère progressé. Seuls 800 000 euros ont été annoncés pour revaloriser la grille indiciaire de ces enseignants, ce qui ne constitue qu'une partie de la question du statut. Ils ne sont, une nouvelle fois, pas inscrits dans le bleu budgétaire. On ne sait d'ailleurs pas bien comment ils vont être ventilés entre les différentes écoles d'art. Ces enseignants ont besoin de voir leur statut consolidé. Il en va de l'avenir de nos écoles d'art territoriales. En outre, l'année prochaine, les écoles d'art territoriales vont entrer dans la plateforme « Parcoursup ». Il faudra être vigilant pour que leurs spécificités soient préservées.

Enfin, je terminerai par la sécurité. Cela concerne tous nos événements. Le fonds d'urgence a octroyé plus de 18 millions d'euros d'aide depuis sa création en 2015. Il va disparaître en fin d'année, pour être remplacé par un fonds doté, en 2019, de 2 millions d'euros, au bénéfice de l'ensemble des opérateurs culturels hors opérateurs nationaux. Le ministère de la culture indique que les entreprises de spectacle doivent désormais internaliser les coûts de sécurité. Notre vigilance doit s'exercer particulièrement en ce qui concerne les festivals. Les préfets ont pour consigne de regarder avec discernement si certains festivals peuvent ou non internaliser ces coûts de « sécurité ». Ces derniers vont augmenter en raison de la circulaire dite « Collomb » sur l'indemnisation des services d'ordre. Cela va avoir des impacts très forts sur le modèle économique des structures, mais aussi l'événementiel. Je ne souhaiterais pas que ce soit in fine les collectivités territoriales qui doivent compenser ces coûts. Il y a un vrai danger en la matière.

En conclusion, vous avez compris que les points de vigilance sont les mêmes que l'année dernière. Par rapport à un budget que je considère peu lisible car il noie des transferts de crédits, notre suivi et notre contrôle doivent être renforcés. C'est à ce moment-là que l'on pourra vérifier si les bons choix ont été faits. Mais, globalement le budget est stabilisé. C'est la raison pour laquelle je vous demanderai de donner un avis favorable aux crédits de ces deux programmes.

Mme Françoise Laborde . - Je souhaite souligner les compétences et la passion de notre rapporteure. Ce rapport montre des points positifs, mais il met l'accent sur la vigilance dont nous devons faire preuve. Les parlementaires sont là pour jouer leur rôle de contrôle. D'une part, on nous indique que ce budget est consolidé et stabilisé. On nous annonce une sincérité budgétaire. Mais, d'autre part, on constate l'existence de crédits « cachés » à travers les crédits de gestion. On se demande où ces crédits vont être pris.

Il faut surveiller les crédits déconcentrés. Enfin, je pense que le principal point de discussion est le crédit d'impôt spectacle vivant, que l'Assemblée nationale a fragilisé. Le ministre nous a indiqué être très attaché aux crédits d'impôt. Il y a donc un hiatus.

Afin de compenser la CSG, la ministre nous avait promis 18 millions d'euros. Certes, nous ne sommes pas encore le 31 décembre, mais ils n'ont pas encore été versés.

En ce qui concerne les festivals, nous avons travaillé sur cette question avec les membres du groupe d'études rattaché à notre commission. Lorsque la circulaire indique que les préfets doivent regarder avec discernement la situation de chacun des festivals, cela a fait sourire jaune un certain nombre de collectivités. On a vu que le discernement était à la carte en fonction du préfet et de sa sensibilité culturelle. La hausse des coûts de sécurité réduit d'autant les enveloppes consacrées par les organisateurs à la création. Prenons-y garde. La création et nos artistes en région vont en pâtir.

Je reconnais l'aspect positif de ce budget et le groupe RDSE donnera un avis favorable à l'adoption des crédits. Nous devons exercer notre mission de contrôle tout au long de l'année.

M. Jean-Raymond Hugonet . - C'est le deuxième budget que j'examine. Étant donné l'état financier de notre pays, la culture s'en sort plutôt bien. Mais, il s'agit d'une façade. Ce qui est en trompe-l'oeil est beaucoup plus important. On parle de crédits de gestion, de gels de crédits. Il faudra être attentif tout au long de l'exercice budgétaire, et notamment lors d'un exercice qui ne passionne pas les foules : l'examen du projet de loi de règlement. Il est adopté dans l'indifférence générale, alors qu'il est d'une importance capitale. Dans nos communes, le compte administratif est plus important que le budget.

Au demeurant, on sent qu'il y a désormais un autre pilote dans l'avion au ministère de la culture.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je dirai même qu'il y a enfin un pilote dans l'avion.

M. Jean-Raymond Hugonet . - Il s'agit maintenant de voir le pouvoir du nouveau ministre vis-à-vis de Bercy.

Le Pass culture est symbolique de la politique culturelle du chef de l'État. 34 millions d'euros ont été inscrits au budget. On voit qu'il y a aujourd'hui une grande volonté de le développer, avec une ampleur qui peut rapidement devenir exponentielle. Nous avons la certitude que les personnes que nous avons rencontrées sont compétentes. C'est la différence entre cette grande compétence, l'ambition affichée et la réalité de terrain qui m'inquiète davantage. Ce ne sont pas trois personnes qui vont diffuser sur l'intégralité du territoire national une opération emblématique pour le Président de la République. J'adhère ainsi à la proposition de Sylvie Robert de pouvoir suivre de près la réalisation des expérimentations dans les cinq départements tests.

Mme Maryvonne Blondin . - J'ai retenu deux mots : vigilance et ajustement plutôt que stabilité. Il est parfois difficile de s'y retrouver dans ce nouveau périmètre des missions.

En ce qui concerne le Pass culture, dans le Finistère, il n'y a eu aucune évolution, aucune nouvelle depuis son annonce, alors qu'il s'agit d'un des territoires d'expérimentation. Il y a eu un travail sur le choix des jeunes afin d'essayer de ne pas avoir des profils de jeunes identiques mais de viser des publics éloignés de la culture. Cela n'a pas abouti pour l'instant. Je vous tiendrai au courant de l'évolution de ce dossier.

Un autre point de vigilance pour notre groupe concerne la sécurisation des spectacles et les conséquences de la circulaire Collomb du mois de mai dernier. J'avais eu l'occasion d'interpeller le ministre sur ce point. Le syndicat des musiques actuelles et le Prodiss ont déposé un recours contre ce texte. Ils en demandent l'annulation. Il est fortement préjudiciable pour la pérennité des spectacles et des festivals, dont l'équilibre économique est menacé.

Je constate, de manière générale, qu'il n'y a pas de culture sans artiste, sans auteur, sans emploi. Les artistes sont en grande fragilité. Le Fonpeps a été mis en place en 2016. Il se trouve dans une situation très délicate. Aucune évaluation n'en a été faite et le budget 2019, en baisse, s'est aligné sur le budget de l'année dernière où les différentes mesures n'étaient pas encore entrées en vigueur alors qu'une nouvelle mesure s'applique depuis l'été dernier concernant les salles de petite jauge. La baisse des crédits intervient beaucoup trop tôt.

Le Centre national de la musique est un serpent de mer. On a besoin d'un centre d'observation et de ressources pour le secteur de la musique. La première fois que ce projet a été évoqué, c'était sous Nicolas Sarkozy. Je me demande pourquoi les crédits destinés à sa création n'ont pas véritablement été inscrits mais doivent être dégagés en gestion.

Un mot sur l'emploi des artistes et la révision des accords collectifs avec le MEDEF : les annexes 8 et 10 de la convention d'assurance-chômage sont intégrées dans ces négociations. Une lettre de cadrage a été envoyée demandant 3 à 4 milliards d'euros d'économie pour l'ensemble de ces accords. Nous allons être sollicités pour soutenir les intermittents du spectacle.

Enfin, je regrette l'absence de débat sur les langues de France. On a beaucoup parlé de la francophonie. Mais il existe un riche patrimoine immatériel : le patrimoine des langues des France, au nombre de 75. On se mobilise pour sauver un château. On doit se mobiliser pour sauver une langue également. Une langue contient toute la communication, l'histoire et la culture.

M. André Gattolin . - Je voudrais revenir sur le problème de lisibilité du budget. Cette difficulté n'est pas nouvelle. Mais, deux faits doivent être notés : tout d'abord le gouvernement a fait en sorte que le taux de mise en réserve soit abaissé de 8 à 3 % depuis l'an dernier. Cela a un effet très significatif. Nous avons connu ces dernières années des rabots et des décrets d'avance que nous ne pouvions pas étudier dans les faits. Cela renvoie au projet de loi de règlement. Avec Vincent Éblé, j'ai été rapporteur spécial des crédits de la mission culture pendant trois ans. On voyait de vraies différences liées à ces rabots qui arrivaient au dernier moment. Ce budget 2019 a une volonté de sincérité : il y aura moins d'écart entre le budget initial et le budget réalisé.

Pour la première fois, et nous le demandions à la commission des finances, un agrégat a été constitué. Le gouvernement, à travers la mission culture, a choisi de communiquer sur le montant total des financements en faveur du secteur culturel. On s'aperçoit qu'il atteint 10 milliards d'euros. On oublie en effet la dépense fiscale. Nous sommes aujourd'hui à 0,98 % du budget de l'État. Mais si on inclut la dépense fiscale, c'est-à-dire les crédits d'impôt, l'effort est important. Cela fait partie de la lisibilité budgétaire.

