Avis n° 563 (2017-2018) de M. Pierre MÉDEVIELLE , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 12 juin 2018

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N° 563

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 juin 2018

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur le projet de loi , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE , pour l' équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine , durable et accessible à tous ,

Par M. Pierre MÉDEVIELLE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; MM. Claude Bérit-Débat, Patrick Chaize, Gérard Cornu, Ronan Dantec, Alain Fouché, Guillaume Gontard, Didier Mandelli, Frédéric Marchand, Mme Nelly Tocqueville, M. Michel Vaspart , vice-présidents ; Mmes Nicole Bonnefoy, Pascale Bories, MM. Jean-François Longeot, Cyril Pellevat , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Jérôme Bignon, Joël Bigot, Jean Bizet, Jean-Marc Boyer, Mme Françoise Cartron, M. Guillaume Chevrollier, Mme Marta de Cidrac, MM. Jean-Pierre Corbisez, Michel Dagbert, Michel Dennemont, Mme Martine Filleul, MM. Jordi Ginesta, Éric Gold, Mme Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Benoît Huré, Olivier Jacquin, Mme Christine Lanfranchi Dorgal, MM. Olivier Léonhardt, Jean-Claude Luche, Philippe Madrelle, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Jean-Jacques Panunzi, Philippe Pemezec, Mme Évelyne Perrot, M. Rémy Pointereau, Mme Angèle Préville, MM. Jean-Paul Prince, Christophe Priou, Charles Revet, Mmes Nadia Sollogoub, Michèle Vullien .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

627 , 838 , 902 et T.A. 121

Sénat :

525 , 570 et 571 (2017-2018)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, réunie le mardi 12 juin 2018, a examiné le rapport pour avis de Pierre Médevielle sur le projet de loi n° 525 (2017-2018) pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable.

La commission s'est saisie de 39 articles du texte transmis par l'Assemblée nationale, dont 11 lui ont été délégués au fond par la commission des affaires économiques. Les articles relevant de cette saisine peuvent être regroupés en trois thèmes : la restauration collective , le gaspillage alimentaire et les produits phytopharmaceutiques .

Lors de sa réunion, la commission a souhaité appréhender ces dispositions tout à la fois avec pragmatisme et ambition , pour soutenir une transition collective vers une agriculture et une alimentation plus durables. Elle a été particulièrement soucieuse de privilégier l'accompagnement des parties prenantes plutôt que de proposer des ruptures brutales, sans moyens suffisants ou solutions alternatives pour les acteurs de terrain.

Face aux nombreuses mesures adoptées par l'Assemblée nationale, la commission a également souhaité veiller à la cohérence et à la qualité du projet de loi , en distinguant les dispositions qui proposaient de réelles avancées, de celles dépourvues de portée normative et relevant davantage du signal politique que de l'écriture de la loi.

À l'article 11 , votre commission a adopté un amendement de rédaction globale visant à améliorer la lisibilité des objectifs fixés aux services de restauration collective en matière de produits sous signe de qualité et de produits issus de l'agriculture biologique et à favoriser les produits issus des exploitations les plus vertueuses en matière de respect de l'environnement .

Elle a en revanche adopté des amendements de suppression des articles 11 bis A et 11 quater , respectivement non normatif et redondant. Elle a précisé, à l'article 11 quinquies la demande de rapport relatif à l'opportunité de l'extension des objectifs de l'article 11 à la restauration collective privée.

À l'article 11 ter , votre commission a souhaité remplacer l'expérimentation prévue par une évaluation par l'Anses de la dangerosité des contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en matière plastique et repoussé à 2022 l'interdiction des bouteilles d'eau plate en plastique dans les services de restauration collective . Elle a en outre introduit une interdiction des pailles en plastique à compter de 2020.

Elle a inséré un article additionnel visant à ouvrir aux commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat compétentes en matière d'environnement, de santé, d'alimentation et de travail la possibilité de saisir directement l'Anses .

À l'article 11 terdecies A , votre commission a inscrit dans la loi l'obligation pour les cahiers des charges des signes d'identification de la qualité et de l'origine de prévoir des garanties environnementales.

Sur le gaspillage alimentaire , votre commission a :

- inscrit dans la loi l'extension, prévue par l'habilitation à prendre des ordonnances de l'article 15, à l'ensemble du secteur de la restauration collective, de l'obligation de mettre en place une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire, introduite par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015 pour la restauration collective publique, en la fondant en outre sur un diagnostic préalable ;

- maintenu la généralisation progressive de la mise à disposition de « doggy bag » dans les restaurants pour les clients qui le demandent uniquement et prévu l'utilisation de contenants réutilisables ou recyclables pour la vente à emporter de plats ou de denrées alimentaires.

À l' article 14 bis , relatif à la réglementation des produits biocides, la commission a souhaité préciser le périmètre des produits visés , afin de leur appliquer de manière proportionnée certaines dispositions prévues pour les produits phytopharmaceutiques.

S'agissant des préparations naturelles peu préoccupantes, votre commission a proposé de réécrire l'article 14 ter en vue de simplifier l'autorisation de certaines substances, sans créer de risques sanitaires ou environnementaux nouveaux.

Partagée sur le projet de séparation des activités de vente et de conseil pour les produits phytopharmaceutiques et regrettant le manque de précisions données par le Gouvernement sur ses intentions, votre commission a proposé de modifier l' article 15 , en supprimant la contrainte d'une séparation capitalistique et en privilégiant un conseil stratégique pluriannuel.

Enfin, la commission a proposé l'insertion d'un article additionnel après l'article 14 sexies , permettant au préfet de définir des périmètres faisant l'objet de prescriptions ou de restrictions particulières pour l'utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité de certaines zones habitées, afin de mieux protéger la population lorsque les circonstances locales le justifieront

À l'issue de ces débats, la commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi ainsi modifié.

AVANT-PROPOS

Madame, Monsieur,

Le projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable, déposé le 1 er février 2018 et adopté par l'Assemblée nationale le 30 mai 2018, a pour objectif la définition d'un nouveau modèle agricole fondé d'une part sur un meilleur équilibre commercial, plus rémunérateur et plus juste pour les agriculteurs et d'autre part, sur la promotion d'une alimentation plus durable et plus sûre pour tous grâce à des pratiques respectueuses de l'environnement et axées sur la qualité.

La commission des affaires économiques a délégué au fond à votre commission un certain nombre d'articles du titre II, relatif à une alimentation saine, de qualité et durable, notamment en lien avec la lutte contre le gaspillage alimentaire et avec la promotion d'une économie circulaire . Votre commission s'est également saisie pour avis d'une trentaine d'autres articles au sein de ce titre, notamment en lien avec les objectifs fixés à la restauration collective ainsi qu'avec l'encadrement de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques .

Le 1 er juin dernier, le lendemain de l'adoption du texte par l'Assemblée nationale, le quotidien Le Monde titrait son éditorial « Loi agriculture et alimentation : une défaite environnementale » . Votre rapporteur pour avis remarque que la focalisation de la communication sur des sujets « dans l'air du temps », alors même qu'ils ne sont bien souvent que des « mesurettes » loin d'être à la hauteur des enjeux, mène trop souvent à des raccourcis qui biaisent le débat .

En effet, si la généralisation des « doggy bag » et l'interdiction de diffuser des publicités pour les produits alimentaires transformés sont largement commentées, qu'en est-il des dizaines et des dizaines de mesures, plus techniques, plus progressives, mais qui aboutissent à des changements profonds et qui orientent notre agriculture vers une performance environnementale que beaucoup nous envient ? Beaucoup de bruit pour rien, donc, pour certaines mesures de ce texte. Beaucoup d'articles aussi qui, à coup d'expérimentations de façade et de demandes de rapport, donnent l'impression que l'on fait quelque chose tout en ne faisant rien.

Si votre rapporteur a tâché de garder ces écueils en tête tout au long de ses travaux, il a également souhaité que ce texte traduise une vraie ambition environnementale et réponde aux attentes fortes qui traversent toute notre société, des consommateurs aux parents d'élèves en passant par les riverains des exploitations agricoles, comme l'ont montré les États généraux de l'alimentation : une attente de transparence, un besoin de sécurité, de qualité et de proximité.

Il a ainsi proposé à votre commission des positions alliant pragmatisme et ambition , en tentant, chaque fois, autant que possible, de placer le curseur sur des solutions réalistes et crédibles.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. UN PROJET DE LOI INITIAL DÉPOURVU D'AMBITION ENVIRONNEMENTALE

Le projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable a été présenté en Conseil des ministres le 30 janvier 2018 et a été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 30 mai 2018. Son contenu a été considérablement élargi lors des premiers débats parlementaires , puisque le texte initial comportait 17 articles, et la version adoptée par l'Assemblée en compte désormais 95.

Au Sénat, le texte a été renvoyé au fond à la commission des affaires économiques. Votre commission s'est saisie de 39 articles, dont 28 pour avis simple tandis que 11 articles ont fait l'objet d'une délégation au fond de la part de la commission des affaires économiques. En substance, les dispositions du projet de loi relevant de cette saisine peuvent être regroupées en trois thèmes : la restauration collective, le gaspillage alimentaire et les produits phytopharmaceutiques .

Votre rapporteur souligne que les travaux sur ce texte ont été menés dans des délais particulièrement contraints , dès lors que l'Assemblée nationale a adopté un texte en séance publique douze jours seulement avant son examen en commission au Sénat. Cette précipitation est d'autant plus regrettable que les nombreux ajouts adoptés à l'Assemblée nationale et d'autres sujets complémentaires auraient pu utilement faire l'objet d'approfondissements techniques.

Malgré ces contraintes, votre rapporteur a souhaité consulter l'ensemble des parties prenantes, en entendant près d'une trentaine d'organismes : des administrations, des associations d'élus locaux, des syndicats agricoles, des associations de protection de l'environnement et de lutte contre la précarité alimentaire, ainsi que des représentants du commerce et de l'industrie. En lien avec l'examen du présent projet de loi, votre commission a par ailleurs organisé une table ronde sur les produits phytopharmaceutiques le 5 juin 2018, rassemblant des représentants d'administrations, d'instituts de recherche et du monde agricole 1 ( * ) .

De ces consultations, votre rapporteur retient un sentiment général de déception vis-à-vis du texte , en particulier sur le titre II, qui regroupe l'ensemble des dispositions visant à favoriser une alimentation plus saine et une agriculture plus durable. De nombreux organismes entendus ont souligné le décalage manifeste entre l'esprit d'ouverture et l'ambition qui avaient guidé les États généraux de l'alimentation, menés entre juillet et décembre 2017, et le contenu du projet de loi présenté par le Gouvernement.

En complément, votre rapporteur regrette que l'évaluation des impacts du projet de loi reste lacunaire sur plusieurs sujets . Les mesures du texte initial relatives aux produits phytopharmaceutiques souffrent ainsi de l'absence d'une évaluation de leur impact pour les agriculteurs alors que les éléments recueillis par votre rapporteur lors des auditions ont rapidement révélé qu'elles pourraient affecter significativement leurs revenus. De même, la contribution des dispositions du projet de loi à une réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques est le plus souvent supposée, sans être étayée par des éléments probants.

Ce « flou artistique » est regrettable : il affaiblit la crédibilité du volet environnemental du texte, ainsi que sa capacité à concilier durablement activité agricole et protection de l'environnement.

II. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. LES MESURES RELATIVES À LA RESTAURATION COLLECTIVE

À partir de l'article 11 du projet de loi initial, qui fixe des objectifs d'amélioration de la qualité des produits servis en restauration collective publique, l'Assemblée nationale a inséré un grand nombre d'articles additionnels promouvant des objectifs ambitieux en matière d'alimentation durable dans les services de restauration collective.

Cet article 11 prévoit que les repas servis par tous les services de restauration collective à l'exception des restaurants d'entreprise devront, à partir de 2022, comporter une part de 50 % en valeur de produits « sous signe de qualité », dont 20 % de produits issus de l'agriculture biologique . Le développement de la part de produits issus du commerce équitable et du cadre de projets alimentaires territoriaux doit également être encouragé.

L'article prévoit aussi une information renforcée pour tous les gestionnaires de services de restauration collective qui devront tous informer leurs usagers des efforts consentis pour développer l'acquisition de produits issus du commerce équitable et de la part de produits sous signe de qualité et issus de l'agriculture biologique, y compris les restaurants d'entreprise, auxquels l'obligation des 50 % et 20 % ne s'applique pas.

A en outre été adoptée l'obligation de présentation d'un plan de diversification de protéines incluant des alternatives à base de protéines végétales pour tous les gestionnaires de services de restauration collective servant plus de 200 couverts par jour en moyenne sur l'année.

Ont en outre notamment été insérés :

- un article 11 bis A prévoyant une expérimentation pour une durée de 3 ans autorisant les collectivités territoriales qui le souhaitent à rendre obligatoire l'affichage de la composition des menus dans les services de restauration collective dont elles ont la charge ;

- un article 11 bis visant à étendre le dispositif « fait maison » aux restaurants collectifs qui s'impliquent dans la démarche volontairement ;

- un article 11 quater prévoyant une obligation d'information et de consultation régulière des gestionnaires publics et privés des services de restauration collective scolaire et universitaire et des établissements d'accueil des enfants de moins de six ans sur le respect de la qualité alimentaire et nutritionnelle des repas servis ;

- un article 11 quinquies qui prévoit un rapport du Gouvernement remis au Parlement au plus tard le 31 décembre 2020 sur l'opportunité d'appliquer les objectifs de l'article 11 aux opérateurs de restauration collective du secteur privé ;

- un article 11 septies A relatif à l'affichage environnemental des denrées alimentaires .

B. VERS UNE INTERDICTION DES EMBALLAGES ET DES CONTENANTS ALIMENTAIRES EN MATIÈRE PLASTIQUE

Un article 11 ter a été inséré en commission puis complété en séance publique. Il vise, d'une part à autoriser les collectivités territoriales qui le demanderaient à interdire via une expérimentation, l'utilisation de contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en matières plastiques dans les services de restauration collective dont elles ont la charge et, d'autre part, à interdire, à compter du 1 er janvier 2020, l'utilisation de bouteilles d'eau plate en plastique dans les services de restauration collective .

C. LA LUTTE CONTRE LA PRÉCARITÉ ET LE GASPILLAGE ALIMENTAIRES

Les articles 12 et suivants renforcent les dispositions de la loi du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire et s'inscrivent dans le droit fil des conclusions des États généraux de l'alimentation et notamment des ateliers n° 10 « Lutter contre le gaspillage alimentaire » et n°12 « Lutter contre l'insécurité alimentaire ».

L'article 12 définit la lutte contre la précarité alimentaire comme visant à « favoriser l'accès à une alimentation sûre, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale » . L'aide alimentaire est définie comme une des composantes de cette dernière, ayant « pour objet la fourniture de denrées alimentaires aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale, assortie de la proposition d'un accompagnement » . Ces définitions sont toutes deux regroupées au sein du code de l'action sociale et des familles.

Ont été insérés, au cours de la première lecture à l'Assemblée nationale :

- un article 12 bis A prévoyant la mise à disposition, de manière progressive, de « doggy bag » dans les restaurants , pour les clients qui le demandent : la rédaction adoptée prévoit cette mise à disposition dans un premier temps de manière facultative, puis obligatoire à partir du 1 er juillet 2021 ;

- un article 12 bis complétant le dispositif adopté dans la loi du 11 février 2016 afin que les grandes et moyennes surfaces s'assurent de la qualité du don alimentaire qu'elles effectuent auprès des associations habilitées dans le cadre de la lutte contre le gaspillage alimentaire depuis qu'elles sont obligées de conventionner avec ces dernières ;

- un article 12 ter intégrant la lutte contre le gaspillage alimentaire dans le cadre des projets alimentaires territoriaux ;

- un article 12 quater intégrant la lutte contre la précarité alimentaire dans le cadre du programme national relatif à la nutrition et à la santé ;

- un article 12 quinquies prévoyant un rapport de l'Ademe avant le 1 er janvier 2022 sur la gestion du gaspillage alimentaire par la restauration collective et la grande distribution ;

- un article 15 bis renforçant les dispositions en vigueur en matière d'éducation alimentaire et de sensibilisation à la lutte contre le gaspillage alimentaire : ainsi, les collèges et les lycées (et non plus seulement les écoles) sont concernés par la formation et l'éducation à l'alimentation et à la lutte contre le gaspillage alimentaire ; en outre, les responsables des cantines de ces établissements scolaires pourront intervenir dans ces modules.

En outre, l'article 15 du projet de loi habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance sur le gaspillage alimentaire afin :

- d'étendre à l'ensemble des opérateurs de la restauration collective l'obligation de mettre en place une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire et de réaliser, dans ce but, un diagnostic préalable ;

- d'étendre le conventionnement obligatoire avec des associations d'aide alimentaire à certains opérateurs de l'industrie agro-alimentaire et de la restauration collective après une expérimentation de six mois ;

- d'imposer à certains opérateurs de l'industrie agro-alimentaire et de la restauration collective de rendre publics leurs engagements en faveur de la lutte contre le gaspillage alimentaire, notamment les procédures de contrôle interne qu'ils mettent en oeuvre en la matière.

D. LA RÉDUCTION DE L'UTILISATION DES PRODUITS PHYTOPHARMACEUTIQUES ET BIOCIDES

Les articles 14 et suivants sont consacrés aux produits phytopharmaceutiques et biocides, et comprennent diverses dispositions destinées à réduire et à mieux maîtriser leur utilisation, à des fins sanitaires et environnementales.

L' article 14 propose d' interdire certaines pratiques commerciales , comme les remises, rabais et ristournes, susceptibles de favoriser une utilisation excessive ou inappropriée des produits phytopharmaceutiques. Cet article est complété par l' article 14 quater , qui clarifie les dispositions relatives à la publicité commerciale à destination des professionnels pour ces produits.

L' article 14 bis , étend aux produits biocides l'interdiction prévue par l'article 14, et transpose à ces produits une partie de la législation en vigueur pour les produits phytopharmaceutiques : la restriction de la vente en libre-service aux particuliers et l'encadrement de la publicité commerciale.

Plusieurs dispositions visent à soutenir le recours à des solutions alternatives aux produits phytopharmaceutiques.

L' article 14 ter facilite le recours aux préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP) en prévoyant que les parties consommables de plantes utilisées en alimentation animale ou humaine sont considérées comme substances naturelles à usage biostimulant autorisées. En complément, l 'article 14 quinquies renforce le contenu du plan d'action national pour une utilisation durable des produits phytopharmaceutiques, afin de développer la recherche sur les alternatives.

L' article 14 septies vise à ajuster le périmètre de l'interdiction d'utiliser des produits contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes , en y ajoutant les substances ayant des modes d'actions identiques. L'objectif de cet ajout est d'éviter un contournement de l'interdiction prévue par la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, par des substances analogues.

Une série d'articles visent également à mieux intégrer les enjeux d'une agriculture plus durable dans les dispositifs de formation et de conseil .

L' article 14 octies consacre l'existence de modules dédiés à la réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les certificats nécessaires à la vente, au conseil ou à l'utilisation de ces produits. L' article 14 nonies confie également au réseau des chambres d'agriculture et à leur assemblée permanente une mission dédiée à ces problématiques. L 'article 14 decies ajoute par ailleurs la préservation de la biodiversité et des sols dans les principes des formations de l'enseignement agricole public.

Enfin, l' article 15 habilite le Gouvernement à procéder par voie d'ordonnance en vue de séparer les activités de vente et de conseil en matière de produits phytopharmaceutiques, ainsi qu'à réformer le dispositif des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques , actuellement mis en oeuvre sous la forme d'une expérimentation dont l'échéance est fixée à la fin de l'année 2022.

Quant à l' article 14 sexies , il prévoit une expérimentation dérogeant à l'interdiction de pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques pour permettre le recours à des drones sur des surfaces agricoles en forte pente, compte tenu des risques d'accidents du travail pour les personnes intervenant sur ces terrains. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) sera chargée de faire un bilan sanitaire et environnemental de cette expérimentation.

