N° 149

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2018

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , pour 2019 ,

TOME III

ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT :
FRANÇAIS À L'ÉTRANGER ET AFFAIRES CONSULAIRES

Par MM. Jean-Pierre GRAND et Rachid TEMAL,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Bernard Cazeau, M. Robert del Picchia, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Cédric Perrin, Gilbert Roger , Jean-Marc Todeschini, vice-présidents ; M. Olivier Cigolotti, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont , secrétaires ; MM. Jean-Marie Bockel, Gilbert Bouchet, Michel Boutant, Olivier Cadic, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Mme Hélène Conway-Mouret, MM. Édouard Courtial, René Danesi, Jean-Paul Émorine, Bernard Fournier, Jean-Pierre Grand, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Jean-Louis Lagourgue, Robert Laufoaulu, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Rachel Mazuir, François Patriat, MM. Gérard Poadja, Ladislas Poniatowski, Mmes Christine Prunaud, Isabelle Raimond-Pavero, MM. Stéphane Ravier, Hugues Saury, Bruno Sido, Rachid Temal, Raymond Vall, André Vallini, Yannick Vaugrenard, Jean-Pierre Vial, Richard Yung .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 1255 , 1285 , 1288 , 1302 à 1307 , 1357 et T.A. 189

Sénat : 146 et 147 à 153 (2018-2019)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS POUR AVIS

1. Les crédits inscrits au PLF pour 2019 pour le programme 151 s'établissent à 374,24 M€ , en augmentation de 1,5% par rapport à 2018. Cette hausse s'explique par une progression significative (+4%) des crédits de personnel - qui représentent 63,7% de ce programme - liée à une remise à niveau du titre 2, sous-budgété l'an passé en raison d'effets de change et de prix. Hors titre 2, les crédits du programme 151 diminuent de 2,6% à 135,95 M€.

2. L'augmentation des crédits de titre 2 intervient en 2019 malgré une diminution du schéma d'emploi. L'effort de réduction de la masse salariale imposé au réseau de l'Etat à l'étranger dans le cadre du projet Action publique 2022 (-10% en quatre ans) conduira en effet en 2019 à la suppression de 37 postes équivalant temps plein sur le programme 151 . Cet objectif sera atteint par de nouvelles mesures de rationalisation du réseau : transfert au Service central de l'état civil à Nantes de la transcription des actes d'état civil réalisée dans certains postes (Suisse, Luxembourg), allègement des effectifs des postes à gestion simplifiée, poursuite de l'externalisation du traitement des demandes de visas (Azerbaïdjan, Biélorussie) et transformation de postes d'agents titulaires en postes d'agents de droit local. L'effort de réduction de la masse salariale devrait en outre s'accentuer les années suivantes.

Votre commission s'inquiète de cette démarche qui va se traduire par une réduction des moyens d'un programme - et plus généralement d'une mission - soumis à des mesures d'économies depuis plus d'une dizaine d'années et qui a déjà poussé très loin le processus de rationalisation, au risque d'affaiblir la capacité d'influence et de rayonnement de la France dans le monde .

On notera aussi l'objectif d'extinction quasi-totale de la compétence notariale des postes en 2019 et la suppression de la Journée Défense et Citoyenneté (JDC) que ceux-ci organisaient - plus ou moins - pour les jeunes Français de l'étranger.

3. Les crédits de fonctionnement du réseau consulaire (action 1) s'élèvent à 12,6 M€, un montant quasiment stable par rapport à 2018. Ils comprennent une enveloppe destinée à l'organisation des élections européennes. Parmi ces crédits, il faut relever une hausse importante de l'enveloppe prévue pour les élections (+2,6 M€, soit 3,7 M€ en tout) dans la perspective des élections européennes du printemps 2019 . Le coût total de ce scrutin pour les Français de l'étranger est estimé à 5,8 M€, en augmentation par rapport à 2014 du fait du nombre d'électeurs inscrits sur les listes, du poids des envois de propagande électorale dans le contexte désormais d'une circonscription unique (l'estimation budgétée porte sur 20 listes mais il est possible qu'il y en ait davantage), enfin une augmentation de 60% des tarifs postaux depuis 2014. En cas d'insuffisance des crédits prévus à cet effet, le ministère de l'intérieur versera une contribution au ministère des affaires étrangères en cours de gestion.

Parmi les mesures qui devraient faciliter l'organisation du scrutin, il faut noter la possibilité (en vigueur depuis 2015) de transmettre les procurations aux mairies par voie électronique et surtout, pour la première fois, l'intégration des listes électorales consulaires dans le Répertoire électoral unique (REU) qui permet de supprimer le système de la double inscription (possibilité de s'inscrire simultanément sur les listes électorales communales et consulaires).

4. Les crédits d'intervention (action 1) bénéficient d'une légère augmentation (+2,7%) par rapport à 2018, à 18,1 M€ . Néanmoins, cette augmentation s'explique principalement par l'inscription de nouveaux crédits d'un montant de 2 millions d'euros, destinés à abonder le dispositif décidé à l'automne 2017 pour compenser la suppression de la réserve parlementaire et dénommé STAFE (Soutien au tissu associatif des Français à l'étranger) . Ces crédits sont distribués sur la base d'appels à projets à propos desquels les conseillers consulaires et les conseillers de l'AFE sont consultés, les parlementaires étant, en revanche, tenus à l'écart de la procédure, ce qui est regrettable d'un point de vue démocratique.

