B. LA DIMINUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 105 ET L'AUGMENTATION DES DÉPENSES DE PERSONNEL

Le programme 105 porte plus de la moitié des emplois du Quai d'Orsay, mais aussi l'intégralité du réseau diplomatique français 5 ( * ) qui est le troisième dans le monde. Les moyens du programme 105 représentent 36 % des crédits, 59 % des emplois du ministère et 67 % des équivalents temps plein travaillé (ETPT) de la mission.

Les crédits du programme 105 diminuent nettement par rapport à 2018, de 6,7 % en crédits de paiement, qui s'élèvent à 1,774 milliard d'euros et de 6,5 % en autorisations d'engagement, qui atteignent 1,776 milliard d'euros. Toutefois, de nombreux transferts de crédits modifient le périmètre du programme en 2019 et rendent peu lisible son évolution.

1. Une évolution rendue peu lisible par de multiples transferts

Il convient de distinguer les transferts qualifiés de technique des transferts induits par l'application au ministère du plan de transformation Action publique 2022 6 ( * ) .

En 2019, les transferts « techniques » suivants affecteront le programme 105 :

- un débasage de 92,6 millions d'euros correspondants aux crédits auparavant inscrits sur le programme au titre des loyers budgétaires. Cette évolution tient au fait que l'information sur la valeur économique des biens de l'État occupés sera désormais traitée dans le cadre d'instruments non budgétaires 7 ( * ) ,

- un transfert interne de 0,277 million d'euros vers le programme 209 pour couvrir des coûts annexes relatifs au transfert des experts techniques internationaux vers l'AFD et expertise France.

Dans le cadre des évolutions liées à Action Publique 2022, les transferts suivants impactent le programme 105 en 2019 :

- un transfert au profit du programme 105 de crédits de fonctionnement dits crédits de support dans le réseau, c'est-à-dire les frais de représentation et de déplacements des consuls et des conseillers de coopération du programme 151, soit 2,076 millions d'euros , et du programme 185, soit 1,55 million d'euros ,

- le transfert des crédits de fonctionnement en provenance des autres ministères pour leurs services à l'étranger au titre de ses fonctions support s'élèvent à 15,22 millions d'euros affectés au programme 105,

- le transfert sur le programme 105 de 383 emplois supports en provenance des autres ministères pour une masse salariale de 10,9 millions d'euros. Le tableau suivant retrace ces transferts.

Origine du transfert au profit du P105

Masse salariale

(en millions d'euros)

ETPT transférés

Ministère des armées (P212)

4,929

157

Direction générale du Trésor

2,229

79

Direction générale des finances publiques

0,555

6

Direction générale des douanes et droits indirects (P302)

0,086

3

Ministère de l'intérieur (P176)

2,387

121

Ministère de la justice (P310)

0,330

10

Ministère de l'agriculture (P215)

0,242

3

Ministères sociaux (P124)

0,086

2

Direction générale de l'aviation civile (P613)

0,046

1

Ministère de la transition écologique et solidaire (P2 117)

0,043

1

TOTAL

10,9

383

Ces transferts font l'objet d'un commentaire ultérieur.

2. La structure du P 105 : le poids des dépenses contraintes
a) L'augmentation des dépenses de personnel pèse sur les autres dépenses du programme

En 2019, les crédits de paiement s'élèvent à 762,6 millions d'euros en dépenses d'intervention (-8,6%), 661 millions d'euros en dépenses de personnel (+6,2%), 305 millions d'euros en dépenses de fonctionnement (-17,1%) et 46 millions d'euros en dépenses d'investissement (-40,3%) .

Au titre de 2019, la répartition par titre des crédits de paiement du programme 105 évolue par rapport à 2018, au profit des dépenses de personnel qui augmentent de 6,2 %, et au détriment des dépenses d'intervention, de fonctionnement et d'investissement qui diminuent de 13 %. Les dépenses d'investissement et d'intervention semblent une fois de plus constituer la variable d'ajustement du P105.

Enfin, la diminution conséquente des crédits d'investissement tient à la diminution de 30 millions d'euros sur le programme 105 au titre des nouvelles modalités de financement de la sécurisation des emprises à l'étranger, qui feront l'objet d'un développement ultérieur.

b) La répartition des crédits par action du programme 105

Le tableau suivant présente l'évolution des crédits par action du programme. Les actions « Contributions obligatoires », « Soutien » et « Réseau diplomatique » connaissent d'importantes diminutions qui font l'objet de développements spécifiques.