E. LES AUTRES DISPOSITIONS À CARACTÈRE ENVIRONNEMENTAL

Le texte adopté par l'Assemblée nationale comprend également une série de dispositions à caractère environnemental plus dispersées.

Les articles 11 nonies B et 11 quaterdecies portent sur la déforestation résultant de pratiques agricoles dans certains pays étrangers pour produire des ressources ou denrées importées massivement par les pays européens, également désignée sous le terme général de « déforestation importée ». L'article 11 nonies B, inséré en séance publique, complète les objectifs de la politique conduite dans le domaine de la qualité et de l'origine des produits agricoles, forestiers ou alimentaires, en ajoutant la promotion des produits n'ayant pas contribué à la déforestation importée. L'article 11 quaterdecies , inséré en commission, prévoit la remise au Parlement d'un rapport sur la définition de la déforestation importée, les pratiques agricoles qui y contribuent significativement et les pistes à suivre pour les réduire.

L' article 11 sexdecies , inséré en commission et réécrit en séance publique, prévoit que le Gouvernement prend les mesures réglementaires visant à la suspension de la mise sur le marché du dioxyde de titane comme additif alimentaire ainsi que des denrées alimentaires en contenant, compte tenu des risques possibles pour la santé humaine. Par ailleurs, l'article prévoit la remise au Parlement d'un rapport au plus tard le 1 er janvier 2019 sur les mesures ainsi prises.

L'article 14 quater A , inséré en séance publique, prévoit que la cession, la fourniture ou le transfert à titre onéreux de semences relevant du domaine public entre utilisateurs non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale sont dispensés de l'obligation d'inscription préalable à un catalogue officiel.

Enfin, deux articles visent à favoriser le développement des énergies renouvelables , en particulier la méthanisation. L' article 16 A , inséré en commission, prévoit l'application d'un prix de rachat différentiel de l'électricité produite par méthanisation ou photovoltaïque lorsque les installations sont le fruit d'une démarche collective sur des sites agricoles . Quant à l' article 16 C , inséré en séance publique, il vise à faciliter le raccordement des installations de production de biogaz aux réseaux de gaz naturel, en prévoyant que les gestionnaires de ces réseaux effectuent les renforcements nécessaires pour permettre l'injection de ce biogaz.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Lors de sa réunion, votre commission a souhaité appréhender le projet de loi tout à la fois avec pragmatisme et ambition , pour soutenir une transition collective vers une agriculture et une alimentation plus durables. Elle a été particulièrement soucieuse de privilégier l'accompagnement des parties prenantes et la définition d'objectifs atteignables à des échéances raisonnables, plutôt que de proposer des ruptures brutales, sans moyens suffisants ou solutions alternatives pour les acteurs de terrain.

Face aux nombreuses mesures adoptées par l'Assemblée nationale, votre commission a également souhaité veiller à la cohérence et à la qualité du projet de loi , en distinguant les dispositions qui proposent de réelles avancées, de celles dépourvues de portée normative et relevant davantage du signal politique que de l'écriture de la loi. À ce titre, elle a adopté plusieurs amendements de suppression et de précision proposés par votre rapporteur.

Sur la restauration collective , à l'article 11 , votre commission, saisie pour avis, a proposé de maintenir l'ambition fixée par le projet de loi initial tout en en améliorant la lisibilité - les repas servis devront comprendre au moins 30 % de produits sous signe de qualité et au moins 20 % de produits issus de l'agriculture biologique - et en valorisant les produits issus des exploitations bénéficiant de la certification environnementale de niveau III « haute valeur environnementale » (HVE) .

Elle a néanmoins adopté deux amendements de suppression :

- de l'article 11 bis A , qui prévoit une expérimentation pour les collectivités territoriales souhaitant rendre obligatoire l'affichage de la composition des menus des services de restauration collective qu'elles gèrent ; une telle disposition est en effet dépourvue de portée normative ;

- de l'article 11 quater , relatif à l'information et à la consultation des usagers des services de restauration collective scolaire et universitaire et des services de restauration collective des établissements d'accueil des enfants de moins de six ans sur la qualité alimentaire et nutritionnelle des repas servis, dans la mesure où il était redondant avec les dispositions de l'article 11.

Votre commission a également souhaité que le rapport prévu par l'article 11 quinquies sur l'opportunité d'étendre les objectifs de l'article 11 à la restauration collective d'entreprise se penche aussi sur les obstacles juridiques éventuels d'une telle extension.

À l'article 11 ter , dont la commission des affaires économiques lui avait délégué l'examen au fond, votre commission a suivi son rapporteur qui a proposé de supprimer l'expérimentation - inutile - pour les collectivités territoriales qui souhaitent interdire l'utilisation de contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en matière plastique dans les services de restauration collective qu'elles gèrent au profit d'une évaluation scientifique par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et le travail (Anses) sur la dangerosité de ces barquettes en plastique et de leurs éventuels produits de substitution, indispensable avant de décider d'interdire un produit. Elle a également repoussé à 2022 l'interdiction de l'utilisation des bouteilles d'eau plate en plastique dans les services de restauration collective , afin de laisser le temps aux industriels concernés d'adapter leur offre. Enfin, elle a introduit l'interdiction des pailles en plastique à partir de 2020 , dans le droit fil des travaux de la Commission européenne qui a présenté, le 28 mai 2018, sa nouvelle proposition de directive sur les déchets marins.

Votre commission a également souhaité donner au Parlement la capacité de légiférer sur des sujets nécessitant une expertise scientifique ou sanitaire indépendante et rigoureuse en ouvrant aux commissions permanentes en charge de l'environnement, de la santé, de l'alimentation et du travail la possibilité de saisir l'Anses .

Sur la question de l'affichage environnemental des denrées alimentaires , votre commission a considéré que le dispositif introduit à l'Assemblée nationale présentait un réel risque de non-conformité au droit européen et pouvait être de nature à pénaliser les produits français , qui seraient seuls soumis à un tel étiquetage. En outre, la faisabilité technique d'un tel dispositif pose, selon elle, également question. Elle a néanmoins souhaité adopter un dispositif alternatif , plutôt que de supprimer purement et simplement l'article. En effet, la transparence sur les denrées alimentaires et l'information du consommateur ont été largement plébiscitées au moment des États généraux de l'alimentation. Votre commission a estimé qu'il était essentiel de commencer à réfléchir à améliorer le droit existant en la matière. Elle a ainsi adopté un amendement prévoyant un dispositif plus souple , avec une obligation, à horizon 2023 d'une information à caractère environnemental sur certaines catégories de denrées alimentaires, information pouvant, de manière facultative, contenir des éléments relatifs à la nature des protéines ayant servi à nourrir les animaux dont sont issues les denrées, au mode d'élevage, à l'origine géographique ou aux traitements appliqués aux fruits et légumes.

Votre commission a en outre adopté, à l'article 11 terdecies A , un amendement prévoyant que les cahiers des charges des signes d'identification de l'origine et de la qualité (SIQO) devaient répondre aux exigences prévues pour faire l'objet d'une certification environnementale.

Votre commission a adopté un amendement de votre rapporteur pour supprimer l'article 11 quaterdecies , prévoyant la remise d'un rapport sur la déforestation importée. Défavorable à la multiplication des demandes de rapports au Gouvernement, votre commission a jugé celle-ci particulièrement redondante avec la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importante qui sera prochainement publiée par le Gouvernement.

Sur les articles relatifs au gaspillage alimentaire , votre commission n'a pas apporté de modification substantielle.

Elle a néanmoins :

- inscrit dans la loi l'extension à toute la restauration collective de l'obligation d'une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire fondée sur un diagnostic préalable ;

- prévu que les restaurants de vente à emporter ou proposant des plats à emporter utilisent à cet effet des contenants recyclables ou réutilisables.

À l' article 14 bis , transposant aux produits biocides certaines dispositions applicables aux produits phytopharmaceutiques, votre commission a adopté plusieurs amendements afin de préciser le périmètre des produits visés en tenant compte de la diversité des produits biocides, et d'organiser par voie réglementaire la procédure de retrait de la vente en libre-service des catégories jugées dangereuses pour les utilisateurs non professionnels.

Votre commission a par ailleurs adopté un amendement réécrivant l' article 14 ter en vue de faciliter le recours à des solutions alternatives aux produits phytopharmaceutiques, sans créer de risques sanitaires ou environnementaux nouveaux. Cette nouvelle rédaction prévoit d'établir par voie réglementaire un régime d'autorisation simplifié pour les parties consommables de plantes utilisées en alimentation animale ou humaine.

Afin que l'expérimentation prévue par l' article 14 sexies reste strictement encadrée, tout en disposant d' enseignements probants sur les enjeux sanitaires et environnementaux, votre commission a adopté un amendement pour rétablir la possibilité d'avoir recours à tout produit phytopharmaceutique, tout en limitant l'expérimentation aux surfaces plantées en vignes.

Votre commission a également adopté un amendement à l' article 14 septies , relatif aux substances actives ayant des modes d'action identiques aux néonicotinoïdes, afin de prévoir un avis de l'Anses sur le décret définissant ses modalités d'application. Il s'agit en particulier de disposer d'une expertise scientifique pour préciser la notion de mode d'action.

À l' article 14 nonies , votre commission a adopté un amendement complétant la mission confiée aux chambres d'agriculture par des actions relatives au recours à des solutions alternatives , afin de proposer une réponse durable aux besoins des agriculteurs.

Partagée sur le projet de séparation des activités de vente et de conseil pour les produits phytopharmaceutiques et regrettant le manque d'informations apportées par le Gouvernement sur ses intentions, votre commission a adopté deux amendements modifiant l' article 15 . En vue d'éviter de créer un conseil obligatoire trop régulier, déconnecté des besoins des agriculteurs et à l'origine de surcoûts, ces amendements suppriment la contrainte d'une séparation capitalistique et prévoient que le conseil stratégique mis en place par ordonnance sera doté d'une dimension pluriannuelle .

En complément de ces dispositions, votre commission a adopté un amendement visant à créer un article additionnel après l'article 14 sexies donnant la possibilité au préfet de définir des périmètres faisant l'objet de prescriptions ou de restrictions particulières pour l'utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité de certaines zones habitées. L'exposition à ces produits est une préoccupation sociétale de plus en plus vive et votre commission a jugé important de doter les pouvoirs publics d'un moyen d'y répondre lorsque les circonstances locales le justifieront.

Au total, votre commission a adopté 23 amendements proposés par votre rapporteur, et a émis un avis favorable à l'adoption de 2 amendements déposés sur les articles qui lui ont été délégués au fond.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi ainsi modifié.

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE II - MESURES EN FAVEUR D'UNE ALIMENTATION SAINE, DE QUALITE, DURABLE, ACCESSIBLE À TOUS ET RESPECTUEUSE DU BIEN-ETRE ANIMAL
Chapitre Ier - Accès à une alimentation saine
Article 11 (articles L. 230-5-1 à L. 230-5-4 [nouveaux] du code rural et de la pêche maritime) - Amélioration de la qualité des produits servis en restauration publique

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, vise à renforcer les obligations applicables aux personnes morales de droit public en charge de services de restauration collective afin d'améliorer la qualité des repas.

I. Le droit en vigueur

L'amélioration de la qualité des repas servis en restauration collective est une préoccupation au coeur de la politique nationale de l'alimentation depuis déjà quelques années.

La qualité nutritionnelle de ces repas en est un aspect.

De ce point de vue, l'article 1 er de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche, a prévu trois obligations, codifiées à l'article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime , pour tous les gestionnaires, publics comme privés, des services de restauration scolaire et universitaire, des services de restauration des établissements d'accueil des enfants de moins de six ans, des établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux ainsi que des établissements pénitentiaires (ce qui exclut donc les restaurants d'entreprise) :

- respecter un certain nombre de règles visant à garantir la qualité nutritionnelle des repas servis ;

- privilégier des produits de saison ;

- publier, sous la forme d'une charte, les règles relatives à la qualité nutritionnelle des repas.

Six décrets précisent ces règles nutritionnelles pour les gestionnaires des services de restauration de chacun des secteurs concernés :

- le décret n° 2011-1227 du 30 septembre 2011 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration scolaire ;

- le décret n° 2012-141 du 30 janvier 2012 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre de la restauration universitaire ;

- le décret n° 2012-142 du 30 janvier 2012 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre des services de restauration des établissements pénitentiaires ;

- le décret n° 2012-143 du 30 janvier 2012 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre des services de restauration des établissements de santé

- le décret n° 2012-144 du 30 janvier 2012 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre des services de restauration des établissements sociaux et médico-sociaux ;

- le décret n° 2012-145 du 30 janvier 2012 relatif à la qualité nutritionnelle des repas servis dans le cadre des services de restauration des établissements d'accueil des enfants de moins de six ans.

D'une manière générale, ces règles prévoient notamment des repas à quatre ou cinq composantes, une variété des repas sur vingt menus successifs permettant d'assurer une bonne qualité nutritionnelle (apports en fibres et vitamines, en calcium, en fer et oligo-éléments, limitation des apports en matières grasses et en sucres simples), un accès sans restriction à l'eau et au pain, mais limité au sel et aux sauces, ou encore un contrôle de la taille des portions.

L'évolution vers une alimentation plus saine et plus durable, privilégiant des produits biologiques ou de qualité servis dans les restaurants collectifs est un autre aspect de cette politique.

Dans ce cadre, il y a une dizaine d'années, le Grenelle de l'environnement prévoyait ainsi une exemplarité de l'État en la matière en se donnant notamment pour objectif de « recourir, pour l'approvisionnement de ses services de restauration collective, à des produits biologiques pour une part représentant 15 % des commandes en 2010 et 20 % en 2012 ainsi que, pour une part identique, à des produits saisonniers, des produits à faible impact environnemental eu égard à leurs conditions de production et de distribution, des produits sous signe d'identification de la qualité et de l'origine ou des produits issus d'exploitations engagées dans une démarche de certification environnementale » 2 ( * ) .

La dernière loi agricole 3 ( * ) n'a pas dérogé à cette tendance en prévoyant à l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime que le programme national pour l'alimentation comporte « des actions à mettre en oeuvre pour l'approvisionnement de la restauration collective, publique comme privée, en produits agricoles de saison ou en produits sous signes d'identification de la qualité et de l'origine, notamment issus de l'agriculture biologique » .

Pourtant, ces objectifs programmatiques, dans le secteur public comme dans le secteur privé, ont été insuffisamment suivis d'effets , avec, en outre, de fortes disparités selon les territoires.

Comme le relève l'étude d'impact annexée au présent projet de loi, « si certaines communes se sont fortement engagées dans la conversion à l'agriculture biologique, la part de produits issus de l'agriculture biologique dans l'approvisionnement de la restauration collective reste faible, de l'ordre de 2,9 % » .

II. Le projet de loi initial

Le constat d'échec de l'atteinte des objectifs fixés pour l'amélioration de la qualité des produits servis en restauration collective a justifié le choix, par le Gouvernement, de l'inscription dans la loi d'une obligation permettant notamment de respecter l'engagement pris par le Président de la République lors des États généraux de l'alimentation le 22 octobre 2017 d'atteindre « 50 % de produits bio ou locaux en restauration collective d'ici 2022 » , afin d'améliorer la qualité de notre alimentation mais également de conforter son ancrage territorial afin d'assurer de nouveaux débouchés commerciaux pour les agriculteurs.

Le présent article, dans sa version initiale présentée par le Gouvernement, prévoyait ainsi de compléter l'article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime par un nouvel article L. 230-5-1 fixant une obligation pour les personnes morales de droit public gestionnaires de restaurants collectifs, quel que soit le mode de gestion retenu . Au 1 er janvier 2022 au plus tard, les repas servis dans ces établissements devront comprendre « une part significative » :

- de produits acquis en tenant compte du coût du cycle de vie du produit 4 ( * ) ;

- ou de produits issus de l'agriculture biologique 5 ( * ) ;

- ou de produits bénéficiant d'un des autres signes ou mentions prévus par l'article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime (cf. encadré ci-dessous) ;

- ou de produits satisfaisant de manière équivalente aux exigences définies par ces signes ou mentions 6 ( * ) .

L'article initial prévoyait en outre que le niveau de cette « part significative » devait être fixé par un décret en Conseil d'État, de même que les modalités de mise en oeuvre progressive et de suivi de ce dispositif.

LES DIFFÉRENTS MODES DE VALORISATION
DES PRODUITS AGRICOLES, FORESTIERS ET ALIMENTAIRES

Article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime

« Les produits agricoles, forestiers ou alimentaires et les produits de la mer peuvent, dans les conditions prévues par le présent titre et lorsqu'il n'y a pas de contradiction avec la réglementation de l'Union européenne, bénéficier d'un ou plusieurs modes de valorisation appartenant aux catégories suivantes :

1° Les signes d'identification de la qualité et de l'origine :

-le label rouge, attestant la qualité supérieure ;

-l'appellation d'origine, l'indication géographique et la spécialité traditionnelle garantie, attestant la qualité liée à l'origine ou à la tradition ;

-la mention « agriculture biologique », attestant la qualité environnementale et le respect du bien-être animal ;

2° Les mentions valorisantes :

-la mention « montagne » ;

-le qualificatif « fermier » ou la mention « produit de la ferme » ou « produit à la ferme » ;

-la mention « produit de montagne » ;

-les termes « produits pays » en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Wallis-et-Futuna ;

-la mention « issus d'une exploitation de haute valeur environnementale » ;

3° La démarche de certification de conformité des produits.

Ce faisant, l'objectif affiché par le Gouvernement est de favoriser la transition du modèle de production agricole vers un système plus respectueux de l'environnement en assurant un débouché significatif pour les produits de qualité et durables, tout en veillant à respecter le droit de la commande publique et à écarter tout risque de distorsion de concurrence (en visant les dispositifs équivalents de l'Union européenne et en ciblant la notion de coût du cycle de vie).

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 11 a été sensiblement modifié lors de son examen par la commission des affaires économiques.

Un amendement du Gouvernement de réécriture globale du nouvel article L. 230-5-1 , tenant largement compte des dispositions adoptées par la commission du développement durable saisie pour avis, a ainsi été adopté afin de préciser un certain nombre de points du dispositif.

Ainsi, la liste des produits devant entrer dans la composition des repas servis dans les restaurants collectifs gérés par des personnes publiques au regard des objectifs d'intérêt général d'amélioration de la qualité de l'alimentation, d'incitation au développement des productions de qualité, y compris nutritionnelle, et de préservation de l'environnement a été précisée :

- les produits acquis selon des modalités prenant en compte les coûts imputés aux externalités environnementales liés au cycle de vie du produit 7 ( * ) ;

- les produits issus de l'agriculture biologique , « au sens du règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil du 28 juin 2007 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CEE) n° 2092/91, y compris les produits en conversion au sens de l'article 62 du règlement n° 889/2008 de la Commission du 5 septembre 2008 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 834/2007 du Conseil relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques en ce qui concerne la production biologique, l'étiquetage et les contrôles » ;

- les produits bénéficiant d'un des signes ou mentions prévus à l'article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime ;

- les produits bénéficiant de l'écolabel pêche ;

- les produits issus d'une exploitation ayant fait l'objet d'une certification environnementale , ou satisfaisant de manière équivalente aux exigences définies par ces signes, mentions écolabels ou certification.

Il est également prévu que les personnes publiques ayant la charge de ces services doivent développer l'acquisition de produits issus du commerce équitable .

Surtout, l'objectif d'une part minimale de 50 % de ces produits dans les produits acquis par ces établissements dont 20 % issus de l'agriculture biologique (AB) , cité dans l'étude d'impact, est désormais directement fixé dans la loi, en lieu et place de la notion de « part significative », reprenant en cela deux sous-amendements de Delphine Batho (Nouvelle Gauche).

Un troisième sous-amendement de Dominique Potier (Nouvelle Gauche) à cet amendement de réécriture globale a également été adopté pour corriger une erreur de référence.

