II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

A. GARANTIR LA PLACE ET LES PRÉROGATIVES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Lors de l'examen de ce projet de loi, votre rapporteur a veillé, d'une part, à préserver les prérogatives des collectivités territoriales, singulièrement celles des communes et de leurs maires, d'autre part, à faciliter les conditions d'exercice de leurs compétences.

1. Préserver les prérogatives des collectivités territoriales
a) Ne pas soustraire à l'examen du Parlement des dispositions portant sur les pouvoirs de police administrative du maire

L' article 58 du projet de loi tend à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances, dans un délai de dix-huit mois, toute mesure relevant du domaine de la loi destinée à améliorer et renforcer la lutte contre l'habitat indigne. Si cette habilitation porte essentiellement sur la définition et l'exercice de pouvoirs de police administrative générale et spéciale, les 2° et 3° de l'article 58 portent plus spécifiquement sur l'adaptation du pouvoir de police administrative du maire et un possible transfert d'une partie de ce pouvoir au président d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI).

Le 3° reprend en substance certaines dispositions du projet de loi dont est issue la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, que le Parlement avait pourtant écartées lors de leur examen. Le b du 7° de l'article 33 de ce texte tendait ainsi à habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures « incitant au transfert des polices spéciales des maires de lutte contre l'habitat indigne et les bâtiments dangereux relevant du code de la construction et de l'habitation aux présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre compétents en matière d'habitat par la modification des dispositions relatives à ce transfert, en précisant les modalités d'application dans le temps de ces nouvelles dispositions » . Ces dispositions avaient été écartées dès la première lecture à l'Assemblée nationale 11 ( * ) .

Le 2° vise, quant à lui, à « répondre plus efficacement à l'urgence, en précisant les pouvoirs dévolus au maire dans le cadre de ses pouvoirs de police générale en matière de visite des logements et de recouvrement des dépenses engagées pour traiter les situations d'urgence, et en articulant cette police générale avec les polices spéciales de lutte contre l'habitat indigne » .

Votre rapporteur entend la volonté exprimée dans l'étude d'impact du projet de loi de rationaliser des régimes de police administrative spéciale de lutte contre l'habitat indigne qui sont à la fois « nombreux » et confiés à des « autorités compétentes multiples » 12 ( * ) . Il ne conçoit cependant pas que des dispositions portant à la fois sur la définition et l'exercice du pouvoir de police administrative du maire, véritable « ADN » de sa fonction, soient soustraites à l'examen du Parlement et, a fortiori , du Sénat qui assure la représentation des collectivités territoriales de la République. Sur sa proposition, votre commission a donc adopté l' amendement COM-242 tendant à supprimer ces dispositions.

b) Confier aux maires les compétences en matière de déclaration ou d'autorisation préalable de mise en location de logements

Soucieuse de choisir l'échelon le plus pertinent pour l'exercice de chaque compétence, votre commission a adopté un amendement COM-241 de son rapporteur procédant à une réécriture complète de l' article 56 quater , pour transférer au maire les compétences en matière de déclaration ou d'autorisation préalable de mise en location de logements, dévolues par le droit en vigueur à l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent en matière d'habitat. Actuellement, le maire n'est compétent qu'à défaut d'existence d'un tel EPCI.

Par ailleurs, elle a proposé d'étendre le champ d'application de ces dispositifs de contrôle, en permettant au maire de les mettre en place pour assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques alors qu'actuellement, ces « permis de louer » ne peuvent être prévus que pour lutter contre l'habitat indigne.

c) Renforcer l'intérêt local des grandes opérations d'urbanisme (GOU) et le pouvoir de décision des collectivités territoriales

Dans son avis 13 ( * ) sur le projet de loi, le Conseil d'État a considéré que « la similitude des régimes juridiques de l'OIN [opération d'intérêt national] et de la GOU et le maintien d'un contrôle de l'État sur cette dernière ne paraissent cependant pas justifier de la ranger parmi les dispositifs servant les objectifs de l'État prévus par le chapitre II du titre préliminaire du livre I er du code de l'urbanisme, puisqu'elle s'avère être au service de l'établissement ou la collectivité » .

Partageant cette analyse, votre commission a entendu renforcer les GOU en tant qu'instruments d'intérêt local et parachever la logique qui a conduit l'Assemblée nationale à faire des communes des signataires de plein droit du projet partenarial d'aménagement (PPA) 14 ( * ) .

Sur la proposition de votre rapporteur, elle a ainsi adopté un amendement COM-212 à l' article 1 er du projet de loi, tendant à renforcer le rôle des communes en prévoyant que, lorsque l'une des communes située dans le périmètre d'une GOU s'oppose à sa qualification ou au transfert de la construction ou de l'adaptation d'un équipement public relevant de sa compétence, il ne puisse être passé outre ce refus qu'avec l'accord d'une majorité qualifiée de l'ensemble des communes membres de l'EPCI signataire du PPA et non pas sur la seule décision de l'organe délibérant de l'EPCI et du préfet à l'origine de l'opération.

