B. OPÉRATEURS ET PARTENAIRES MAINTENUS AU RÉGIME SEC

Les crédits de fonctionnement du programme 185 sont constitués à près de 90 % des subventions pour charges de service public allouées aux opérateurs de l'État.

1. L'AEFE : le maintien des crédits
a) Une subvention pour charges de service public maintenue

En 2019, la subvention pour charges de service public versée à l'AEFE est réduite de 14,7 millions d'euros en raison de la suppression de la dotation dédiée à la sécurisation des lycées français à l'étranger. Ces dépenses seront désormais financées par des avances du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » 6 ( * ) , comme c'est le cas pour la sécurisation de l'ensemble des implantations de l'État français à l'étranger.

Évolution de la subvention pour charges de service public de l'AEFE

(crédits de paiement en millions d'euros)

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, d'après les documents budgétaires

Globalement, la subvention versée en 2019 à l'AEFE devrait donc être identique à celle reçue en 2018, conformément à l'engagement pris par le Président de la République 7 ( * ) après l'annulation de 33 millions d'euros opérée en cours d'année 2017 et qui avait durement éprouvé l'AEFE.

Votre rapporteur pour avis est favorable à la recommandation de ses collègues Vincent Delahaye et Rémi Féraud qui préconisent dans leur récent rapport 8 ( * ) consacré au réseau de l'enseignement français à l'étranger de « sanctuariser le montant de la subvention pour charges de service public allouée à l'AEFE pour les cinq prochaines années », mettant le réseau dans de réelles difficultés budgétaires comme ce fut le cas en 2017. Une augmentation de cette subvention serait même probablement souhaitable dans le cadre de l'augmentation annuelle de 2 % des effectifs scolarisés par le réseau mais surtout de l'objectif de doublement de ces effectifs d'ici 2030 posé par le Président de la République dans son Plan Langue française et Plurilinguisme ( cf. infra ).

b) L'AEFE fragilisée par la coupe de 33 millions d'euros en 2017

L'annulation brutale de 33 millions d'euros (environ 10 % du montant de la subvention qui aurait dû être versé à l'AEFE au titre de 2017) au cours de l'été 2017 9 ( * ) a créé un traumatisme durable dans un réseau qui s'est senti fragilisé.

Pour faire face à cette décision inattendue, plusieurs mesures de trésorerie ont été mises en oeuvre :

- l'anticipation de la facture relative à la participation à la rémunération des résidents pour la dernière tranche de 2017 ;

- l'incitation à régler de manière anticipée la facturation 2018 pour les établissements qui le pouvaient ;

- le report du versement de certaines subventions à janvier ou février 2018 plutôt qu'en décembre 2017 comme prévu initialement.

Des mesures plus structurelles ont également été engagées par l'AEFE :

- des fermetures de postes pour 2018 (-180) et 2019 (-166) ;

- le rehaussement pour 2018 de la participation financière complémentaire (PEC) due par les établissements en gestion directe et les établissements conventionnés de 6 % à 9 % des frais de scolarité, ce qui a permis de générer environ 22 millions d'euros de recettes supplémentaires ; le taux de PEC devrait être de 7,5 % en 2019 avant un retour prévu à 6 % en 2020.

c) Quels personnels enseignants dans les lycées français à l'étranger ?

La masse salariale constitue 80 % des dépenses de l'AEFE. En ce qui concerne ses personnels enseignants, l'AEFE opère depuis plusieurs années un double mouvement de :

- réduction du nombre des personnels détachés du ministère de l'éducation nationale 10 ( * ) (au profit de personnels recrutés localement) ;

- et d'ajustement du statut et des fonctions de ces personnels (pour les orienter de plus en plus vers des fonctions d'encadrement ou de formation des autres personnels).

C'est ainsi que 80 suppressions d'emplois d'expatriés 11 ( * ) ont été prévues pour 2018 et 66 en 2019. De même pour les personnels résidents qui diminuent de 100 postes en 2018 et 100 en 2019. À l'inverse, l'AEFE voit ses effectifs de personnels de droit local 12 ( * ) augmenter (+ 160 en 2018 et + 130 en 2019).