Enfin, un décret en Conseil d'État doit préciser les modalités d'application de l'article et notamment :

- la liste des signes et mentions à prendre en compte ;

- le « pourcentage en valeur » des produits mentionnés au I et, parmi eux, des produits provenant de l'agriculture biologique ou d'exploitations en conversion, devant entrer dans la composition des repas, qu'il fixe donc respectivement à 50 % et 20 % de la valeur totale.

Ont en outre été adoptés :

- l'extension , à l'initiative du Gouvernement, de ces obligations aux repas servis dans les restaurants collectifs scolaires et universitaires, des établissements d'accueil des enfants de moins de six ans et aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux qui relèvent de personnes privées (nouvel article L. 230-5-2) ;

- l'institution, à l'initiative du Gouvernement, d'une obligation d'information une fois par an des usagers de la restauration collective publique et privée sur la part des produits mentionnés par l'article 11 dans la composition des repas ainsi que des démarches engagées en vue de développer l'acquisition de produits issus du commerce équitable - à compter du 1 er janvier 2020 (nouvel article L. 230-5-3) ;

- l'obligation, à l'initiative de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de Matthieu Orphelin (LaREM), pour chaque structure gestionnaire de restauration collective publique servant plus de 100 couverts par jour en moyenne sur l'année, de présenter de manière pluriannuelle (et non plus annuelle comme le prévoit un sous-amendement du rapporteur) un plan de diversification de protéines incluant des alternatives à base de protéines végétales (nouvel article L. 250-5-4).

En séance publique , huit amendements ont été adoptés :

- deux amendements identiques de Julien Aubert (LR) et du groupe Modem visant à indiquer que les personnes morales de droit public chargées de la gestion de restaurants collectifs doivent développer l'acquisition de produits, non seulement issus du commerce équitable, mais également de produits « dans le cadre des projets alimentaires territoriaux » ;

- un amendement du groupe Modem précisant que le pouvoir réglementaire, par un décret en Conseil d'État , doit préciser « la caractérisation et l'évaluation des modalités de prise en compte des coûts imputés aux externalités environnementales liées aux produits pendant son cycle de vie » ;

- quatre amendements rédactionnels du rapporteur ;

- un amendement de Marc Fesneau (Modem) restreignant l'obligation de présenter un plan de diversification de protéines aux seuls gestionnaires d'organismes de restauration collective publique servant plus de 200 couverts en moyenne par jour sur une année (au lieu de 100).

IV. La position de votre commission

Votre rapporteur pour avis a souhaité entendre un grand nombre d'acteurs concernés par ce nouveau dispositif : les entreprises de service de restauration collective, les associations environnementales, les syndicats agricoles mais aussi les élus locaux ou encore l'Agence Bio, qui est une plateforme nationale d'information et d'actions pour le développement de l'agriculture biologique en France.

En effet, il a considéré que l'échec des objectifs fixés par le Grenelle de l'environnement à faire progresser la part de produits issus de l'agriculture biologique dans les repas servis par la restauration collective publique sonnait comme un avertissement. À vouloir fixer des objectifs hors sol, le risque est grand d'être au contraire contre-productif.

Votre rapporteur pour avis a ainsi pu constater que la fixation d'objectifs chiffrés interrogeait un grand nombre de ces acteurs sur les moyens qui seront mobilisés pour les atteindre afin qu'ils ne deviennent pas des voeux pieux. Les élus locaux l'ont notamment alerté sur les moyens financiers et l'accompagnement qui seront nécessaires si l'on veut atteindre ces objectifs, louables en eux-mêmes, afin de structurer la filière des produits sous signe de qualité et issus de l'agriculture biologique sur tous les territoires. En effet, une demande brutalement trop importante de ces produits risquerait de conduire les gestionnaires des services de restauration collective à trouver ces produits ailleurs que parmi les produits de proximité, voir à les importer.

En outre, la notion nouvelle de « coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie » , employée dans le but de favoriser les produits locaux tout en étant conforme au droit des marchés publics, nécessitera un accompagnement des acheteurs publics par l'État. D'après les informations transmises à votre rapporteur pour avis par le Gouvernement, ce sujet aura vocation à être débattu avec les parties prenantes dans le cadre d'un Conseil national de la restauration collective , qui devrait être mis en place cet été.

Sur ce point, votre rapporteur pour avis a regretté que la création d'une telle structure, malgré sa nature réglementaire, se fasse sans que le Parlement ait l'occasion de débattre de sa composition, de ses missions et de son fonctionnement, ni même sans qu'il en soit informé. Il lui a été indiqué, lors de l'audition du cabinet du ministre en charge de l'agriculture, que cette structure ne serait formalisée par aucun texte réglementaire et demeurerait une structure informelle de réunion de l'ensemble des acteurs de la restauration collective. Votre rapporteur pour avis s'est ainsi interrogé en particulier sur la composition d'une telle instance et sur le poids respectif des industriels agro-alimentaires et des associations de protection de l'environnement en son sein.

Votre rapporteur pour avis a également souligné le risque d'un éparpillement des obligations touchant la restauration collective , avec, à chaque fois, des périmètres concernés différents.

SYNTHÈSE DES DIFFÉRENTES OBLIGATIONS S'APPLIQUANT À LA RESTAURATION COLLECTIVE APRÈS LE PASSAGE DU TEXTE À L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Une obligation de respecter des règles de qualité nutritionnelle des repas et d'en informer les usagers par l'affichage d'une charge (article existant L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime) : s'applique aux gestionnaires publics et privés de restaurants collectifs scolaires, universitaires, des établissements d'accueil des enfants de moins de six ans, des établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux et pénitentiaires ; ne vise pas la restauration du travail (administration, collectivités territoriales et entreprises).

Une obligation de servir des repas comportant 30 % de produits sous signe de qualité et 20 % de produits issus de l'agriculture biologique (nouvel article L. 230-5-1 créé par le présent article 11) : s'applique à toute la restauration collective gérée par des personnes morales de droit public ainsi que les restaurants collectifs scolaires, universitaires, des établissements d'accueil d'enfants de moins de six ans, des établissements sociaux et médico-sociaux, des établissements de santé gérés par des personnes privées ; ne vise pas la restauration collective d'entreprise.

Une obligation d'information annuelle des usagers de la restauration collective sur la part de produits sous signe de qualité et issus de l'agriculture biologique entrant dans la composition des repas servis (nouvel article L. 230-5-3 créé par le présent article 11) : s'applique à toute la restauration collective publique et privée.

Une obligation de présentation d'un plan pluriannuel de diversification de protéines incluant des alternatives à base de protéines végétales (nouvel article L. 230-5-4 créé par le présent article 11) : s'applique aux gestionnaires de restauration collective publique servant plus de 200 couverts par jour en moyenne sur l'année.

Une inquiétude relative aux surcoûts induits par la fixation des objectifs sur les produits sous signe de qualité et issus de l'agriculture biologique a été également exprimée, notamment par les représentants des élus locaux. À ce sujet, les chiffres mentionnés par l'étude d'impact ne portent malheureusement que sur les produits « bio » et estiment un surcoût de l'ordre de 18 % à 20 % selon les études disponibles. Votre rapporteur pour avis estime néanmoins qu'une grande partie de ce surcoût peut être compensée par la mise en oeuvre des démarches de lutte contre le gaspillage alimentaire , d'ailleurs élargies par le présent projet de loi à tout le secteur de la restauration collective.

Votre rapporteur pour avis s'est enfin interrogé sur le champ d'application de cet article , qui, après les modifications introduites à l'Assemblée nationale, n'exclut plus que les restaurants d'entreprise . Cette restriction lui a paru en contradiction avec la promesse faite par le Président de la République dans son discours aux États généraux de l'alimentation, qui semblait viser l'ensemble de la restauration collective.

Convaincu qu'une telle extension devra inéluctablement être mise en oeuvre, votre rapporteur pour avis a néanmoins souhaité ne pas déposer d'amendement en ce sens dans le cadre de ce projet de loi. Il a en effet estimé, d'une part qu'une augmentation trop brutale de la demande de produits bio et sous signe de qualité risquerait de ne pas rencontrer une offre de proximité satisfaisante en quantité et donc de se traduire par un recours à l'importation, et que, d'autre part, il convenait d'étudier les conditions juridiques d'une telle extension.

Votre rapporteur pour avis a donc proposé à votre commission un amendement ( COM-412 ) visant :

- à améliorer la lisibilité de l'article en fixant dans le code les objectifs de 20 % de produits issus de l'agriculture biologique et de 30 % de produits « sous signe de qualité » dans les repas servis dans les services de restauration collective gérés par des personnes morales de droit public ainsi que dans les services de restauration collective des établissements scolaires, universitaires, d'accueil des enfants de moins de six ans, de santé, sociaux et médico-sociaux et pénitentiaires gérés par des personnes de droit privé  ;

- à valoriser les produits issus des exploitations bénéficiant de la certification environnementale « haute valeur environnementale » (HVE) ;

- à prévoir une mise en oeuvre progressive de ces objectifs, dans le cadre d'une concertation avec l'ensemble des acteurs concernés, dans des conditions fixées par décret.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article, sous réserve de l'adoption de son amendement.

Article 11 bis A - Expérimentation sur l'affichage de la composition des menus

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, inséré en séance à l'Assemblée nationale, met en place une expérimentation sur l'affichage de la composition des menus dans les services de restauration collective dont la gestion est assurée par les collectivités territoriales.

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été introduit en séance publique à l'initiative de Monique Limon (LaREM), dont l'amendement a été sous-amendé par le rapporteur.

Il prévoit une expérimentation pour une durée de trois ans autorisant les collectivités territoriales qui le souhaitent à rendre obligatoire l'affichage de la composition des menus dans les services de restauration collective dont elle a la charge.

L'article prévoit qu'un décret en Conseil d'État précise les modalités d'application de cette expérimentation et notamment la liste des collectivités territoriales concernées.

En outre, cette dernière fait l'objet d'une évaluation dont les résultats sont transmis au Parlement au plus tard 6 mois avant son terme.

II. La position de votre commission

Votre commission a adopté l'amendement de suppression de l'article présenté par votre rapporteur pour avis (COM-413). En effet, elle a considéré qu'une telle expérimentation ne comportait aucune plus-value dans la mesure où rien ne s'oppose aujourd'hui à ce qu'une collectivité territoriale impose un affichage obligatoire de la composition des menus dans les services de restauration collective dont elle a la charge.

Il s'agit d'ailleurs là d'une pratique courante des établissements scolaires.

En outre, la notion de « composition des menus » est assez vaste et peut recouvrir des degrés de précision très différents.

Votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption de cet article.

Article 11 bis (article L. 112-19 du code de la consommation) - Extension du dispositif « fait maison » à la restauration collective

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, inséré en commission à l'Assemblée nationale, étend aux restaurants collectifs les dispositions applicables au « fait maison ».

I. Le droit en vigueur

Le « fait maison » est un dispositif ayant pour objectif de mieux informer le consommateur sur les plats qui lui sont servis et de valoriser le métier de cuisinier. Cette mention valorise les plats cuisinés entièrement sur place à partir de produits bruts ou de produits traditionnels de cuisine .

C'est la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation qui a défini la mention « fait maison », définition précisée par le décret n° 2014-797 du 11 juillet 2014 relatif à la mention « fait maison » dans les établissements de restauration commerciale ou de vente à emporter de plats préparés .

Ainsi, l'article L. 122-20 du code de la consommation prévoit qu'un plat « fait maison » est élaboré « sur place à partir de produits bruts » . Néanmoins, « des produits, déterminés par voie réglementaire, peuvent entrer dans la composition des plats "faits maison" après avoir subi une transformation de leur état brut nécessaire à leur utilisation ». En outre, le lieu d'élaboration 8 ( * ) peut, sous certaines conditions, être différent du lieu d'élaboration. C'est le décret du 11 juillet 2014 qui a encadré ces possibilités.

La loi du 17 mars 2014 a introduit l'obligation pour tous les établissements de restauration commerciale, traditionnelle, de chaîne et rapide de préciser sur leurs cartes ou sur tout autre support qu'un plat proposé est fait maison à l'aide d'une mention ou d'un logo défini par arrêté du ministre en charge du commerce ( article L. 122-19 du code de la consommation ).

La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) est chargée, dans le cadre de ses contrôles habituels des établissements, de vérifier la véracité des informations en matière de « fait maison » et peut infliger les sanctions prévues par le code de la consommation en matière de tromperie ou de publicité mensongère ou de nature à induire en erreur le consommateur.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été introduit par la commission des affaires économiques, à l'initiative de Bruno Duvergé et des membres du groupe MoDem. Il étend les obligations relatives au « fait maison » aux restaurants collectifs - publics ou privés - qui s'impliquent dans la démarche volontairement .

III. La position de votre commission

Une disposition identique figurait déjà dans la proposition de loi n° 3280 9 ( * ) , qui avait été examinée par le Sénat en mai 2016. Elle avait été supprimée par la commission des affaires économiques, qui avait considéré qu'une telle extension ne se justifiait pas dans un secteur pratiquement pas soumis à la concurrence, puis rétabli en séance publique.

Votre rapporteur pour avis a estimé que cet article, déjà adopté par le Sénat, allait dans le sens d'une alimentation plus durable et de qualité, d'autant qu'il ne visait que les restaurants collectifs volontaires.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 11 ter (article L. 541-10-5 du code de l'environnement) - Expérimentation relative à l'interdiction de certains contenants alimentaires et interdiction des bouteilles d'eau plate en plastique dans les services de restauration collective

Objet : cet article, dont la commission des affaires économiques a délégué l'examen au fond à votre commission, inséré en commission à l'Assemblée nationale, autorise les collectivités territoriales qui le souhaitent à interdire l'utilisation de récipients en plastique dans les cantines dont elles ont la charge et interdit l'utilisation des bouteilles d'eau plate en plastique dans les services de restauration collective.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 541-10-5 du code de l'environnement a été introduit par l'adoption de l'article 199 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite Grenelle II .

Cet article comportait initialement trois mesures :

- la mise en place, au plus tard le 1 er janvier 2015, d'un dispositif harmonisé de consignes de tri sur les emballages ménagers , défini par décret en Conseil d'État après avis de la commission d'harmonisation et de médiation des filières de collecte sélective et de traitement des déchets du Conseil national des déchets ;

- l'introduction d'une signalétique commune , à compter du 1 er janvier 2012, pour tout produit recyclable soumis à un dispositif de responsabilité élargie des producteurs , afin d'informer le consommateur que ces produits relèvent d'une consigne de tri. Cette date a été repoussée au 1 er janvier 2015 par la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises ;

- l'installation, à la sortie des caisses de tous les établissements de vente au détail de plus de 2 500 m 2 proposant en libre-service des produits alimentaires et de grande consommation, d'un point de reprise des déchets d'emballage , au plus tard le 1 er juillet 2011.

Cet article a été largement complété par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte :

- interdiction, à compter du 1 er janvier 2016, des sacs de caisse en matière plastique à usage unique ;

- interdiction, à compter du 1 er janvier 2017, des sacs en matière plastique à usage unique destinés à l'emballage de marchandises au point de vente autres que les sacs de caisse, à l'exception des sacs compostables en compostage domestique et constitués, pour tout ou partie, de matière biosourcée ;

- interdiction, au plus tard le 1 er janvier 2020, de la mise à disposition des gobelets, verres et assiettes jetables de cuisine pour la table en matière plastique, à l'exception de ceux compostables en compostage domestique et constitués, pour tout ou partie, de matière biosourcée ;

- interdiction, à compter du 1 er janvier 2020, de la mise sur le marché des cotons tiges dont la tige est en plastique ; cette interdiction avait été introduite par le Sénat lors de l'examen du texte ;

- interdiction, au plus tard le 1 er janvier 2018, des produits cosmétiques rincés à usage d'exfoliation ou de nettoyage comportant des particules plastiques solides, à l'exception des particules d'origine naturelle non susceptibles de subsister dans les milieux, d'y propager des principes actifs chimiques ou biologiques ou d'affecter les chaînes trophiques animales ; cette interdiction avait été introduite par le Sénat.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

La commission des affaires économiques a inséré le présent article à l'initiative du rapporteur : il complète l'article L. 541-10-5 du code de l'environnement par une expérimentation autorisant les collectivités territoriales qui le souhaitent à interdire l'utilisation de « contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en matière plastique » dans les services de restauration collective dont elles ont la charge.

L'article précise que cette expérimentation est mise en oeuvre en application de l'article 72 de la Constitution pour une durée de trois ans .

La commission des affaires économiques n'a pas retenu l'amendement qui avait été adopté par la commission du développement durable à l'initiative du groupe LaREM afin d'interdire, au 1 er janvier 2022, l'utilisation de contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en matière plastique dans le cadre des services de restauration collective.

En séance publique, huit amendements ont été adoptés :

- deux amendements rédactionnels du rapporteur ;

- deux amendements de Michel Vialay (LR) et de Matthieu Orphelin (LaREM), sous-amendés par le rapporteur ainsi que par Philippe Bolo (Modem) et Sandrine Le Feur (LaREM) complétant l'article 11 ter par un II instituant, à l'article L. 541-10-5 du code de l'environnement, une interdiction de l'utilisation de bouteilles d'eau plate en plastique dans le cadre des services de restauration collective au plus tard le 1 er janvier 2020 ; il est précisé que cette interdiction n'est pas applicable aux services situés sur le territoire de communes non desservies par l'eau potable, dont la liste est fixée par arrêté du représentant de l'État dans le département.

III. La position de votre commission

Le présent article a suscité de nombreux débats à l'occasion de son introduction en deux temps - en commission puis en séance publique - à l'Assemblée nationale.

1. Une expérimentation de l'interdiction des contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en plastique remplacée par une évaluation scientifique de l'Anses

Votre rapporteur a estimé que l'utilisation de ces barquettes posait en effet question d'un point de vue sanitaire puisque le fait de chauffer certaines matières en plastique au-delà d'une certaine température pourrait favoriser la migration dans les aliments de perturbateurs endocriniens comme le bisphénol A par exemple. L'Anses avait mis en évidence ces risques de migration lors du chauffage au micro-ondes de certaines barquettes en polymère et avait émis des recommandations de bonne utilisation de ces emballages. L'agence avait d'ailleurs préconisé de suivre les recommandations des fabricants sur la puissance de cuisson et la durée.

Votre rapporteur s'est interrogé, au nom du principe de précaution, sur la nécessité d'aller jusqu'à l'interdiction de ces contenants alimentaires à partir du moment où un risque sanitaire avait été détecté. Il a néanmoins pu établir, grâce notamment à l'audition de l'Anses, qu'aucune évaluation n'avait été menée à son terme sur les risques réels de ces barquettes et encore moins de leurs potentiels produits de substitution, comme les barquettes en cellulose . En outre, il a considéré que les cuisiniers dans les services de restauration collective respectaient les recommandations d'utilisation de ces contenants.

Par ailleurs, une interdiction totale de ces contenants conduirait inéluctablement un grand nombre de collectivités à des investissements importants (changer les fours pour les redimensionner, prévoir des charriots de service, des îlots centraux, etc). Les représentants des élus locaux de l'AMF ont ainsi mis en garde votre rapporteur sur le risque d'imposer aux collectivités territoriales gestionnaires de services de restauration collective des investissements alors même que de nouveaux risques pour la santé des produits de substitution aux contenants alimentaires en plastique pourraient être identifiés ultérieurement.

Votre rapporteur a également souligné l'inutilité d'une telle expérimentation, qui sur le plan juridique ne relevait en rien du régime de l'expérimentation prévu par l'article 72 de la Constitution. En effet, elle conduit à autoriser les collectivités à faire quelque chose qu'elles peuvent déjà faire ou pour laquelle elles n'ont nul besoin de demander l'autorisation. Certaines ont d'ailleurs déjà renoncé aux contenants en plastique dans la restauration scolaire à l'occasion du renouvellement de leur appel d'offres : c'est le cas de Strasbourg, bientôt de Paris ou encore des Sables d'Olonne.

Votre rapporteur a ainsi proposé à votre commission ( COM-414 ) de supprimer cette expérimentation pour la remplacer par une demande d'évaluation à l'Anses du risque que comportent ces barquettes en plastique pour la santé ainsi que leurs éventuels produits de substitution.

