IV. STRATÉGIE « INITIATIVE COPROPRIÉTÉS » : LE RÔLE CENTRAL DE L'ANAH QUI BÉNÉFICIE À CE TITRE DE RESSOURCES COMPLÉMENTAIRES

A. UNE AUGMENTATION DES RESSOURCES DE L'ANAH POUR FAIRE FACE À UN ACCROISSEMENT DE SES MISSIONS

1. Des crédits en augmentation malgré des ressources instables

Conformément à l'engagement du président de la République de s'engager dans le traitement des « passoires thermiques », l'État contribue de nouveau au financement de l'ANAH depuis 2018. Pour 2019, le montant de cette contribution est maintenu et atteint 110 millions d'euros .

En complément, l'ANAH bénéficie de plusieurs ressources.

• Le produit issu de la mise aux enchères des quotas carbone demeure la première ressource de l'agence. Néanmoins, cette ressource ne peut être supérieure à 550 millions d'euros par an en application de l'article 43 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013.

Votre rapporteur estime difficile pour l'ANAH de fonder un budget à partir de cette ressource par définition instable. Alors que les prévisions du budget 2017 avaient dû être revues à la baisse en cours d'année, c'est la situation inverse qui se présente pour 2018. Ainsi, l'agence avait construit son budget sur un cours de 6,2€/ tonne soit 336,7 millions d'euros de recettes. Le cours a finalement opéré une remontée pour atteindre 12,7€/t  permettant à l'agence de bénéficier de 550 millions d'euros en 2018, soit le montant maximum de recette.

Estimant que cette remontée était durable, le Gouvernement a décidé d'ajuster le plafond de recette issue de ces quotas afin qu'il corresponde « au besoin effectif de l'agence ». L'article 29 du projet de loi de finances diminue ainsi le plafond de cette ressource de 550 millions d'euros à 420 millions d'euros. Le surplus sera donc reversé au budget général, soit 130 millions d'euros. Ce plafonnement à 420 millions d'euros obligera l'agence à puiser dans les recettes supplémentaires perçues en 2018 au titre des quotas carbone.

Votre rapporteur s'étonne de ce choix alors même que le Gouvernement a lancé un grand plan en faveur de la rénovation énergétique des bâtiments et a consacré l'accélération de la transition énergétique comme priorité nationale. Elle estime qu'il faudrait profiter de cette manne pour rénover énergétiquement un plus grand nombre de logements.

• L'ANAH a finalisé plusieurs conventions avec les fournisseurs d'énergie . Outre la convention finalisée en 2017 avec EDF, elle a conclu des conventions avec Engie et TOTAL en 2018. Les contributions des fournisseurs d'énergie devraient ainsi lui procurer 68,3 millions d'euros de ressources contre 58,1 millions d'euros en 2018. Votre rapporteur note que cette ressource qui est négociée chaque année en fonction du niveau de réalisation des objectifs du programme « Habiter mieux » est également une ressource variable qui dépend du cours des certificats d'économie d'énergie.

• Votre rapporteur constate par ailleurs une augmentation du montant de la taxe sur les logements vacants. Fixé à 61 millions d'euros en 2015 contre 21 millions les années précédentes, puis ramené à 21 millions en 2016, 2017 et 2018, le plafond de cette taxe est de nouveau augmenté par l'article 29 du projet de loi de finances pour 2019 pour atteindre 61 millions d'euros. Si elle se félicite de cette augmentation qu'elle recommandait dans son rapport de l'an dernier, votre rapporteur regrette néanmoins le manque de stabilité dans le temps de cette ressource .

• En revanche, l'ANAH ne bénéficiera pas de contribution de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, ni de celle d'Action Logement.

Il convient enfin de noter que l'ANAH a bénéficié en 2018 d'une recette exceptionnelle de 33,7 millions d'euros résultant des crédits non engagés du Fonds d'aide à la rénovation thermique (FART) au programme Habiter mieux.