Certaines remarques et critiques de la rapporteure sont tout à fait justifiées. Il y a ainsi eu une erreur sur le Pass culture. On a commencé par créer la plateforme avant de se poser la question de la méthodologie, de la tarification, de son contenu, de la place à octroyer aux différents acteurs culturels (lieux, plateformes ...) en son sein. Je suis content de savoir que le nouveau ministre s'attaque à cette question.

La critique sur la baisse du crédit d'impôt pour le spectacle vivant est fondée. Ce crédit d'impôt est essentiel. S'agissant du fonds d'urgence, créé suite aux attentats de 2015, je rappelle qu'il ne devait fonctionner à l'origine qu'un an. Il est cofinancé par l'Etat, le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), la Ville de Paris et les sociétés de gestion de droits. Nous avions obtenu, à la commission des finances, qu'il soit prorogé et élargi pour tenir compte de certains acteurs qui en étaient exclus, notamment les festivals. Lorsque l'on auditionne les représentants du Prodiss, ils reconnaissent que la fréquentation est revenue et que les ressources de billetterie sont en hausse. Certes, les coûts de sécurité demeurent. Mais je serai un peu plus mesuré. Il n'est pas question pour l'État de payer tous les coûts de sécurité. Je ne vois pas pourquoi l'État payerait à la place d'un département qui a beaucoup de ressources - celui des Hauts-de-Seine par exemple - pour des manifestations culturelles organisées par ce dernier. Il est intéressant de faire un examen au cas par cas. L'État doit intervenir quand les collectivités territoriales ou les organisateurs ne peuvent pas le faire, même si, au total, la question des coûts de sécurité est importante, car elle a un effet qui n'est pas compensé par le redémarrage de la billetterie.

Le rapporteur général de l'Assemblée nationale, qui a une phobie des crédits d'impôt, a la volonté de les réduire. Il a publié un rapport à ce sujet en juillet. Toutefois, je note que le cinéma est totalement épargné, alors que c'est le plus gros crédit d'impôt. Bien sûr il y a peut-être trop de dépenses fiscales. Mais il y a de bonnes dépenses fiscales, qui sont importantes. Je pense à celles concernant le spectacle musical vivant. On les coupe avant même de les évaluer. Je pense aussi au crédit d'impôt pour les jeux vidéo. Couper ces dispositifs fiscaux qui sont plutôt efficaces et permettent de maintenir des emplois en France pose question. Il va falloir expliquer à l'Assemblée nationale et à son rapporteur général que tous les crédits d'impôt ne sont pas mauvais. Il faudrait qu'il cherche des économies ailleurs.

Enfin, je souhaite évoquer la question du handicap. Je rappelle qu'ont été mises en place des unités localisées pour l'enseignement scolaire (ULIS) permettant de scolariser des élèves présentant des troubles compatibles. Ils ont pu bénéficier des résidences d'artistes implantées dans les établissements scolaires.

Bien évidemment, je donnerai un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

Mme Sonia de la Provôté . - Globalement, on peut considérer que la stabilité des crédits est de bon aloi. En ce qui concerne la sincérité budgétaire et la volonté d'ajuster au mieux les bourses d'enseignement supérieur ou le fonpeps, on peut l'entendre dans une période de sincérité affichée. Mais c'est en contradiction avec les crédits de gestion. Si on est sincère, on intègre toutes les dépenses. On ne donne pas l'impression qu'il y a des crédits cachés que l'on peut utiliser au gré des projets en cours d'année.

En matière de politique déconcentrée, je note l'absence de transparence sur les éléments de péréquation et la répartition concrète d'un territoire à l'autre. On sait que le budget consacré à la culture par habitant n'est pas le même d'une région à l'autre. Il faudrait pouvoir disposer de données précises. S'il y a des injustices, elles mériteraient d'être réparées. En outre, une partie des crédits relève d'appels à projet en cours d'année. Très clairement, c'est celui qui entend l'appel qui y répond. Cela pose une question en termes d'équité territoriale.

Je partage les points de vigilance évoqués par notre rapporteure. Le Pass culture a été largement évoqué tout comme la compétence des nouveaux intervenants. Il faut toutefois avoir conscience des objectifs parfois divergents des partenaires de ce Pass culture. Prenons garde à ce que les objectifs louables des ministères ne soient pas dévoyés.

La question des conservatoires avait été soulevée l'année dernière. Le ministre a affirmé son soutien. Il n'en reste pas moins qu'il y a un hiatus entre le coeur de métier des conservatoires et les nouvelles missions qu'on leur confie, d'autant que cette évolution n'a pas de traduction budgétaire.

Il faut accompagner les artistes et les créateurs. Par essence, ce sont des métiers faits d'aléas, de passions, de parcours erratiques, d'opportunités ou de creux d'activité. Tout ce qui peut contribuer à les sécuriser est propice à l'effervescence et à la création culturelles. Lorsque l'on aide les artistes, on aide notre production culturelle dans sa diversité.

Je suis très attentive aux arts visuels. Même dans la pratique artistique à l'école et hors de l'école, on n'en parle pas. Ces arts sont une filière sur laquelle tout est quasiment à construire ou à mettre en ordre.

Enfin, quelques mots sur l'éducation artistique et culturelle et le soutien à la démocratisation. J'insiste sur l'engagement qui doit être réel des deux ministères concernés par cette politique. Il faudrait que le ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse prenne davantage sa part dans le financement. Les actions ne sont pas forcément complémentaires.

Il y a une contradiction entre la manière dont les collectivités territoriales sont mises à contribution et l'encadrement de l'augmentation de leurs dépenses des collectivités. Il est souhaitable que les politiques culturelles soient co-construites avec les territoires, car les collectivités sont au plus près de la réalité du terrain et des besoins, mais l'encadrement des dépenses des collectivités va poser un problème. Des choix de politiques publiques locales devront être faits.

Enfin, le fonds handicap, nouvelle dépense en 2018, n'apparaît plus en 2019. L'équité doit concerner et les territoires et les citoyens. On retrouve certainement ce fonds ailleurs, mais, lorsqu'il n'est plus identifié, on n'a plus le sentiment qu'il s'agit d'un objectif en soi.

Mme Céline Brulin . - Nous partageons bon nombre des remarques exprimées. Ce budget est en apparence stabilisé. Il semblerait, en outre, qu'il y ait désormais un pilote dans l'avion. Mais de nombreuses contradictions demeurent. Plusieurs ont été relevées. La politique de l'État en matière de culture s'appuie sur de plus en plus de partenaires qui ne sont pas forcément en situation d'assurer ce partenariat, ou qui n'ont pas les mêmes ambitions ou la même philosophie que la puissance publique. Les collectivités n'ont plus les mêmes moyens et voient leurs dépenses de fonctionnement encadrées. Or, on sait que les budgets culturels sont souvent les premiers touchés par ces réductions de moyens. En effet, ces budgets n'apparaissent pas, y compris dans l'opinion publique, comme une intervention prioritaire.

Je ne reviens pas sur la baisse du nombre des emplois aidés qui a fait beaucoup de mal dans les associations et le monde culturel comme dans le monde sportif.

Je rejoins également ce qui a été dit sur le Pass culture. Au-delà de l'improbable logique dans laquelle s'est engagée cette affaire, il reste beaucoup d'interrogations sur les partenaires qui vont s'engager, mais aussi sur les raisons qui vont les inciter à le faire.

Il faut également prendre en compte les incertitudes et les inquiétudes qui traversent le monde de la culture - les écoles d'art ont été évoquées. Je rejoins ce qui a été dit sur les intermittents du spectacle. Plusieurs annonces ont été faites, y compris sur la réforme des retraites. Elles ne peuvent que les inquiéter.

Je terminerai par la suppression du fonds d'urgence. Cela peut avoir des effets extrêmement graves. Certes, on est sur une autre échelle, mais j'ai constaté que dans mon département qu'au mois de juin des manifestations comme des fêtes de fin d'année dans les écoles ont été remises en cause pour des raisons sécuritaires. Cela a suscité un émoi terrible parmi les parents d'élèves et les enseignants. Dans le climat actuel, alors que ces animations sont des outils de cohésion sociale et territoriale, nous aurions beaucoup de souci à nous faire si elles disparaissaient.

Vous ne serez donc pas surpris : nous donnerons un avis défavorable à l'adoption de ces crédits.

Mme Colette Mélot . - Beaucoup de sujets ont été évoqués. Le groupe Les Indépendants donnera un avis favorable, mais avec quelques points de vigilance, notamment pour le Pass culture. Je me joins à ce qui a été dit sur les coûts de sécurité. Ils ne doivent pas pénaliser les communes, avec les réserves qu'a émises M. Gattolin sur les différences entre collectivités.

Exception faite de ces points de vigilance, je donne un avis favorable à ces crédits.

Mme Catherine Dumas . - Je souhaite aborder un projet immobilier d'envergure, porté par le programme « création », la création de la cité du Théâtre aux ateliers Berthier. Ces ateliers ont été créés par Charles Garnier pour accueillir les décors de l'opéra de Paris. Ils vont céder la place à une cité du théâtre sur 20 000 mètres carrés. C'est un fait assez rare pour être souligné : nous avons réussi à rassembler les intérêts de quatre grandes institutions culturelles - l'Opéra de Paris, l'Odéon théâtre, la Comédie française et le Conservatoire supérieur d'art dramatique. Par ailleurs, sa situation sur le boulevard des Maréchaux permettra d'en faire profiter tout le Grand Paris.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - En ce qui concerne le Pass culture, comment se fait son articulation avec les dispositifs de même nature qui existent parfois dans les régions ?