2. Une interdiction des bouteilles en plastique d'eau plate dans la restauration collective repoussée à 2022

Votre rapporteur a rappelé que la France produisait plus de trois millions de tonnes de déchets plastique par an et que seuls 20 % de ces déchets étaient recyclés. Il a également rappelé le désastre de l'accumulation des déchets plastique dans nos mers et nos océans, en particulier dans la mer Méditerranée, dans laquelle on trouve 1,25 million de fragments de plastique par kilomètre carré. Une étude a récemment établi qu'en 2050, 99 % des oiseaux auront ingéré du plastique.

Il a également souligné l' urgence qu'il y avait à agir tandis qu'un million de bouteilles en plastique étaient vendues toutes les minutes dans le monde.

Sur ce sujet, la Commission européenne a proposé le 28 mai 2018 une nouvelle proposition de directive sur les déchets marins afin de lutter contre dix catégories de produits plastiques non réutilisables dont les bouteilles.

Votre rapporteur a ainsi proposé à votre commission ( COM-414 ) de maintenir cette interdiction introduite par l'Assemblée nationale mais de repousser sa date d'entrée en vigueur à 2022 afin de laisser le temps aux industriels des eaux minérales de réadapter leur offre.

3. Une interdiction des pailles en plastique à partir de 2020

Enfin, votre rapporteur a proposé à votre commission ( COM-415 ) d'interdire, à partir de 2020, la mise à disposition - à titre gratuit ou onéreux - de pailles en plastique .

Ces pailles font partie des dix catégories de produits visés par la proposition de directive présentée par la Commission européenne.

En outre, des grandes enseignes de la distribution, comme Carrefour par exemple, s'engagent à n'utiliser que des emballages plastique réutilisables d'ici 2025 et à supprimer progressivement la distribution des pailles.

Notre collègue Cyril Pellevat avait également déposé un amendement en ce sens lors de l'examen du projet de loi.

Votre commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 11 quater A (nouveau) (article L. 1313-3 du code de la santé publique) - Élargissement au Parlement de la possibilité de saisir l'Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses)

Objet : cet article, inséré par votre commission, donne aux commissions permanentes en charge de l'environnement, de la santé, du travail et de l'alimentation de l'Assemblée nationale et du Sénat la possibilité de saisir l'Anses.

I. Le droit en vigueur

L'Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) est un établissement public d'État à caractère administratif créé en 2010 par ordonnance et issu de la fusion de l'Agence française de sécurité des aliments (AFSSA) et de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (AFSSET).

Ses missions, son organisation et son fonctionnement sont précisés au sein du chapitre III du titre I er du livre III de la première partie du code de la santé publique.

L'article L. 1313-1 prévoit ainsi qu'elle « met en oeuvre une expertise scientifique indépendante et pluraliste » .

Elle contribue principalement à assurer « la sécurité sanitaire humaine dans les domaines de l'environnement, du travail et de l'alimentation » et également « la protection de la santé et du bien-être des animaux, la protection de la santé des végétaux, l'évaluation des propriétés nutritionnelles et fonctionnelles des aliments et la protection de l'environnement » .

Elle exerce aussi des missions relatives :

- aux médicaments vétérinaires ;

- à la délivrance, à la modification et au retrait des différentes autorisations préalables à la mise sur le marché et à l'expérimentation pour les produits phytopharmaceutiques et les adjuvants, les matières fertilisantes, adjuvants pour matières fertilisantes et supports de culture ;

- à la délivrance, à la modification et au retrait des autorisations préalables à la mise sur le marché et à l'expérimentation pour les produits biocides.

L'article L. 1313-3 prévoit que pour accomplir ses missions, l'agence peut se saisir de toute question mais également être saisie par l'autorité compétente de l'État, les autres établissements publics et les organismes représentés à son conseil d'administration, les associations de défense des consommateurs agréées, les associations de protection de l'environnement agréées, les associations d'aide aux victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles représentées au conseil d'administration du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ainsi que, après avis favorable du ministre chargé de l'agriculture, par les réseaux sanitaires reconnus en application de l'article L. 201-10 du code rural et de la pêche maritime.

II. Les modifications proposées par votre commission

Votre rapporteur a considéré qu'un des écueils principaux pour le législateur sur des sujets tels que l'opportunité de l'interdiction d'une substance ou d'un produit résidait dans la disponibilité d'une expertise scientifique crédible et indépendante . Sur les contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en plastique, dont il est question à l'article 11 ter , le législateur a, par exemple, besoin d'une évaluation des risques potentiels avant de prendre éventuellement la décision d'interdire.

Il a ainsi proposé à votre commission d'élargir la possibilité de saisine de l'Anses aux commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat compétentes en matière d'environnement, de santé, de travail et d'alimentation.

Votre commission propose à la commission des affaires économiques d'insérer cet article additionnel.

Article 11 quater (article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime) - Information des usagers des services de restauration collective sur la qualité alimentaire et nutritionnelle des produits servis

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, inséré en commission à l'Assemblée nationale, améliore l'information et la consultation des usagers des services de restauration collective, scolaire et universitaire et des services de restauration collective des établissements d'accueil des enfants de moins de six ans sur la qualité alimentaire et nutritionnelle des repas servis.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime est issu de l'article 1 er de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche qui a fixé dans la loi le principe de règles nutritionnelles obligatoires dont le contenu a été renvoyé au décret.

Ainsi, l'article prévoit que « les gestionnaires, publics et privés, des services de restauration scolaire et universitaire ainsi que des services de restauration des établissements d'accueil des enfants de moins de six ans , des établissements de santé , des établissements sociaux et médico-sociaux et des établissements pénitentiaires sont tenus de respecter des règles, déterminées par décret, relatives à la qualité nutritionnelle des repas qu'ils proposent et de privilégier, lors du choix des produits entrant dans la composition de ces repas, les produits de saison. Les règles relatives à la qualité nutritionnelle des repas sont publiées sous la forme d'une charte affichée dans les services concernés » .

L'article a également mis en place un système de sanction pour le non-respect de ces règles nutritionnelles.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

La commission des affaires économiques a inséré le présent article en adoptant un amendement de la commission du développement durable, amendé par le rapporteur. Il prévoit une obligation d'information et de consultation régulière des usagers des services de restauration collective scolaire et universitaire ainsi que des établissements d'accueil des enfants de moins de six ans « sur le respect de la qualité alimentaire et nutritionnelle des repas servis » .

III. La position de votre commission

Votre commission a adopté l'amendement de votre rapporteur pour avis supprimant l'article ( COM-417 ). Il est en effet redondant avec l'article 11 qui prévoit en effet déjà une obligation d'information sur la part des produits issus de l'agriculture biologique et des produits « sous signe de qualité » qui concerne, plus largement, tous les gestionnaires de la restauration collective, y compris les restaurants d'entreprise.

Votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption de cet article.

Article 11 quinquies - Rapport au Parlement sur l'extension des objectifs fixés par l'article 11 aux opérateurs de restauration collective privée

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, inséré en commission à l'Assemblée nationale, prévoit que le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur l'opportunité d'étendre les dispositions de l'article 11 à la restauration collective privée.

I. Le droit en vigueur

Comme décrit au commentaire de l'article 11, les gestionnaires publics et privés de services de restauration collective des établissements scolaires et universitaires , des établissements d'accueil d'enfants de moins de six ans , d'établissements sociaux et médico-sociaux , des établissements de santé et des établissements pénitentiaires sont soumis aux obligations prévues par l'article L. 230-5 du code rural et de la pêche maritime : garantir la qualité nutritionnelle des repas servis, privilégier les produits de saison, publier une charte rassemblant les règles relatives à la qualité nutritionnelle des repas.

Ces obligations ne s'étendent donc pas à la restauration collective d'entreprise, qui est néanmoins soumise à des règles d'hygiène principalement définies par l'arrêté du 8 octobre 2013 relatif aux règles sanitaires applicables aux activités de commerce de détail, d'entreposage et de transport de produits et denrées alimentaires.

Pourtant, la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt a prévu que le programme national pour l'alimentation doit comporter « des actions à mettre en oeuvre pour l'approvisionnement de la restauration collective, publique comme privée, en produits agricoles de saison ou en produits sous signes d'identification de la qualité et de l'origine, notamment issus de l'agriculture biologique » .

En revanche, l'article 11 du présent projet de loi, tel que modifié en commission, fixe une obligation pour les personnes morales de droit public gestionnaires de restaurants collectifs, quel que soit le mode de gestion retenu, ainsi qu'aux personnes morales de droit privé gestionnaires de restaurants collectifs scolaires et universitaires, d'établissements d'accueil des enfants de moins de six ans et d'établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, d'atteindre au 1 er janvier 2022, une part de 20 % de produits issus de l'agriculture biologique et de 50 % de produits sous signe de qualité d'une manière générale, dont les produits bio.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été inséré en commission à l'initiative de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable : il prévoit un rapport du Gouvernement remis au Parlement au plus tard le 31 décembre 2020 sur l'opportunité d'appliquer les objectifs de l'article 11 du présent projet de loi aux opérateurs de restauration collective du secteur privé .

En séance publique, deux amendements ont été adoptés :

- un amendement rédactionnel du rapporteur de la commission des affaires économiques ;

- un amendement de coordination de la rapporteure pour avis qui tire les conséquences de l'extension des règles relatives à la composition des repas servis dans la restauration collective des personnes publiques à certains opérateurs privés, à savoir ceux qui gèrent des restaurants collectifs scolaires et universitaires, des établissements d'accueil d'enfants de moins de six ans, des établissements de santé, des établissements sociaux et médico-sociaux.

Le rapport devra donc viser l'opportunité d'étendre ces règles à la restauration d'entreprise .

III. La position de votre commission

Votre rapporteur pour avis s'est interrogé sur la question d'étendre ou non les obligations de l'article 11 à la restauration collective d'entreprise .

Il a finalement, au fil de ces auditions, été convaincu de ne pas aller plus loin à ce stade pour attendre, dans un premier temps, que l'offre de produits issus de l'agriculture biologique et de qualité se structure sur tous les territoires .

Il a en outre été alerté sur les éventuelles difficultés juridiques d'une telle extension, notamment au regard du respect de la liberté d'entreprendre.

En revanche, il estime qu'il conviendra de franchir cette étape supplémentaire à moyen terme et a donc proposé à votre commission un amendement qu'elle a adopté ( COM-418 ) précisant que le rapport prévu par le présent article étudie également les éventuels obstacles juridiques à une telle extension.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article, sous réserve de l' adoption de son amendement.

Article 11 septies A (article L. 115-1 [nouveau] du code de la consommation) - Affichage environnemental des denrées alimentaires

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, inséré en séance publique à l'Assemblée nationale, rend obligatoire, à compter du 1 er janvier 2023, une information à caractère environnemental sur certaines catégories de denrées alimentaires.

I. Le droit en vigueur

Les règles d'étiquetage des denrées alimentaires sont définies au niveau européen par le règlement n° 1169/2011 du 25 octobre 2011 concernant l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires et au niveau national par le décret n° 2014-1489 du 11 décembre 2014 modifiant le code de la consommation en ce qui concerne notamment l'information des consommateurs sur les denrées alimentaires et le décret n° 2015-447 du 17 avril 2015 relatif à l'information des consommateurs sur les allergènes et les denrées alimentaires non préemballées.

Les denrées alimentaires préemballées (c'est-à-dire ayant été conditionnées dans un emballage avant sa présentation à la vente) sont soumises à une réglementation spécifique :

- l'étiquetage doit faire figurer un certain nombre d'informations renseignant objectivement le consommateur et rédigées au moins en français ;

- l'étiquetage doit être loyal et précis et ne pas induire le consommateur en erreur.

Ces denrées préemballées doivent faire figurer un certain nombre de mentions obligatoires : la dénomination de vente, l'origine si son omission risque d'induire le consommateur en erreur, la liste des ingrédients avec les allergènes en relief, la quantité de certains ingrédients, la quantité nette du produit en volume ou masse, la date de consommation pour les denrées périssables, ou encore le numéro du lot de fabrication et la déclaration nutritionnelle.

Certaines mentions, comme « pur », « biologique », « fermier », « paysan », etc, sont également réglementées.

Pour les denrées alimentaires non préemballées (c'est-à-dire présentées à la vente en vrac ou non emballées), un panneau doit être placé à proximité du produit avec les informations suivantes :

- dénomination de vente ;

- présence d'allergènes ;

- état physique du produit ;

- prix de vente.

L'article 39 du règlement européen prévoit que les États membres peuvent adopter des mesures exigeant des mentions obligatoires complémentaires , pour des types ou des catégories spécifiques de denrées alimentaires, justifiées par au moins une des raisons suivantes :

- protection de la santé publique ;

- protection des consommateurs ;

- répression des tromperies ;

- protection de la propriété industrielle et commerciale, des indications de provenance ou des appellations d'origine enregistrées, et répression de la concurrence déloyale.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été introduit en séance publique à l'initiative de Barbara Pompili (LaREM), présidente de la commission du développement durable. Il crée un nouveau chapitre dans le livre I er du titre I er du code de la consommation relatif à l'affichage environnemental des denrées alimentaires .

Ce nouvel article L. 115-1 prévoit qu'à partir du 1 er janvier 2023 , les informations suivantes doivent obligatoirement figurer sur certaines catégories de denrées alimentaires mises sur le marché sur le territoire français :

- « nourri aux OGM » pour les denrées alimentaires animales ou d'origine animale issues d'animaux nourris avec des organismes génétiquement modifiés ;

- le mode d'élevage pour les denrées alimentaires animales ou d'origine animale ;

- l'origine géographique pour les denrées alimentaires animales ou d'origine animale ;

- le nombre de traitements par des produits phytosanitaires sur les fruits et légumes frais.

Il est en outre prévu qu'un décret en Conseil d'État doit préciser les conditions d'application de ce nouvel article.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur pour avis a rappelé à votre commission qu'une des demandes sociétales les plus fortes exprimée lors des États généraux de l'alimentation porte sur l'information des consommateurs . Les consommateurs souhaitent davantage de qualité mais aussi davantage de transparence quant à leur alimentation.

L'article 11 septies A est un des seuls articles du projet de loi à reprendre cette attente forte des consommateurs français.

Votre rapporteur pour avis s'est montré sceptique sur le dispositif adopté à l'Assemblée nationale : sa conformité au droit communautaire et sa faisabilité technique posent question. En outre, il a indiqué qu'il convenait de veiller à ce que nos filières ne soient pas pénalisées par un affichage auquel les produits étrangers concurrents ne seraient pas soumis.

Néanmoins, il a considéré qu'il importait que le débat ait lieu et que votre commission continue à travailler sur ce sujet et à faire avancer cette problématique essentielle pour notre société.

Il a ainsi proposé à votre commission d'adopter une nouvelle rédaction de cet article ( COM-419 ), prévoyant un dispositif allégé et facultatif .

Ce dispositif prévoit, toujours à l'échéance du 1 er janvier 2023, une information à caractère environnemental pour certaines catégories de denrées alimentaires , qui seront fixées par un décret après avoir fait l'objet d'une concertation avec les différents acteurs concernés. Cette information « pourra » notamment porter , là aussi dans des conditions définies par décret, sur la nature des protéines ayant servi à nourrir les animaux dont sont issues les denrées alimentaires, sur le mode d'élevage, comme certains signes d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO) permettent déjà de le déterminer, sur l'origine géographique ou encore sur la nature des traitements appliqués pour les fruits et légumes.

Pour toutes ces informations, il conviendra de vérifier, dans le cadre du décret, leur conformité à la réglementation européenne, et notamment au règlement n°1169/2011 qui prévoit une possibilité d'étiquetage si la protection de la santé publique et la protection des consommateurs le justifient, mais aussi leur pertinence au cas par cas pour apprécier la qualité sanitaire des denrées.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article, sous réserve de l'adoption de son amendement.

Article 11 septies B - Rapport au Parlement sur la définition de la durée de vie d'un produit alimentaire

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, inséré en séance publique à l'Assemblée nationale, prévoit que le Gouvernement remet un rapport au Parlement sur la définition de la durée de vie d'un produit alimentaire et la répartition des responsabilités afférentes à cette durée de vie.

I. Le droit en vigueur

La notion de « durée de vie » d'un produit alimentaire n'est pas clairement définie par le droit en vigueur.

L'article 9 du règlement n° 1169/2011 du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 concernant l'information du consommateur sur les denrées alimentaires indique que doivent notamment figurer sur l'étiquetage d'un produit alimentaire préemballé :

- la date de durabilité minimale (DDM) , qui n'a pas de caractère « impératif » (« à consommer de préférence avant le ») et qui concerne des produits qui, une fois la date dépassée, ne présentent pas de danger sanitaire immédiat, mais peuvent perdre des qualités spécifiques ;

- ou la date limite de consommation (DLC) , qui indique une date limite « impérative » (« à consommer jusqu'au ») pour des denrées qui, après une courte période, sont susceptibles de présenter un danger immédiat pour la santé humaine

- ainsi que les conditions particulières de conservation.

En outre, l'article 24 du même règlement prévoit que, dans le cas de denrées alimentaires microbiologiquement très périssables, et qui, de ce fait, sont susceptibles, après une courte période, de présenter un danger immédiat pour la santé humaine, la DDM est remplacée par la DLC.

Le règlement prévoit en outre que le choix entre une DLC et une DDM et celui de la durée indiquée incombent à l'opérateur qui appose son nom sur le produit sur la base d'une analyse de risque.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été introduit en séance publique à l'initiative de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et des députés Bertrand Pancher (UDI, Agir et Indépendants) et Guillaume Garot (Nouvelle Gauche).

Il prévoit la remise d'un rapport sur la définition de la durée de vie d'un produit alimentaire et la répartition des responsabilités afférentes à cette durée de vie, afin de s'assurer que les durées sont fixées par les professionnels de l'alimentation de manière harmonisée et pertinente.

Le rapport propose aussi une évaluation des obligations en matière d'affichage des durées de conservation des produits alimentaires. Il formule des recommandations afin d'améliorer la lisibilité des mentions actuellement utilisées et évalue l'opportunité de limiter l'affichage de la date de durabilité minimale à un nombre plus restreint de produits.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur pour avis estime que la question d'une meilleure lisibilité des dates limites de consommation est fondamentale et source potentielle d'une réduction importante du gaspillage alimentaire.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 11 nonies B (article L. 640-1 du code rural et de la pêche maritime) - Ajout de la promotion des produits n'ayant pas contribué à la déforestation importée dans les objectifs de la politique conduite dans le domaine de la qualité et de l'origine des produits agricoles, forestiers ou alimentaires

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, inscrit la promotion des produits n'ayant pas contribué à la déforestation importée dans les objectifs de la politique conduite dans le domaine de la qualité et de l'origine des produits agricoles, forestiers ou alimentaires.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 640-1 du code rural et de la pêche maritime définit les objectifs de la politique conduite dans le domaine de la qualité et de l'origine des produits agricoles, forestiers ou alimentaires et des produits de la mer :

- promouvoir la diversité des produits et l'identification de leurs caractéristiques , ainsi que leur mode de production ou leur origine, pour renforcer l'information des consommateurs et satisfaire leurs attentes ;

- renforcer le développement des secteurs agricoles, halieutiques aquacoles, forestiers et alimentaires et accroître la qualité des produits par une segmentation claire du marché ;

- fixer sur le territoire la production agricole, forestière ou alimentaire et assurer le maintien de l'activité économique notamment en zones rurales défavorisées par une valorisation des savoir-faire et des bassins de production ;

- répartir de façon équitable les fruits de la valorisation des produits agricoles, aquacoles, forestiers ou alimentaires et des produits de la mer entre les producteurs, les transformateurs et les entreprises de commercialisation.