Évolution des personnels de l'AEFE

(en équivalents temps plein)

2018

2019

Expatriés

-80

-66

Résidents

-100

-100

Personnels de droit local

+160

+130

Cumul

-20

-36

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur pour avis

La diminution du nombre d'enseignants titulaires de l'éducation nationale ne pourra néanmoins pas se poursuivre indéfiniment. Les besoins d'encadrement pédagogique et de formation des recrutés locaux dans une optique de qualité de l'enseignement mais aussi dans la perspective du doublement des effectifs annoncés par le Président de la République d'ici 2022 ( cf. infra ) nous imposent de réfléchir au niveau adéquat des effectifs de ces personnels.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur pour avis

Alors qu'une partie des enseignants expatriés dans le réseau de l'AEFE avait tendance à y rester durant de longues années, le ministère de l'éducation nationale a décidé de limiter désormais à six ans la durée de détachement des personnels 13 ( * ) , ce qui devrait permettre d'augmenter la mobilité des enseignants et de faire du passage à l'étranger une étape valorisée dans un parcours professionnel. Cette évolution fait écho à l'une des recommandations de nos collègues François Laborde et Max Brisson qui préconisaient dans leur rapport consacré au métier d'enseignant 14 ( * ) de « donner davantage de perspectives de mobilité et d'évolution professionnelle » aux enseignants. Votre rapporteur spécial est favorable à cette orientation.

d) L'ambition présidentielle de doubler les effectifs scolarisés : un objectif inatteignable ?

Dans le cadre du Plan Langue française et Plurilinguisme, le Président de la République a annoncé le doublement des effectifs scolarisés dans le réseau de l'enseignement français à l'étranger d'ici 2030. Ces effectifs devraient ainsi passer de 350 000 à 700 000 en 12 ans.

Les annonces du Président de la République dans le Plan Langue française et Plurilinguisme

« Fort de près de 500 établissements et de 350 000 élèves, le réseau des lycées français, piloté par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, est la colonne vertébrale de notre offre d'enseignement dans le monde. Ce réseau sera consolidé et dynamisé , pour garantir sa pérennité et répondre à la demande croissante d'enseignement français à l'étranger. En développant en particulier les établissements « partenaires », l'objectif est de doubler le nombre d'élèves accueillis au sein du réseau scolaire français d'ici à 2030. Des pôles régionaux de formation (Mexique, Liban...) seront créés pour former les nouveaux enseignants. En s'appuyant sur la réforme du baccalauréat à la session 2021, le Ministère de l'Éducation nationale travaillera à la mise en place d'un baccalauréat international, qui puisse correspondre à un véritable diplôme international francophone et qui renforcera l'attractivité de nos lycées à l'étranger. »

Source : Plan Langue française et Plurilinguisme

La dynamique « naturelle » du réseau dans les établissements existant (progression des effectifs de + 2 % par an) devrait permettre d'atteindre environ un quart de l'objectif. Il faut cependant souligner, comme votre rapporteur pour avis l'avait fait l'an dernier, que la croissance « naturelle » des effectifs dans les établissements existants est limitée par la capacité de ceux-ci , « leurs capacités physiques (certains établissements sont d'ores et déjà saturés et doivent organiser des tests à l'entrée pour sélectionner leurs élèves) mais aussi leurs capacités budgétaires dans le cas des établissements qui dépendent des crédits budgétaires de l'État » 15 ( * ) .

Évolution des effectifs scolarisés dans le réseau AEFE

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, d'après les documents budgétaires et le Plan Langue française et Plurilinguisme

Les trois quarts restant de l'évolution attendue devront donc passer par la création de nouveaux établissements dans les zones où la demande d'enseignement en français existe (Maghreb, Machrek, Proche-Orient principalement) et où l'implantation d'établissements scolaires privés est autorisée (et donc, ni en Chine, ni en Inde). Ailleurs dans le monde, si la demande d'apprentissage du français est réelle, bien souvent elle ne se concrétise pas sous la forme d'une demande d'enseignement « à la française ».