En revanche, les crédits destinés à l'aide sociale stricto sensu , c'est-à-dire les aides versées par les postes aux personnes en difficulté, diminuent de 1,9 M€ (de 15,2 à 13,3 M€), afin de tenir compte de la baisse du nombre d'allocataires ainsi que de la diminution du taux de crédits mis en réserve.

Les autres crédits d'intervention, globalement stables , permettent de subventionner une douzaine de centres médico-sociaux, principalement en Afrique, d'aider des organismes de bienfaisance, de soutenir l'adoption internationale ou encore de financer les rapatriements sanitaires, qui ont tendance à se multiplier, surtout dans l'espace européen. Pour l'heure, l'entrée en vigueur de la directive « protection consulaire » n'a pas eu les conséquences redoutées, en dépit de transfert de charges vers le réseau français. Il convient de rester vigilant sur l'application de cette directive, dont il est évidemment trop tôt pour tirer un bilan.

5. La dotation destinée aux bourses scolaires (action 2) s'établit à 105,3 M€, en baisse de 5 M€ par rapport à 2018. Comme les années précédentes, elle pourra être complétée, en tant que de besoin, par un prélèvement sur la « soulte » de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) qui, grâce à des effets de change favorables, a pu se reconstituer et devrait encore s'élever à 14 M€ fin 2018. Le nombre de boursiers en 2017 s'est établi à 25 350, en légère baisse.

6. L'examen de cet avis a été l'occasion de mettre l'accent sur les points suivants :

- la reprise de l'activité « visas » : le nombre de demandes de visas , qui avait légèrement fléchi en 2016 à la suite des attentats de 2015, a atteint un record en 2017 (4 millions, soit +13,5%), la tendance à la hausse s'étant poursuivie sur 2018. Le nombre de visas accordés progressant parallèlement, les recette s tirées de l'activité visas se sont élevées à 210,4 M€ en 2017 , en hausse de 13,3% par rapport à 2016. Conformément à un nouveau mode de calcul adopté en début d'année 2018, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères a obtenu cette année 25% de 3% des recettes collectées, soit 1,38 M€ pour financer le recrutement de personnels vacataires, qui apportent des renforts ponctuels appréciables aux postes qui en ont besoin. L'activité devrait poursuivre sa progression en 2019, alors que le déploiement de l'application France-Visas, envisagé en 2020, devrait réduire encore les délais d'instruction des demandes.

- la situation des 300 000 ressortissants français au Royaume-Uni dans le contexte du Brexit : les négociations qui ont suivi le Brexit ont abouti le 19 mars 2018 à un accord sur le principe du maintien des droits pour les citoyens européens présents sur le territoire britannique au terme d'une période de transition fixée au 31 décembre 2020 : possibilité de continuer à vivre, travailler ou étudier au Royaume-Uni dans les mêmes conditions qu'actuellement, accès au statut de résident permanent pour ceux ayant résidé pendant cinq ans à cette date, droit au regroupement familial et maintien des droits sociaux et d'accès aux soins. L'entrée en vigueur de cet accord restait cependant conditionnée à l'obtention d'un accord d'ensemble sur les conditions de retrait du Royaume-Uni de l'UE, qui a été signé le 25 novembre 2018 , après plusieurs semaines d'atermoiements et de doutes. Cet accord de retrait doit encore faire l'objet d'une ratification d'ici le mois de janvier par le Parlement britannique et par le Parlement européen, si les conditions politiques le permettent. Une fois cette étape franchie, le Royaume-Uni et l'UE devront définir les termes de leur relation future, qui déterminera notamment les conditions applicables aux citoyens européens arrivés après le 31 décembre 2020.

- le projet de réforme de la représentation des Français de l'étranger : annoncée par le Président de la République lors de la session d'automne 2017 de l'Assemblée des Français de l'Etranger (AFE), cette réforme aurait notamment pour objectif de remédier à l'insuffisante lisibilité de cette représentation, qui différencie les élus consulaires siégeant à l'AFE et les autres. Une consultation menée en début d'année 2018 auprès des élus et des associations de Français de l'étranger a donné lieu à une restitution au printemps, mettant en évidence des points d'accord : nécessité de conserver des élus de proximité élus au suffrage universel direct, de garder aussi une représentation non parlementaire au plan national, de former davantage les élus des Français de l'étranger et de renforcer leurs liens avec les élus parlementaires. Le calendrier de cette réforme , qui pourrait impliquer une réduction du nombre de conseillers consulaires et une révision du mode de fonctionnement de l'AFE, a cependant été décalé du fait du retard pris par la réforme de la représentation nationale . Elle ne devrait donc pas entrer en vigueur avant les élections consulaires de 2020. Votre commission suivra évidemment l'évolution de ce dossier avec la plus grande attention.

À l'issue de sa réunion du mercredi 14 novembre 2018, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

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