Nous sommes tous sensibles à la question des moyens alloués pour les actions en direction des publics spécifiques. Je rappelle que nous avons voté des droits culturels dans la loi NOTRe et la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine. Comment garantir que ces dispositifs persistent et soient même renforcés ?

Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis . - J'ai indiqué que les crédits pour les politiques territoriales étaient en baisse. Pour être très précise, les crédits en direction des quartiers de la politique de la ville et des pratiques artistiques amateurs sont en baisse. Les crédits spécifiques culture-justice et culture-handicap sont stables. Il faut sur ce point demeurer vigilant.

L'articulation avec les pass culture territoriaux fait partie des questions que nous avons identifiées au sein du groupe de travail. Le Pass culture va parfois percuter des dispositifs existants et qui ont fait leurs preuves dans des régions ou départements. C'est un des points de vigilance.

En 2020, le concours de maîtrise d'oeuvre de la cité du théâtre doit être lancé, pour, semble-t-il, une livraison en 2023 - avec toutes les réserves qui s'attachent aux dates d'exécution des grands chantiers.

Nous serons vigilants sur la question de l'emploi à tous les niveaux. Il faudra également regarder les éléments de péréquation entre les régions et les crédits des DRAC. Il sera intéressant d'étudier la manière dont la répartition se fait. Je rejoins notre collègue sur les appels à projet : les collectivités qui sont prêtes peuvent y répondre, mais avec le capage à 1,2 % elles ne pourront plus le faire.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Avant d'examiner les deux amendements, on peut souligner les points positifs de ces crédits : une consolidation du budget, et la présence d'un pilote dans l'avion des politiques publiques de la culture. À la suite de l'audition de Franck Riester, nous avons été rassurés sur la méthode que souhaite mettre en place le ministre. Il souhaite travailler en lien avec les collectivités territoriales. Il a clairement affiché ce désir de dialogue constant avec les différents niveaux de collectivités. Au cabinet l'a d'ailleurs rejoint l'ancienne présidente de la Fédération nationale des collectivités pour la culture (FNCC), Déborah Münzer. Cela témoigne de ce souci des territoires.

À l'issue de la période budgétaire, nous allons engager un travail de bilan de l'application de la loi NOTRe. Je souhaite qu'à cette occasion on puisse faire le bilan des commissions cultures des commissions territoriales de l'action publique, où les différents niveaux des collectivités territoriales sont censés s'être réunis pour évoquer des sujets de politique culturelle.

Le groupe de travail Pass culture va poursuivre ses travaux. Il faudra évaluer les expérimentations. Dans le département de l'Hérault, les retours sont plutôt mitigés. Il est vrai qu'on revient de loin.

J'aimerais que nous aboutissions sur deux sujets qui pourraient être la marque de fabrique de notre commission : les écoles d'art et les conservatoires. Il s'agit de formation. En outre les collectivités sont très impliquées. Ces deux chantiers traînent depuis des années. Je constate que, s'agissant des écoles territoriales d'art - pourtant établissements d'enseignement supérieur -, l'État est financièrement peu présent. Ce sont les villes qui se sont associées en établissement public de coopération culturelle pour se mettre en conformité avec le système licence, master, doctorat (LMD).

M. Christian Manable . - S'agissant du nouveau ministre de la culture, j'ai entendu à plusieurs reprises qu'il y avait un pilote dans l'avion. De prime abord, il me semble qu'il a son brevet de pilote. Mais personnellement, je juge de la qualité d'un pilote pendant et à la fin du vol. Pour rependre un mot répété plusieurs fois ce matin, il faudra faire preuve de vigilance.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous pourrons également juger de sa capacité à s'imposer face à Bercy. Mais, il aura peut-être besoin de notre soutien à cette fin.

Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis . - Nous allons voir comment le ministre se positionne sur les deux amendements.

Le premier concerne le CNM. Lors de son audition par notre commission, le ministre s'est engagé à débloquer cinq millions d'euros en crédits de gestion pour la création de cette nouvelle institution. Or, la filière a indiqué que 10 millions d'euros sont nécessaires pour franchir la première étape et permettre la mise en place de l'observatoire de la musique que nous avons créé dans la loi LCAP. Aussi, je vous propose de prendre cinq millions d'euros sur le Pass culture pour les affecter à la mise en place du CNM, auxquels s'ajouteront les cinq millions de crédits de gestion. Aujourd'hui, on ne sait pas à quoi les crédits prévus pour le Pass culture vont être utilisés. Cela peut d'ailleurs être l'occasion pour le ministre de se positionner sur ce dossier.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Y a-t-il des explications de vote ?

M. Pierre Ouzoulias . - Par principe, nous préférons ne pas participer au vote. Mais, vous aurez sur cet amendement notre soutien moral.

M. Jean-Raymond Hugonet . - Sur cet amendement, je suis tiraillé à titre personnel - et je n'engage pas le groupe politique dans cette réflexion - étant à la fois président du groupe de travail sur le Pass culture, mais ayant exercé professionnellement dans le domaine de la musique. Nous verrons la réponse du ministre de la culture. Mais l'amendement me paraît sage.

Mme Sonia de la Provôté . - Je trouve cette proposition intéressante. Lors de notre intervention pour le groupe l'année dernière, nous avions évoqué une réorientation d'une partie des budgets vers les conservatoires. Nous avions déjà suggéré que ces crédits dont on ne connaît pas forcément l'usage - je crois savoir que les crédits destinés au Pass culture de l'année dernière n'ont pas été consommés dans leur intégralité - soient partiellement reventilés. En effet, la somme consacrée est suffisamment importante et peu précise pour pouvoir le faire. Cela permet également de montrer nos priorités dans ce budget pour la culture.

Mme Colette Mélot . - Cet amendement est une bonne idée. Je suis très favorable à donner des crédits supplémentaires au CNM. Toutefois, je m'abstiendrai car il faut réfléchir aux conséquences de cette reventilation.

Mme Françoise Laborde . - Nous voterons cet amendement, puisque le Pass culture est actuellement en expérimentation sur cinq départements. Il est donc possible de prendre une certaine somme afin de favoriser un autre budget.

L'amendement n° II-336 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Culture du projet de loi de finances pour 2019.

Mme Sylvie Robert , rapporteure pour avis. - L'amendement n° II-335 concerne le crédit d'impôt spectacle vivant. Tout comme moi, vous avez lu dans la presse que le rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale veut clairement en réduire le nombre. Il s'est fait partiellement reprendre par le Gouvernement, mais il continue cette bataille, pour mettre fin aux crédits d'impôt consacrés à la culture notamment. Pour reprendre ses propos, il considère que l'évaluation dans le domaine de la culture des crédits d'impôt est « accablante ».

Nous allons voir la position du ministre. En effet, c'est le Gouvernement qui a déposé un amendement sur le crédit d'impôt spectacle vivant. Il est assez récent puisqu'il date de 2016. On a très peu de recul en termes d'évaluation. Celle réalisée par un cabinet de conseil privé à la demande du Prodiss (Syndicat national du spectacle musical et de variété) montre qu'il est intéressant : il a permis de créer de l'emploi et a des effets bénéfiques pour la filière. Il est vrai qu'un peu plus de recul aurait été de bon aloi.

Le Gouvernement souhaite modifier ce crédit d'impôt à plusieurs niveaux. Tout d'abord, il en a privé du bénéfice - et je ne sais pas pourquoi - les spectacles de variétés, et notamment les spectacles d'humour et de comédies musicales. Or, ces derniers rapportent beaucoup d'argent, et vous savez qu'une partie de la recette remonte au CNV par le biais de la taxe parafiscale et est ensuite redistribuée à l'ensemble de la filière. C'est un signal particulier qui est envoyé, car dans le même temps, l'Assemblée nationale a étendu à la téléréalité le bénéficie du crédit d'impôt audiovisuel. En outre, je trouve qu'il y a des spectacles d'humour de grande qualité aujourd'hui. Aussi, je vous proposerai de les maintenir dans le champ du crédit d'impôt.

Par ailleurs, un amendement du rapporteur général a demandé une évaluation du dispositif en 2022. Nous ne pouvons que souscrire à cette évaluation. Il est important de contrôler l'impact des crédits d'impôt.

En revanche, la seconde partie de l'amendement gouvernemental vise à durcir considérablement les critères pour favoriser davantage l'émergence des artistes. Mais les critères retenus ont des effets contreproductifs, et par ailleurs, ils n'ont pas été travaillés avec la filière. J'ai pris l'attache de l'ensemble de la filière musicale. Je ne voulais pas que l'on soit dans une situation où l'on rejette de manière brutale l'amendement du Gouvernement. Je préfère vous proposer des nouveaux critères qui ont été négociés, validés et travaillés par la filière elle-même. Elle a réfléchi à la manière de favoriser véritablement l'émergence. Pour considérer qu'un artiste est un artiste émergent, le présent amendement maintient le critère jusqu'ici en vigueur prévoyant qu'aucun spectacle de l'artiste concerné ne doit avoir réalisé plus de 12 000 entrées payantes. En outre, je vous propose un nouveau critère, excluant du bénéfice du crédit d'impôt tout artiste dont le spectacle aurait été présenté plus de quatre fois dans des salles d'une jauge de 6 000 personnes. Cet ajout permet d'éviter que des grands artistes reconnus bénéficient de ce crédit d'impôt qui n'est pas fait pour eux. Je vous propose que l'entrée en vigueur de ce nouveau crédit d'impôt remanié soit reportée à avril 2019. L'amendement gouvernemental prévoit une entrée en vigueur au 1 er janvier 2019. La loi va être promulguée fin décembre. Il paraît impossible juridiquement de le mettre en place dans un délai aussi court.

