B. UN NÉCESSAIRE ACCOMPAGNEMENT SOCIAL POUR SORTIR DE L'URGENCE

1. Les CHRS risquent d'être fragilisés par les mesures d'économies

Le plan d'économies et de convergence tarifaire mis en oeuvre pour les CHRS impose d'importantes réductions de coût pour ces structures . Comme l'ont indiqué plusieurs associations auditionnées par votre rapporteur, ces économies vont entraver la qualité d'accueil des CHRS . Elles risquent également de créer une sélection des publics accueillis qui doivent s'acquitter d'une participation financière pour y être hébergées. Par ailleurs, ces réductions des coûts s'effectueraient au prix de l'accompagnement social qui fait l'intérêt de ces structures. En effet, dans le parcours vers le logement, l'accueil en CHRS constitue un moyen d'accompagnement qui permet à presque la moitié des personnes accueillies d'accéder à un logement autonome.

Part des personnes sortant de CHRS qui accèdent à un logement

Réalisation
2016

Réalisation 2017

Prévision 2018

Prévision 2019

Cible 2020

Part accédant à un logement adapté

14 %

12 %

14 %

16 %

18 %

Part accédant à un logement autonome

31 %

43 %

45 %

47 %

48 %

Source : Projet annuel de performance « cohésion des territoires » pour 2019

Les préoccupations des gestionnaires de CHU et de CHRS :
l'exemple du département des Deux-Sèvres

Votre rapporteur a rencontré plusieurs organismes gestionnaires de CHU et de CHRS, associations et centres communaux d'action sociale, exerçant dans le département des Deux-Sèvres.

Concernant la prise en charge des personnes migrantes , les acteurs auditionnés par votre rapporteur ont indiqué que les SIAO étaient dorénavant incités à ne pas orienter ces personnes vers les structures d'accueil généralistes, au profit des structures dédiées. Il en résulte que de nombreuses personnes restent sans solution d'hébergement, faute de places. C'est le cas des demandeurs d'asile, qui ne peuvent effectuer qu'un seul séjour en CAO, et des migrants en situation irrégulière. Cette situation conduit au développement de squats aux conditions insalubres où prospèrent de nombreux trafics.

Concernant les CHRS , la durée d'hébergement , souvent entre six et neuf mois, apparait trop courte pour assurer un accompagnement satisfaisant de la personne. En effet, les personnes accueillies souffrent de difficultés toujours plus nombreuses (pathologies diverses et multiples, désocialisation, etc.) qui nécessitent de longues périodes d'apprentissage et d'accompagnement renforcé, ce que n'offre pas le logement adapté. Au contraire, le plan d'économies engagé pour la convergence tarifaire fragilise ces structures et se fait sans distinction des publics accueillis ou des coûts de l'immobilier. Les gestionnaires de CHRS regrettent que, dans ce cadre, le principe d'un dialogue de gestion ne soit plus possible avec l'État.

Le développement de l'intermédiation locative ne propose pas le même accompagnement que les CHRS qui offrent aux personnes en difficulté un sas de réinsertion nécessaire pour l'accès au logement. Or, la réduction des coûts imposés aux CHRS risque de créer une concurrence entre les publics accueillis dans ces structures ainsi que dans le logement adapté. En outre, l'intermédiation locative n'offre pas de garanties suffisantes à l'organisme locataire concernant les loyers impayés ou les éventuelles dégradations, constituant un frein à son développement.

Dans ce contexte, les associations auditionnées ont fait part de leurs inquiétudes pour répondre aux demandes toujours croissantes d'hébergement. D'une part, elles se sentent menacées par les politiques de réduction des coûts alors qu'elles tentent de répondre aux demandes d'ouverture de nouveaux services. D'autre part, elles se trouvent en concurrence avec de grandes organisations à dimension nationale dans le cadre d'appels à projets pour lesquels elles ne peuvent pas proposer des tarifs aussi favorables. Pour autant, les petites associations offrent généralement un accompagnement des personnes plus important. Les organisations auditionnées ont indiqué qu'elles employaient un éducateur pour quinze personnes hébergées en CAO ou CHRS quand de grandes organisations ne proposaient souvent qu'un éducateur pour quarante-cinq personnes.

Reconnaissant les difficultés que rencontrent les CHRS dans le cadre de cette convergence tarifaire, le Gouvernement a décidé qu'ils bénéficieraient d'un soutien supplémentaire dans le cadre de l'enveloppe de 20 millions d'euros qui sera transférée au programme 177 pour 2019. Votre rapporteur n'a pas pu connaitre à ce stade le montant précis qui serait alloué aux CHRS qui ne dépasserait pas, en tout état de cause, 10 millions d'euros pour 2019.

