N° 604

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 juin 2018

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , portant évolution du logement , de l' aménagement et du numérique ,

Par M. Marc-Philippe DAUBRESSE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François Pillet, Jean-Pierre Sueur, François-Noël Buffet, Jacques Bigot, Mmes Catherine Di Folco, Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, MM. Loïc Hervé, André Reichardt , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

846 , 881 , 942 , 944 , 971 et T.A. 123

Sénat :

567, 606 et 608 (2017-2018)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 27 juin 2018, sous la présidence de M. François Pillet , vice-président , la commission des lois a examiné le rapport pour avis de M. Marc-Philippe Daubresse sur les articles du projet de loi n° 231 (2017-2018), adopté par l'Assemblée nationale le 12 juin 2018, après engagement de la procédure accélérée, portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dont elle s'est saisie pour avis.

Le périmètre de la saisine de la commission des lois

La saisine de la commission concernait 71 articles 1 ( * ) relatifs au droit de l'urbanisme, à la propriété et à la commande publiques, aux polices administratives, aux relations contractuelles entre bailleurs et locataires ou au droit de la copropriété, matières qui entrent traditionnellement dans son champ de compétence, au fond ou pour avis.

Malgré une saisine au périmètre très large, la commission a fait le choix, suivant son rapporteur, de concentrer son avis sur les mesures nécessitant une intervention de sa part , sans s'attarder sur les dispositions n'appelant aucun commentaire particulier.

Un projet de loi qui n'a pas les moyens de ses ambitions

Après avoir salué l'objectif du projet de loi : construire plus, plus vite et moins cher, et les avancées positives qu'il contenait, telles que le renforcement de la lutte contre les recours abusifs, le rapporteur a néanmoins tenu à souligner que les deux axes dégagés lors de la conférence de consensus sur le logement, simplifier les règles applicables et adopter une approche pragmatique qui prenne mieux en compte les territoires et les expériences des acteurs de terrain, avaient été quelque peu perdus de vue.

Il a ainsi relevé que plusieurs articles dénotaient une certaine méfiance du Gouvernement à l'égard des élus locaux , en particulier des maires, en créant de nouveaux outils permettant de les dessaisir de leurs prérogatives, notamment en matière d'autorisations d'urbanisme, et renforçant substantiellement le rôle des préfets.

Quant à l' objectif de simplification , le rapporteur a estimé qu'il avait d'ores et déjà été mis à mal puisque, initialement composé de 65 articles, le projet de loi soumis au Sénat en comptait désormais 179 qui, examinés dans le détail, créaient de nouveaux outils, toujours plus complexes, venant se superposer aux outils existants, alors même que toutes les potentialités de ces derniers n'avaient pas été pleinement exploitées.

Enfin, le rapporteur a estimé que le texte ne s' attaquait pas véritablement aux deux contraintes majeures qui font obstacle à l'augmentation de la construction dans le pays : la contrainte financière , qui se traduit par le soutien aux zones tendues au détriment des autres territoires, et la contrainte réglementaire , qui découle notamment des prescriptions environnementales toujours plus lourdes.

Les apports de la commission des lois : garantir la place et les prérogatives des collectivités territoriales et améliorer la qualité du droit

À l'initiative de son rapporteur, la commission a adopté 34 amendements .

Pour soutenir les collectivités territoriales , la commission a proposé :

- de transférer aux maires les compétences actuellement dévolues aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en matière de déclaration ou d'autorisation préalable de mise en location de logements , et d' étendre le champ d'application de ces dispositifs de contrôle, en permettant aux maires de les mettre en place pour assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques alors qu'actuellement, ces « permis de louer » ne peuvent être prévus que pour lutter contre l'habitat indigne ;

- de modifier le dispositif relatif aux grandes opérations d'urbanisme (GOU) , en prévoyant que, lorsque l'une des communes située dans le périmètre d'une GOU s'oppose à sa qualification ou au transfert de la construction ou de l'adaptation d'un équipement public relevant de sa compétence, il ne puisse être passé outre ce refus qu'avec l'accord d'une majorité qualifiée de l'ensemble des communes membres de l'EPCI signataire du projet partenarial d'aménagement (PPA) et non pas sur la seule décision de l'organe délibérant l'EPCI et du préfet à l'origine de l'opération ;

- de redonner aux maires leur pleine compétence en matière de délivrance des autorisations d'urbanisme , dans le cadre de la réalisation d'une GOU, alors même que le projet de loi prévoyait un transfert automatique de cette compétence à l'EPCI ;

- de permettre aux communes et aux intercommunalités auxquelles elles appartiennent de mutualiser , à titre expérimental, à l'échelle d'un EPCI, leurs obligations de construction de logements sociaux au titre de la loi « SRU » 2 ( * ) à travers un contrat intercommunal de mixité sociale ;

- de comptabiliser dans le quota de logements sociaux que les communes doivent accueillir sur leur territoire en application de la loi « SRU » les structures de l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile (HUDA) et les centres d'hébergement provisoire (CPH) destinés aux personnes ayant obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire 3 ( * ) ;

- d' allonger de six mois la période durant laquelle , en cas d'annulation ou de déclaration d'illégalité d'un plan local d'urbanisme (PLU), d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ou d'une carte communale, l'ancien plan d'occupation des sols redevient applicable , portant ainsi cette durée à vingt-quatre mois ;