Je vais voir comment le ministre réagit à cette proposition d'amendement rédigé en concertation avec la filière.

M. Pierre Ouzoulias . - L'amendement porte sur quelle partie du budget ?

Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis . - Il s'agit d'un article non rattaché de la seconde partie du projet de loi.

M. Pierre Ouzoulias . - Comment faites-vous pour vous exonérer de l'article 40 de la Constitution ?

Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis . - Nous ne créons pas de charge nouvelle par rapport au droit en vigueur aujourd'hui. Nous proposons des améliorations à l'amendement du Gouvernement.

M. Pierre Ouzoulias . - Nous n'allons pas entamer ici le débat de l'intérêt des crédits d'impôt, mais il me semble que la visibilité est plus importante lorsque l'on met des ressources budgétaires. Je m'intéresse beaucoup au crédit d'impôt recherche - 6,5 milliards d'euros - pour lequel il n'existe aucun bilan. Je trouve scandaleux d'attaquer les dispositifs culturels alors que ceux-ci s'appuient sur des arguments forts. Même le crédit d'impôt pour le cinéma, qui est le plus important, a des effets visibles sur l'offre cinématographique française. Dans le bleu budgétaire sur le crédit d'impôt recherche, on vous explique depuis dix ans que son avantage pour la recherche et le développement privé est autour de 1. Et, lorsque vous demandez un bilan, on vous oppose le secret fiscal. Il n'y a pas de possibilité de faire une évaluation concrète. C'est ma crainte par rapport à ce type de dépense : on oppose systématiquement le secret fiscal auquel s'ajoute désormais le secret des affaires.

Mme Françoise Laborde . - Cet amendement est intéressant et nous le soutiendrons. Un crédit d'impôt créé en 2016 ne peut pas s'arrêter sans évaluation. Nous avions été sollicités par la filière pour des modifications du texte. Pensez-vous qu'elles sont intégrées dans votre rédaction ?

Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis . - Nous avons travaillé avec la filière. Elles sont donc prises en compte.

Mme Françoise Laborde . - Dans l'hémicycle j'évoquerai les arts du cirque qui ne sont pas éligibles au crédit d'impôt spectacle vivant alors même que le cirque constitue l'une des esthétiques du spectacle vivant. Nous les avons reçus dans le cadre du groupe d'études arts de la scène, arts de la rue et festivals en régions.

M. David Assouline . - Cet amendement est nécessaire. En matière de crédits d'impôt, nous sommes confrontés à une situation paradoxale : nous n'avons aucune visibilité s'agissant de crédit d'impôt recherche, sans doute parce qu'il profite à des grandes entreprises, qui cumulent cet avantage et le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE). À l'inverse, les crédits d'impôt du secteur de la culture sont évalués. Et nous savons, par exemple pour les crédits d'impôt qui bénéficient au cinéma, quel est leur impact positif en termes d'emploi et de dépenses supplémentaires réalisées en France.

Mme Sonia de la Provôté . - Cet amendement est en effet nécessaire. Il est important de favoriser l'émergence des nouvelles formes de création, dont le statut est précaire. Il s'agit de remettre un peu de justice au milieu du village car notre réflexion doit être globale. Quelle est donc la logique budgétaire de faire un sort particulier à l'humour et à la téléréalité ?

M. Jean-Raymond Hugonet . - Je ne vois pas, au sein du projet de loi de finances, de réforme structurelle. C'est pourquoi le saltimbanque que je suis et que je resterai souscrit des deux mains à cet amendement.

L'amendement n° II-335 est adopté .

AMENDEMENTS

présentés par Mme Sylvie Robert,
au nom de la commission de la culture,
de l'éducation et de la communication

________________

ARTICLE 39

ETAT B

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Patrimoines

Création

5 000 000

5 000 000

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

dont titre 2

5 000 000

5 000 000

TOTAL

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

SOLDE

0

0

OBJET

Le présent amendement modifie la répartition des crédits des programmes de la mission « Culture ». Il vise à transférer 5 millions d'euros depuis les crédits inscrits au titre du Pass culture sur l'action 2 du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » vers l'action 1 du programme 131 « Création » pour sécuriser l'amorçage du Centre national de la musique (CNM) .

Si sa création n'intervenait pas en 2019, les acteurs de la filière se sentiraient trahis et le projet, qui doit pourtant permettre d'enfin rassembler la filière musicale et de mieux répondre aux bouleversements majeurs auxquels elle est confrontée depuis une dizaine d'années, risquerait d'être définitivement abandonné.

Ces 5 millions d'euros viendront s'ajouter aux 5 millions d'euros promis par le ministre de la culture, Franck Riester, qui ne figurent pas dans les documents budgétaires et doivent être dégagés en gestion l'année prochaine.

C'est ainsi un montant total de 10 millions d'euros qui pourrait être octroyé au CMN à sa création, lui permettant de lancer ses travaux en matière d'observation de la filière musicale et d'information et de formation des professionnels.

_________________________

ARTICLE 55 sexdecies

I. Alinéa 2

Supprimer cet alinéa

II. Alinéas 3 à 9

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

2° Après les mots : « mentionnée au VI », la fin du 3° du II est ainsi rédigée : « , et dont aucun spectacle n'a été présenté plus de quatre fois pendant les six années précédant la demande d'agrément mentionnée au VI dans des lieux dont la jauge, définie comme l'effectif maximal du public qu'il est possible d'admettre dans ce lieu, est supérieure à 6 000 personnes. Ces conditions ne s'appliquent pas aux représentations données dans le cadre de festivals ou de premières parties de spectacles. »

III. Alinéa 11

A. Remplacer la référence :

VII

Par la référence :

VI

B. Remplacer la date :

1 er janvier 2019

Par la date :

1 er avril 2019

OBJET

Le présent amendement propose de rétablir le crédit d'impôt pour les dépenses de production de spectacles vivants dans sa version initiale, tout en l'améliorant pour répondre à son objectif premier de soutien aux artistes en développement.

Tout d'abord, il maintient dans le champ du dispositif les spectacles vivants de variétés , exclus du crédit d'impôt en première lecture par l'Assemblée nationale. Les spectacles d'humour ont en effet toute leur place puisque ce crédit d'impôt n'est pas conçu pour la musique en particulier mais pour la scène en général. Ils contribuent à la culture populaire et à la vie des territoires en attirant dans les salles de spectacles un public jeune et familial.

Ensuite, il précise les conditions dans lesquelles un artiste est considéré comme un artiste émergent et donc éligible au crédit d'impôt. En première lecture, l'Assemblée nationale a en effet souhaité introduire un double critère imposant, d'une part, un nombre minimal de représentations dans un nombre minimal de salles (quatre représentations dans trois salles) et, d'autre part, l'interdiction de s'être produit dans un lieu d'une certaine jauge. Le premier critère exclurait de fait certains genres de spectacles, comme les comédies musicales ; le second méconnaîtrait l'article 34 de notre constitution en vertu duquel la loi est seule autorisée à fixer l'assiette des impositions de toute nature.

Le présent amendement maintient donc le critère jusqu'ici en vigueur prévoyant qu'aucun spectacle de l'artiste concerné ne doit avoir comptabilisé plus de 12 000 entrées payantes, tout en insérant un nouveau critère excluant du bénéfice du crédit d'impôt tout artiste dont les spectacles auraient été présentés plus de quatre fois dans des salles d'une jauge supérieure à 6 000 personnes . Cet ajout permet d'éviter que des artistes reconnus qui n'auraient cependant pas tourné depuis plusieurs années puissent bénéficier de ce crédit d'impôt destiné avant tout à des artistes en développement.

Un tel décompte est facilement évaluable par le CNV, qui peut faire des recherches d'antériorité sur le périmètre restreint des grandes salles et ainsi jouer le rôle de tiers de confiance.

Enfin, l'entrée en vigueur de ce crédit d'impôt remanié est reportée au 1 er avril 2019 au lieu du 1 er janvier, afin d'éviter toute insécurité juridique pour les aux entrepreneurs du spectacle.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mercredi 10 octobre 2018

- Association Orchestre à l'école : Mme Marianne BLAYAU , Déléguée générale.

- Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC) : Mme Déborah MUNZER , Présidente.

- Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) : M. Vincent MOISSELIN , Directeur.

- Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) : M. Philippe NICOLAS , Directeur.

Mardi 23 octobre 2018

- M. Etienne GUEPRATTE , Préfet, coordinateur du plan « Tourisme et sécurité ».

- Syndicat national des producteurs, diffuseurs, festivals et salles de spectacle musical et de variété (PRODISS) : Mme Malika SEGUINEAU , Directice générale, Mme Aline RENET , Conseillère stratégique, directrice des relations institutionnelles.

- Association nationale des écoles supérieures d'art (Andéa) : M. Loïc HORELLOU , Coprésident, Mme Muriel LEPAGE , Coprésidente,
Mme Maud LE GARZIC, coordinatrice.

Lundi 29 octobre 2018

- France urbaine : M. Olivier BIANCHI , co-président, Maire de Clermont-Ferrand, Président de Clermont Auvergne Métropole, Mme David CONSTANS-MARTIGNY , Conseiller, Responsable des relations institutionnelles, M. Sébastien TISON , Chargé de mission.