Le sujet de la déforestation importée avait été évoqué lors des débats sur la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. L'article 47 de la loi prévoyait que « l'Etat se fixe comme objectif de proposer, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un dispositif prévoyant un traitement de la fiscalité sur les huiles végétales destinées, en l'état ou après incorporation dans tous produits, à l'alimentation humaine, qui, d'une part, soit simplifié, harmonisé et non discriminatoire et, d'autre part, favorise les huiles produites de façon durable, la durabilité étant certifiée sur la base de critères objectifs ». Cette disposition visait plus particulièrement à faire évoluer la fiscalité sur l'huile de palme , au regard de la déforestation induite par la culture du palmier dans plusieurs pays d'Asie du Sud-Est.

Toutefois, cette disposition n'a pas donné lieu à une évolution de la fiscalité dans les six mois suivant la promulgation de la loi. Lors du bilan annuel d'application des lois, le Gouvernement avait indiqué à votre commission ne pas prévoir à court terme de mesures fiscales sur les huiles végétales, renvoyant aux initiatives en cours à la suite du plan climat.

L'axe n° 15 du plan climat , publié par le Gouvernement le 6 juillet 2017, prévoit en effet de mettre fin à l'importation en France de produits contribuant à la déforestation dans des pays étrangers. Dans le cadre de ce plan, une stratégie nationale visant à mettre fin à l'importation de produits forestiers ou agricoles contribuant à la déforestation doit être publiée par le Gouvernement d'ici l'été 2018.

AXE N° 15 DU PLAN CLIMAT

« Mettre fin à l'importation en France de produits contribuant à la déforestation »

« Au-delà de son engagement pour la gestion durable de ses forêts, en métropole comme en Guyane, la France a rejoint un certain nombre d'initiatives visant à réduire l'impact sur la déforestation de sa consommation de produits forestiers ou agricoles (bois, huile de palme, soja, coton, hévéa, cacao) : déclarations d'Amsterdam, de New York, qui visent des approvisionnements 100 % durables. Concernant la biomasse utilisée comme énergie, une révision de la directive sur les critères de durabilité des biocarburants est en cours d'élaboration : la France soutiendra une approche ambitieuse.

Les entreprises françaises figurent parmi les premiers acheteurs de commodités forestières et agricoles, elles ont donc une responsabilité particulière. Pour aller plus loin et parvenir à mettre fin à la déforestation importée en France, nous publierons d'ici mars 2018 une stratégie nationale pour mettre fin à l'importation de produits forestiers ou agricoles importés contribuant à la déforestation - y compris le changement d'affectations des sols indirect - contenant des propositions de nature réglementaires, fiscales, des engagements volontaires, des bonnes pratiques et des modifications de la commande publique. La France assurera la présidence des Déclarations d'Amsterdam au premier semestre 2018 et jouera un rôle moteur pour promouvoir un tel engagement à l'échelle européenne. »

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 11 nonies B a été inséré en séance publique, par l'adoption d'amendements identiques de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, de Delphine Batho (Nouvelle Gauche) et de Monique Limon (LaREM).

Il complète l'article L. 640-1 du code rural et de la pêche maritime par l'objectif suivant : « promouvoir les produits n'ayant pas contribué à la déforestation importée ».

III. La position de votre commission

Tout en relevant les incertitudes relatives à la notion de déforestation importée et les difficultés qui peuvent en résulter pour mettre en oeuvre des mesures précises afin de réduire l'impact environnemental des produits importés en France, votre rapporteur a proposé à votre commission de maintenir cet article sans modification.

Réduire la déforestation dans les pays produisant des denrées ou des ressources importées massivement en Europe contribuera en effet à plusieurs objectifs environnementaux essentiels : la protection de la biodiversité, la lutte contre le réchauffement climatique, la préservation des paysages ou encore la prévention des risques naturels.

Votre rapporteur forme le voeu que la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée, prochainement publiée par le Gouvernement, permette d'apporter des réponses concrètes à ce problème environnemental majeur, hors du territoire national mais pour lequel la France peut agir, par la valorisation des importations ayant une moindre empreinte environnementale ainsi qu'en travaillant à l'amélioration des pratiques agricoles à l'étranger, en partenariat avec les producteurs et les autorités des pays concernés.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 11 undecies (article L. 1 du code rural et de la pêche maritime) - Objectifs de la politique en faveur de l'agriculture, de l'alimentation et de la pêche maritime

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, inséré en commission à l'Assemblée nationale, modifie l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, relatif aux objectifs de la politique en faveur de l'agriculture, de l'alimentation et de la pêche maritime.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime , continuellement enrichi et modifié par les lois agricoles :

- fixe les objectifs de la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation, dans ses dimensions internationale, européenne, nationale et territoriale ;

- fixe l'objectif de promotion et de pérennisation des systèmes de production agroécologiques ;

- pose le principe de la garantie, par l'État, de la sécurité sanitaire de l'alimentation ;

- définit l'outil de politique publique que constitue le programme national de l'alimentation ;

- détermine les objectifs de la politique d'installation et de transmission en agriculture ;

- fixe le principe d'une prise en compte, par la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation, de la spécificité des territoires ultramarins, des territoires de montagne et des zones humides.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article est issu de l'adoption de sept amendements par la commission des affaires économiques qui, tous, modifient l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime .

Ces modifications touchent plusieurs sujets.

1. L'objectif d'affectation de 15 % de la surface agricole utile à l'agriculture biologique

À l'initiative de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de Monique Limon et des membres du groupe LaREM, le présent article modifie le I de l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime relatif aux objectifs de la politique d'alimentation et d'agriculture, afin d'y insérer le nouvel objectif d'affectation de 15 % de la surface agricole utile (SAU) à l'agriculture biologique à l'horizon du 31 décembre 2022 .

2. Retour de la valeur aux agriculteurs en matière de valorisation énergétique

À l'initiative de Monique Limon (LaREM) et de Marc Fesneau (Modem), le présent article complète l'objectif de « concourir à la transition énergétique » fixé pour la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation par le 12° du I afin de préciser que la valorisation énergétique des sous-produits d'origine agricole et alimentaire s'inscrit dans une perspective d'économie circulaire, mais aussi de « retour de la valeur aux agriculteurs ».

3. Indépendance alimentaire de la France

À l'initiative du rapporteur, le présent article ajoute un objectif à la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation : la promotion de l'indépendance alimentaire de la France à l'international , « en préservant son modèle agricole ainsi que la qualité et la sécurité de son alimentation » .

4. Culture générale de l'alimentation

À l'initiative de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de Monique Limon (LaREM), le présent article ajoute un autre objectif à la politique en faveur de l'agriculture et de l'alimentation : favoriser l'acquisition pendant l'enfance et l'adolescence d'une culture générale de l'alimentation soulignant les enjeux culturels, environnementaux, économiques et de santé publique liés aux choix alimentaires.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur pour avis souligne que ces ajouts vont dans le sens d'une meilleure prise en compte des enjeux d'une alimentation plus durable en France. Il soutient tout particulièrement l'objectif d'affectation de 15 % de la surface agricole utile à l'agriculture biologique à l'horizon 2022. Il s'agit d'un objectif complémentaire aux objectifs fixés par l'article 11 à la restauration collective afin de favoriser une montée en puissance des filières locales bio sur les territoires.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 11 duodecies (article L. 611-6 du code rural et de la pêche maritime) - Certification des démarches agroécologiques

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, inséré en commission à l'Assemblée nationale, complète la définition de la certification « haute valeur environnementale » pour en faire une des mentions valorisantes de la démarche agroécologique.

I. Le droit en vigueur

Issu du Grenelle de l'environnement, l'article L. 611-6 du code rural et de la pêche maritime met en place un système de certification environnementale des exploitations agricoles utilisant des modes de production particulièrement respectueux de l'environnement .

Cette certification comporte plusieurs niveaux d'exigences environnementales . Seul le niveau le plus élevé , qui repose sur le respect d'indicateurs de performance environnementale, ouvre droit à la mention « exploitation de haute valeur environnementale » (HVE).

Les décrets n° 2011-694 du 20 juin 2011 et n° 2016-2011 du 30 décembre 2016 relatifs à la certification environnementale des exploitations agricoles ont précisé les conditions que doivent remplir les exploitations pour pouvoir être certifiées en niveau deux ou en niveau trois, ainsi que les modalités de reconnaissance des démarches déjà engagées. Ils ont également défini les modalités de contrôle des exploitations ainsi que les modalités d'agrément des organismes certificateurs chargés de ce contrôle.

1. Ainsi, pour pouvoir demander une certification environnementale, l'exploitation agricole doit atteindre un premier niveau d'exigence environnementale (article D. 617-2 du code rural et de la pêche maritime), considéré comme atteint dès lors que :

- l'exploitant a réalisé un bilan démontrant que son exploitation satisfait aux exigences de l'article 93 du règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatives à l'environnement, au changement climatique, à la santé végétale et, si l'exploitation y est soumise au titre de ce règlement, aux bonnes conditions agricoles et environnementales des terres ;

- l'exploitant a réalisé une évaluation au regard du référentiel de deuxième niveau ou au regard des seuils de performance environnementale de troisième niveau.

Ce premier niveau correspond ainsi à la mise en oeuvre de bonnes pratiques agricoles .

2. La certification de deuxième niveau (article D. 617-3 du code rural et de la pêche maritime), dénommée « certification environnementale de l'exploitation » , atteste du respect par l'ensemble de l'exploitation agricole des exigences environnementales figurant dans un référentiel établi par un arrêté du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de l'environnement. Ces exigences visent notamment à :

- identifier et protéger, sur l'exploitation, les zones les plus importantes pour le maintien de la biodiversité ;

- adapter l'utilisation des produits phytopharmaceutiques en fonction de la cible visée ;

- stocker les fertilisants et en raisonner au plus juste les apports afin de répondre aux besoins des plantes, de garantir un rendement et une qualité satisfaisants tout en limitant les fuites vers le milieu naturel ;

- optimiser les apports en eau aux cultures en fonction de l'état hydrique du sol et des besoins de la plante.

Ce niveau correspond donc à un effort d'adaptation et d'amélioration des bonnes pratiques agricoles du premier niveau. À ce jour, environ 12 000 exploitations possèdent cette certification de niveau II, c'est-à-dire sont engagées dans une dynamique de progrès environnemental, soit environ 2 % des 450 000 exploitations en France.

3. La certification de troisième niveau (article D. 617-4 du code rural et de la pêche maritime), enfin, permettant l'utilisation de la mention « exploitation de haute valeur environnementale » (HVE) , atteste du respect, pour l'ensemble de l'exploitation agricole, des seuils de performance environnementale portant sur la biodiversité, la stratégie phytosanitaire, la gestion de la fertilisation et de la ressource en eau mesurés :

- soit par des indicateurs composites ;

- soit par des indicateurs globaux.

Ces seuils et indicateurs sont fixés par arrêté du ministre chargé de l'agriculture et du ministre chargé de l'environnement.

L'arrêté du 22 février 2016 modifiant l'arrêté du 20 juin 2011 arrêtant les seuils de performance environnementale relatifs à la certification environnementale des exploitations agricoles et les indicateurs les mesurant fixe ces indicateurs et ces seuils dans une annexe détaillée.

Aujourd'hui, environ 840 exploitations font l'objet d'une certification de niveau III.

Quant à l'agroécologie , elle est évoquée à l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, qui définit les « systèmes de production agroécologiques , dont le mode de production biologique, qui combinent performance économique, sociale, notamment à travers un haut niveau de protection sociale, environnementale et sanitaire » .

II DE L'ARTICLE L. 1 DU CODE RURAL ET DE LA PÊCHE MARITIME

II.- Les politiques publiques visent à promouvoir et à pérenniser les systèmes de production agroécologiques , dont le mode de production biologique, qui combinent performance économique, sociale, notamment à travers un haut niveau de protection sociale, environnementale et sanitaire.

Ces systèmes privilégient l'autonomie des exploitations agricoles et l'amélioration de leur compétitivité, en maintenant ou en augmentant la rentabilité économique, en améliorant la valeur ajoutée des productions et en réduisant la consommation d'énergie, d'eau, d'engrais, de produits phytopharmaceutiques et de médicaments vétérinaires, en particulier les antibiotiques . Ils sont fondés sur les interactions biologiques et l'utilisation des services écosystémiques et des potentiels offerts par les ressources naturelles , en particulier les ressources en eau, la biodiversité, la photosynthèse, les sols et l'air , en maintenant leur capacité de renouvellement du point de vue qualitatif et quantitatif. Ils contribuent à l'atténuation et à l'adaptation aux effets du changement climatique.

L'État encourage le recours par les agriculteurs à des pratiques et à des systèmes de cultures innovants dans une démarche agroécologique. À ce titre, il soutient les acteurs professionnels dans le développement des solutions de biocontrôle et veille à ce que les processus d'évaluation et d'autorisation de mise sur le marché de ces produits soient accélérés.

L'État facilite les interactions entre sciences sociales et sciences agronomiques pour faciliter la production, le transfert et la mutualisation de connaissances, y compris sur les matériels agricoles, nécessaires à la transition vers des modèles agroécologiques, en s'appuyant notamment sur les réseaux associatifs ou coopératifs.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été inséré en commission à l'initiative du député Dominique Potier (Nouvelle Gauche) : il complète l'article L. 611-6 du code rural et de la pêche maritime afin de préciser que la certification environnementale est l'une des « mentions valorisantes de la démarche agroécologique » .

En séance publique, un amendement du rapporteur sous-amendé par Dominique Potier (Nouvelle Gauche) a été adopté afin de r eformuler cet ajout en prévoyant que cette certification « concourt de façon majeure » à la valorisation de la démarche agroécologique.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur pour avis s'est interrogé sur l'impact juridique d'un tel article, qui a été inséré à l'Assemblée nationale afin de contrer, d'après le compte rendu des débats, la recrudescence des labels environnementaux privés et des marques relatives à la nature.

Le député Dominique Potier a ainsi souhaité créer une sorte de label public pour l'agroécologique, en « recyclant la HVE » , introduite au moment du Grenelle de l'environnement.

La mise en place de pratiques agroécologiques permet en effet notamment à une exploitation de respecter les exigences des cahiers des charges relatifs à la certification environnementale de niveaux II et III (qui seuls font l'objet d'une certification par un organisme tiers indépendant). Votre rapporteur pour avis rejoint l'idée qu'il convient de rapprocher les pratiques agroécologiques des exigences des cahiers des charges du dispositif de certification environnementale pour amplifier ces démarches et accroître leur lisibilité.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 11 terdecies A (article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime) - Intégration de dispositions pour répondre aux exigences de la certification environnementale dans les cahiers des charges des signes d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO)

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, inséré en séance à l'Assemblée nationale, prévoit qu'un décret fixe les conditions dans lesquelles les signes d'identification de la qualité et de l'origine intègrent dans leurs cahiers des charges les dispositions pour que les exploitations concernées répondent aux exigences prévues pour faire l'objet d'une certification environnementale.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime prévoit que les produits agricoles, forestiers ou alimentaires et les produits de la mer peuvent bénéficier d'un ou plusieurs « modes de valorisation » . Ces modes de valorisation peuvent être :

- soit des signes d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO) : le label rouge (attestant de la qualité supérieure), l'appellation d'origine, l'indication géographique et la spécialité traditionnelle garantie (attestant la qualité liée à l'origine ou à la tradition) et la mention « agriculture biologique » (attestant la qualité environnementale et le respect du bien-être animal) ;

- soit des mentions valorisantes : la mention « montagne », le qualificatif « fermier » ou la mention « produit de la ferme » ou « produit à la ferme », la mention « produit de montagne », les termes « produit pays » en Guadeloupe, Guyane, Martinique, à la Réunion, à Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Wallis-et-Futuna et la mention « issu d'une exploitation de haute valeur environnementale » ;

- soit une démarche de certification de conformité des produits .

Pour les SIQO, il convient de déposer un dossier de demande de reconnaissance (label rouge, appellation d'origine, indication géographique et spécialité traditionnelle garantie ou mention agriculture biologique) auprès de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) . L'homologation du cahier des charges est faite par arrêté ministériel.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a inséré, en séance publique, un article additionnel à l'initiative du député Dominique Potier (Nouvelle Gauche), afin de prévoir qu'un décret , pris au plus tard le 1 er janvier 2021, devra préciser les modalités selon lesquelles les exigences relatives à la certification environnementale seraient insérées dans les cahiers des charges des SIQO . Ce nouvel article prévoit que la mise en oeuvre de ces cahiers des charges est effective avant le 1 er janvier 2030.

III. La position de votre commission

À ce jour, tous les produits sous signe d'identification de la qualité et de l'origine ne répondent pas forcément à des obligations environnementales. Votre rapporteur pour avis a considéré qu'ils constituaient pourtant un levier essentiel pour favoriser la prise en compte des questions relatives à l'environnement.

Votre commission a adopté un amendement de son rapporteur ( COM-420 ) modifiant l'article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime afin de prévoir que les cahiers des charges des SIQO devaient répondre aux exigences prévues pour faire l'objet d'une certification environnementale.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article, sous réserve de l'adoption de son amendement.

Article 11 quaterdecies - Rapport sur la déforestation importée

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, prévoit la remise au Parlement d'un rapport sur la déforestation importée.

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 11 quaterdecies a été inséré en commission par l'adoption d'un amendement du rapporteur de la commission des affaires économiques.

Il prévoit, dans un délai de six mois suivant la promulgation de la loi, la remise au Parlement d'un rapport sur la définition de la déforestation importée, sur les pratiques agricoles qui y contribuent significativement et sur les pistes à suivre pour les réduire.

L'article 11 quaterdecies n'a pas été modifié en séance publique.

II. La position de votre commission

Jugeant le maintien de cette demande de rapport incohérente avec l'insertion de l'article 11 nonies B et la publication prochaine d'une stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée, et soucieuse de ne pas multiplier les demandes de rapports au Gouvernement, votre commission a adopté l' amendement COM-421 proposé par votre rapporteur en vue de supprimer cet article.

Votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption de cet article.

Article 11 sexdecies - Suspension de la mise sur le marché du dioxyde de titane comme additif alimentaire et des denrées alimentaires en contenant

Objet : cet article, dont la commission des affaires économiques a délégué l'examen au fond à votre commission, prévoit la suspension de la mise sur le marché du dioxyde de titane comme additif alimentaire et des denrées alimentaires contenant cet additif.

I. Le droit en vigueur

1. L'utilisation du dioxyde de titane comme additif alimentaire est susceptible de présenter des risques pour la santé humaine

Au niveau national, l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) a publié le 20 janvier 2017 une étude conjointe identifiant sur l'animal des risques sanitaires résultant de l'exposition orale au dioxyde de titane comme additif alimentaire (E171) 10 ( * ) . Cet additif, constitué d'un mélange de micro et de nanoparticules, est utilisé de façon courante par l'industrie agro-alimentaire, notamment en confiserie. Ces travaux relèvent en particulier « un effet initiateur et promoteur des stades précoces de la cancérogénèse colorectacle ». L'étude souligne toutefois que de tels résultats ne permettent pas d'extrapoler ces conclusions pour l'être humain et pour des stades plus avancés de la pathologie.

Dans un avis publié au mois d'avril 2017, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) relève que, si les résultats présentés par l'Inra ne permettent pas, à ce stade, de remettre en cause la réévaluation du E171 publiée par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) en juin 2016, cette publication met en évidence des effets qui n'avaient pas été identifiés auparavant , notamment des effets promoteurs potentiels de la cancérogenèse.

Par conséquent, l'Agence souligne la nécessité de conduire des études complémentaires pour mieux caractériser les dangers associés au E171 . De telles études doivent permettre de statuer sur les effets observés et d'établir une dose journalière admissible pour le E171. La France a par ailleurs sollicité la Commission européenne en vue de réexaminer cette question au niveau européen. Un avis devrait être rendu par l'EFSA d'ici l'été 2018.

2. La possibilité donnée aux pouvoirs publics de suspendre la mise sur le marché d'un produit en cas de danger ou de risque pour la santé humaine

L'article L. 521-17 du code de la consommation permet, en cas de danger grave ou immédiat , au ministre chargé de la consommation et aux ministres intéressés de suspendre par arrêté la fabrication, l'importation, l'exportation, la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux d'un produit et de faire procéder à son retrait en tous lieux où il se trouve ou à sa destruction lorsque celle-ci constitue le seul moyen de faire cesser le danger. Peuvent également être ordonnés la diffusion de mises en garde ou de précautions d'emploi ainsi que le rappel en vue d'un échange, d'une modification ou d'un remboursement total ou partiel.