Même nos compatriotes expatriés ne sont pas tous demandeurs d'inscrire leurs enfants dans un établissement d'enseignement français : les logiques d'expatriation ont changé et bien souvent, ils sont demandeurs d'une meilleure intégration dans le pays d'accueil et donc plus enclins à inscrire leurs enfants dans les établissements locaux, ou dans certains cas dans les établissements anglo-saxons.

Par ailleurs, cet objectif se heurtera à la pénurie d'enseignants du français et en français dans le monde . Les pistes portées par le Plan Langue française et Plurilinguisme sont certes intéressantes mais sont-elles véritablement à la hauteur de l'enjeu ?

Les six pistes du Plan Langue française et Plurilinguisme pour valoriser le métier de professeur de français dans le monde

1. « Mise en place d'un Volontariat international pour le français à destination des pays prioritaires » ;

2. « Doublement du nombre de missions du Service civique sur cet enjeu » ;

3. « Formation au Français langue étrangère pour les 4500 assistants de langue qui viennent en France chaque année » ;

4. « Doublement de l'aide du Quai d'Orsay à la Fédération internationale des professeurs de français » ;

5. « Création d'une Journée internationale du professeur de français en 2019, qui mettra en valeur les innovations pédagogiques » ;

6. « Mise à profit de la généralisation de l'année de césure universitaire pour offrir aux étudiants des opportunités nouvelles pour contribuer à la promotion du français dans le monde ».

Source : Plan Langue française et Plurilinguisme

L'objectif présidentiel de doublement des effectifs est particulièrement ambitieux et laisse votre rapporteur pour avis relativement dubitatif quant à son caractère véritablement réaliste.

Il suppose en effet que, d'ici 2030, plus de 26 000 supplémentaires soient accueillis chaque année dans le réseau, soit l'équivalent de la création de 48 établissements 16 ( * ) chaque année !

C'est peut-être aussi un élargissement de l'offre qu'il faut envisager avec le développement des classes maternelles ou la mise d'un baccalauréat international annoncé par le Président de la République dans son Plan Langue française et Plurilinguisme, et qui est censé constituer un facteur d'attractivité pour les lycées français à l'étranger.

Si un assouplissement des critères d'homologation devait être envisagé, il conviendra de bien veiller à ce qu'il n'aboutisse pas à une diminution de la qualité de l'enseignement dispensé 17 ( * ) .

Afin d'atteindre l'objectif, « un projet de réforme de l'enseignement français à l'étranger sera présenté prochainement par le ministre de l'Europe et des affaires étrangères au Président de la République » 18 ( * ) .

Le lancement de plusieurs missions de réflexion sur l'objectif présidentiel
de doublement des effectifs scolarisés

« À la demande du président de la République, une réflexion sur l'enseignement français à l'étranger est actuellement menée par le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères (MEAE). Annoncés pour l'automne 2018, les résultats de cette réflexion seront essentiellement fondés sur les conclusions du groupe de travail conduit par le secrétaire général du MEAE, le rapport conjoint commandé aux Inspections du MEAE et du ministère de l'Éducation nationale, ainsi que les résultats de la consultation des principaux partenaires de l'enseignement français à l'étranger (élus, parents d'élèves et organisations syndicales). Par ailleurs, une mission de réflexion a été confiée à Mme Samantha Cazebonne, dont les travaux seront remis au ministre de l'Europe et des Affaires étrangères mi-décembre . »

Source : Réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur pour avis

e) La belle dynamique des filières bilingues francophones

En revanche, s'agissant des perspectives du LabelFrancEducation, les perspectives sont plus claires.

