D. 1 M€ DE CREDITS SUPPLEMENTAIRES SEULEMENT POUR METTRE EN oeUVRE LA LOI EGALIM : AURA-T-ELLE LA PORTÉE ESCOMPTÉE ?

La loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « Egalim », a été très récemment promulguée.

Vos rapporteurs s'étonnent toutefois de sa faible traduction budgétaire dans le projet de loi de finances.

Certes, l'essentiel des mesures ne relèvent pas d'un quelconque domaine fiscal ou budgétaire. Les dispositions législatives retenues modifient en effet le cadre des relations commerciales entre les producteurs agricoles, les industriels et les distributeurs et imposent de nouvelles contraintes en matière de restauration collective publique, de bien-être animal et d'usage des produits phytopharmaceutiques.

Il n'en demeure pas moins que des effets mécaniques induits par la loi auraient nécessité des adaptations budgétaires.

Certaines augmentations budgétaires ont bien été prises en compte, mais de manière insuffisante.

Concernant les inspections sanitaires par exemple, la loi dispose désormais que les autocontrôles positifs dans l'environnement de production seront automatiquement transmis à l'autorité administrative. Mécaniquement, sauf à ce que la mesure soit totalement dénuée de portée, le nombre d'inspections sanitaires devrait considérablement augmenter en 2019. Les nouvelles normes relatives au bien-être animal devraient également entraîner une recrudescence des contrôles dans les abattoirs.

Or le projet de loi de finances ne prévoit, sur le programme 206, qu'une hausse des dépenses de fonctionnement liées aux inspections sanitaires dans les établissements agroalimentaires au premier rang desquels les abattoirs de 0,6 M€. Aucun crédit supplémentaire ne sera accordé pour couvrir des dépenses de personnel liées à ces inspections.

De même, le rôle du médiateur des relations commerciales agricoles a été considérablement renforcé à l'article 4 de la loi, ses missions ayant été étendues et le délai de ses interventions réduit, en cas de médiation, à un mois. Selon le Gouvernement, il est prévu d'affecter au médiateur deux agents supplémentaires pour un coût salarial annuel de 0,2 M€.

Certaines dépenses n'ont tout simplement pas été budgétées.

Le meilleur exemple est à trouver dans les schémas d'emplois prévus pour les organismes chargés des contrôles de. l'application de la loi !

L'ambition du Gouvernement était, à l'article 3 de la loi, d'étendre le pouvoir de contrôle sur les contrats entre un producteur et son acheteur aux agents de FranceAgriMer pour suppléer la DGCCRF dans ces actions de contrôle. Or les négociations en cours porteraient, selon les rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale de la MAAFAR et de la mission Économie, sur un schéma d'emplois de 29 ETP en 2019 pour cet opérateur !

Les contrôles des pratiques commerciales, dont les conditions vont être revues par ordonnance dans les mois à venir comme le prévoit la loi, vont également engendrer une hausse des contrôles de la DGCCRF, notamment sur les clauses de prix abusivement bas. Or le programme 134 de la mission économie, qui porte les effectifs de la DGCCRF, va connaître un schéma d'emplois de 157 ETP en 2019.

Un amendement à l'Assemblée nationale a corrigé le tir en fléchant des crédits dans le but de recruter 20 ETPT afin d'assurer ces contrôles, qui sont d'autant plus nécessaires lors de la première année d'application de la loi que les conditions contractuelles viennent d'être modifiées.

Mais il est à craindre que cela ne soit pas suffisant.

Enfin, la loi contraint les collectivités territoriales à revoir les approvisionnements de leur restauration collective, établit de nouvelles contraintes administratives et requiert une modification en profondeur des modalités de fonctionnement des services de restauration compte tenu des restrictions à l'usage des plastiques.

Cela revient à demander aux collectivités territoriales d'améliorer la qualité des repas par des approvisionnements plus coûteux et de revoir en profondeur le fonctionnement de leurs cantines, le tout dans un contexte où les usagers et leurs familles souhaitent la stabilité du prix des repas. L'équation est impossible à résoudre sans une dotation budgétaire complémentaire...qui n'est pas prévue dans le PLF 2019.

Dans ces conditions, et sans même ouvrir de nouveau le débat sur le fond des dispositions retenues, vos rapporteurs s'inquiètent de la pleine applicabilité de la loi EGALIM dès 2019 faute d'un accompagnement budgétaire suffisant des obligations nouvelles qu'elle met en place.

Mis bout à bout, tous ces éléments ne manquent pas d'inquiéter. Les perspectives de la PAC, les risques sanitaires, les impacts non mesurés de la loi EGALIM ainsi que les perspectives de signature de nouveaux accords de libre-échange vont faire de 2019 une année charnière pour l'agriculture française.

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