- Association des DRAC de France : M. Laurent ROTURIER , Président, Mme Catherine MONNET , Secrétaire générale adjointe de la Drac Occitanie.

Mardi 30 octobre 2018

- Ministère de la culture - Secrétariat général : M. Arnaud ROFFIGNON , Secrétaire général adjoint, M. Benoît PROUVOST , chef du département de la programmation et des moyens.

Mercredi 7 novembre 2018

- Fédération des réseaux et associations d'artistes plasticiens (FRAAP) : Mme Michaëlle LOPEZ , Mme Émilie MOUTSIS, co-présidentes, Mme Julie DESMIDT , coordinatrice.

- Ministère de la culture - direction générale de la création artistique : M. Pascal PERRAULT , Directeur général, M. Stéphane MARTINET , Adjoint à sous-directrice des affaires financières et générales, Mme Julia BRANDIZI , Chargée de mission.

Jeudi 8 novembre 2018

- Syndicat des musiques actuelles (SMA) : Mme Aurélie THUOT , directrice d'Adone Production et membre du Conseil National du SMA , Mme Bénédicte FROIDURE , directrice de la SMAC File 7 implantée à Magny le Hongre (77) et membre du SMA, et Mme Aurélie HANNEDOUCHE , déléguée générale.

Mardi 27 novembre 2018

- Association chargée de la mise en oeuvre du Pass culture : M. Éric Garandeau , co-directeur, et Mmes Mathilde Ravanel-Vassy et Céline Léger-Danion .

CONTRIBUTIONS ÉCRITES :

- la Fédération des professionnels de l'art contemporain (CIPAC)

ANNEXE

Audition de M. Franck Riester, ministre de la culture

MERCREDI 14 NOVEMBRE 2018

___________

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous accueillons M. Franck Riester, ministre de la culture. Comme vous le savez, nous sommes extrêmement attentifs au devenir de la culture et à l'attention qui lui sera apportée. Nous comptons sur vous pour redonner à ce ministère l'influence qu'il a quelque peu perdue ces dernières années. Sans plus attendre, je vous laisse la parole.

M. Franck Riester, ministre de la culture . - Merci madame la présidente. J'ai été onze ans et quelques mois membre de la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée nationale. Dans ce cadre, j'ai l'occasion de participer à des travaux communs avec les membres de votre commission. La culture implique un travail collectif : j'ai besoin de vos compétences, savoir-faire et idées. Ce ministère a de nombreux sujets à traiter. L'ensemble des acteurs concernés par la culture doivent être mobilisés et fédérés, y compris les députés européens, tant ces enjeux dépassent le cadre national.

Je viens aujourd'hui vous présenter le budget pour 2019 du ministère de la culture. Il s'agit d'un budget conforté, à hauteur de 3,65 milliards d'euros, soit 17 millions d'euros de plus qu'en 2018. Au total, en prenant en compte les ressources publiques affectées à l'audiovisuel public, les taxes affectées à nos opérateurs et les dépenses fiscales, plus de 9,7 milliards d'euros seront consacrés à la culture en 2019. Si une augmentation de budget n'est jamais une fin en soi, c'est tout de même, dans le contexte budgétaire actuel, un signe fort. Lorsqu'on cherche à faire des économies, le budget de la culture est généralement la variable d'ajustement. Tel n'est pas le projet de ce gouvernement. Le projet de transformation que nous portons, ensemble, pour le pays, appelle une politique culturelle ambitieuse. Le budget qui nous réunit aujourd'hui nous permettra de la mener à bien.

Notre politique culturelle sera centrée autour de trois grandes priorités. La première, c'est d'assurer à tous les Français les conditions d'un égal accès à la culture. Cette démarche nécessite d'inscrire notre politique culturelle dans nos territoires. J'ai été, pendant vingt-trois ans, élu local puis maire. Je sais combien l'action des collectivités territoriales est complémentaire de celle de l'État et combien leur partenariat est indispensable. De mon expérience, je tire une conviction : pour que notre politique bénéficie aux territoires, il faut que les moyens soient gérés par les territoires ou au plus près de ceux-ci. C'est pourquoi le ministère de la culture augmentera la part de ses crédits déconcentrés, qui atteindront 849 millions d'euros. Ils augmenteront de 30 millions, après avoir déjà augmenté de 30 millions cette année. En deux ans, les directions régionales de l'action culturelle (DRAC) auront vu leurs moyens progresser de 8 % et leurs effectifs seront sanctuarisés.

Cet ancrage territorial trouve sa meilleure incarnation dans notre politique pour le patrimoine.

Plus de 85 % des crédits d'entretien et de restauration pour les monuments historiques - hors grands projets - vont aux monuments en régions. C'est une raison suffisante de les sanctuariser, à 326 millions d'euros. Ils permettront de financer plus de 6 000 opérations, partout en France et en Outre-mer. Il faut y ajouter le loto du patrimoine, porté par Stéphane Bern, qui a suscité une mobilisation exceptionnelle : 15 millions d'euros de recettes sont d'ores et déjà assurées au profit de la Fondation du Patrimoine, afin de sauver nos monuments en péril. Elles devraient à terme avoisiner les 20 millions d'euros. Pour accompagner cet élan populaire, nous avons annoncé, avec le ministre de l'action et des comptes publics Gérald Darmanin, un déblocage de 21 millions d'euros supplémentaires dès la fin de gestion 2018.

Cette action territoriale ne saurait servir de variable d'ajustement pour les grands projets patrimoniaux, notamment parisiens. La rénovation du Grand Palais ou les divers projets immobiliers de nos établissements nationaux doivent faire l'objet de plans de financement dédiés, étalés dans la durée, avec le souci constant de parvenir à un équilibre économique de long terme et de pallier tout risque de dérive budgétaire.

Par ailleurs, les exemples récents d'opérations patrimoniales alliant crédits de l'État, emprunt privé, ressources propres et mécénat se sont imposés comme un levier de responsabilisation de l'ensemble des acteurs. Ils nous rappellent, si besoin était, toute l'importance du mécénat. Sur les 2 milliards d'euros de dons déclarés en France en 2017, 500 millions d'euros bénéficient à ce secteur. Ne brisons pas cet outil devenu indispensable !

Nous devons garantir partout les conditions d'un égal accès à la culture dans tous les territoires, en particulier les plus délaissés : tel est le sens de la circulation des oeuvres et des artistes, prévue par le plan « Culture près de chez vous », auquel le ministère consacrera 6,5 millions d'euros en 2019. C'est également le sens de notre soutien aux bibliothèques, qui sera poursuivi et amplifié. Elles seront davantage ouvertes : 265 bibliothèques sont d'ores et déjà accompagnées dans l'aménagement de leurs horaires, avec une extension moyenne de six heures par semaine. Elles seront également mieux ouvertes : deux millions d'euros additionnels seront mobilisés, en plus des 88 millions d'euros déjà prévus.

L'accès à la culture ne peut être une réalité que si on y est sensibilisé dès le plus jeune âge. 145 millions d'euros seront consacrés à l'éducation artistique et culturelle l'année prochaine, afin de donner à chaque enfant une éducation artistique et culturelle à l'école, d'ici 2022 et que les plus jeunes puissent fréquenter des oeuvres, des artistes et s'initier à la pratique artistique. C'est deux fois plus qu'en 2017. Cet objectif suppose également un partenariat fort avec l'éducation nationale que j'aurai à coeur de poursuivre.

Le pass culture participe de cette même ambition d'ouverture à la diversité culturelle : une enveloppe de 34 millions d'euros lui est réservée en 2019. Nous lancerons prochainement son expérimentation auprès de 10 000 jeunes dans les cinq départements test que sont la Guyane, le Finistère, la Seine Saint Denis, le Bas Rhin et l'Hérault.

Mais pour permettre un égal accès à la culture, il faut d'abord de la culture. Il nous revient de soutenir celles et ceux qui la font vivre : nos artistes, nos créateurs, nos lieux de diffusion.

C'est notre deuxième priorité : il n'est pas de culture sans création. C'est pourquoi les crédits qui lui sont dédiés seront sanctuarisés. Ces crédits favoriseront l'émergence de nouveaux talents, l'accompagnement des artistes dans leurs projets et la meilleure diffusion des oeuvres en milieu rural et dans les quartiers prioritaires. 706 millions d'euros iront notamment au spectacle vivant, tandis que le soutien aux arts visuels sera accru, pour atteindre 76 millions d'euros.

Parce qu'il n'est pas de création sans créateurs, nous continuerons également à soutenir leur emploi. C'est le rôle par exemple du fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle vivant (FONPEPS). Il sera évidemment prolongé au-delà de 2018. Les crédits de 2019 ont été ajustés à la réalité de l'exécution budgétaire, sans aucune remise en cause de principe. D'ici la fin de l'année et en 2019, nous poursuivrons également le travail avec les représentants des artistes auteurs. Ils méritent une protection sociale digne de ce nom, comme le rappelle un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 que vous avez été nombreux à présenter et qui sera bientôt débattu en séance. La hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) sera compensée par 18 millions d'euros de crédits nouveaux. Les cotisations seront recouvrées par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) à compter de 2019. Certains aménagements ont été rendus possibles dans le cadre du prélèvement à la source. Enfin, les inspections générales des affaires sociales et des affaires culturelles travaillent actuellement sur le régime de protection sociale des artistes auteurs. Elles me feront des propositions d'ici la fin de l'année.