Dans son Plan Langue français et Plurilinguisme, le Président de la République a souhaité « donner une impulsion nouvelle à l'enseignement bilingue francophone . [...] « Les filières bilingues francophones sont très demandées à l'étranger. Pour accompagner leur développement - création d'un fond spécifique, mise à disposition de ressources pédagogiques, mobilités d'enseignants - la mission de l'AEFE en la matière sera renforcée. L'objectif est qu'en 2022 le réseau des écoles proposant des sections bilingues francophones de qualité (LabelFrancEducation) regroupe 500 établissements ».

Au regard de la dynamique observée du réseau depuis sa création en 2011, l'objectif de 500 labels distribués semble parfaitement atteignable.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, d'après les documents budgétaires et le Plan Langue française et Plurilinguisme

À la rentrée 2018, ce réseau compte près de 300 filières bilingues implantées dans 53 pays, qui scolarisent près de 108 000 élèves dans l'enseignement primaire et secondaire, soit à peine 5 % du « vivier » estimé à 2 millions d'élèves dans le monde.

2. L'Institut français : 2 millions d'euros supplémentaires en 2019

De 2012 à 2017, la subvention pour charges de service public de l'Institut français a connu une baisse tendancielle ininterrompue pour atteindre - 23 % sur l'ensemble de la période. Chaque année, votre commission de la culture s'est émue de cette évolution en peau de chagrin.

En 2018, la subvention pour charges de service public de l'Institut a augmenté de 100 000 euros pour couvrir les frais de personnel du commissaire France-Israël.

a) Pour 2019 une subvention exceptionnelle non reconductible

En 2019, la subvention pour charges de service public de l'Institut augmente de deux millions d'euros , mais à titre exceptionnel, dans le cadre du financement :

- du Plan Langue française et Plurilinguisme (dont l'Institut français est l'opérateur de référence en matière de promotion de la langue française et dont il est chargé de piloter une quinzaine des 33 mesures) ;

- de la préparation de la Saison des cultures africaines qui durera six mois à compter du printemps 2020 avec des événements organisés sur le territoire métropolitain et ultra-marin et qui impliquera 54 pays (et qui constitue elle-même l'une des mesures du Plan Langue française et Plurilinguisme) ;

- de l'animation de la plateforme du dialogue de Trianon .

Le dialogue de Trianon

« Le Dialogue de Trianon, ou « forum franco-russe des sociétés civiles », lancé le 9 février 2018, vise à renforcer les liens entre les sociétés civiles russes et françaises, en développant de nouvelles opportunités d'échanges. Basé sur une large participation des citoyens, associations, ONG, entreprises, ce dialogue sera multiforme :

- des plateformes numériques en ligne , créées parallèlement en France et en Russie favoriseront le dialogue et l'émergence de thématiques.

- des rencontres physiques en France et en Russie autour des thématiques sélectionnées sur les plateformes numériques. La première phase d'échanges portera sur « la ville du futur ».

Les résultats des dialogues seront présentés aux présidents Poutine et Macron.

L'objectif fixé est de « permettre à notre jeunesse, nos acteurs économiques, culturels, nos penseurs de dialoguer, de se rapprocher et de surmonter les éventuelles incompréhensions ». (Emmanuel Macron) »

Source : www.diplomatie.gouv.fr

Ces deux millions d'euros supplémentaires prévus en 2019 ne constituent pas un rebasage de la subvention pour charges de service public de l'Institut : il s'agit une simple subvention complémentaire non reconductible.

Ces évolutions sont certes notables mais elles ne permettent toujours pas de donner à l'Institut français les moyens des ambitions qui étaient les siennes à sa création et a fortiori elles ne sont pas à la hauteur des annonces du Président de la République dans son Plan Langue française et Plurilinguisme .

Évolution de la subvention pour charges de service public de l'Institut français 19 ( * )

(crédits de paiement en millions d'euros)

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat,
d'après les documents budgétaires

b) Mais pas de possibilité d'embaucher

Quant au plafond d'emploi de l'Institut français, il n'est pas réévalué pour 2019. Il avait été réduit de 3 équivalents temps plein (ETP) en 2017, à 140 ETP 20 ( * ) , et n'a pas été réévalué depuis, en dépit de fortes tensions en termes de charge de travail en interne.