- de prévoir que, jusqu'au 31 décembre 2021, les révisions et modifications des schémas de cohérence territoriale (SCoT) et des PLU rendues nécessaires par leur nouvelle fonction de document d'application de la loi « littoral » puissent bénéficier des procédures de modification simplifiée prévues par le code de l'urbanisme, afin de permettre une adaptation rapide des documents visés. Passé ce délai, les procédures de révision et de modification du droit commun seraient de nouveau applicables 4 ( * ) ;

- de permettre aux communes qui le souhaitent de mutualiser, au sein de l'EPCI dont elles sont membres, le développement de l'outil de téléprocédure permettant le traitement dématérialisé des demandes d'autorisation d'urbanisme, afin d'en diminuer les coûts et d'en faciliter la gestion pour les communes concernées.

Quant aux mesures tendant à renforcer la qualité de la loi, outre les propositions de modification rédactionnelle, de précision et de suppression de dispositions relevant de la compétence du pouvoir réglementaire, la commission des lois a notamment proposé :

- dans le cadre de la lutte contre les recours abusifs , de prévoir, que seules les associations ayant déposé leurs statuts plus d'un an avant l' affichage en mairie de la demande du pétitionnaire seraient recevables à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols et de supprimer la disposition selon laquelle les associations de protection de l'environnement agréées sont présumées ne pas adopter de comportement abusif lorsqu'elles introduisent un recours contre une autorisation d'urbanisme ;

- pour limiter la remise en cause des opérations exécutées, de prévoir que, lorsque ces opérations sont conformes à l'autorisation donnée , le constructeur de bonne foi ne peut être poursuivi pénalement si cette autorisation s'avère finalement non conforme au plan local d'urbanisme applicable au moment où les travaux ont été exécutés, en raison, par exemple, d'une annulation du document d'urbanisme sur le fondement duquel l'autorisation avait été délivrée ;

- d' assouplir la loi « littoral » , notamment pour permettre les constructions et installations nécessaires aux cultures marines à proximité du rivage 5 ( * ) ;

- de prévoir que l'intervention d'un paysagiste concepteur ne peut que compléter et non se substituer à celle d'un architecte pour l'élaboration du projet architectural, paysager et environnemental (PAPE) dans le cadre de la délivrance d'un permis d'aménager pour un lotissement ;

- d' encadrer davantage le dispositif prévu par l'Assemblée nationale pour permettre à un locataire victime de violences conjugales ou domestiques ayant quitté son logement de ne plus être tenu solidairement des dettes locatives afférentes à ce logement, en prévoyant notamment que le bailleur bénéficie de conditions facilitées pour donner congé au locataire auteur des violences, resté dans le logement, s'il ne s'acquitte pas de son loyer ;

- de renforcer le dispositif existant de lutte contre les squatteurs , en étendant son champ d'application aux « locaux à usage d'habitation », notion plus large que celle de « domicile » ;

Enfin, sur la question des ordonnances , la commission des lois a adopté une position pragmatique et n'a pas proposé la suppression systématique de toutes les habilitations entrant dans son champ de compétence.

La seule suppression proposée concerne une partie de l'habilitation prévue à l'article 58 du projet de loi, en lien avec les pouvoirs de police administrative des maires , car cette ordonnance relève d'un domaine trop sensible pour qu'il soit soustrait à l'examen du Parlement.

Quant aux autres habilitations, la commission s'est contentée de préciser leur champ d'habilitation et leurs modalités de ratification et d'entrée en vigueur .

Les apports de la commission se veulent ainsi complémentaires des travaux de la commission des affaires économiques, saisie au fond du projet de loi, sous l'égide de sa rapporteure, Mme Dominique Estrosi-Sassone, ainsi que de ceux de MM. Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, et Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

Ils sont également inspirés par les travaux du groupe d'études « Mer et Littoral », présidé par M. Michel Vaspart, et par ceux déjà réalisés par la commission des lois, sous l'autorité de son président, M. Philippe Bas.

Sous réserve de l'adoption de ses amendements, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des articles du projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique dont elle s'est saisie pour avis.


* 1 La commission s'est saisie pour avis des articles suivants : 1 er à 5, 5 bis B à 5 septies , 6 à 9 bis , 11 à 14 bis A, 16 à 17 ter , 20, 23, 24, 28 septies , 34 ter , 40, 40 bis , 41, 41 bis , 46, 47 à 47 bis , 51, 53 bis , 56 bis , 56 quater à 56 sexies C, 56 sexies , 57, 58 à 59, 60, 63 quater et 64 bis .

* 2 Loi n ° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

* 3 Cette disposition est la reprise de l'article 9 bis AA du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie, adopté par le Sénat en première lecture le 26 juin dernier.

* 4 Cette disposition est inspirée des propositions de M. Michel Vaspart, président du groupe d'études « Mer et littoral », et de M. Philippe Bas, président de la commission des lois, vice-président de ce même groupe d'études, auteurs de la proposition de loi relative au développement durable des territoires littoraux, n° 717 (2016-2017), adoptée par le Sénat le 30 janvier 2018.

* 5 Cette disposition est également inspirée des travaux du groupe d'études « Mer et littoral », présidé par M. Michel Vaspart, précités.

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