À quoi bon impliquer les communes dans la mise en oeuvre des PPA si le représentant de l'État peut passer outre leurs réticences à la qualification d'une GOU, quand celle-ci est précisément le moyen d'expression du PPA ?

d) Rendre aux maires leur rôle dans la délivrance des autorisations d'urbanisme entrant dans le périmètre d'une grande opération d'urbanisme

Les articles 1 er et 3 du projet de loi prévoient que la mise en oeuvre d'une grande opération d'urbanisme (GOU) entraîne un transfert automatique de la compétence de délivrance des autorisations d'urbanisme et de celle de se prononcer sur un projet faisant l'objet d'une déclaration préalable au président de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre à l'initiative de cette grande opération ou, le cas échéant, au maire de Paris ou au président de la métropole de Lyon.

Ce transfert s'explique notamment par la nécessité de centraliser la délivrance des autorisations et d'éviter ainsi d'éventuels blocages 15 ( * ) . Votre rapporteur comprend cette nécessité mais s'oppose à ce que les communes soient dépossédées de leur compétence en matière d'autorisations d'urbanisme. Sur sa proposition, votre commission a adopté les amendements COM-213 et COM-215 tendant à supprimer le régime spécial de délivrance des autorisations d'urbanisme dans le périmètre d'une GOU prévu par le projet de loi et à maintenir en conséquence le droit commun.

e) Préserver les spécificités de la politique d'aménagement et d'urbanisme de chaque territoire

Introduit par l'Assemblée nationale en première lecture, l' article 12 bis du projet de loi tend à intégrer la lutte contre l'étalement urbain au sein des objectifs du développement durable en matière d'urbanisme et la densification urbaine dans les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme.

Si ces principes sont vertueux, dans l'absolu, ils ne correspondent pas nécessairement à l'ensemble des situations rencontrées par les différents territoires et ne doivent pas orienter leur politique d'aménagement de manière indistincte.

Aussi, sur la proposition de son rapporteur, votre commission a-t-elle adopté un amendement COM-218 de suppression de l'article 12 bis .

2. Faciliter l'exercice de leurs compétences par les collectivités territoriales
a) Permettre aux communes de mutualiser à l'échelle d'un EPCI leurs obligations de construction de logements sociaux au titre de la loi « SRU »

L' article 46 du projet de loi tend à porter de cinq à dix ans la durée pendant laquelle les logements sociaux vendus continuent à être comptabilisés dans le quota de logements sociaux que les communes doivent accueillir sur leur territoire en application de la loi n ° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi « SRU » 16 ( * ) .

Selon les territoires, ce quota de logements locatifs sociaux est fixé à 25 % ou 20 % des résidences principales de la commune. La mise en oeuvre de ce dispositif passe par des programmes triennaux conçus et mis en oeuvre sous le contrôle du représentant de l'État. Le non-respect des objectifs fixés peut, à terme, entraîner des prélèvements sur les ressources fiscales 17 ( * ) des communes concernées ou motiver un arrêté de carence du préfet. Cet arrêté détermine les zones dans lesquelles le préfet peut alors se substituer au maire pour la délivrance d'autorisations d'urbanisme ou conclure une convention avec un organisme en vue de la construction ou l'acquisition des logements sociaux nécessaires à la réalisation des objectifs fixés 18 ( * ) .

Sur la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-234 , qui reprend l'article 9 bis AA du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, adopté par le Sénat en première lecture le 26 juin dernier. Cet article, introduit dans le texte par votre commission, à l'initiative de son rapporteur, notre collègue François-Noël Buffet, propose de prendre en compte dans les quotas de logements sociaux imposés aux communes au titre de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) :

- les structures de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA), qui sont indispensables face à l'insuffisance des places en centre d'accueil pour les demandeurs d'asile (CADA) ;

- les centres d'hébergement provisoire (CPH) destinés aux personnes ayant obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire.

Par ailleurs, votre rapporteur considère que l'échelle de la commune n'est pas nécessairement la plus pertinente pour planifier la construction de logements locatifs sociaux. L'échelle intercommunale semble, en effet, la plus adaptée pour atteindre les objectifs fixés par la loi « SRU » car elle permet de lisser les difficultés éventuellement rencontrées par certaines communes.

Sur sa proposition, votre commission a donc adopté un amendement COM-235 tendant à insérer un article additionnel après l'article 46 afin de permettre aux communes soumises à la loi « SRU » et aux intercommunalités auxquelles elles appartiennent qui le souhaitent de mutualiser leurs obligations en matière de taux de logements sociaux à l'échelle intercommunale, à travers un contrat intercommunal de mixité sociale. Ces dispositions seraient introduites à titre expérimental, en application de l'article 37-1 de la Constitution, pour une durée de six ans renouvelable une fois.