Votre rapporteur pour avis s'interroge sur le caractère véritablement suffisant des deux millions d'euros (sans aucune création d'emplois) prévus pour le financement du Plan Langue Française et Plurilinguisme . L'Institut français est en effet l'opérateur-pivot de plus d'une quinzaine des 33 mesures du Plan et aurait eu besoin à tout le moins de renforcer ses équipes pour mener à bien l'ensemble des projets qu'il doit conduire.

c) Une subvention fléchée du ministère de la culture

L'Institut français bénéficie également d'une subvention en provenance du ministère de la culture mais qui n'a pas le caractère de subvention pour charges de service public (alors même que l'Institut est l'un des opérateurs de ce ministère) et qui est fléchée vers le financement d'événements précis : saisons, focus professionnels, biennales, etc. Elle s'établit pour 2019 à 1,79 million d'euros.

La subvention du ministère de la culture à l'Institut français

(en million d'euros)

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication, d'après les données de l'Institut français

Un comité d'orientation stratégique (COS) 21 ( * ) de l'Institut, co-présidé par les deux ministres de tutelle, devrait se tenir avant la fin de l'année 2018.

Quelques-unes des mesures du Plan Langue française et Plurilinguisme impliquant l'Institut français

Volet « Apprendre »

. Action 2 : Conforter le plurilinguisme au sein de l'espace francophone en soutenant l'introduction des langues africaines pour les premiers apprentissages

. Action 9 : Accompagner la création de la « fabrique du numérique du plurilinguisme », premier incubateur dédié à l'apprentissage des langues

Volet « Communiquer »

. Action 1 : Soutenir l'essor des CLOMS 22 ( * ) , réseaux sociaux et projets collaboratifs impliquant le français

. Action 2 : Lancer un grand plan numérique pour mettre à dispositif des enseignants et des élèves les contenus pédagogiques dont ils ont besoin

. Action 6 : Promouvoir l'usage du français dans les entreprises à l'étrange

Volet « Créer »

. Action 1 : Donner un nouvel élan à notre diplomatie culturelle

. Action 4 : Mettre en place un plan en faveur de la circulation des arts du spectacle

. Action 6 : Organiser des États généraux de l'édition en français

. Action 7 : Faciliter les mobilités culturelles, artistiques et universitaires

. Action 11 : Organiser une Saison des cultures africaines en 2020

Source : Plan Langue française et Plurilinguisme

3. Le réseau des alliances françaises : un partenaire à choyer

Le réseau des alliances françaises est un atout exceptionnel pour notre diplomatie culturelle et d'influence dans le monde. En 2017, il comptait 836 implantations dans 133 pays. Il avait « vendu » 28 millions d'heures de cours à 491 000 apprenants et avait rassemblé 3,3 millions de spectateurs autour de 26 000 évènements artistiques et intellectuels. Plus de 220 000 bénévoles, dont 6 300 administrateurs, animent ce réseau.

Pour le soutenir réseau, l'État débourse environ 37 millions d'euros chaque année. Ainsi, en 2018, il a versé :

- 28 millions d'euros pour le financement de la mise à disposition de 282 personnels expatriés 23 ( * ) ;

- 6,8 millions d'euros aux alliances (désormais via les ambassades et non plus via la Fondation Alliance française) ;

- 1,3 million d'euros à la Fondation Alliance française ;

- 970 000 euros pour la sécurisation du réseau des alliances.

Alors que sa « tête de pont », la Fondation Alliance française, a connu l'an dernier de nombreuses péripéties ( cf. infra ), le réseau des alliances françaises va devoir trouver un nouvel équilibre dans sa relation avec l'Institut français devenu désormais « l'opérateur de référence pour la promotion et la diffusion du français dans le monde » 24 ( * ) .

4. Campus France, des moyens préservés mais des enjeux immenses
a) La mobilité internationale étudiante : un enjeu d'influence majeur pour les dix prochaines années

La France continue d'être une destination prisée des étudiants en mobilité internationale : nous sommes passés du 3 ème au 4 ème rang mondial des destinations, mais demeurons 1 er pays d'accueil non anglophone, au coude-à-coude avec l'Allemagne.