Il n'est pas de création, non plus, sans industries culturelles. Sur le sujet du livre, d'abord : le budget 2019 marque la budgétisation des moyens du Centre national du livre. Celle-ci sécurisera des ressources dont le rendement était fragilisé depuis plusieurs années. Elle s'opérera au niveau du budget 2018 et sera accompagnée de la suppression des deux taxes qui étaient affectées au Centre, dont celle sur le chiffre d'affaires des entreprises d'édition. Concernant la musique, ensuite : le Centre national de la musique (CNM) est un projet auquel je crois et auquel j'ai consacré, comme député, un rapport dont Roch-Olivier Maistre a repris les réflexions. Il soutiendra notre production et son rayonnement à l'international, dans un contexte de concurrence exacerbée. Il est sur le point de se concrétiser, et je me battrai pour qu'il voie enfin le jour. Dès 2019, cinq millions d'euros seront mobilisés pour en amorcer le financement en année pleine. Ces moyens viendront également renforcer les dispositifs en faveur de l'exportation.

Les industries culturelles ne peuvent vivre sans crédits d'impôt. Ces dispositifs jouent un rôle essentiel notamment à la structuration des filières du cinéma, de l'audiovisuel, de la musique enregistrée ou de la production de spectacles. Ils pérennisent ou créent de l'activité et de l'emploi dans notre pays, contribuent au renouvellement des talents et à la promotion de la diversité culturelle. Je les défendrai avec la plus grande vigueur. Comme toute dépense fiscale, ces dispositifs nécessitent d'être évalués et, éventuellement, mieux pilotés. C'est indispensable pour optimiser leur effet.

Enfin, la troisième priorité de notre politique culturelle - et donc de ce budget -, c'est de permettre à nos médias de se renouveler, de se moderniser.

Je pense à la presse, qui doit faire face à de considérables mutations. Nous l'aiderons à engager les transformations nécessaires. Nous accompagnerons l'Agence France-Presse, avec 2 millions d'euros supplémentaires. Au total, le soutien de l'État aura été de près de 8 millions d'euros supérieur aux engagements pris dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens qui s'achève. Nous continuerons à soutenir le pluralisme de la presse, avec des aides qui seront sanctuarisées à hauteur de 16 millions d'euros. Nous accompagnerons également la transformation de la distribution de la presse, comme nous accompagnons déjà Presstalis. C'est tout l'enjeu de la réforme de la loi Bichet, que nous préparons pour le début de l'année prochaine. Je sais que votre commission, et notamment votre collègue Michel Laugier, sont mobilisés sur ce sujet.

En 2019, une autre grande transformation s'invitera dans le secteur des médias : celle de notre paysage audiovisuel. D'une part, nous entamerons la mise en oeuvre de la transformation de l'audiovisuel public. J'ai entendu, madame la Présidente, MM. David Assouline, Jean-Pierre Leleux et André Gattolin, vos appels à la nécessaire refondation de ce secteur. Je vous associerai à nos travaux sur la gouvernance de l'audiovisuel public, pour que nous confortions nos ambitions pour l'audiovisuel public et réformions la loi de 1986. Je vous préciserai ultérieurement ma vision de notre co-construction, en amont de la discussion au Parlement, de cette nouvelle régulation de l'audiovisuel. Il nous faudra, pour ce faire, intégrer notamment la transposition de la directive sur les « services de médias audiovisuels ». J'ai rencontré, à ce sujet, le vice-président de la Commission européenne et je dois rencontrer cette semaine mes homologues allemandes de la justice et de la culture, afin de conforter l'axe franco-allemand sur la question des droits d'auteur. A priori , je souhaite que la transposition de cette directive et la loi sur l'audiovisuel public soient votées concomitamment.

L'année 2019 marquera le 60 e anniversaire du ministère de la culture. Cet anniversaire nous oblige à être plus que jamais fidèles aux ambitions de ses fondateurs, tout en assumant les ruptures et les transformations nécessaires. Ce budget nous aidera à faire de l'action de ce ministère une fierté collective.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je vous remercie monsieur le ministre d'avoir présenté les différents aspects de votre mission plurisectorielle.

.............................................................................................

Nous passons aux questions relatives à la mission culture et je salue notre collègue Vincent Eblé, président de la Commission des finances et rapporteur spécial de la mission.

Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis des crédits des programmes « Création et Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » . - Grande est notre difficulté, comme parlementaires, à retracer les financements que nous avons votés ! Les documents budgétaires ne favorisent pas notre contrôle de l'action du Gouvernement et l'argument des crédits de gestion me semble peu convaincant. Avec une dotation prévue de 5 millions d'euros, le Centre national de la musique (CNM) ne verra jamais le jour, puisque sa création est estimée à 20 millions d'euros ! 10 millions d'euros me paraît plutôt une base réaliste pour amorcer un tel projet et permettre de mettre enfin sur pied l'observatoire qui nous fait défaut.

M. Franck Riester, ministre . - 5 millions d'euros représentent les besoins évalués pour le démarrage du CNM, et non son budget en année pleine.

Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis . - Dont acte. Nos réserves sur le pass culture sont connues : quelle sera la ventilation des 34 millions d'euros inscrits au budget à ce titre ? Quelle instance fera l'évaluation de l'expérimentation ? À combien s'élève la généralisation du pass culture, une fois passée son évaluation ?

M. Franck Riester, ministre . - Il n'est pas question de généraliser le pass culture sans être transparent sur les résultats de son expérimentation qui n'est pas encore lancée. Cette démarche est innovante et permet d'offrir, sur une application, des informations géolocalisées sur les offres et les pratiques culturelles de proximité. L'idée est d'associer des partenaires qui valoriseraient un service, sans le facturer à l'État. Ce pass permettra d'assurer l'accès à la culture pour les jeunes, voire d'autres personnes à l'avenir. Cette offre culturelle viendra au terme d'un parcours éducatif ambitieux dans ce pays.

Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis . - Comptez-vous réformer le statut des enseignants des écoles d'art territoriales en vous inspirant de celui des enseignants des écoles d'art nationales ? Comment les 800 000 euros annoncés seront-ils répartis entre les différentes écoles d'art territoriales ? Cette réforme doit débuter dès à présent !

M. Franck Riester, ministre . - Il faut en effet traiter ces enseignants de la manière la plus équitable possible. Cette réforme doit intervenir au terme d'une réelle concertation.

Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis . - Des amendements ont été déposés lors de l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, qui tendaient à restreindre les crédits d'impôt dont le spectacle vivant, les productions phonographiques et audiovisuelles sont bénéficiaires. Nous espérons, au Sénat, que ces amendements ne seront pas adoptés !

M. Franck Riester, ministre . - Nous travaillons à la pérennisation du dispositif du crédit d'impôt phonographique bien au-delà de 2019 et allons proposer des sous-amendements en ce sens. Quant au dispositif concernant le spectacle vivant, il doit être mieux piloté. Pour autant, il s'agit d'une bonne dépense fiscale.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis des crédits du programme « Patrimoines » . - J'ai peu connu de budget pour le programme 175 aussi satisfaisant ! Avez-vous la garantie que ce budget ne subira pas de régulation budgétaire, incluant les 21 millions d'euros en compensation de la TVA sur le loto du patrimoine qui vont abonder le budget ? Comment s'assurer que les crédits soient bel et bien consommés ? Le loto du patrimoine est-il voué à être pérennisé ? Où en est la restauration du château de Villers-Cotterêts et son projet d'accueil du laboratoire international de la francophonie, estimés à 250 millions d'euros ?

M. Vincent Éblé, président de la commission des finances . - J'interviens ici comme rapporteur spécial des crédits de la mission culture au sein de la commission des finances. Si le loto du patrimoine n'impacte que marginalement les capacités publiques à accompagner les rénovations, il contribue à la mobilisation de la population en faveur de la rénovation du patrimoine. Nous souhaitons que l'accord entre Stéphane Bern et le ministre des comptes publics soit pérennisé, en raison de la modicité de son coût pour les finances publiques. Il serait dommage de perdre cette clientèle nouvelle motivée par la rénovation du patrimoine !

La rénovation du Grand Palais a fait débat ; les sommes en jeux étant considérées comme importantes, sans être pour autant mirobolantes. Elle est nécessaire, tant ce monument parisien est emblématique. Pour autant, le modèle économique et culturel de cette opération doit être interrogé : il ne faudrait pas que ces crédits, et plus largement ceux consacrés à la restauration de monuments emblématiques appartenant à l'État, conduisent à la consommation de disponibilités budgétaires destinées à accompagner d'autres propriétaires, comme les collectivités territoriales de taille modeste et les propriétaires privés. Même si l'on constate un retrait des collectivités ces dernières années, les régions se sont remises à contribuer au financement des travaux réalisés sur les monuments historiques.

Si les porteurs du projet de rénovation proposé par la Réunion des musées nationaux-Grand Palais nous ont fait part d'une contribution du programme des investissements d'avenir à hauteur de 160 millions d'euros, celle-ci n'a pas été identifiée par notre collègue Christine Lavarde, rapporteur spécial de la commission des finances. Pouvez-nous nous rassurer sur ce point ?