En conclusion, le budget de l'ANAH pour 2019 devrait atteindre 662 millions d'euros, soit largement plus que le montant initialement envisagé l'an dernier et alors estimé à 579,6 millions d'euros. Néanmoins, votre rapporteur constate dans le même temps que les missions de l'agence s'accroissent. Celle dernière va en effet consacrer 200 millions d'euros chaque année au plan « Initiative copropriétés » et devra maintenir des objectifs élevés de rénovation de logements dans le cadre du programme Habiter mieux. L'agence pourrait également être amenée à doubler ses objectifs de rénovation de logement dans le cadre de la perte d'autonomie.

Votre rapporteur ne peut que réaffirmer la nécessité pour l'agence d'avoir des ressources stables et pérennes qui lui permettent de proposer une action claire et prévisible sur la durée pour les acteurs de terrain et les particuliers afin d'éviter des stop-and-go qui nuisent à la crédibilité de la politique de l'État en la matière.

Évolution des ressources de l'ANAH

2015

2016

2017

Projection

Projection

Exercice 2018

Exercice 2019

Produit de la taxe sur les logements vacants

61 000 000

21 000 000

21 000 000

21 000 000

61 000 000

Contribution des fournisseurs d'énergie

41 715 570

55 721 470

42 072 553

58 140 000

68 300 000

Produits issus

312 116 110

234 683 755

313 401 500

550 000 000

420 000 000

de la mise aux enchères des quotas carbone

Contribution de la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

20 000 000

-

20 000 000

20 000 000

Contribution Action logement

50 000 000

150 000 000

50 000 000

Contribution Fonds de financement de la transition énergétique

20 000 000

50 000 000

Contribution de l'État (programme 135)

110 000 000

110 000 000

Autre financement

241 300

Autres produits

8 646 007

2 444 735

3 698 852

33 754 500

3 000 000

Total

513 477 687

464 091 261

500 272 905

792 994 500

662 300 000

Source : réponses au questionnaire budgétaire et ANAH.

2. Un programme Habiter mieux qui peut encore être amélioré
a) Le maintien des objectifs de rénovation des logements à un haut niveau

Le programme Habiter mieux se décline en trois catégories :

- « Habiter mieux sérénité » qui est le programme classique et qui comprend un accompagnement renforcé ;

- « Habiter mieux agilité » centré sur la réalisation de travaux jugés prioritaires. L'ANAH a mis en place en 2018 cette nouvelle offre qui permet d'octroyer des aides à des propriétaires occupants de maisons individuelles et réalisant un seul type de travaux parmi trois catégories permettant un gain énergétique significatif : le changement de chaudière ou de mode de chauffage, l'isolation des murs extérieurs et/ou intérieurs, ou l'isolation des combles aménagés et aménageables. Il s'agit ainsi de permettre à des propriétaires occupants de s'engager dans une première phase de travaux sans la contrainte d'un accompagnement ;

-  « Habiter mieux copropriété ».

Votre rapporteur sera attentive à l'évolution des objectifs des différentes catégories du programme. Il ne faudrait pas que les services instructeurs se concentrent sur le programme « Habiter mieux agilité » pour des raisons de facilité au détriment du programme classique « Habiter mieux sérénité » qui a démontré son efficacité. L'ANAH a indiqué à votre rapporteur qu'elle ne constatait pour l'instant pas une telle tendance.

Alors que les objectifs pour 2016 n'avaient pu être tenus, le Gouvernement était revenu à des objectifs plus réalistes en 2017 fixant les objectifs à atteindre à 60 000 logements à rénover, dont 44 000 logements de propriétaires occupants, 4 000 logements de propriétaires bailleurs et 12 000 copropriétés. Néanmoins, l'objectif de rénovation des copropriétés est loin d'être atteint, 4 528 copropriétés ayant bénéficié d'aide quand 12 000 étaient attendus, soit 37,7 % de l'objectif.