Notre pays a ainsi accueilli 343 000 étudiants étrangers en 2017, soit une augmentation de 19 % sur cinq ans.

Évolution des effectifs d'étudiants étrangers en France

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, d'après les documents budgétaires

Mais d'autres pays ont connu des progressions beaucoup plus remarquables : en cinq ans, la Russie a enregistré une augmentation du nombre d'étudiants internationaux accueillis de + 50 %, l'Arabie Saoudite de + 170 %, la Turquie de + 179 % et les Pays-Bas de + 200 %.

Évolutions comparées de l'accueil des étudiants internationaux (2012-2017)

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les évolutions mondiales sont en effet de plus en plus rapides : selon l'UNESCO, le nombre d'étudiants en mobilité diplômante atteignait en 2015 4,6 millions (en augmentation de 23 % sur cinq ans) et les projections pour 2025 portent ce chiffre à 9 millions (+ 100 % en dix ans).

Dans ce contexte, la France est en passe de perdre, lentement mais sûrement, des « parts de marché ». Le Président de la République a évoqué la question de l'attractivité de l'enseignement supérieur français dans ses discours successifs de la Sorbonne 25 ( * ) , de Ouagadougou 26 ( * ) et devant l'Institut 27 ( * ) et a fixé une pléthore d'objectifs pour notre diplomatie culturelle et d'influence :

- attirer les étudiants à fort potentiel ;

- attirer plus d'étudiants étrangers dans les écoles de commerce françaises ;

- doubler le nombre d'étudiants en France issus des pays émergents d'ici 2025 ;

- doubler le nombre d'élèves des écoles et universités françaises à l'étranger d'ici 2022 ;

- doubler les partenariats universitaires avec l'Afrique ;

- doubler le nombre de co-diplômes issus de partenariat entre établissements français et étrangers (objectif non daté) ;

- proposer des cursus adaptés aux besoins des pays partenaires, tant en France que par le déploiement de campus français à l'étranger (comme par exemple le Campus franco-sénégalais, l'Université franco-tunisienne pour l'Afrique et la Méditerranée ou le hub franco-ivoirien) ;

- faciliter la délivrance de visas longue durée aux étudiants ayant obtenu un master ou un doctorant en France ;

- rénover les conditions d'accueil des étudiants étrangers en France (un plan devrait être présenté début 2019).

Les mesures du Plan Langue française et Plurilinguisme relatives à l'enseignement supérieur

Volet « Apprendre »

. Action 7 : Accueillir dans de meilleures conditions un nombre croissant d'étudiants étrangers en France

. Action 8 : Encourager les universités et grandes écoles françaises à s'implanter à l'international ou à développer des co-diplômes avec des établissements étrangers

Volet « Communiquer »

. Action 1 : Soutenir l'essor des CLOMS (...)

. Action 9 : Développer (...) l'attractivité de nos écoles de commerce et d'économie

Volet « Créer »

. Action 7 : Faciliter les mobilités (...) universitaires

. Action 8 : Faire entrer plus largement la culture francophone dans (...) les universités françaises

. Action 10 : Inaugurer en 2020 une « Maison des étudiants de la francophonie » à la Cité internationale universitaire de Paris, dans le cadre d'un partenariat avec l'Agence universitaire de la Francophonie

Source : Plan Langue française et Plurilinguisme

b) Des moyens tout juste préservés pour Campus France

Dans un contexte de croissance soutenue de la mobilité internationale, de concurrence internationale exacerbée, et de nouvelles ambitions définies par le Plan Langue française et Plurilinguisme, la subvention pour charges de service public versée à Campus France reste stable en 2019 par rapport à 2018.

Évolution de la subvention pour charges de service public de Campus France

(crédits de paiement en millions d'euros)

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, d'après les documents budgétaires

Par ailleurs la subvention versée à Campus France par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, est inchangée en 2019 à 1,9 million d'euros 28 ( * ) .