M. Franck Riester, ministre . - La sincérisation du budget de la culture, dont je vous remercie de saluer l'augmentation, est manifeste. L'accompagnement du patrimoine dans les petites communes est très important ; le fonds pour les petites communes, instauré par ma prédécesseur et doté de 15 millions d'euros, est conforté cette année. À travers la Fondation du patrimoine, les 21 millions d'euros complémentaires de fin de gestion seront utilisés au profit de ces collectivités. 50 % du patrimoine protégé se trouve dans les petites communes de moins de 2 000 habitants. L'État doit jouer son rôle aux côtés des départements et des régions. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les DRAC se voient confier de nouveaux moyens. Le loto du patrimoine représente un bel outil de sensibilisation des Français à la restauration du patrimoine. Il a permis, au total, de dégager 41 millions d'euros pour le financement d'opérations de proximité. Il faut néanmoins s'assurer de la bonne consommation de ces crédits : faute de la finalisation de l'ensemble de leurs aspects financiers, certaines opérations doivent parfois être abandonnées. Les DRAC, en lien notamment avec la Fondation du patrimoine, travaillent sur la réorientation des crédits afin d'éviter, à terme, la régulation budgétaire. Ces dispositifs de financement doivent ainsi être rendus plus fluides.

Avant de pérenniser le loto du patrimoine, nous allons l'évaluer. Les règles qui régissent déjà la loterie nationale s'y appliquent.

Tout récemment, plusieurs personnalités du ministère de la culture ont été nommées : Sylviane Tarsot-Gillery, comme directrice générale de la création artistique, Philippe Barbat, comme directeur général du patrimoine, Paul de Sinety comme délégué général à la langue française et aux langues de France, ainsi que Chris Dercon, comme président de la Réunion des musées nationaux. Les 466 millions d'euros consacrés à la rénovation du Grand Palais comprennent 123 millions directement financés par le ministère de la culture, 150 millions par la RMN-Grand Palais à travers un emprunt, 160 millions d'euros de subventions exceptionnelles de l'État à travers le programme d'investissement d'avenir, 8 millions d'euros apporté par Universcience et 25 millions d'euros par le mécénat. Ce site est emblématique et permet de rendre des services autant culturels que sportifs ; son utilisation lors des Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024 nous obligeant à respecter les délais de sa rénovation. Nous pourrions peut-être vous présenter, au cours d'une prochaine audition, les modifications du projet initial de rénovation du Grand Palais et sa mise en oeuvre par l'équipe de Chris Dercon.

Je me rendrai prochainement au Château de Villers-Cotterêts dont la restauration est divisée en deux parties distinctes : d'une part, la restauration pour 110 millions d'euros, assurée par le centre des monuments nationaux (CMN), du petit quadrilatère, qui accueillera le laboratoire de la langue française, dont le projet n'est pas encore finalisé, et, d'autre part, l'aménagement du grand quadrilatère qui est encore à l'état de réflexion. Le plan de financement de cette restauration doit être précisé.

Mme Sonia de la Provôté . - Un projet de réforme des conservatoires a été annoncé. Une grande partie des crédits a été fléchée vers le plan « chorales ». On ne peut diversifier les missions des conservatoires et demander sans cesse aux collectivités territoriales d'en assurer le financement, alors que l'aide de l'État enregistre une baisse drastique. Les arts visuels sont souvent cités, mais peu développés. Certaines structures oeuvrent pour cette filière, pourtant très présente dans les territoires avec le développement de tiers lieux et de collectifs artistiques, ne sont pas même évoquées dans le budget. Quelle est l'ambition de l'État dans ce domaine ? En outre, avez-vous une stratégie concernant les maisons d'éducation à l'architecture et au patrimoine qui représentent un élément important de l'éducation artistique des enfants. Enfin, le patrimoine vernaculaire des petites communes n'a toujours pas été recensé. En l'absence de réserve parlementaire, qui accompagnait ces petits patrimoines, ce recensement relève désormais de l'urgence.

Mme Françoise Laborde, rapporteure pour avis des crédits du livre et des industries culturelles . - En ma qualité de présidente du groupe d'études sur les arts de la scène, de la rue et des festivals en région, je dois vous alerter sur la situation des cirques traditionnels : Arlette Gruss, Bouglione et Médrano. Trois ans après, ils n'ont toujours pas réussi à absorber les pertes liées aux baisses de fréquentation intervenues dans les semaines qui ont suivi les attentats et se trouvent encore dans une situation financière difficile. Le ministère entend-il les accompagner pour faire face à cette situation difficile ? Ces cirques s'étaient vus promettre une compensation, à chacun, de 300 000 euros qui n'a jamais été accordée. Ne serait-il pas opportun de les rendre éligibles au crédit d'impôt pour le spectacle vivant ?

M. Claude Malhuret . - Vous avez évoqué les territoires dans votre intervention. Or, ces dernières années, Paris a concentré 30 des 35 des principaux projets d'investissement culturels français. L'annonce de porter à 849 millions d'euros les crédits déconcentrés est une bonne nouvelle pour la décentralisation. Quels seront les moyens apportés à la mobilité des oeuvres et des collections des musées nationaux ? Envisagez-vous de renforcer la coopération internationale en matière de circulation des oeuvres d'art ? Disposez-vous d'informations sur les fractions de produits des taxes existantes - TOCE et taxe sur les GAFA - qui pourraient abonder le financement du futur CNM ? Par ailleurs, quels sont les partenaires identifiés qui doivent abonder jusqu'à 80 % du pass culture ? L'expérience italienne, qui a inspiré ce projet, affiche un bilan assez mitigé, avec des fraudes conséquentes. Quelles sont les garanties mises en oeuvre pour ne pas reproduire une telle situation ? Nous sommes tous attentifs à l'évolution de la loi Aillagon et au développement du mécénat d'entreprise. Les États-Unis comptent plus de 12 000 fondations, lorsque la France n'en a que six cent. Les marges de progression sont importantes : seuls 9 % des entreprises, surtout les plus grandes, ont mené des activités de mécénat en 2017. Pour les entreprises de taille intermédiaire, le plafond annuel, fixé à 0,5 % du chiffre d'affaires hors taxe, est considéré comme trop limitatif. Envisagez-vous de nouvelles mesures pour développer le mécénat culturel dans son ensemble ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous venons de rendre les conclusions d'une mission d'information sur le mécénat, présidé par Maryvonne Blondin et dont le rapporteur était Alain Schmitz. Je vous ai également adressé les conclusions d'un groupe de travail ad hoc , animé par notre collègue Jean-Raymond Hugonet, sur le pass culture.

M. Alain Schmitz . - Vous nous avez rassurés lors des questions d'actualité du 25 octobre dernier sur la pérennité du mécénat. La sanctuarisation était une priorité. En revanche, les dons aux associations par les particuliers se sont effondrés, après la suppression de l'impôt de solidarité sur la fortune et compte tenu de la mise en place prochaine du prélèvement à la source. La Fondation du patrimoine, spécialisée dans le sauvetage du patrimoine vernaculaire et de proximité, a constaté, pour la seule Île-de-France, une baisse très importante des dons. Si elle était anticipée, l'ampleur de cette chute a été, en revanche, une surprise. Quelles mesures pourriez-vous prendre pour limiter ce phénomène ?

M. Jean-Raymond Hugonet . - Il est louable de nous associer à la réflexion. La gestion du comité d'orientation du pass culture, où je représente le Sénat, s'est avérée surréaliste. Lors de la seconde réunion, le 25 juin dernier, nous appris la création d'une association de préfiguration dont le président n'a pu être auditionné par notre commission, en raison d'une annulation de dernière minute imposée par votre prédécesseur. Personne n'est capable de donner une indication précise sur l'affectation et l'origine des 34 millions d'euros ! Ce projet paraît, à ce stade, conduit dans une réelle opacité financière, alors qu'il est présenté comme un projet majeur du quinquennat. À l'inverse, l'irrigation culturelle du territoire et des pratiques amateurs est en recul de trois millions d'euros sur le budget 2019. Il y a là péril en la demeure !

M. Pierre Ouzoulias . - Nous avons travaillé de concert sur le loto du patrimoine. Si celui-ci venait à être pérennisé, les critères de sélection des sites devront être plus transparents. Par ailleurs, le budget des archives a été amputé à hauteur de 17,8 % environ. La philosophie de l'archivage a-t-elle évolué ? Si tel n'était pas le cas, cette économie sur le fonctionnement me paraît infondée. Enfin, le budget montre la volonté de conforter le travail des DRAC avec lesquelles les élus ont proposé l'intensification du dialogue. En revanche, la suppression de 50 ETP en administration centrale risque d'obérer la capacité de vos directions à influencer la définition des politiques publiques.

M. Laurent Lafon . - Les DRAC sont voués à être les interlocuteurs quotidiens des collectivités locales. Par ailleurs, votre prédécesseur avait missionné Philippe Bélaval sur la réorganisation des différentes instances en charge du patrimoine. Qu'adviendra-t-il des préconisations de son rapport ? En outre, le loto du patrimoine ne saurait répondre seul aux enjeux de la rénovation du patrimoine. D'autres mesures, comme l'entrée payante des églises fréquentées, permettrait de procurer de nouvelles ressources à l'entretien du patrimoine.

Mme Maryvonne Blondin . - À la suite des attentats en 2015, un fonds d'urgence destiné à accompagner les établissements dans la prise en charge des surcoûts de sécurité, a été créé. Ce fonds devrait être remplacé par une dotation de deux millions d'euros supplémentaires en 2019. Mais, une circulaire du ministre de l'intérieur, dite « circulaire Collomb », en mai dernier, laisse désormais à la discrétion des préfets les critères de définition du périmètre missionnel facturable. Une telle décision pèse sur les budgets d'organisation des événements et spectacles culturels, qui sont déjà dans une grande fragilité financière.