Répartition des crédits du programme par action (en millions d'euros) et évolution

NB : Les sommes de colonnes peuvent être différentes du total en raison des arrondis.

Source : chiffres du PAP de la mission « Action extérieure de l'État » annexé aux PLF 2019, mis en perspective

En revanche, les crédits des actions suivantes progressent :

- de 11,2  % pour « Coordination de l'action diplomatique » (99,88 millions d'euros). Cette action finance le Centre de crise (3,793 millions d'euros), la communication (2,853 millions d'euros), les dépenses d'état-major (9,4 millions d'euros) au même niveau qu'en 2018. En revanche, les dépenses de protocole ont nettement augmenté , passant de 8,95 à 17,594 millions d'euros entre 2018 et 2019. Cette hausse de crédits financera la Présidence française du Conseil de l'Europe en 2019, le sommet France Océanie, ainsi que la préparation, en fin d'année, du sommet Afrique-France qui se tiendra en 2020,

- de 4,1 % pour l'« Action européenne » (54,377 millions d'euros). L'évolution budgétaire est due à la hausse du budget du Conseil de l'Europe , et notamment aux dépenses structurellement dynamiques liées au paiement des retraites , ainsi qu'au moindre reliquat des contributions des années antérieures dans un contexte de trésorerie tendu résultant d'une part des arriérés de paiement de la Russie et d'autre part de la décision de la Turquie de renoncer à son statut de « grand contributeur »,

- de 1,6 % pour la « Coopération de sécurité et de défense » (104 millions d'euros).

Le graphique suivant présente le poids de chacune des actions du programme en son sein et leur évolution.

Source : CAED

Comme pour le montant des crédits, la structure de leur répartition par action au sein du programme se caractérise par une assez forte stabilité par rapport à la structure du programme en 2018, ce qui est conforme à l'importance des dépenses contraintes.

Les évolutions visibles concernent les actions dont les crédits augmentent par rapport à 2018. Par ailleurs, il est intéressant de noter, qu'alors que leurs crédits diminuent, les actions « Soutien » et « Réseau diplomatique » voient leur poids au sein du P105 augmenter, ce qui s'explique en fait par la contraction des crédits de l'action « Contributions obligatoires ».

3. Des diminutions de dépenses qui ne correspondent pas à une action volontaire
a) La forte diminution des contributions obligatoires

Les crédits consacrés aux contributions internationales et aux opérations de maintien de la paix, soit 38,5 % du programme 105, diminuent de 73,8 millions d'euros (sur un montant total de 683,8 millions d'euros), soit 9,7 %.

Cette évolution que votre commission appelle de ses voeux chaque année s'explique principalement par la forte diminution des crédits dédiés aux opérations de maintien de la paix (OMP).

Le tableau ci-après présente l'évolution des principales contributions obligatoires et leur évolution entre 2018 et 2019.

Contributions

PLF 2018 en M€

PLF 2019 en M€

Evol.
en %

Opérations de maintien de la paix

384,9

326,3

-15,21

ONU, organisation des Nations-Unies

113,9

103,1

-9,44

OTAN, organisation du traité de l'Atlantique Nord

27,9

27,9

0

OSCE, organisation pour la sécurité et la coopération en Europe

23,5

23,5

0

OAA/FAO, organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture

21,3

20,3

-4,65

AIEA, agence internationale de l'énergie atomique

21,5

21,6

+0,53

OCDE, organisation de coopération et de développement économique

21,2

21,2

-0,07

OMS, organisation mondiale de la santé

19,6

20,5

+4,28

OIT, organisation internationale du travail

16,8

16,1

-4,70

UNESCO, organisation des Nations-Unies pour l'éducation, la science et la culture

14,3

13,4

-6,32

CPI, cour pénale internationale

12,2

12,9

+8

IMA, institut du monde arabe

12,3

12,3

0

CICR, comité international pour la Croix-Rouge

7,5

7,5

0

PNUE 700, programme des Nations unies pour l'environnement

6,8

6,4

-5,93

OMC, organisation mondiale du commerce

6,8

6,4

-5,70

Total hors OMP

325,8

313,3

-3,84

Total

710,7

648,3

-10

Les OMP connaissent donc une diminution de plus de 15 % par rapport à 2018. En juillet 2018, le budget des OMP a été adopté à la baisse pour la 4 ème année consécutive. Plusieurs évolutions prévisibles expliquent cette diminution des deux-tiers du budget des OMP en 2018 :

- la fermeture de la MINUL 8 ( * ) , la baisse des effectifs de la MONUSCO 9 ( * ) et la réduction de format de la FISNUA 10 ( * ) ,

- la forte pression maintenue par l'administration américaine.