En revanche la subvention complémentaire attribuée par le ministère à Campus France pour mener des actions de promotion de l'enseignement supérieur français à l'étranger diminue en 2019. Campus France parvient à maintenir son équilibre par le bais de la recherche de nouveaux partenariats avec des États étrangers. Grâce à de nouveaux contrats de gestion de bourses, les ressources propres de l'établissement progressent depuis 2016 et devraient poursuivre leur progression en 2019.

Quant aux bourses du Gouvernement français 29 ( * ) , dont le versement et le suivi est confié depuis 2012 à Campus France, elles devraient également être maintenues au niveau de 2018 30 ( * ) , après une chute sévère du nombre de bénéficiaires qui s'est traduite par une contraction des dépenses entre 2012 et 2017 31 ( * ) .

Dépenses relatives aux bourses du Gouvernement français (2012-2017)

(en millions d'euros)

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les autres programmes de bourses mis en oeuvre par l'administration centrale sont :

- le programme d'excellence Eiffel : en 2018, 322 étudiants en master (+ 2 par rapport à 2017) et 60 doctorants (+ 10) ont obtenu une bourse ;

- le programme Quai d'Orsay/entreprises : 45 boursiers en bénéficient ;

- le programme Excellence-Major : piloté par l'AEFE et doté de 7 millions d'euros chaque année (dont 3,55 millions d'euros de subvention du ministère), il alloue chaque année entre 150 et 200 bourses à des bacheliers étrangers issus des lycées français à l'étranger ;

- l'initiative « Make Our Planet Great Again ».

« Make Our Planet Great Again » (MOGPA)

« L'initiative « Make Our Planet Great Again » a concrétisé l'ambition du Président de la République d'attirer en France les chercheurs et étudiants internationaux travaillant sur les questions climatiques. Dans cette perspective, le MEAE a financé quatre programmes de mobilité labellisés « Make Our Planet Great Again » (destinés aux masterants, doctorants, post-doctorants et courts séjours scientifiques), et coordonnés par Campus France pour un montant de 2,5 millions d'euros . Ces programmes ont rencontré un grand succès puisque plus de 2 000 candidats se sont manifestés et 154 lauréats ont été sélectionnés.

Les quatre programmes sont les suivants :

- un programme de cofinancement de contrats doctoraux sur 3 ans ; 23 lauréats ont été distingués ;

- un programme de cofinancement de contrats post-doctoraux pour des durées de 1 à 2 ans. 15 lauréats bénéficient d'un financement ;

- un programme de courts séjours de recherche de 14 jours à 5 mois pour des doctorants ou des chercheurs en France ; 68 lauréats ont été retenus ;

- un programme de bourses d'études d'1 à 2 ans pour des étudiants en master. 48 étudiants seront boursiers.

En complément, le poste diplomatique de Washington a vu son budget abondé par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation à hauteur de 1,2 million d'euros, pour renforcer les dispositifs de mobilité existants, sur les thématiques du climat et de l'environnement. Les autres postes diplomatiques ont été invités à mobiliser leurs crédits bourses sur les mêmes thématiques. »

Source : Réponse au questionnaire de votre rapporteur pour avis

c) Des inquiétudes pour notre diplomatie scientifique

Enfin, votre rapporteur pour avis s'inquiète des difficultés rencontrées par notre diplomatie scientifique dont les outils sont fragiles :

- le projet MOPGA présente des fragilités (absence de prise en compte des frais de déménagement des chercheurs candidats par exemple) ;

- la délivrance des visas aux chercheurs étrangers laisse parfois à désirer (délais parfois très longs, qualité de service médiocre lorsque le traitement des dossiers de visas est externalisé, refus parfois difficilement compréhensible pour l'intéressé, absence d'association ni des universités ni des centres de recherche aux prises de décision) ;

