AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Comme les précédentes, l'année écoulée a été riche en actualités, parfois dramatiques, pour les outre-mer. À l'heure où s'achève la rédaction du présent rapport, La Réunion est bloquée depuis plus de dix jours par le mouvement des « gilets jaunes », qui donne lieu à des débordements parfois violents sur l'île. Mayotte a été le théâtre d'intenses manifestations contre l'insécurité et l'immigration illégale. La reconstruction des îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy à la suite du passage de l'ouragan Irma est toujours en cours, de même que celle du CHU de Pointe-à-Pitre, partiellement détruit par un violent incendie en novembre 2017. A l'issue d'un scrutin très attendu mettant en lumière les fractures de ce territoire, la Nouvelle-Calédonie a choisi de rester française.

Ces événements, qui témoignent des fragilités socio-économiques toujours très prégnantes de l'ensemble des outre-mer, ont au moins eu le mérite d'appeler l'attention des médias comme de la classe politique sur les difficultés de ces territoires. Ce début de quinquennat a ainsi donné lieu à de nombreux déplacements de l'exécutif dans les territoires ultramarins, qui ont permis d'entendre les besoins des habitants des outre-mer, de sensibiliser nos concitoyens aux réalités ultramarines, et donné l'occasion au Gouvernement de prendre des engagements importants.

Surtout, la tenue des Assises de l'outre-mer au début de l'année 2018, qui a débouché en juin dernier sur la publication d'un Livre bleu, a permis à la fois de mesurer les attentes immenses des populations ultramarines et de formaliser les chantiers à entreprendre dans le cadre d'un document partagé par l'ensemble des acteurs. Quatre axes stratégiques ont ainsi été identifiés, dont le premier concerne particulièrement les sujets intéressant la commission des affaires sociales. Cette impulsion vient s'ajouter à celle donnée par la loi dite « Erom » du 28 février 2017 1 ( * ) .

De nombreux chantiers d'ampleur ont donc été annoncés. Au terme de cette année particulièrement riche, l'heure est à présent à la traduction concrète des engagements pris.

Dans ce contexte, le présent budget, qui ne porte pas de mesures particulièrement marquantes dans le champ de compétence de la commission des affaires sociales, apparaît en demi-teinte. Il comprend des mesures symboliquement positives, comme la stabilisation des crédits de la mission au-dessus de deux milliards d'euros, ou la conversion de certaines dépenses fiscales en crédits budgétaires nouveaux bénéficiant aux outre-mer.

Les réserves sont cependant grandes sur le manque d'ambition affichée sur des enjeux aussi cruciaux que l'emploi ou le logement, qui concentrent les inquiétudes de nos compatriotes ultramarins. Il est au total fort à craindre que plusieurs des annonces faites par le Gouvernement ne constituent que des opérations de communication ou des mesures de temporisation, à l'image de la nouvelle grande conférence sur le logement.

L'abaissement des plafonds de la réduction d'impôt sur le revenu dans les Dom, par ailleurs, ne permettra en rien de répondre aux problèmes majeurs que constituent les inégalités et la cherté de la vie dans les outre-mer, et ne pourra que venir aggraver la situation de certains territoires.

Dans ces conditions, c'est sans grand enthousiasme qu'il est proposé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la présente mission. Comme l'année dernière, le budget qui nous est proposé ne pourra constituer qu'un budget de transition ; nous ne pouvons qu'espérer que cette transition ne se prolonge pas trop longtemps et que le Gouvernement prendra enfin la mesure concrète des besoins immenses des outre-mer. Avec la loi Erom et le Livre bleu des Assises, tous les instruments d'une réelle action de transformation de ces territoires sont désormais réunis.

Il importe surtout et avant tout de créer les conditions d'un changement de regard sur nos territoires ultramarins. Bien souvent, ce qui nous est présenté comme des « spécificités » ultramarines n'est en réalité qu'une version plus concentrée des réalités traversées par certains territoires ou départements hexagonaux.

D'une manière plus générale, les outre-mer peuvent, à plusieurs égards, être considérés comme le laboratoire du monde qui vient : particulièrement exposés au défi migratoire, au changement climatique, à la transition écologique, à l'effondrement de la biodiversité et au renforcement des risques environnementaux (séismes, volcanisme, cyclones, inondations), ils traversent chacune de ces crises avec d'autant plus de heurts qu'ils font par ailleurs face à des difficultés socio-économiques importantes. De ce point de vue, les outre-mer n'ont besoin de rien d'autre que de voir enfin définie la politique de leur géographie, qui suppose une adaptation des normes nationales aux réalités locales.

Reste donc à développer une réelle volonté politique sur l'ensemble de ces aspects, afin d'aborder ces enjeux avec davantage d'audace et d'ambition, et de faire enfin des outre-mer les territoires d'expérimentation et d'innovation qu'ils pourraient et devraient devenir.


* 1 Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

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