Pour 2018, l'objectif est passé de 60 000 logements à 75 000 logements . Votre rapporteur s'interroge sur l'atteinte de cet objectif de progression alors même que 52 266 bénéficiaires ont été dénombrés en 2017. Néanmoins, la présidente de l'ANAH s'est voulue rassurante annonçant le 6 novembre dernier que 68 000 logements seraient rénovés en 2018. L'objectif de 75 000 logements rénovés est maintenu pour 2019.

Évolution des objectifs de l'ANAH depuis 2011

Bénéficiaires

Objectifs

Propriétaires occupants

Propriétaires bailleurs

Syndicat de copropriété

TOTAL

2010

22

-

-

22

2011

30 000

6 669

-

-

6 669

2012

30 000

12 738

-

-

12 738

2013

30000

27 530

2 150

1 555

31 235

2014

43 000

44 055

3 579

2 197

49 831

2015

50 000

43 710

3 791

2 205

49 706

2016

70 000

34 149

4 469

2 108

40 726

2017

60 000

44 132

3 606

4 528

52 266

Prévision 2018

75 000

58 000

4 000

13 000

Source : Commission des affaires économiques d'après le rapport de l'IGF et du CGEDD sur les aides à la rénovation énergétique des logements privés d'avril 2017 et réponse au questionnaire budgétaire.

b) Un programme dont le bilan est positif et qui peut encore être amélioré

À la demande de la commission des finances du Sénat, la Cour des comptes a évalué le programme Habiter mieux 2 ( * ) et estimé que son bilan était encourageant, soulignant que les imperfections et faiblesses du programme pouvaient être corrigées. Un point a plus particulièrement retenu l'attention de votre rapporteur, c'est la question du reste à charge.

La Cour des comptes a examiné les différents dispositifs pouvant être mobilisés dans le cadre du financement du reste à charge. Elle a souligné que le recours à l'éco-PTZ ne pouvait par définition bénéficier qu'à très peu de ménages modestes.

Lors de son enquête, l'éco-prêt « Habiter mieux » n'était pas disponible, les établissements de crédits exigeant la mise en oeuvre du fonds de garantie pour la rénovation énergétique pour le distribuer. Le financement du fonds de garantie a été mis en oeuvre fin août 2018. Les éco-prêts seront en conséquence disponibles en 2019. Votre rapporteur regrette ce temps perdu.

Enfin, le ménage peut cumuler les aides du programme avec le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE). Il convient cependant de noter que pour bénéficier du CITE, le ménage doit avoir recours à des entreprises labélisées « Reconnu Garant de l'Environnement (RGE) », ce qui entraîne un coût plus important des travaux. Votre rapporteur s'est interrogée sur l'impact sur le programme Habiter mieux de l'exigence pour les entreprises intervenantes d'être labélisées RGE. L'ANAH lui a indiqué que cette exigence qui devait s'appliquer au 1 er janvier 2019 pourrait faire l'objet d'un report pour les programmes Habiter mieux sérénité et Habiter mieux copropriété.

Le crédit d'impôt transition énergétique (CITE) a été recentré en 2018 sur les actions les plus efficaces au plan énergétique. Votre rapporteur fera le bilan de cette évolution sur le reste à charge des ménages bénéficiant du programme Habiter mieux. Si une transformation du CITE en subvention était décidée, il conviendra de revoir la coordination entre les différents systèmes d'aides. Votre rapporteur sera attentive à ces évolutions.

Dans un souci de limiter le reste à charge des ménages, les députés ont adopté un amendement du M. Matthieu Orphelin et plusieurs de ses collègues qui augmente les crédits du programme 135 de 450 000 euros afin de permettre la mise en place d'une expérimentation dans cinq départements permettant la prise en charge gratuite de la visite d'un opérateur de l'ANAH et la réalisation d'un audit énergétique pour 30% des ménages aux revenus les plus modestes. Selon les députés, cette visite et cet audit, dont le coût est estimé à 600 euros, ne sont actuellement remboursés qu' a posteriori lorsque le ménage décide de réaliser les travaux. Il s'agit donc d'inverser la logique.


* 2 Rapport d'information n° 399 (2017-2018) de Philippe Dallier.

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