Le FONPEPS représente une aide continue à l'emploi votée en 2016 : parmi les mesures qu'il comprend, la mesure 6, relative aux groupements d'entreprises de la culture, ne me semble pas avoir été mise en oeuvre. Ce fonds devrait recevoir 22,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 9,59 millions d'euros en crédits de paiement en 2019. Pourrait-on en assouplir les critères d'emploi et l'ouvrir aux arts visuels ?

La loi Aillagon représente un outil exceptionnel susceptible d'être ajusté.

Quelles sont les actions et les moyens déployés en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes dans le secteur culturel ? Enfin, quelle est votre action vis-à-vis des langues de France qui représentent un patrimoine immatériel important ?

Mme Colette Mélot . - La lecture est délaissée et la fréquentation des médiathèques est en baisse. Quel est le bilan de la mise en oeuvre du plan bibliothèque, qui avait notamment proposé une amplitude horaire plus large ? Pour atténuer les inégalités entre collectivités, ne faudrait-il pas augmenter les crédits dédiés aux médiathèques ?

M. Jean-Pierre Leleux . - Lors de l'examen de la loi portant sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN), nous avons eu un débat difficile à propos du rôle et des missions des architectes des bâtiments de France. Notre commission était acquise au maintien de l'avis conforme des architectes des bâtiments de France sur les projets d'urbanisme portant sur le patrimoine ancien. L'amendement en ce sens que nous avions déposé n'a pas été adopté. Ces architectes sont actuellement surchargés et ne peuvent répondre aux demandes qui leur sont adressées.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Les délégués régionaux de la Fondation du patrimoine m'ont alerté sur le manque de transparence quant aux critères de sélection des bâtiments retenus lors de la première édition du loto du patrimoine.

M. Franck Riester, ministre . - Vos questions illustrent la richesse du travail des parlementaires et leur connaissance des dossiers. Les conservatoires me tiennent à coeur. Mon expérience d'élu local sur ce sujet comme sur d'autres, m'a donné une sensibilité sur les politiques territoriales et les partenariats avec les élus, dont je connais les contraintes.

La décentralisation d'un certain nombre de décisions budgétaires et l'accompagnement du travail des DRAC, en lien avec les directions centrales qui ont un savoir-faire, me semblent prioritaires. Les partenariats avec les conservatoires sont importants. La redéfinition des critères de classement des conservatoires et des schémas d'orientation pédagogique nationaux et régionaux est en cours. L'amélioration de la situation des conservatoires passe aussi par une meilleure articulation des relations entre l'État et les collectivités territoriales.

Il faut innover au sujet des institutions d'art contemporain en région. Je crois, dans ce domaine, aux vertus de la différenciation et préconise la création de centres d'action culturelle modernisés, consacrés à la diversité des pratiques et des arts, répondant aux besoins exprimés sur les territoires. De tels lieux, qui reposent sur une multiplicité de financements, permettront de mieux irriguer la création artistique dans les territoires. L'État, dans le cadre de ses schémas d'organisation, essaiera d'accompagner ces bonnes pratiques.

L'architecture doit monter en puissance. Elle dépend bien du ministère de la culture, comme je l'ai rappelé lors de la remise du grand prix national d'architecture. Le patrimoine vernaculaire est très important et pourrait être associé aux bénéficiaires du loto du patrimoine.

Le versement exceptionnel aux trois cirques que vous avez mentionnés, Madame Laborde, interviendra, fin 2018, sur des crédits spécifiques en fin de gestion.

La circulation des oeuvres peut s'avérer critique. Lorsque certains musées, municipaux ou locaux, n'ont pas les moyens de sécurité nécessaires pour s'assurer, des expositions temporaires, sur une journée, peuvent être organisées. Il faut améliorer ce dispositif au niveau national. À l'échelle internationale, l'Agence France-Muséums dispose d'un plan d'exposition temporaire, sur quinze ans, en partenariat avec les grands musées français, auxquels s'ajoute le prêt d'oeuvres contre rétribution. Ce dispositif permet de faire connaître et financer la qualité exceptionnelle de notre ingénierie culturelle, tout en faisant circuler ces oeuvres dans des pays qui partagent avec nous ce souci de l'universalité de l'art.

Les GAFA doivent davantage contribuer au financement de la création et à l'exposition des contenus audiovisuels européens et français. Bruno Le Maire se bat pour obtenir, au niveau européen, la mise en place d'une fiscalité européenne sur le chiffre d'affaires des GAFA ; l'Allemagne s'y est engagée mais quelques États membres restent encore à convaincre. Il faudra réfléchir, dans l'avenir, à une participation accrue des GAFA à la diffusion de nos créations.

Le financement, le modèle économique, ainsi que la structure juridique du pass culture doivent être précisés. Son cadre doit être innovant et je veillerai à ce que ce dispositif soit conduit dans les règles.

J'assume nos choix politiques. À un moment donné, un budget s'oriente vers le soutien de certaines mesures au détriment d'autres.

Je souhaite que le mécénat soit pérennisé, ce qui n'empêche pas d'en revoir le pilotage et d'en assouplir les règles pour permettre aux petites et moyennes entreprises dans les territoires d'y participer davantage. Une envie de patrimoine est palpable en France depuis plusieurs années. Il faut trouver les dispositifs pour que sa restauration continue à avoir un sens.

Philippe Barbat, nouveau directeur général des patrimoines, est issu de l'administration des archives. Le chef du service des archives de France devrait prochainement être désigné. La fin de l'opération de Pierrefitte-sur-Seine explique, pour partie, cette baisse faciale du financement des archives dont les activités sont loin d'être considérées comme secondaires. Pour preuve, le grand mémorial des poilus, qui démontre l'ampleur de la grande collecte et de la numérisation des matricules conduits par les services des archives, dont celui des archives numériques en lien avec les archives départementales, pendant plus de quatre ans.

Il faudra optimiser l'organisation des services centraux de mon ministère afin de rendre encore plus efficace le travail de ses équipes. Je rencontre actuellement l'ensemble des organisations syndicales pour assurer un fonctionnement plus fluide de son administration.

Le rapport de Philippe Bélaval est en ligne et réaffirme le rôle du ministère de la culture dans la rénovation du patrimoine. Je reviendrai vers vous pour vous présenter les modalités de la réorganisation de la direction du patrimoine et de ses mesures.

Il faut d'abord évaluer le loto du patrimoine avant de le pérenniser. La gouvernance entre le clergé et l'État pour l'ouverture des cathédrales au public doit être reconsidérée. Il en va de l'avenir de ces bâtiments, autant cultuels que culturels.

La sécurisation des festivals et des spectacles vivants représente, depuis 2015, un surcoût pour les organisateurs de spectacle vivant et leurs différents partenaires. Le principe d'un accompagnement de l'État sera maintenu même si le fonds d'urgence disparaît.

Le FONPEPS, qui vise la pérennisation des emplois précaires, doit être davantage utilisé. Nous trouverons les voies et moyens, si besoin, d'augmenter la dotation de ce fonds, que l'État a abondé à hauteur de 10 millions d'euros au cours des quatre dernières années.

Je veux m'impliquer sur la francophonie et répondre aux besoins de langue française. Je reviendrai vous faire un point global sur cette thématique, une fois installé Paul de Sinéty et lancé le programme de Villers-Cotterêts.

Le plan bibliothèque ne peut passer que par un accompagnement des collectivités territoriales, au cas par cas. Les médiathèques et les bibliothèques, qui sont des lieux exceptionnels de travail, de sociabilité et de convivialité, sont incitées à s'ouvrir davantage, sans dogmatisme aucun.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - La réforme en profondeur de l'audiovisuel public, que nous attendons, a été abordée par le biais du budget. Or, des décisions antérieures à votre arrivée ont été prises. Lors du colloque que nous avons organisé le 12 juillet dernier, nous avons accueilli cinq présidents d'entreprises publiques audiovisuelles européennes et confronté notre vision de l'audiovisuel extérieur à la réalité internationale.

Comme vous, nous sommes attachés à un système pérenne. Nous avons été amèrement déçus par la loi Elan qui a annihilé tout le travail effectué, en bonne intelligence avec l'Assemblée nationale - comme en témoigne le vote de la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP) - depuis ces trois dernières années sur la culture et le patrimoine. Nous aborderons à nouveau la situation des architectes des bâtiments de France et plus largement celle de l'architecture. Nous sommes tous des élus locaux, comme vous l'êtes encore. La règle des 1,2 % rend difficile, pour les collectivités territoriales le maintien d'un effort soutenu en faveur du patrimoine et de la culture. Cette réalité doit être prise en compte. Nous sommes, en revanche, rassurés par votre souhait d'associer les parlementaires, avides de dialoguer avec vous pour améliorer le dispositif législatif.

M. Franck Riester, ministre . - Je vous remercie de la qualité de votre accueil. J'ai demandé à mes collaborateurs de recenser l'ensemble des différents rapports parlementaires de ces cinq dernières années, sur les thématiques relevant de ma compétence, afin de m'en inspirer.


* 1 http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/commission/affaires_culturelles/synthese_pass_culture.pdf

* 2 Le groupe de travail est composé de M. Jean-Raymond Hugonet, Président, Mme Françoise Laborde, M. Antoine Karam, Mmes Colette Mélot et Sonia de la Provôté, M. Pierre Ouzoulias et Mme Sylvie Robert.

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