Si l'objectif du « logement d'abord » vise à trouver une solution de logement pérenne aux sans-abri sans passer par des structures temporaires comme les CHRS, il ne peut être atteint à court terme en affaiblissant ces structures. Cette stratégie passe par une réorganisation du parcours vers le logement qui suppose un accompagnement renforcé des populations sans domicile.

2. La sortie des dispositifs d'urgence suppose de renforcer l'accompagnement social

Le renforcement de l'approche « d'aller vers » les populations en détresse et se trouvant dans le rue est nécessaire pour lutter contre le sans-abrisme. C'est l'ambition affichée par la stratégie « pauvreté » que partage votre rapporteur. C'est dans ce cadre que les maraudes professionnelles seront renforcées en 2019. Le plan pauvreté prévoit également de transformer le travail social pour développer ces pratiques. Si cette orientation est partagée par votre rapporteur, les moyens et les mesures ne sont pour l'instant pas suffisamment engagés. Il convient par cette pratique « d'aller vers » de renforcer le lien entre les dispositifs d'accueil et d'accompagnement et les populations en détresse. En effet, certaines d'entre elles, découragées, ne sollicitent plus les structures d'hébergement qui répondent souvent défavorablement aux demandes, faute de places disponibles. Le taux de réponse positive des SIAO aux demandes d'hébergement s'élève à 49 % en 2018 et à 4 % seulement pour les demandes de logement adapté 10 ( * ) . L'accompagnement vers des formes de logement pérenne (adapté ou ordinaire) doit donc être considérablement renforcé.

En outre, la sortie de l'hôtel vers des solutions de logement pérenne ne peut s'effectuer sans l'accompagnement des populations hébergées. L'hébergement hôtelier a en partie perdu sa vocation d'hébergement temporaire et d'urgence, des familles y résidant depuis plusieurs mois voire plusieurs années. Or ces structures ne sont pas adaptées pour la réussite d'un parcours de réinsertion sociale. La stratégie « un chez soi d'abord » peut s'avérer pertinente pour la sortie de l'hôtel, en particulier pour les personnes hébergées à l'hôtel et qui travaillent. Elles doivent recevoir un accompagnement adapté pour trouver une solution de logement pérenne. Une meilleur rotation des populations à l'hôtel est en outre nécessaire pour que cette solution retrouve sa vocation de réponse à l'urgence et puisse accueillir davantage de personnes en détresse qui sont aujourd'hui sans solution d'hébergement. Votre rapporteur sera à cet égard attentif aux mesures d'accompagnement pour la sortie de l'hôtel annoncées par le Gouvernement.

Enfin, votre rapporteur tient à rappeler la nécessité d'une meilleure coordination des acteurs sur le territoire pour accompagner les personnes . C'est l'ambition affichée par le plan « logement d'abord » qui prévoit notamment de nouer des partenariats avec les départements pour créer des référents de parcours assurant un meilleur suivi de la personne. La possibilité de constituer des SIAO interdépartementaux, évoquée dans le plan, permettrait également de renforcer ce suivi, en particulier en zone urbaine. En région parisienne, il est fréquent que la sollicitation d'un SIAO débouche sur l'hébergement de la personne dans un département voisin, ce qui complique son accompagnement compte tenu de l'organisation territoriale actuelle. Ces moyens de coordination et d'adaptation aux besoins des territoires doivent donc être engagés.

À cet égard, plusieurs associations auditionnées par votre rapporteur l'ont alerté sur l'enjeu de la domiciliation pour les personnes sans domicile. La domiciliation permet aux personnes sans domicile fixe de disposer d'une adresse afin de recevoir du courrier, bénéficier de certains droits et prétendre à certaines prestations. Cette compétence relève en principe des communes, au travers des centres communaux d'action sociale, qui la délèguent parfois à des associations. Or ce service public est fragilisé dans de nombreuses communes, faute de moyens . La domiciliation est portant un moyen utile d'effectuer un accompagnement de la personne sous la forme d'un accueil de jour et elle permet d'assurer un suivi grâce à de l'aide aux démarches administratives. Attentif à ce sujet, votre rapporteur tient à alerter sur la nécessité d'accroitre les moyens dévolus à ce service public, en renforçant les partenariats entre les services de l'État, les collectivités territoriales et les associations. Ce sont par ces formes d'accompagnement, grâce au renforcement du travail social, que pourront être atteints les objectifs fixés dans les plans de lutte contre la pauvreté et d'accès à des solutions de logement pérenne.


* 10 Projet annuel de performance pour 2019 de la mission « cohésion des territoires ».

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