Les produits concernés peuvent être remis sur le marché lorsqu'ils ont été reconnus conformes à la réglementation en vigueur.

Le ministre chargé de la consommation et les ministres intéressés entendent sans délai les professionnels concernés et au plus tard quinze jours après qu'une décision de suspension a été prise. Ils entendent également les associations nationales agréées de défense des consommateurs.

L'arrêté doit par ailleurs préciser les conditions dans lesquelles les frais afférents aux dispositions de sécurité à prendre seront mis à la charge des fabricants, importateurs et distributeurs.

Ces mesures sont arrêtées pour une durée n'excédant pas un an mais peuvent être reconduites , selon la même procédure, pour des périodes supplémentaires dont chacune ne dépasse pas un an.

En matière de sécurité alimentaire, des modalités spécifiques de suspension de la mise sur le marché des produits sont prévues par le règlement (CE) n° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptions générales de la législation alimentaire, instituant l'Autorité européenne de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires.

Les articles 53 et 54 du règlement donnent à la Commission européenne et aux Etats membres la possibilité d'intervenir en cas de risque sérieux pour la santé humaine , la santé animale ou l'environnement en raison de denrées alimentaires ou d'aliments pour animaux d'origine communautaire ou importés d'un pays tiers.

L' article 53 prévoit, lorsque ce risque ne peut être maîtrisé de façon satisfaisante par le biais de mesures prises par le ou les États membres concernés, que la Commission arrête sans délai, de sa propre initiative ou à la demande d'un État membre, en fonction de la gravité de la situation, des mesures de suspension de la mise sur le marché ou de l'utilisation du produit en question, des conditions particulières ou toute autre mesure conservatoire appropriée.

Ces mesures sont arrêtées selon la procédure de comitologie prévue à l'article 58 paragraphe 2 du règlement. Toutefois, dans des situations d'urgence, la Commission peut, à titre provisoire, arrêter ces mesures après avoir consulté les États membres concernés et informé les autres États membres.

L' article 54 prévoit qu' un Etat membre peut , après avoir informé officiellement la Commission de la nécessité de prendre des mesures d'urgence et en l'absence de mesures prises par la Commission en application de l'article 53, prendre des mesures conservatoires . Dans ce cas, il en informe immédiatement les autres États membres et la Commission.

Dans un délai de dix jours ouvrables, la Commission doit alors saisir le comité permanent de la chaîne alimentaire et de la santé animale, prévu par l'article 58, paragraphe 1 du règlement, en vue de proroger, modifier ou abroger les mesures conservatoires nationales. L'État membre concerné peut maintenir les mesures conservatoires qu'il a prises jusqu'à l'adoption de mesures communautaires.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 11 sexdecies a été inséré en commission par l'adoption d'amendements identiques de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire et de Matthieu Orphelin (LaREM), modifiés par un sous-amendement du rapporteur de la commission des affaires économiques.

Il suspend, à compter du 1 er juin 2020, l'utilisation du dioxyde de titane dans les denrées alimentaires jusqu'à ce que le Gouvernement en ait autorisé la reprise après avis de l'Anses, en s'appuyant sur le principe de précaution.

En séance publique, l'article 11 sexdecies a été réécrit par l'adoption d'un amendement du Gouvernement.

Il prévoit désormais qu'en application du règlement (CE) n° 178/2002 et de l'article L. 521-17 du code de la consommation, le Gouvernement prend les mesures réglementaires visant à la suspension de la mise sur le marché de cet additif alimentaire ainsi que des denrées alimentaires en contenant, sans imposer d'échéance. L'article prévoit toutefois la remise au Parlement d'un rapport au plus tard le 1 er janvier 2019 sur les mesures ainsi prises, en incluant les usages « grand public » du dioxyde de titane.

III. La position de votre commission

Compte tenu des risques sanitaires du dioxyde de titane identifiés sur l'animal, de la finalité strictement esthétique de cet additif alimentaire ainsi que des interrogations plus générales sur les risques associés aux nanoparticules, votre commission estime qu'une suspension de la mise sur le marché de ce produit dans l'attente de connaissances plus précises peut être justifiée, et constitue une application proportionnée du principe de précaution , prévu à l'article 5 de la Charte de l'environnement.

Votre commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article sans modification.

Article 11 octodecies (article L. 225-102-1 du code de commerce) - Informations fournies dans le cadre de la responsabilité sociétale des entreprises

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, inséré en commission à l'Assemblée nationale, vise à compléter les informations fournies par les entreprises dans le cadre de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE).

I. Le droit en vigueur

L'article L. 225-102-1 du code de commerce fixe le cadre juridique de ce que l'on appelle la « responsabilité sociétale des entreprises » (RSE) , définie par la Commission européenne comme « la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu'elles exercent sur la société » .

L'article 116 de la loi du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques (dite « loi NRE ») prévoit pour la première fois que les entreprises cotées en bourse indiquent dans leur rapport annuel une série d'informations relatives aux conséquences sociales et environnementales de leurs activités . Il introduit ainsi au sein de l'article L. 225-102-1 du code de commerce une obligation pour les entreprises de préciser dans leur rapport de gestion la manière dont elles prennent en compte les impacts sociaux et environnementaux de leur activité. Mais seules les entreprises ayant recours à l'épargne sur le marché réglementé étaient alors concernées par cette disposition.

L'article 53 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement établit que « la qualité des informations sur la manière dont les sociétés prennent en compte les conséquences sociales et environnementales de leur activité et l'accès à ces informations constituent des conditions essentielles de la bonne gouvernance des entreprises » . L'État est ainsi tenu de développer l'information sociale et environnementale communiquée par les entreprises à l'attention de leurs parties prenantes, d'impliquer les institutions représentatives du personnel dans les discussions sur les enjeux, de soutenir le développement de labels permettant de donner une reconnaissance aux bonnes pratiques sociales et environnementales des entreprises ou encore d'assurer la promotion de l'investissement socialement responsable.

Dans le prolongement de ces engagements, la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement a complété l'article L. 225-102-1 du code de commerce afin d'étendre les obligations de la loi NRE.

L'obligation de publier les informations sociales et environnementales incombe désormais aux sociétés cotées ainsi qu'aux sociétés dépassant les seuils, fixés par décret 11 ( * ) , de 500 salariés et de 100 millions d'euros de total de bilan ou de chiffre d'affaires net .

En outre, ces informations soumises à publication doivent faire l'objet d'une vérification par un « organisme tiers indépendant » .

Récemment, l'article 216 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté a habilité le Gouvernement à procéder par ordonnance à la transposition de la directive 2014/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2014 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d'informations non financières et d'informations relatives à la diversité par certaines grandes entreprises et certains groupes .

Cette directive prévoit que les sociétés et groupes de sociétés employant au moins 500 salariés doivent inclure dans le rapport de gestion une « déclaration non financière comprenant des informations, dans la mesure nécessaire à la compréhension de l'évolution des affaires, des performances, de la situation de l'entreprise et des incidences de son activité, relatives au moins aux questions environnementales, aux questions sociales et de personnel, de respect des droits de l'homme et de lutte contre la corruption » . Elle prévoit également que cette déclaration non financière doit comporter certaines autres informations particulières, notamment « une description des politiques appliquées par l'entreprise en ce qui concerne ces questions, y compris les procédures de diligence raisonnable mises en oeuvre » ainsi que « les résultats de ces politiques » .

L'ordonnance n° 2017-1180 du 19 juillet 2017 relative à la publication d'informations non financières par certaines grandes entreprises et certains groupes d'entreprises a ainsi modifié l'article L. 225-102-1 du code de commerce afin de transposer ces exigences européennes de « reporting ».

Le III de l'article L. 225-102-1 prévoit désormais que cette « déclaration de performance extra-financière » doit présenter, « dans la mesure nécessaire à la compréhension de la situation de la société, de l'évolution de ses affaires, de ses résultats économiques et financiers et des incidences de son activité » , « des informations sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité, ainsi que, pour les sociétés mentionnées au 1° du I, les effets de cette activité quant au respect des droits de l'homme et à la lutte contre la corruption. La déclaration peut renvoyer, le cas échéant, aux informations mentionnées dans le plan de vigilance prévu au I de l'article L. 225-102-4. »

Il est également précisé que « la déclaration comprend notamment des informations relatives aux conséquences sur le changement climatique de l'activité de la société et de l'usage des biens et services qu'elle produit, à ses engagements sociétaux en faveur du développement durable, de l'économie circulaire et de la lutte contre le gaspillage alimentaire, aux accords collectifs conclus dans l'entreprise et à leurs impacts sur la performance économique de l'entreprise ainsi que sur les conditions de travail des salariés et aux actions visant à lutter contre les discriminations et promouvoir les diversités. »

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été inséré en commission à l'initiative de la commission du développement durable : il complète les informations devant être fournies dans le cadre de la RSE avec les engagements de l'entreprise en faveur du don alimentaire , du respect du bien-être animal et d'une alimentation responsable, équitable et durable .

En séance publique, a été adopté un amendement de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable remplaçant le « don alimentaire » par la notion, plus large, de « lutte contre la précarité alimentaire » (qui inclut le don alimentaire).

Le présent article complète ainsi le deuxième alinéa du III de l'article L. 225-102-1 du code de commerce afin de prévoir que la déclaration extra-financière comprend notamment « des informations relatives aux conséquences sur le changement climatique de l'activité de la société et de l'usage des biens et services qu'elle produit, à ses engagements sociétaux en faveur du développement durable, de l'économie circulaire et de la lutte contre le gaspillage alimentaire, de la lutte contre la précarité alimentaire, du respect du bien-être animal et d'une alimentation responsable, équitable et durable, aux accords collectifs conclus dans l'entreprise et à leurs impacts sur la performance économique de l'entreprise ainsi que sur les conditions de travail des salariés et aux actions visant à lutter contre les discriminations et promouvoir les diversités. »

III. La position de votre commission

Votre rapporteur pour avis n'a pas proposé de modification à cet article. Il a néanmoins souligné que le calendrier n'était pas bien choisi pour apporter des modifications à l'article L. 225-102-1 du code de commerce alors que le décret d'application de l'ordonnance de 2017 12 ( * ) , qui vient d'être pris, commence à peine à être mis en oeuvre par les entreprises.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 11 vicies (article L. 642-9 du code rural et de la pêche maritime) - Représentation des associations agréées de protection de l'environnement au sein des comités nationaux de l'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO)

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, inséré en commission à l'Assemblée nationale, élargit la composition des comités nationaux de l'INAO aux représentants d'associations agréées de protection de l'environnement.

I. Le droit en vigueur

L'Institut national de l'origine et de la qualité (INAO) est un établissement public administratif de l'État chargé de la mise en oeuvre des dispositions législatives et réglementaires relatives aux signes d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO) énumérés au 1° de l'article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime 13 ( * ) .

L'article L. 642-5 du même code liste les missions de cet établissement : instruction des demandes de reconnaissance sous signes officiels, protection des signes et des dénominations, supervision des contrôles des signes officiels, délimitation des zones de production et protection des terroirs, coopération internationale et information sur le dispositif des signes officiels.

Il est organisé en un conseil permanent , des comités nationaux spécialisés dans les différentes catégories de produits valorisés ou les différents signes d'identification de la qualité et de l'origine et un conseil compétent en matière d'agréments et de contrôles (article L. 642-6).

On retrouve ainsi cinq comités nationaux au sein de l'INAO : le comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées, et des boissons spiritueuses, le comité national des AOP laitières, agroalimentaires et forestières, le comité national des indications géographiques protégées, labels rouges et spécialités traditionnelles garanties, le comité national des indications géographiques protégées relatives aux vins et aux cidres et le comité national de l'agriculture biologique.

Ces comités nationaux ont pour mission de proposer la reconnaissance d'un produit sous signe de qualité et d'origine, d'examiner le contenu des cahiers des charges, la conformité à la définition du signe, la définition des points à contrôler et leurs méthodes d'évaluation. Ils étudient et proposent toute mesure de nature à favoriser l'amélioration de la qualité et des caractéristiques des produits. Ils sont dotés, si nécessaire, de comités régionaux.

Ces comités nationaux sont composés de représentants des administrations, de représentants des professionnels investis dans les signes officiels de qualité et d'origine et de personnalités qualifiées assurant notamment la représentation des consommateurs.

L'article R. 642-10 précise cette composition.

ARTICLE R. 642-10 DU CODE RURAL ET DE LA PÊCHE MARITIME

I. - Chaque comité national comprend, outre son président :

1° Un membre de chacun des autres comités nationaux et du conseil chargé des agréments et contrôles ;

2° Des représentants des secteurs de la production, de la transformation ou du négoce des produits relevant de la compétence du comité ;

3° Des représentants de l'administration ;

4° Des personnalités qualifiées, notamment, en matière d'exportation et de distribution ou par leurs capacités d'expertise ainsi que des représentants des consommateurs.

II. - Les représentants des secteurs de la production, de la transformation ou du négoce sont choisis :

1° Pour le comité national des appellations d'origine relatives aux vins et aux boissons alcoolisées, et des boissons spiritueuses : parmi les membres des comités régionaux ;

2° Pour les comités nationaux des appellations d'origine laitières, agroalimentaires et forestières, des indications géographiques protégées, labels rouges et spécialités traditionnelles garanties, et des indications géographiques protégées relatives aux vins et aux cidres : après consultation des organismes de défense et de gestion intéressés, ainsi que, le cas échéant, des organisations professionnelles spécialisées du secteur viticole concernées ;

3° Pour le comité de l'agriculture biologique : après consultation des organismes professionnels agricoles et agroalimentaires intéressés figurant sur une liste arrêtée par le ministre chargé de l'agriculture.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

La commission des affaires économiques a inséré le présent article à l'initiative de la commission du développement durable. Il modifie l'article L. 642-9 du code rural et de la pêche maritime, relatif à la composition des comités nationaux de l'Institut national de l'origine et de la qualité, afin d'y ajouter des représentants d'associations agréées de protection de l'environnement .

En séance publique, un amendement rédactionnel du rapporteur a été adopté visant à préciser les associations de protection de l'environnement agréées au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement.

III. La position de votre commission

Au cours des débats à l'Assemblée nationale, le ministre chargé de l'agriculture a indiqué que les comités de l'INAO comptaient déjà, au titre des personnalités qualifiées représentant les consommateurs, des représentants d'associations de protection de l'environnement.

Néanmoins, il paraît justifié de prévoir explicitement ces représentants dans la composition des comités nationaux, largement investis dans la qualité sanitaire et durable des produits alimentaires.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 11 duovicies - Évaluation du dispositif des projets alimentaires territoriaux (PAT)

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, inséré en commission à l'Assemblée nationale, prévoit la remise au Parlement d'un rapport portant sur l'évaluation des projets alimentaires territoriaux.

I. Le droit en vigueur

L'article 39 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, inséré par le Sénat au cours de la navette parlementaire, a créé les projets alimentaires territoriaux , qui s'appuient sur un diagnostic partagé faisant un état des lieux de la production agricole et alimentaire locale, du besoin alimentaire du bassin de vie, et identifiant les atouts et contraintes socio-économiques et environnementales du territoire (article L. 111-2-2 du code rural et de la pêche maritime).

Élaborés de manière concertée à l'initiative des acteurs d'un territoire , ils visent à donner un cadre stratégique et opérationnel à des actions partenariales répondant à des enjeux sociaux, environnementaux, économiques et de santé.

Ils peuvent mobiliser des fonds publics et privés mais peuvent également générer leurs propres ressources. Comme l'indique le ministère de l'agriculture, les appels à projets du programme national pour l'alimentation, les crédits des collectivités, du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) (en particulier les initiatives Liaison entre action de développement de l'économie rurale LEADER) ou du Fonds européen de développement régional (FEDER) sont des sources de financement possibles.

Source : www.agriculture.gouv.fr

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a inséré le présent article à l'initiative de sa commission du développement durable. Il prévoit la remise d'un rapport au Parlement par le Gouvernement, au plus tard le 1 er janvier 2020, portant sur l'évaluation du dispositif de projet alimentaire territorial . Ce rapport devra présenter un bilan du développement et de la mise en oeuvre du dispositif sur les territoires et détailler les dispositifs mis en place afin de faciliter sa création.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur pour avis souligne l'importance du déploiement des projets alimentaires territoriaux sur tout le territoire, notamment dans la perspective de favoriser les produits locaux et durables. Si 19 projets alimentaires territoriaux sont formalisés aujourd'hui, le ministère chargé de l'agriculture a indiqué à votre rapporteur pour avis que près d'une centaine de projets de ce type émergeaient dans les territoires, sur une grande diversité de thématiques comme la qualité de l'eau, la restauration collective, la nutrition, la lutte contre le gaspillage alimentaire ou encore le changement des pratiques agricoles.

En revanche, un grand nombre d'acteurs concernés par ces projets soulignent le manque de financement dédié mais aussi une faible visibilité , malgré la souplesse d'un dispositif qui permet de coordonner, à l'échelle d'un bassin de vie, plusieurs politiques sectorielles autour de l'alimentation.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 12 (article L. 230-6 du code rural et de la pêche maritime, articles L. 266-1 A et L. 266-1 [nouveaux] du code de l'action sociale et des familles) - Lutte contre la précarité alimentaire

Objet : cet article, dont la commission des affaires économiques a délégué l'examen au fond à votre commission, procède au transfert des dispositions législatives relatives à l'aide alimentaire du code rural et de la pêche maritime vers le code de l'action sociale et des familles.

I. Le droit en vigueur

L'aide alimentaire est aujourd'hui définie à l'article L. 230-6 du code rural et de la pêche maritime : « L'aide alimentaire a pour objet la fourniture de denrées alimentaires aux personnes les plus démunies. Cette aide est apportée tant par l'Union européenne que par l'État ou toute autre personne morale » .

C'est l'article 1 er de la loi n° 2010-874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l'agriculture et de la pêche qui a défini et encadré le régime juridique de l'aide alimentaire, qui était mise en oeuvre depuis 1987 par le biais du Programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD) , supprimé en 2014 au profit du Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) , et via des crédits nationaux dédiés.

L'aide alimentaire bénéficie donc aujourd'hui de financements publics via l'Union européenne (FEAD), l'État (action 14 du programme 304) et les collectivités territoriales, et privés sous la forme de dons en nature par les producteurs agricoles, les industriels de l'agroalimentaire, les distributeurs et les particuliers et de dons financiers par les fondations et les particuliers. À cela s'ajoute le système de défiscalisation des dons de denrées à des associations d'aide alimentaire.

MONTANT DE L'AIDE ALIMENTAIRE EN 2018

Pour 2018 , selon les informations transmises à votre rapporteur par les services du ministère de l'agriculture, l'aide alimentaire bénéficie de 85,5 millions d'euros provenant du FEAD , de 8,2 millions d'euros provenant des crédits nationaux aux épiceries sociales , de 12,3 millions d'euros de dotations aux services déconcentrés pour le soutien à l'activité locale de l'aide alimentaire et de 4,5 millions d'euros de subventions versées aux associations têtes de réseau .

Avant 2010, la politique d'aide alimentaire était mise en oeuvre par l'établissement public France Agrimer , qui mettait les denrées alimentaires acquises à disposition d'associations qui assuraient ensuite la gestion et la distribution des stocks. Quatre associations avaient été désignées par le Gouvernement pour assurer cette mission : la Fédération française des banques alimentaires, les Restos du Coeur, la Croix Rouge française et le Secours populaire français. Mais aucune base juridique n'encadrait la procédure de désignation de ces associations, ni leurs conditions d'intervention .

La loi de 2010 a donc comblé un vide juridique en créant l'article L. 230-6 du code rural et de la pêche maritime afin notamment de rendre l'aide alimentaire plus efficace via des objectifs de couverture large du territoire et de continuité du service.