Pour 2019, le maintien de la pression baissière sur les budgets et les effectifs des OMP a été anticipé. Le budget de trois missions dépassant le milliard de dollars a été fortement réduit : celui de la MONUSCO a été réduit de 39 millions de dollars celui de la MINUSS 11 ( * ) de 30 millions et celui de la MINUSMA 12 ( * ) au Mali de 25 millions. La baisse s'explique également par la transformation de la MINUSTAH 13 ( * ) en MINUJUSTH 14 ( * ) avec des effectifs en réduction et un mandat recentré sur le renforcement des institutions et de l'État de droit, l'appui à la police nationale et le suivi de la situation en matière de droits de l'Homme.

Enfin, selon les informations communiquées par le ministère, les chiffres prévisionnels présentés dans le tableau ci-dessus, sont basés sur l'hypothèse 15 ( * ) d'une quote-part française à 5,74 % pour les OMP, (contre précédemment 6,28 %). Les dépenses en devise ont été anticipées par l'achat à terme de 478 millions de dollars et 35 millions de francs suisses. Comme en 2018, cette année 80 % des contributions payables en devises en 2019 verront leur risque de change couvert dans le cadre de la convention entre le ministère et l'agence France Trésor.

Votre commission se félicite d'avoir été entendue sur ce point. En revanche, elle constate que la diminution de la quote-part française , si elle permet de réaliser des économies, témoigne de la perte de poids économique de la France qui recule au classement économique international 16 ( * ) .

La diminution de la contribution au budget ordinaire de l'ONU est elle aussi conséquente, atteignant 9,44 % par rapport à 2018. Elle est la conséquence de la décision de décembre 2017 de l'Assemblée générale des Nations-Unies de baisser le budget de l'exercice biennal 2018-2019. Cette initiative combiné à des effets favorables du taux de change a contribué à la de la contribution française. Par ailleurs, la politique active du ministère pour obtenir des organisations la mise en oeuvre de l'objectif de croissance nominale zéro en valeur de leur budget porte ses fruits notamment auprès d'organisations comme la FAO .

Enfin, la diminution de la contribution à l'UNESCO n'est que nominale. Selon les informations communiquées par le ministère, dans le PLF 2018, la budgétisation de la contribution de l'UNESCO était réalisée pour partie en euros et pour partie en dollars. Il est désormais possible pour chaque État d'acquitter la totalité de sa contribution dans une seule de ces deux monnaies. En conséquence et pour la première fois, au titre du PLF 2019, la budgétisation de la totalité de la contribution est effectuée en euros uniquement. Exprimée en dollars, le niveau de la contribution française reste inchangé .

Les contributions les plus importantes qui augmentent sont :

- la contribution au budget de la Cour pénale internationale , en hausse de 8 % . Cette augmentation est le résultat d'éléments statutaires propres à l'activité de la Cour au caractère impératif,

- la contribution à l'OMS . L'augmentation de 4,28 % tient au fait que la contribution pour 2018 était particulièrement basse en raison du remboursement d'un trop perçu (de 1,7 million de dollars et 1,6 million de francs suisses). En 2019, la contribution n'est pas de nouveau minorée .

Enfin, s'agissant des contributions obligatoires, votre commission prend acte de ce que la Cour des Comptes n'a pas maintenu sa recommandation relative au réaménagement de l'architecture budgétaire de la mission visant à créer un programme consacré aux contributions internationales obligatoires et volontaires . Dans sa note d'exécution budgétaire pour 2017, la Cour a pris acte du rôle que devait jouer le comité de pilotage interministériel des contributions internationales en tant qu'instance destinée à la fois à mieux anticiper l'évolution du niveau des contributions dues aux organisations internationales et à envisager d'éventuelle rationalisation dans les choix faits par la France. « Sous réserve que ce comité, qui devra inclure la direction du budget, se donne les moyens d'atteindre les objectifs qui lui sont assignés, notamment en se réunissant suffisamment régulièrement et en se dotant des outils nécessaires, la cour ne réitère pas sa recommandation. »

b) La réduction des crédits des actions « Réseau diplomatique » et «  Soutien » : des effets de périmètre

L'action « Soutien » , dotée de 222,09 millions d'euros, finance le fonctionnement de l'administration générale (17,66 millions d'euros), les dépenses liées à la gestion des ressources humaines (9,47 millions d'euros) et aux systèmes d'information et de télécommunication (38,67 millions d'euros), ainsi que la politique immobilière en France (25,77 millions d'euros) et la sécurité en France (12,25 millions d'euros). L'évolution la plus notable concerne la réduction des crédits dédiés à la politique immobilière en France qui sont passés de 60,7 millions d'euros en 2018 à 25,77 millions d'euros en 2019, soit une diminution de 34,9 millions d'euros correspondant au débasage des loyers budgétaires en France 17 ( * ) auparavant imputés sur cette ligne de crédits.