Le dispositif proposé est un moyen de faire confiance aux territoires pour l'application de la loi « SRU », sans remettre en cause ses principes et objectifs, puisque les obligations s'imposant à l'EPCI seraient la somme mathématique stricte des obligations applicables à chacune des communes membres et qu'il ne serait pas possible de prévoir la construction de logements locatifs sociaux supplémentaires sur le territoire des communes ayant déjà satisfait à leurs obligations au titre de la loi « SRU » sans leur accord. Le représentant de l'État pourrait, en outre, mettre fin à cette mutualisation s'il constatait que l'EPCI est en situation de carence. En outre, toutes les garanties ont été apportées pour que le mécanisme demeure réversible.

b) Allonger le délai laissé aux communes pour rendre exécutoire leur PLU ou leur carte communale

L' article 12 du projet de loi prévoit que l'ancien plan d'occupation des sols redevient applicable, pour une durée de dix-huit mois, en cas d'annulation ou de déclaration d'illégalité d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu ou d'une carte communale. À l'issue de ce délai et en l'absence de PLU ou de carte communale exécutoire, le règlement national d'urbanisme est appliqué à la commune.

Sur la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-217 tendant à allonger de six mois cette durée, en la portant à vingt-quatre mois, afin de mieux tenir compte des délais, parfois relativement longs, nécessaires pour rendre exécutoire un plan local d'urbanisme ou une carte communale et, ainsi, éviter que les communes concernées se voient appliquer le règlement national d'urbanisme qui s'avère particulièrement rigide.

c) Assouplir les procédures de révision et de modification des schémas de cohérence territoriaux (SCoT) et des plans locaux d'urbanisme (PLU) pour les adapter à leur nouvelle fonction au regard de la loi « littoral »

L'article 12 quinquies du projet de loi confie aux schémas de cohérence territoriale (SCoT) et aux plans locaux d'urbanisme (PLU) de nouvelles fonctions en lien avec l'application de la loi « littoral ». Il prévoit à ce titre un régime de droit transitoire jusqu'au 31 décembre 2019 pour permettre aux collectivités de modifier ces documents en conséquence.

Devant le délai particulièrement contraint qui leur est imposé, votre commission a adopté l' amendement COM-219 de son rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que les révisions et modifications des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme rendues nécessaires par leur nouvelle fonction de document d'application de la loi « littoral » puissent bénéficier des procédures de modification simplifiée prévues par le code de l'urbanisme et non des procédures de révision et de modification de droit commun qui sont plus longues, plus rigides et plus coûteuses. Cette dérogation couvrirait une période limitée, de l'entrée en vigueur de la présente loi au 31 décembre 2021, afin d'accélérer l'application du droit commun en permettant une adaptation rapide des documents visés. Passé ce délai, les procédures de révision et de modification habituelles seraient de nouveau applicables.

Symétriquement, cet amendement tend à allonger jusqu'au 31 décembre 2021 la durée du dispositif transitoire institué au II de l'article 12 quinquies , pour permettre aux préfets de « débloquer » des situations locales.

Cette modification reprend une proposition (amendement COM-84) de nos collègues Michel Vaspart, président du groupe d'études « Mer et littoral », et Philippe Bas, président de la commission des lois, vice-président du groupes d'études « Mer et littoral », auteurs de la proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux adoptée par le Sénat le 30 janvier 2018.

d) Permettre aux communes de mutualiser l'outil de téléprocédure rendu obligatoire pour le traitement des autorisations d'urbanisme

L' article 17 du projet de loi a pour objet de rendre obligatoire le recours à une téléprocédure pour le traitement des demandes d'autorisation d'urbanisme dans les communes dont le nombre d'habitants est supérieur à un seuil qui sera prévu par décret.

Sur la proposition de son rapporteur, votre commission a adopté un amendement COM-224 tendant à permettre aux communes qui le souhaitent de mutualiser au sein de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres le développement de l'outil de téléprocédure afin d'en diminuer les coûts et d'en faciliter la gestion pour les communes concernées.


* 11 Adoption des amendements de suppression identiques n os 659, 971 et 1447.

* 12 Étude d'impact, page 359.

* 13 Avis du Conseil d'État, page 3.

* 14 Amendement de séance n° 2912 déposé par le Gouvernement.

* 15 L'étude d'impact n'explicite cependant pas ce point.

* 16 Articles L. 302-5 à L. 302-9-2 du code de la construction et de l'habilitation.

* 17 Article L. 302-7 du code de la construction et de l'habilitation.

* 18 Article L. 302-9-1 du code de la construction et de l'habilitation.

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