Afin de pouvoir recevoir des contributions publiques, les personnes morales de droit public ou de droit privé doivent ainsi désormais être habilitées par l'autorité administrative sur le fondement de plusieurs critères :

- couverture suffisante du territoire ;

- traçabilité physique et comptable des denrées ;

- distribution auprès de tous les bénéficiaires potentiels ;

- respect de bonnes pratiques d'hygiène.

ARTICLE L. 230-6 DU CODE RURAL ET DE LA PÊCHE MARITIME

L'aide alimentaire a pour objet la fourniture de denrées alimentaires aux personnes les plus démunies. Cette aide est apportée tant par l'Union européenne que par l'État ou toute autre personne morale.

Les personnes morales de droit privé constituées sous forme d'associations relevant de la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association qui oeuvrent dans le secteur caritatif peuvent mettre en place un dispositif de stockage privé consistant à acheter des produits alimentaires en période de surproduction agricole pour les entreposer et les redistribuer ensuite aux personnes les plus démunies.

Seules des personnes morales de droit public ou des personnes morales de droit privé habilitées par l'autorité administrative, pour une durée et selon des conditions et modalités fixées par décret en Conseil d'État, peuvent recevoir des contributions publiques destinées à la mise en oeuvre de l'aide alimentaire.

Les conditions fixées par décret en Conseil d'État doivent notamment permettre de garantir la fourniture de l'aide alimentaire sur une partie suffisante du territoire et sa distribution auprès de tous les bénéficiaires potentiels, d'assurer la traçabilité physique et comptable des denrées et de respecter de bonnes pratiques d'hygiène relatives au transport, au stockage et à la mise à disposition des denrées.

Un décret en Conseil d'État détermine les modalités de collecte et de transmission à l'autorité administrative, par les personnes morales habilitées en application du troisième alinéa, des données portant sur leur activité, sur les denrées distribuées et, une fois rendues anonymes, sur les bénéficiaires de l'aide alimentaire. La collecte et la transmission de ces données s'effectuent dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Le décret n° 2012-63 du 19 janvier 2012 relatif à l'aide alimentaire a précisé ce régime juridique et notamment les conditions devant être remplies par les associations pour être habilitées au niveau national.

Aujourd'hui, 17 personnes morales de droit privé sont habilitées au niveau national à recevoir des contributions publiques pour la mise en oeuvre de l'aide alimentaire :

- l'association des cités du Secours catholique ;

- l'association nationale de développement des épiceries solidaires ;

- la Croix Rouge française ;

- la fédération de l'entraide protestante ;

- la fédération française des banques alimentaires ;

- la fédération nationale des paniers de la mer ;

- la fondation de l'armée du Salut ;

- Imagine 84 ;

- les oeuvres hospitalières françaises de l'ordre de Malte, dites ordre de Malte France ;

- le réseau Cocagne ;

- le refuge ;

- les restaurants du coeur - les relais du coeur ;

- Revivre dans le monde ;

- le secours catholique ;

- le secours populaire français ;

- la société de Saint-Vincent-de-Paul ;

- ADRA France (Adventist Development and Relief Agency).

1 869 associations sont habilitées au niveau régional (antennes locales de ces associations).

II. Le projet de loi initial

L'article 12 s'appuie sur les conclusions des États généraux de l'alimentation, et spécifiquement de leur atelier n° 12 « Lutter contre l'insécurité alimentaire en France et dans le monde » 14 ( * ) .

Il organise le transfert des dispositions législatives relatives à l'aide alimentaire du code rural et de la pêche maritime (l'article L. 230-6 est en conséquence abrogé par le I ) vers le code de l'action sociale et des familles , au sein d'un nouveau chapitre VI , inséré à la fin du titre VI du livre II relatif à la lutte contre la pauvreté et les exclusions, intitulé « Lutte contre la précarité alimentaire » et comportant un nouvel article L. 266-1 .

Le transfert de ces dispositions ne se fait toutefois pas à droit constant : la définition de l'aide alimentaire est modifiée. Le nouvel article L. 266-1 prévoit en effet qu'elle a pour objet la fourniture de denrées alimentaires aux personnes « en situation de vulnérabilité économique ou sociale » - et non plus aux personnes « les plus démunies » - et qu'elle est assortie « de la proposition d'un accompagnement » .

Est en revanche supprimé l'alinéa 2 de l'actuel article L. 230-6 qui prévoit la possibilité pour les associations caritatives de mettre en place un dispositif de stockage privé consistant à acheter des produits alimentaires en période de surproduction agricole pour les entreposer et les redistribuer ensuite. Cette disposition n'apporte en effet aucune plus-value dans la mesure où les associations disposent de dispositifs de stockage non spécifiquement liés aux périodes de surproduction agricole.

Les dispositions relatives au fonctionnement du financement de l'aide alimentaire et aux conditions et modalités devant être fixées par décret sont, elles, transférées sans modification au sein du nouvel article. Le décret du 19 janvier 2012 devra être abrogé. Selon les services du ministère, les premières consultations en interne ont déjà eu lieu pour la rédaction d'un nouveau décret en Conseil d'État. Les consultations seront ensuite menées avec les acteurs du dispositif, notamment les associations d'aide alimentaire.

Enfin, le III du présent article modifie l'article L. 541-15-5 du code de l'environnement , relatif aux obligations des grandes et moyennes surfaces s'agissant des dons aux associations habilitées en matière d'aide alimentaire : il corrige une erreur de référence en renvoyant au nouvel article L. 266-1 créé par le présent article et harmonise les dénominations retenues dans les deux codes en remplaçant la notion « d'association caritative habilitée » par celle de « personne morale habilitée ».

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

La commission des affaires économiques a adopté trois amendements :

- un amendement, de Monique Limon (LaREM), visant à promouvoir l'aide alimentaire dans les territoires ultramarins ;

- un amendement rédactionnel du rapporteur ;

- un amendement de la commission du développement durable (adopté à l'initiative du Gouvernement) complétant la définition de l'aide alimentaire par celle de la lutte contre la précarité alimentaire , au sein d'un nouvel article L. 266-1 A : elle est définie comme ayant pour objet « d'assurer une alimentation sûre, saine, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante, et de façon digne et durable aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale » .

Ce nouvel article précise que la lutte contre la précarité alimentaire :

- comprend la poursuite des objectifs définis par l'article L.1 du code rural et de la pêche maritime et par les programmes nationaux relatifs à l'alimentation, à la nutrition et à la santé ;

- participe au développement des capacités des personnes à agir pour elles-mêmes et dans leur environnement et se fonde sur la coopération entre l'État et ses établissements publics, les collectivités locales, les acteurs économiques les associations et les personnes concernées.

Il est également précisé que l'aide alimentaire est une composante de la lutte contre la précarité alimentaire.

Ces éléments reprennent les conclusions de l'atelier n° 12 des États généraux de l'alimentation qui préconisait l'introduction d'un article définissant la lutte contre la précarité alimentaire au sein du code de l'action sociale et des familles.

Cet amendement de la commission du développement durable modifie également le III de l'article afin de garantir le maintien du champ actuel des personnes morales habilitées à recevoir les dons des grandes et moyennes surfaces (associations uniquement).

IV. La position de votre commission

Votre rapporteur a pu constater un large consensus entre les différents acteurs sur ces nouvelles définitions. Les associations d'aide alimentaire ont notamment souligné l'importance de la « temporalité » apportée par le fait de viser les personnes « en situation de vulnérabilité » et non plus les personnes « démunies ». Cette définition renvoie à une notion de parcours de vie qui est à prendre en compte pour proposer des dispositifs adéquats, et notamment un accompagnement car l'aide alimentaire ne doit pas se limiter à la fourniture de denrées.

L'introduction d'une définition de la lutte contre la précarité alimentaire permet de poser les contours d'une politique publique et de l'inscrire dans un cadre interministériel .

Votre rapporteur insiste sur l'importance, dans les semaines à venir, d'une position ferme de la France dans le cadre du prochain budget à long terme de l'Union européenne pour la période 2021-2027 et notamment de la proposition de création d'un nouveau Fonds social européen, le FSE+, qui fusionnerait et absorberait plusieurs fonds existants dont le FEAD. Les associations d'aide alimentaire l'ont alerté sur l'importance d'un maintien, au sein de ce futur FSE+ des crédits du FEAD de 2014 au titre des mesures d'inclusion sociale , étant donné l'augmentation importante du nombre de bénéficiaires de l'aide alimentaire.

Il estime en outre que les dispositions du présent projet de loi en matière d'aide alimentaire doivent permettre de donner un écho à une solidarité qui doit impliquer tout le monde au sein de la société.

Votre commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article sans modification.

Article 12 bis AA (nouveau) (article L. 541-15-3 du code de l'environnement) - Extension de la démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire à toute la restauration collective

Objet : cet article, que votre commission propose à la commission des affaires économiques d'insérer, inscrit dans la loi l'extension de l'obligation de mise en oeuvre d'un plan de lutte contre le gaspillage alimentaire fondé sur un diagnostic préalable à tous les gestionnaires de la restauration collective.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 541-15-3 du code de l'environnement , issu de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour une croissance verte, prévoit que l'État et ses établissements publics ainsi que les collectivités territoriales mettent en place, avant le 1 er septembre 2016, une « démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire » au sein des services de restauration collective dont ils assurent la gestion.

II. Les modifications proposées par votre commission

L'article 15 du projet de loi habilite le Gouvernement à prendre des ordonnances sur le sujet du gaspillage alimentaire afin notamment « de modifier la portée de l'article L. 541-15-3 du code de l'environnement pour, d'une part, l'étendre à l'ensemble des opérateurs de la restauration collective et, d'autre part, leur imposer la réalisation d'un diagnostic préalable à la démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire incluant l'approvisionnement durable » .

Votre commission a adopté un amendement COM-422 de votre rapporteur , qui inscrit directement dans la loi cette extension, en prévoyant que tous les gestionnaires de services de la restauration collective doivent mettre en place, avant le 1 er septembre 2020, un plan d'actions visant à lutter contre le gaspillage alimentaire fondé sur un diagnostic préalable . Les modalités de ce diagnostic sont définies par décret.

Votre commission propose à la commission des affaires économiques d'insérer cet article additionnel.

Article 12 bis A (article L. 541-15-7 [nouveau] du code de l'environnement) - Mise à disposition de contenants réutilisables ou recyclables par les restaurants et les débits de boissons à consommer sur place

Objet : cet article, dont la commission des affaires économiques a délégué l'examen au fond à votre commission, inséré en commission à l'Assemblée nationale, prévoit une généralisation de la mise à disposition de contenants réutilisables ou recyclables pour les clients souhaitant emporter les aliments ou boissons non consommés sur place.

I. Le droit en vigueur

À ce jour, aucune disposition de nature législative ou réglementaire n'encadre en France la pratique permettant aux clients des restaurants d'emporter les restes de leur repas, communément appelée dans les pays anglo-saxons le « doggy bag ».

L'État a néanmoins commencé à promouvoir cette pratique , culturellement peu répandue en France. Ainsi, une initiative de promotion du « doggy bag » est conduite depuis 2014 par la direction régionale de l'agriculture, de l'alimentation et de la forêt Rhône-Alpes : ce projet régional « gourmet bag » vise à mettre à disposition des restaurants un kit leur permettant d'apposer des stickers sur des contenants mis à disposition des convives et à leur diffuser de l'information sur cette pratique.

Le rapport remis en avril 2015 par Guillaume Garot « Lutte contre le gaspillage alimentaire : propositions pour une politique publique » recommandait de promouvoir le « doggy bag » via « une campagne de communication nationale mais aussi via la diffusion des initiatives qui existent déjà ». Il indiquait dans son rapport : « Sensibiliser le professionnel et le consommateur au fait qu'emporter le reste de son repas n'est ni mal perçu ni condamnable est essentiel et cela permet de lutter efficacement contre le gaspillage alimentaire ».

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été inséré en séance publique à l'Assemblée nationale à l'initiative des députés Bérangère Abba (LaREM) et Matthieu Orphelin (LaREM). Il crée un nouvel article L. 541-15-7 au sein du code de l'environnement prévoyant à partir du 1 er juillet 2021, dans les restaurants et les débits de boissons à consommer sur place, la mise à disposition des clients qui en font la demande, de contenants réutilisables ou recyclables permettant d'emporter les aliments ou boissons non consommés sur place, « à l'exception de ceux mis à disposition sous forme d'offre à volonté. »

III. La position de votre commission

Votre rapporteur s'est beaucoup interrogé sur cet article, qui d'après lui a été beaucoup trop commenté au regard de son importance à l'échelle de la question de la lutte contre le gaspillage alimentaire dans le secteur de la restauration commerciale.

L'état des lieux de 2016 de l'Ademe sur les pertes et gaspillages et de leur gestion par étapes de la chaîne alimentaire a établi que le gaspillage alimentaire s'élevait à 27% des denrées distribuées, soit 157 grammes en moyenne en restauration commerciale.

Votre rapporteur a souligné que le plan national de lutte contre le gaspillage alimentaire avait déjà mobilisé les acteurs concernés. Le SYNHORCAT (syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs), a ainsi fait réaliser une étude avec 80 établissements parisiens en vue de généraliser le tri des biodéchets. L'UMIH (Union des métiers et de l'industrie de l'hôtellerie) a également contribué à la promotion du sac à emporter.

Votre rapporteur a entendu ces différents acteurs, inquiets de la généralisation d'une mesure qu'ils appliquent déjà en bonne intelligence. Néanmoins, il a considéré que cette disposition ne pouvait être perçue comme une contrainte supplémentaire dans la mesure où les professionnels n'auront besoin d'être équipés que de quelques sacs, qu'ils ne devront fournir qu'aux seuls clients qui le demandent.

Votre rapporteur a ainsi considéré que même s'il ne s'agissait pas d'une solution miracle - la question de la réduction des biodéchets en amont est en revanche essentielle - cette généralisation allait dans le bon sens et faisait figure de sensibilisation à la lutte contre le gaspillage alimentaire. .

Votre commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur ( COM-423 ), un amendement de précision ( COM-201 ) et un amendement ( COM-264 ) de Noëlle Rauscent (LaREM) prévoyant que les entreprises de restauration à emporter ainsi que les restaurants qui proposent des plats à emporter utilisent, dans les mêmes conditions, des contenants réutilisables ou recyclables.

Votre commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article ainsi modifié.

Article 12 bis (article L. 541-15-6 du code de l'environnement) - Qualité des dons de denrées alimentaires par les grandes et moyennes surfaces

Objet : cet article, dont la commission des affaires économiques a délégué l'examen au fond à votre commission, inséré en commission à l'Assemblée nationale, oblige les grandes et moyennes surfaces à s'assurer de la qualité des dons de denrées alimentaires auxquels elles procèdent auprès des associations habilitées dans le cadre de la lutte contre le gaspillage alimentaire.

I. Le droit en vigueur

La lutte contre le gaspillage alimentaire fait l'objet de nombreuses initiatives et d'une montée en puissance de la part des pouvoirs publics depuis quelques années.

2013 a marqué une première étape avec la déclaration du 16 octobre comme journée nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire et le lancement du pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire, ou pacte « anti-gaspi » , signé avec tous les acteurs de la filière alimentaire concernés avec comme objectif de réduire de moitié le gaspillage alimentaire à l'horizon 2025. À travers ce pacte, le secteur de la grande distribution avait pris un certain nombre d'engagements volontaires, notamment celui de passer des conventions avec les organismes de dons alimentaires qui le souhaitent, sur la base du volontariat.

Dans le prolongement de ces premières initiatives, l'un des treize axes du programme national de prévention des déchets 2014-2020 , publié le 28 août 2014, était consacré à la lutte contre le gaspillage alimentaire.

La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a ajouté la lutte contre le gaspillage alimentaire aux missions de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et a contraint l'État et ses établissements publics ainsi que les collectivités territoriales à engager une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire dans tous les services de restauration collective dont ils assurent la gestion ( article L. 541-15-3 du code de l'environnement ).

Enfin, la loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire , dite « loi Garot », a permis de donner un cadre juridique législatif à la politique de lutte contre le gaspillage alimentaire , en traduisant les principales préconisations du rapport de mission confié au député Guillaume Garot 15 ( * ) . L'essentiel de ces dispositions avaient dans un premier temps été insérées par des députés dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte au cours de son examen en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale mais censurées par le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 13 août 2015, en tant qu'elles étaient dépourvues de lien direct avec les dispositions restant en discussion.

La loi « Garot » a ainsi principalement créé une sous-section nouvelle dédiée à la lutte contre le gaspillage alimentaire au sein du titre IV, dédié aux déchets, du livre V du code de l'environnement.

L'article L. 541-15-4 , qui ne concerne que les denrées propres à la consommation, institue une hiérarchie des actions de lutte contre le gaspillage alimentaire , inspirée de la hiérarchie qui existe déjà pour les modes de gestion des déchets. La priorité doit être à la prévention du gaspillage alimentaire. Viennent ensuite l'utilisation des invendus propres à la consommation humaine par le don ou la transformation puis la valorisation destinée à l'alimentation animale. Enfin, les invendus peuvent être utilisés à des fins de compost pour l'agriculture ou méthanisés. Cette hiérarchie a vocation à s'appliquer à tous les maillons de la chaîne alimentaire, des producteurs aux consommateurs en passant par les distributeurs et les associations.

L'article L. 541-15-5 porte sur les obligations spécifiques des distributeurs du secteur alimentaire . Ces derniers doivent commercialiser leurs denrées alimentaires conformément à cette hiérarchie. Il leur est interdit par ailleurs de rendre impropres à la consommation ou à la valorisation les denrées alimentaires encore consommables qu'ils n'ont pas vendues. C'est l'interdiction de la javellisation .

Aucune stipulation contractuelle entre le distributeur et son fournisseur ne peut empêcher le don des denrées alimentaires vendues sous marque distributeur, dites MDD.

L'article prévoit en outre que les dons alimentaires entre les distributeurs dont la surface de vente dépasse 400 m 2 et les associations habilitées à recevoir ces dons doivent être encadrés par une convention qui en précise les modalités.

L'article L. 541-15-6 a laissé jusqu'au 11 février 2017 (soit un an après la promulgation de la loi) aux distributeurs dont la surface de vente dépasse 400 m 2 pour proposer une convention de don alimentaire de leurs denrées invendues avec une ou plusieurs associations habilitées avant le 11 février 2017. Les grandes et moyennes surfaces créées après cette date ou qui atteindraient le seuil établi de 400 m 2 après cette date disposent d'un délai d'un an pour se conformer à leurs obligations découlant de l'article L. 541-14-5.

Cet article punit également le non-respect de l'obligation de proposer une convention de l'amende prévue pour les contraventions de troisième classe. Et il prévoit enfin une amende de 3 750 euros pour la javellisation des denrées comestibles, ou plus généralement toute pratique ayant pour objet de rendre impropre à la consommation des invendus alimentaires.

Le décret n° 2016-1962 du 28 décembre 2016 relatif aux dons de denrées alimentaires entre un commerce de détail alimentaire et une association d'aide alimentaire habilitée en application de l'article L. 230-6 du code rural et de la pêche maritime (décret d'application de la « loi Garot ») précise les modalités de ce conventionnement et fixe les prescriptions relatives aux denrées alimentaires pouvant faire l'objet d'un don ainsi que les conditions dans lesquelles ces dons doivent être réalisés.

Ainsi, pour pouvoir faire l'objet d'un don, les denrées alimentaires doivent respecter un certain nombre de prescriptions (article D. 543-306 du code de l'environnement) :

- pour les denrées soumises à une date limite de consommation (DLC), le délai restant jusqu'à son expiration ne doit pas être , au jour de la prise en charge du don par l'association d'aide alimentaire habilitée, inférieur à 48 heures ; ce délai peut être inférieur à condition seulement que l'association puisse être en mesure de justifier qu'elle est apte à redistribuer les denrées concernées avant l'expiration de la DLC ;

- elles doivent respecter les obligations européennes en matière d'étiquetage.