L'action « Réseau diplomatique » voit ses crédits diminuer de 15,5 % soit, -24% hors masse salariale par rapport à 2019. Les crédits de cette action sont dédiés :

- aux moyens de fonctionnement des ambassades qui passent de 83,66 à 102,169 millions d'euros entre 2018 et 2019. Cette différence de 18,5 millions d'euros tient à deux mesures de périmètre en faveur du P105 : l'inscription des frais de représentation et de tournée des P151 (2,08 millions d'euros) et P185 (1,55 million d'euros) sur cette action du P105 et le regroupement des crédits de fonctionnement courant et d'investissement des huit ministères représentés à l'étranger sur le seul budget du P105 (15,22 millions d'euros),

- à l'immobilier à l'étranger , dont les crédits passent de 104,89 millions d'euros en 2018 à 47,04 millions d'euros en 2019. Là encore, le débasage de 57 millions d'euros de loyers budgétaires explique l'évolution de cette ligne de dépenses. Est maintenue l' enveloppe de 12 millions d'euros dédiés à l'entretien lourd et courant du parc immobilier du ministère à l'étranger 18 ( * ) , soit les ambassades, les résidences des ambassadeurs, les consulats, les résidences des consuls généraux, les centres culturels, les instituts français : environ 1 500 biens répartis dans 160 pays, pour une valeur estimée à 4,3 milliards d'euros. Cette enveloppe est insuffisante comme il sera indiqué ci-après.

- aux indemnités de changement de résidence qui restent stables à 18,95 millions d'euros,

- enfin aux dépenses de sécurité à l'étranger qui diminuent nettement, passant de 75,7 à 44,24 millions d'euros . La diminution de 31,46 millions d'euros d'un PLF à l'autre résulte de la décision de financer la sécurisation des ambassades et lycées français par une avance sur le programme 723 intitulé, «Opérations immobilières nationales et des administrations centrales » du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » (dit CAS immobilier). Cette évolution n'est pas sans poser de réelles questions sur les dépenses qui seront ainsi financées et sur les modalités de remboursement de cette avance (qui seront examinées ultérieurement).


* 5 Soit 102,2 millions d'euros de fonctionnement.

* 6 Le programme de transformation Action publique 2022 (AP2022) a été lancé le 13 octobre 2017, par le Président de la République et le Premier ministre, afin de transformer l'action publique en poursuivant les trois objectifs suivants : « améliorer la qualité de service en développant la relation de confiance entre les usagers et l'administration, offrir un environnement de travail modernisé aux agents publics en les impliquant pleinement dans la définition et le suivi des transformations, accompagner la baisse de la dépense publique », selon le site du portail de la modernisation de l'action publique (www.modernisation.gouv.fr).

* 7 La mise en place de loyers budgétaires visait à rationaliser l'occupation des locaux grâce à des mécanismes de sanctions-incitations. Ceux-ci n'ayant jamais été appliqués au MEAE, les loyers budgétaires, inscrits chaque année sur son budget, augmentaient artificiellement le montant de ses crédits de fonctionnement.

* 8 La fermeture de la mission des Nations unies au Libéria (MINUL) était prévue le 31 mars 2018.

* 9 Mission des Nations unies en République démocratique du Congo

* 10 Force intérimaire de sécurité des Nations unies pour Abiyé au Soudan.

* 11 Mission au Soudan du Sud.

* 12 Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali.

* 13 Mission des Nations unies en Haïti.

* 14 Mission des Nations unies pour l'appui à la justice en Haïti.

* 15 Le vote de barème 2019 intervient en décembre 2018.

* 16 D'après le Centre for Economics and Business Research , la France n'est plus classée qu'à la 7 e place de l'économie mondiale.

* 17 Il s'agissait des loyers de 10 sites localisés à Paris, Nantes et Strasbourg.

* 18 La dotation réservée au gros entretien des implantations à l'étranger est passée de 2 millions d'euros en 2015 à 7 millions d'euros en 2016 puis 12 millions d'euros en 2017 .

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