- dans l'organisation de nos postes diplomatiques, le rapprochement de l'attaché de coopération scientifique du conseiller de coopération et d'action culturelle (COCAC) n'est pas forcément souhaitable, mieux vaudrait le rapprocher de la mission économique ;

- le financement des experts techniques internationaux est également problématique : les postes d'experts techniques portés par l'Institut Pasteur ont en effet été transférés à partir de début 2017 à Expertise France mais avec un bilan inquiétant : fin 2017, seuls 5 des 8 postes transférés avaient été pourvus et le financement ne serait acquis que pour la moitié des 18 postes restant à transférer ; la décision d'intégrer Expertise France à l'AFD à la mi-2019 posera de nouvelles questions sur ces postes.


* 6 Au sein du programme 723 « Opérations immobilières et entretien de bâtiments de l'État » géré par le ministère de l'action et des comptes publics.

* 7 Le 2 octobre 2017, il a annoncé que les moyens seraient « sanctuarisés ».

* 8 « Le réseau de l'enseignement français à l'étranger a-t-il les moyens de ses ambitions ? », rapport d'information n° 689 (2017-2018), de Vincent Delahaye et Rémi Féraud, fait au nom de la commission des finances du Sénat.

* 9 Décret du 20 juillet 2017, portant ouverture et annulation de crédits.

* 10 C'est aussi l'une des quatorze recommandations du rapport précité de nos collègues Vincent Delahaye et Rémi Féraud.

* 11 Ces suppressions n'ont toutefois touché que des postes « vacants », sur lesquels aucun titulaire n'était affecté au moment de la disparition du poste.

* 12 Intégralement rémunérés par les établissements, contrairement aux deux autres catégories de personnels enseignants.

* 13 C'était aussi l'une des recommandations du rapport Delahaye/Féraud précité.

* 14 « Métier d'enseignant : un cadre rénové pour renouer avec l'attractivité », rapport d'information n° 690 (2017-2018), fait par Françoise Laborde et Max Brisson au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat.

* 15 « Avis sur le PLF 2018 Action extérieure de l'État », n° 112 tome I (2017-2018), par Claude Kern, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat.

* 16 La taille moyenne des établissements est actuellement de 550 élèves.

* 17 Des simplifications administratives dans l'homologation seront toutefois les bienvenues.

* 18 Projet annuel de performances pour 2019.

* 19 Les données 2012-2018 tiennent compte de l'application du taux de gel (8 % ; 3 % en 2018).

* 20 Augmenté toutefois d'un ETP en 2017 et 2018 par le ministère de la culture pour assurer le commissariat de la Saison Israël.

* 21 Il s'agirait du troisième COS depuis la création de l'Institut français, après ceux de septembre 2011, octobre 2012 et décembre 2016.

* 22 Cours en Ligne Massifs et Ouverts, équivalent de l'anglo-saxon MOOCS.

* 23 363 alliances qui ont conventionné avec l'État français peuvent bénéficier de subventions ou de mise à disposition de personnels.

* 24 Action 1 du volet « Créer » du Plan Langue française et Plurilinguisme.

* 25 26 septembre 2017.

* 26 28 novembre 2017.

* 27 20 mars 2018.

* 28 Programme 150 de la Mission « Recherche et enseignement supérieur ».

* 29 Ces bourses sont destinées à des étudiants étrangers en master ou en doctorat. Certaines disciplines « stratégiques » sont privilégiées : filières scientifiques et sciences de l'ingénieur, économie, gestion, management, droit et sciences politiques. La politique de distribution de ces bourses vise également à accueillir davantage d'étudiants issus des pays émergents. Les bourses sont attribuées selon des critères d'excellence.

* 30 Le Président s'y est engagé dans le cadre du Plan Langue française et Plurilinguisme : « Le budget des bourses de mobilité est pérennisé ».

* 31 Le programme Jeunes Syriens est comptabilisé à part : il est financé sur des crédits du programme 209 de la mission « Action extérieure de l'État ». Il est néanmoins coordonné par Campus France qui a distribué à ce titre 219 bourses en 2016 et 195 en 2017.

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