B. LE FINANCEMENT DES OPEX

Suite aux observations de la Cour des Comptes sur la nécessité de budgéter de façon sincère le coût des opérations extérieures (OPEX), le Gouvernement a annoncé avoir suivi cette recommandation en prévoyant la montée progressive de la provision pour atteindre 1,1 milliard d'euros en 2020.

Dès 2017, votre commission avait signalé :

- que la montée en charge progressive posait le problème des exercices 2018 et 2019 ;

- qu'elle devait s'accompagner d'un accroissement à due proportion de l'enveloppe globale de la mission « Défense » ;

- et que ce plafond d'1,1 milliard d'euros était peu réaliste et serait très vraisemblablement dépassé. C'est du reste ce qui se produit cette année-même, avec comme conséquence l'annulation de 404 millions d'euros, dont 319 millions sur le seul programme 146.

Pourtant, dans sa note d'exécution budgétaire de la mission « Défense » pour 2017, la Cour des Comptes pointait à nouveau ce risque, en remarquant : « une programmation plus sincère de ces surcoûts, telle qu'elle est amorcée en 2018 avec une dotation de 650 M€ pour les OPEX, devrait contribuer à sortir de cette situation paradoxale où l'ouverture de crédits interministériels pour les OPEX-MISSINT pénalise l'exécution de la mission Défense et tout particulièrement le programme 146 qui supporte la quasi-totalité de ces annulations.

Il conviendra toutefois de s'assurer que les mouvements en gestion ne pénalisent pas cette sincérité en continuant à annuler des crédits du programme 146 pour couvrir des éventuelles sous-budgétisations d'autres missions ».

En d'autres termes, la sincérisation est un objectif qui devait être poursuivi jusqu'à son terme. Cela supposait d'évaluer avec sincérité le coût des OPEX (qui, depuis 2013, n'a jamais été inférieur à 1,1 milliard d'euros). Plus préoccupant, le niveau actuel d'engagement conduit à un coût des OPEX qui dépasse significativement ce plafond de 1,1 milliard d'euros.

C'est pour cette raison que votre commission avait souhaité consolider, dans la nouvelle LPM, la clause de sauvegarde sur le surcoût des OPEX qu'elle avait déjà inscrite dans la LPM 2013-2018. Cette clause consiste à réaffirmer que le surcoût non financé en loi de finances initiale a vocation à être pris en charge par la solidarité interministérielle, et non par le seul ministère des armées. Le Gouvernement semblait, au printemps, partager cette conception.

C'est donc avec un étonnement et une profonde déception que vos rapporteurs pour avis ont constaté que le Gouvernement tenait désormais un discours opposé, à l'occasion du PLFR pour 2018. Parmi les arguments avancés par le Gouvernement, donc aucun ne recueille l'adhésion de vos rapporteurs pour avis, un d'entre eux consiste à contester la légitimité d'une prise en charge interministérielle du surcoût des OPEX. Dit plus simplement, le Gouvernement tient à l'automne un discours exactement inverse à celui qu'il tenait au printemps .

C'est naturellement tout à fait contestable, mais c'est surtout très préoccupant pour la suite de la LPM, à commencer par l'exercice 2019, et ce pour trois raisons :

- premièrement, avec 850 millions d'euros, la provision de financement des OPEX sera très vraisemblablement à nouveau insuffisante en 2019, ce qui ouvrira un fort risque de nouvelles annulations de crédits, et globalement d'insincérité du budget ;

- deuxièmement, les annulations de l'année n entraînent, de façon générale et assez logique, des charges supplémentaires sur les années suivantes (sauf à penser que certaines dépenses soient définitivement annulées, ce qui a tout de même un coût, et ce qui paraît difficilement compatible avec l'objectif de comblement de nos lacunes capacitaires) ;

- enfin, et c'est en réalité le plus grave , quoique cela ait été moins vu jusqu'à présent : ce revirement du Gouvernement instille le doute sur sa détermination à tenir la trajectoire audacieuse qu'il a lui-même fixée pour la LPM . La LPM encore en vigueur, tout autant que l'esprit de la LPM à venir à partir de 2019, auraient dû conduire le Gouvernement à assurer un financement interministériel de ce surcoût. Ce renoncement aux engagements de la LPM avant même que celle-ci ne commence nourrit l'inquiétude quant à la capacité du Gouvernement de préserver les crédits annoncés pour la défense dans les années à venir.

Pour ces différentes raisons, il apparaît que le financement des OPEX reste une épée de Damoclès au-dessus des crédits de la défense, et en particulier de ceux du programme 146.

Même si l'imputation de l'annulation récente n'est pas connue, pour apprécier les ordres de grandeur, il est intéressant de noter que les 319 millions d'euros annulés sur le programme 146 représentent environ 2 ans de livraison de blindés Griffon, ou l'achat de 10 hélicoptères Tigre.

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