EXAMEN EN COMMISSION

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Réunie le mercredi 28 novembre 2018 sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission examine le rapport pour avis de M.René-Paul Savary sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » du projet de loi de finances pour 2019.

M. René-Paul Savary , rapporteur pour avis des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » . - Pour la seconde année consécutive, notre commission examine conjointement les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

Cet avis budgétaire consolide notre analyse sur l'objectif de dépenses de la branche vieillesse que nous avons adopté dans le PLFSS pour 2019 : 241,2 milliards d'euros, qui couvrent les dépenses de l'ensemble des régimes de base obligatoires, y compris des régimes intégrés concernés par ces deux missions.

Le CAS « Pensions » retrace principalement les recettes et les dépenses du régime de retraite de la fonction publique de l'État, qui sont par construction équilibrées, et qui atteindront en 2019 un montant  de 59 milliards d'euros.

De son côté, la mission « Régimes sociaux et de retraite » fixe les crédits budgétaires affectés aux subventions d'équilibre versées à 11 régimes spéciaux de retraite, ainsi qu'à une subvention pérenne au régime complémentaire obligatoire des exploitants agricoles. En 2019, alors que ces 11 régimes spéciaux verseront environ 9 milliards d'euros de prestations, ils bénéficieront de subventions d'un montant cumulé de 6,3 milliards d'euros, soit plus des deux tiers de leurs prestations financées par la solidarité nationale.

Dans le cadre de la mission d'information sur les conditions de réussite d'une réforme systémique des retraites en France, dont je suis le rapporteur, j'ai entendu les responsables de l'ensemble des régimes spéciaux ; et j'ai pu constater la convergence réelle de ces régimes spéciaux vers le régime général entreprise à partir de 2003 pour les régimes de la fonction publique, et de 2008 pour les autres régimes spéciaux propres à certaines branches ou entreprises publiques. Il demeure toutefois des différences structurelles qui constituent un véritable défi pour la réforme des retraites à venir. J'y reviendrai.

Le CAS « Pensions » regroupe trois programmes, dont deux concernent l'État en tant qu'employeur ou ancien employeur. Le programme 741 retrace les dépenses des pensions de retraite, ainsi que des allocations temporaires d'invalidité des fonctionnaires civils et militaires de l'État. Avec 55,4 milliards d'euros pour 2019, il représente plus de 95 % des dépenses du CAS « Pensions ». Le programme 742 concerne le Fonds spécial des ouvriers des établissements de l'État, qui verse 1,9 milliard d'euros de prestations en 2019 ; enfin, le programme 743 regroupe les pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre, ainsi que les pensions ou rentes de régimes de retraite dont l'État est redevable, notamment au titre d'engagements historiques et de reconnaissance de la Nation. Ces dépenses sont financées exclusivement par la solidarité nationale et atteindront en 2019 1,7 milliard d'euros, en recul de 7,6 % par rapport à 2018, en raison d'une baisse du nombre des bénéficiaires.

La mission « Régimes sociaux et de retraite » est également composée de trois programmes, qui déterminent le montant des seules subventions d'équilibre aux régimes spéciaux. Le programme 198, relatif aux régimes sociaux et de retraite des transports, affiche une dépense de 4,2 milliards d'euros pour 2019, principalement les subventions versées aux régimes de la SNCF (3,3 milliards d'euros sur 5,4 milliards de prestations) et de la RATP (736 millions d'euros sur 1,2 milliard). Le programme 197 concerne le régime de retraite et de sécurité sociale des marins, qui comprend la subvention d'équilibre versée par l'État à la branche vieillesse de l'Établissement national des invalides de la marine, 815 millions d'euros. Enfin, le programme 195, relatif aux régimes de retraite des mines, de la Seita et divers réunit les crédits consacrés à des régimes en extinction rapide et aux caractéristiques démographiques extrêmement dégradées pour un montant de 1,3 milliard. La principale dépense correspond à la subvention d'équilibre au fonds spécial de retraite de la caisse des mineurs, d'un montant de 1,1 milliard d'euros. La subvention de 55 millions d'euros au régime complémentaire des exploitants agricoles figure également dans ce programme, ce qui constitue une curiosité car il n'est ni un régime de base ni un régime fermé. C'est d'ailleurs le seul régime complémentaire.

Les auditions des représentants de l'ensemble des régimes spéciaux m'ont fait connaître leur état d'esprit dans la perspective de la réforme systémique.

Tout d'abord, ils ont tous rappelé le très fort attachement culturel des assurés à leur régime spécial. Les régimes renvoient toujours à l'histoire sociale de notre pays, régime des mines créé sous Henri IV, celui des marins sur l'initiative de Colbert,... Le régime de retraite de la SNCF est celui des cheminots, qui entraient très jeunes « au statut », la SNCF les formant et jouant un rôle d'ascenseur social. Si leur existence mérite d'être interrogée au regard du principe d'équité, la réforme devra le faire sans pour autant « stigmatiser » leurs bénéficiaires.

Ensuite, ils s'inscrivent tous dans la dynamique lancée par le Gouvernement et rappellent les réformes actuellement menées pour faire converger certains de leurs paramètres vers le régime des salariés du privé. La réforme des retraites de 2003 comprenait l'alignement des régimes de la fonction publique sur le régime général, pour les critères à la fois de revalorisation des pensions et de durée d'assurance exigible pour le versement d'une retraite à taux plein. Le taux de « cotisation salariale » converge depuis la réforme 2010 et ce jusqu'en 2020 sur celui du régime général. Ces régimes sont depuis lors soumis aux mêmes réformes que les régimes alignés sur le régime général. Les autres régimes spéciaux, qui n'avaient jamais été concernés par les réformes des retraites depuis 1993, convergent depuis 2008 sur les régimes de la fonction publique, selon un calendrier très progressif. Les réformes de 2010 et de 2014 leur ont également été appliquées.

Tous les assurés « sédentaires » des régimes spéciaux partiront à la retraite à l'âge de 62 ans à partir de 2024, contre 2017 dans le régime général. Mais les personnels non roulants de la SNCF continueront à partir à 57 ans, contre 52 pour les personnels navigants. Pour cette raison, notre commission assortit depuis plusieurs années son vote sur la mission « Régimes sociaux» de réserves, que je vous demande de renouveler cette année encore. Je précise toutefois que l'ensemble des bornes d'âge inférieures à 62 ans, dans tous les régimes spéciaux, ont été reportées de deux ans à la suite de la réforme de 2010. Depuis le 1 er janvier 2017, le taux de cotisation salariale dans les régimes spéciaux est également en train de converger sur le taux des fonctionnaires et augmentera de 2,7 points sur dix ans, et les pensions servies par les régimes spéciaux sont désormais revalorisées selon le même rythme que les pensions de la fonction publique et donc du secteur privé.

Enfin, les responsables que j'ai entendus ont insisté sur certaines spécificités qui leur semblent a priori difficilement solubles dans les axes de la réforme annoncée. La première concerne l'architecture et les règles de calcul de la pension. Les régimes de la fonction publique et les régimes spéciaux sont tous des régimes complets, qui servent une pension calculée sur le traitement de base des six derniers mois, excluant les primes, avec un taux de liquidation de 75 %. La deuxième difficulté tient à l'existence des « catégories actives » qui occupent un emploi présentant un risque particulier ou des fatigues exceptionnelles. Ces personnels peuvent partir à 57 ans dans la fonction publique, voire plus tôt dans certains régimes spéciaux. Le Gouvernement n'a encore rien annoncé à leur sujet. Nos interlocuteurs ont tous mis en avant la nécessité d'une transition suffisamment longue pour rendre acceptable le bouleversement que représenterait l'abandon de leur régime, considéré dans certaines entreprises comme « le totem des totems ».

Une réflexion générale devra être menée sur la pénibilité dans l'ensemble de la population active, avec des mécanismes clairs, ne créant pas de tensions dans les entreprises comme a pu le faire le compte personnel de prévention de la pénibilité. C'est, je crois, l'intention du Gouvernement, et nous serons attentifs à ce que le débat ait lieu suffisamment tôt pour être intégré par nos concitoyens.

En attendant, je vous propose de donner un avis favorable sur les crédits du CAS « Pensions » et de la mission « Régimes sociaux et de retraite », assorti des réserves évoquées.

M. Philippe Mouiller . - Avez-vous des informations sur l'avenir des pensions de réversion ?

Mme Cathy Apourceau-Poly . - Nous sommes nous aussi inquiets à leur sujet. En ce qui concerne la fusion des régimes spéciaux, nous sommes opposés à tout ce qui pourrait se traduire par une baisse des pensions.

M. Martin Lévrier . - Parlez-vous des pensions de réversion déjà versées ou du dispositif une fois la réforme intervenue ?

M. Alain Milon , président . - Pour le futur.

M. Martin Lévrier . - Cela va mieux en le disant.

M. René-Paul Savary , rapporteur pour avis . - Pour 2018, les pensions de retraite représentent 316 milliards d'euros ; les pensions de réversion 36 milliards d'euros. La solidarité, c'est 20 % du système. Nous sommes actuellement dans un système par répartition à prestations définies ; on nous annonce un système par points à cotisations définies.

À notre connaissance, il n'y a pas de remise en cause des pensions de réversion, mais la recherche d'une harmonisation entre les treize régimes de pension de réversion existant. Selon le Haut-Commissaire, la réforme entrera en vigueur cinq ans après son adoption. Je ne sais pas ce qu'il adviendra de la pension de réversion pour les retraités actuellement à la retraite et qui décéderaient plus de cinq ans après la réforme. Seront-ils concernés par ces mesures ? Il faudra être attentif.

Aujourd'hui, le niveau de vie des retraités est supérieur en moyenne à celui des salariés, mais, avec la non-revalorisation de 2018 et la sous-revalorisation décidée pour les années 2019 et 2020, les pensions auront de fait baissé, dans cinq ans. Le Gouvernement aura beau jeu de dire que sa réforme ne fera pas baisser les pensions.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

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