Le décret précise également que la convention doit préciser que le tri des denrées alimentaires est effectué par le commerce de détail alimentaire , que l'association bénéficiaire du don peut en refuser tout ou partie dans certaines conditions et doit définir les modalités d'enlèvement, de transport et de stockage des denrées ainsi que les responsabilités respectives du commerce de détail donateur et de l'association bénéficiaire et enfin doit préciser les modalités selon lesquelles la traçabilité des denrées est assurée par les deux parties (article D. 543-307).

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

La commission des affaires économiques a adopté un amendement de la commission du développement durable portant article additionnel.

Ce nouvel article 12 bis complète l'article L. 541-15-6 du code de l'environnement afin de prévoir que les grandes et moyennes surfaces doivent s'assurer de la qualité du don auprès des associations habilitées dans le cadre de la lutte contre le gaspillage alimentaire, dans des conditions définies par décret.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur estime que cet article, qui ne fait que reprendre des dispositions déjà prévues par le décret du 28 décembre 2016, permet néanmoins d'établir clairement au niveau de la loi l'importance de la responsabilité des grandes et moyennes surfaces en matière de qualité du don alimentaire.

Votre commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article sans modification.

Article 12 ter (article L. 111-2-2 du code rural et de la pêche maritime) - Lutte contre le gaspillage alimentaire et la précarité alimentaire dans les projets alimentaires territoriaux

Objet : cet article, dont la commission des affaires économiques a délégué l'examen au fond à votre commission, inséré en commission à l'Assemblée nationale, intègre la lutte contre le gaspillage et la précarité alimentaires dans les projets alimentaires territoriaux.

I. Le droit en vigueur

La loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt a créé, à l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, un nouveau dispositif, les projets alimentaires territoriaux (PAT) . Ces derniers ont pour but de fédérer les différents acteurs d'un territoire autour de la problématique centrale de l'alimentation, contribuant ainsi à la prise en compte de ses dimensions sociales, environnementales, économiques et de santé.

Au cours de l'examen de cette loi, à l'initiative du sénateur Joël Labbé, un nouvel article L. 111-2-2 avait été inséré dans le code rural et de la pêche maritime afin de préciser l'échelle, les objectifs et les acteurs devant intervenir dans ces projets alimentaires :

- l'échelle est celle des bassins de vie ;

- les objectifs de ces projets sont de structurer l'économie agricole à l'échelle territoriale et de mieux organiser le lien entre production, transformation et consommation à l'échelle d'un territoire, afin de favoriser les circuits courts ;

- les acteurs de ces projets sont l'État et ses établissements publics, les collectivités territoriales, les associations, les agriculteurs, les GIEE, et tous les autres acteurs du territoire, qui concluent entre eux un contrat pour la mise en oeuvre de ces projets.

ARTICLE L. 111-2-2 DU CODE RURAL ET DE LA PÊCHE MARITIME

Les projets alimentaires territoriaux mentionnés au III de l'article L. 1 sont élaborés de manière concertée avec l'ensemble des acteurs d'un territoire et répondent à l'objectif de structuration de l'économie agricole et de mise en oeuvre d'un système alimentaire territorial. Ils participent à la consolidation de filières territorialisées et au développement de la consommation de produits issus de circuits courts, en particulier relevant de la production biologique.

À l'initiative de l'État et de ses établissements publics, des collectivités territoriales, des associations, des groupements d'intérêt économique et environnemental définis à l'article L. 315-1, des agriculteurs et d'autres acteurs du territoire, ils répondent aux objectifs définis dans le plan régional de l'agriculture durable et sont formalisés sous la forme d'un contrat entre les partenaires engagés.

Ils s'appuient sur un diagnostic partagé de l'agriculture et de l'alimentation sur le territoire et la définition d'actions opérationnelles visant la réalisation du projet.

Ils peuvent mobiliser des fonds publics et privés. Ils peuvent également générer leurs propres ressources.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

La commission des affaires économiques a adopté un amendement de la commission du développement durable complétant l'article L. 111-2-2 du code rural et de la pêche maritime afin de prévoir que les projets alimentaires territoriaux participent également à la lutte contre le gaspillage alimentaire , ainsi qu'un amendement de Dominique Potier (Nouvelle Gauche) visant à prévoir qu'ils participent à la lutte contre la précarité alimentaire.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur soutient ces apports, issus des réflexions des ateliers 10 et 12 des États généraux de l'alimentation.

Il souligne néanmoins que les projets alimentaires territoriaux peuvent déjà comporter à ce jour des actions en lien avec la lutte contre le gaspillage alimentaire et contre la précarité alimentaire. Les services du ministère lui ont indiqué qu'une évolution du dispositif de labellisation « PAT » devra être engagée pour intégrer ces deux nouvelles dimensions.

Votre commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article sans modification.

Article 12 quater (article L. 3231-1 du code de la santé publique) - Intégration de la lutte contre la précarité alimentaire dans les objectifs du programme national relatif à la nutrition et à la santé

Objet : cet article, dont la commission des affaires économiques a délégué l'examen au fond à votre commission, inséré en commission à l'Assemblée nationale, intègre la lutte contre la précarité alimentaire au titre des objectifs du programme national relatif à la nutrition et à la santé (PNNS).

I. Le droit en vigueur

L'article L. 3231-1 du code de la santé publique prévoit qu'un programme national relatif à la nutrition et à la santé (PNNS) est élaboré tous les cinq ans par le Gouvernement.

Ce programme définit les objectifs de la « politique nutritionnelle » du Gouvernement et prévoit les actions à mettre en oeuvre afin de favoriser :

- l'éducation, l'information et l'orientation de la population, notamment par le biais de recommandations en matière nutritionnelle, y compris portant sur l'activité physique ;

- la création d'un environnement favorable au respect des recommandations nutritionnelles ;

- la prévention, le dépistage et la prise en charge des troubles nutritionnels dans le système de santé ;

- la mise en place d'un système de surveillance de l'état nutritionnel de la population et de ses déterminants ;

- le développement de la formation et de la recherche en nutrition humaine.

L'article prévoit également que les actions arrêtées dans le domaine de l'alimentation sont inscrites dans le programme national pour l'alimentation.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

La commission des affaires économiques a adopté deux amendements identiques de la commission du développement durable et de Bruno Duvergé (Modem) visant, par l'insertion du présent article, à intégrer la lutte contre la précarité alimentaire dans les objectifs du programme national relatif à la nutrition et à la santé.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur soutient cette intégration de la lutte contre la précarité alimentaire au sein du PNNS.

Votre commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article sans modification.

Article 12 quinquies - Rapport au Parlement sur la gestion du gaspillage alimentaire par la restauration collective et la grande distribution

Objet : cet article, dont la commission des affaires économiques a délégué l'examen au fond à votre commission, inséré en commission à l'Assemblée nationale, prévoit que l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) remet un rapport au Parlement sur la gestion du gaspillage alimentaire par la restauration collective et la grande distribution.

I. Le droit en vigueur

En 2013, le pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire , signé entre l'État et les représentants des différents acteurs de la chaîne alimentaire, a fixé l'objectif national de réduction du gaspillage alimentaire à 50 % à l'horizon 2025 . L'État s'était, par ce pacte, engagé à prendre les mesures suivantes :

- la diffusion d'un signe visuel (en forme de pomme) de ralliement manifestant la mobilisation de chacun pour lutter contre le gaspillage ;

- la journée nationale de lutte contre le gaspillage le 16 octobre et la remise d'un prix « anti-gaspi » des pratiques vertueuses ainsi qu'une labellisation de ces pratiques ;

- des formations sur le thème du gaspillage dans les lycées agricoles et les écoles hôtelières ;

- des clauses relatives à la lutte contre le gaspillage dans les marchés publics de la restauration collective ;

- une meilleure connaissance du cadre législatif et réglementaire sur la propriété et la responsabilité lors d'un don alimentaire ;

- la lutte contre le gaspillage alimentaire dans les plans relatifs à la prévention des déchets ;

- la mesure de la lutte contre le gaspillage alimentaire dans la responsabilité sociale des entreprises ;

- le remplacement systématique de la mention DLUO (date limite d'utilisation optimale) par « à consommer de préférence avant... » ;

- une campagne de communication sur la lutte contre le gaspillage ;

- une nouvelle version du site internet dédié ;

- une expérimentation, sur un an, du don alimentaire par les citoyens via une plateforme numérique.

Parallèlement, les partenaires signataires avaient pris un certain nombre d' engagements et notamment les représentants de la grande distribution et les représentants de la restauration collective et de la restauration commerciale.

Extrait du pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire de 2013.

Le nouveau pacte a été lancé en avril 2017 pour la période 2017-2020.

La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a prévu que l'État et ses établissements publics ainsi que les collectivités territoriales devaient mettre en place, avant le 1 er septembre 2016, une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire au sein des services de restauration collective dont ils assurent la gestion. ( article L. 541-15-3 du code de l'environnement ).

En outre, cette loi a complété les missions de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) en prévoyant, à l'article L. 131-3 du code de l'environnement, qu'elle exerce des actions de prévention de la production de déchets, « dont la lutte contre le gaspillage alimentaire » .

L'ADEME a ainsi déjà réalisé un guide pratique à ce sujet, qui permet d'aider les acteurs publics, mais aussi privés, à établir des diagnostics et des plans d'actions de lutte contre le gaspillage alimentaire au sein de leurs services de restauration collective.

La loi n° 2016-138 du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire a complété les dispositions de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, notamment concernant la lutte contre le gaspillage alimentaire dans le secteur de la grande distribution :

- obligation, pour les magasins alimentaires de plus de 400 m 2 , de proposer une convention de don à des associations pour la reprise de leurs invendus alimentaires encore consommables ;

- interdiction, pour les distributeurs alimentaires, de rendre impropres à la consommation des invendus encore consommables (pratique dite de la « javellisation »).

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

La commission des affaires économiques a adopté un amendement de Sophie Beaudoin-Hubiere (LaREM) qui prévoit, par le présent article, que l'ADEME remet un rapport au Parlement avant le 1 er janvier 2020 sur la gestion du gaspillage alimentaire par la restauration collective et la grande distribution .

Ce rapport devrait être l'occasion d'établir un diagnostic des actions menées dans ces deux secteurs en matière de lutte contre le gaspillage alimentaire ainsi que de dresser un bilan de la mise en oeuvre des lois relatives à la transition énergétique pour la croissance et à la lutte contre le gaspillage alimentaire de 2015 et 2016 ainsi que des dispositions prévues par l'article 15 du présent projet de loi (l'extension des obligations actuelles en matière de respect de la hiérarchie des actions de lutte contre le gaspillage alimentaire et de dons alimentaires aux secteurs de l'industrie agroalimentaire et de la restauration collective à l'article 15 et l'extension à l'ensemble de la restauration collective, privée comme publique, de l'obligation de mettre en place des plans d'action de lutte contre le gaspillage alimentaire, aujourd'hui circonscrite à la restauration collective publique).

En séance publique, la date de remise de ce rapport a été repoussée au 1 er janvier 2022 à l'initiative du Gouvernement.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur a estimé pertinent de disposer d'un bilan de la loi relative au gaspillage alimentaire et du Plan national de lutte contre le gaspillage alimentaire dans le cadre de la restauration collective et de la grande distribution.

Votre commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article sans modification.

Chapitre III - Renforcement des exigences pour une alimentation durable accessible à tous
Article 14 (articles L. 253-5-1 et L. 253-5-2 [nouveaux] du code rural et de la pêche maritime, article L. 511-12 du code de la consommation) - Interdiction de certaines pratiques commerciales pouvant inciter à une utilisation inappropriée de produits phytopharmaceutiques

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, interdit certaines pratiques commerciales susceptibles de conduire à une utilisation inappropriée des produits phytopharmaceutiques.

I. Le droit en vigueur

1. L'encadrement de la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques

Les produits phytopharmaceutiques 16 ( * ) sont mentionnés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, en référence au règlement (CE) n°1107/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21/10/09 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/CEE et 91/414/CEE du Conseil.

Ces produits sont définis à l'article 2 paragraphe 1 du règlement comme ceux composés de substances actives, phytoprotecteurs ou synergistes, ou en contenant, et destinés à l'un des usages suivants :

a) protéger les végétaux ou les produits végétaux contre tous les organismes nuisibles ou prévenir l'action de ceux-ci , sauf si ces produits sont censés être utilisés principalement pour des raisons d'hygiène plutôt que pour la protection des végétaux ou des produits végétaux ;

b) exercer une action sur les processus vitaux des végétaux , telles les substances, autres que les substances nutritives, exerçant une action sur leur croissance ;

c) assurer la conservation des produits végétaux , pour autant que ces substances ou produits ne fassent pas l'objet de dispositions communautaires particulières concernant les agents conservateurs ;

d) détruire les végétaux ou les parties de végétaux indésirables , à l'exception des algues à moins que les produits ne soient appliqués sur le sol ou l'eau pour protéger les végétaux ;

e) freiner ou prévenir une croissance indésirable des végétaux , à l'exception des algues à moins que les produits ne soient appliqués sur le sol ou l'eau pour protéger les végétaux.

Dès lors que les produits phytopharmaceutiques les plus utilisés sont des produits chimiques, biologiquement actifs et destinés à prévenir l'apparition d'organismes vivants ou à les détruire, leur composition et les conditions de leur utilisation présentent des risques sanitaires et environnementaux . Par conséquent, leur commercialisation est soumise à des procédure d'évaluation et d'autorisation préalables.

L'évaluation et l'approbation des substances actives sont menées au niveau européen, tandis que l'évaluation et l'autorisation de mise sur le marché (AMM) des préparations phytopharmaceutiques contenant ces substances actives autorisées relèvent du niveau national. Depuis le 1 er juillet 2015, en application de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) est chargée de délivrer, retirer ou modifier les AMM en matière de produits phytopharmaceutiques.

2. Les actions complémentaires pour réduire l'utilisation et l'impact des produits phytopharmaceutiques

En complément de ce processus, des mesures spécifiques ont été mises en place depuis plusieurs années afin de réduire leur utilisation et leurs impacts sanitaires et environnementaux.

Au niveau européen, cette approche est définie par la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. Cette directive prévoit notamment :

- l' élaboration de plans nationaux d'actions pour réduire les risques de l'utilisation des pesticides et la dépendance à l'égard de ces produits ;

- la mise en place d'un système de certification pour les utilisateurs professionnels, les distributeurs et les conseillers ;

- l'inspection régulière du matériel d'application des pesticides ;

- l'interdiction de la pulvérisation aérienne de pesticides ;

- la définition de mesures pour protéger les milieux aquatiques et l'alimentation en eau potable contre l'incidence des pesticides ;

- la réduction de l'utilisation des pesticides ou des risques dans des zones spécifiques pour des motifs d'hygiène, de santé publique et de respect de la biodiversité.

Au niveau national, l'élaboration de plans d'actions pour une utilisation durable des produits phytopharmaceutiques (plans « Ecophyto ») 17 ( * ) , la mise en place d'un dispositif expérimental de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) 18 ( * ) , l'interdiction de la pulvérisation aérienne 19 ( * ) ou la définition de zones non traitées 20 ( * ) participent directement à la réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leur impact sur la santé humaine et l'environnement.

3. L'interdiction de certaines pratiques commerciales pour les antibiotiques vétérinaires a contribué à la réduction de leur utilisation

En vue de réduire le recours aux antibiotiques vétérinaires, le plan Ecoantibio 2012-2016 s'est notamment appuyé sur l'interdiction de certaines pratiques commerciales susceptibles d'inciter à une utilisation excessive ou inappropriée des médicaments contenant de telles substances.

Créé par la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, l'article L. 5141-14-2 du code de la santé publique interdit ainsi, à l'occasion de la vente de ces produits, les remises, rabais, ristournes, la différenciation des conditions générales et particulières de vente au sens du I de l'article L. 441-6 du code de commerce ou la remise d'unités gratuites et toutes pratiques équivalentes . Il interdit également toute pratique commerciale visant à contourner, directement ou indirectement, cette interdiction par l'attribution de remises, rabais ou ristournes sur une autre gamme de produits qui serait liée à l'achat de ces médicaments.

L'article L. 5141-14-4 définit le régime de sanction applicable aux manquements à ces interdictions.

Le I de l'article les soumet à une amende administrative dont le montant peut atteindre 15 000 € pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale.

Le II prévoit que ce montant est doublé en cas de réitération du manquement dans un délai de deux ans à compter de la première sanction. Cette amende peut par ailleurs être assortie d'une astreinte journalière d'un montant maximal de 1 000 € lorsque l'auteur de l'infraction n'a pas mis fin au manquement à l'issue d'un délai fixé par une mise en demeure.

Le III définit la procédure applicable à ces sanctions en prévoyant que l'autorité administrative compétente doit aviser préalablement l'auteur du manquement des faits relevés, des sanctions encourues, du délai dans lequel il peut faire valoir ses observations écrites et des possibilités d'être entendu, le cas échéant en étant assisté d'un conseil.

Il prévoit également que la sanction ne peut être prononcée plus d' un an à compter de la constations des faits , et que cette décision peut faire l'objet d'un recours de pleine juridiction devant la juridiction administrative .

Dans l'étude d'impact du présent projet de loi, le Gouvernement invoque la contribution de cette mesure au plan Ecoantibio , ayant entraîné une baisse de 37 % de la consommation de médicaments vétérinaires en 5 ans, alors que l'objectif était de 25 %.

II. Le projet de loi initial

L'article 14 vise à éviter toute incitation commerciale pouvant conduire à l'utilisation inappropriée de produits phytopharmaceutiques. À ce titre, il transpose aux produits phytopharmaceutiques les dispositions applicables aux antibiotiques vétérinaires , en procédant aux ajustements rédactionnels nécessaires.

Il crée ainsi une nouvelle section 4 bis , intitulée « Pratiques commerciales prohibées », au sein du chapitre III du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime, constituée de deux articles nouveaux L. 253-5-1 et L. 253-5-2.

L' article L. 253-5-1 reprend à l'identique les dispositions de l'article L. 5141-14-2 du code de la santé publique pour définir les interdictions de certaines pratiques commerciales lors de la vente de produits phytopharmaceutiques : remise d'unités gratuites et toutes pratiques équivalentes, remises, rabais, ristournes, différenciation des conditions générales et particulières de vente, et pratiques visant à contourner ces interdictions.

Ces interdictions ne s'appliquent pas à certaines catégories de produits alternatifs aux produits phytopharmaceutiques conventionnels : les produits de biocontrôle, ainsi que les substances de base et les produits à faible risque au sens du règlement (CE) n° 1107/2009.

L' article L. 253-5-2 reprend les dispositions de l'article L. 5141-14-4 du code de la santé publique pour définir le régime des sanctions applicables à ces nouvelles interdictions, en retenant les mêmes montants en matière d'amende (15 000 € pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale) ainsi qu'une procédure identique pour le prononcé d'une sanction et les recours contre une telle décision.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 14 n'a pas été modifié en commission.

En séance publique, un amendement du Gouvernement a été adopté afin de compléter l'article L. 511-12 du code de la consommation pour habiliter les agents de l'État à contrôler le respect des nouvelles interdictions relatives aux pratiques commerciales incitant à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques.

IV. La position de votre commission

Votre commission est favorable aux mesures contribuant à une baisse de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et au recours à des solutions alternatives, de moindre impact sanitaire et environnemental. Les dispositions de l'article 14 peuvent y contribuer, en agissant sur les pratiques commerciales à destination des utilisateurs et sur la consommation de produits par ces derniers.

Votre rapporteur relève toutefois que cette incitation reposera notamment sur un signal-prix , par une augmentation du coût des produits phytopharmaceutiques pour les utilisateurs. À ce titre, il regrette que l'impact de cette mesure sur les charges des agriculteurs n'ait pas été évalué par le Gouvernement dans ses travaux préparatoires du projet de loi.

Malgré cette incertitude, et dès lors que la mesure proposée est de nature à contribuer à la réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, votre commission n'a pas apporté de modification à cet article.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 14 bis (articles L. 522-5-2, L. 522-5-3, L. 522-18 et L. 522-19 [nouveaux] du code de l'environnement) - Interdiction de la vente de certains produits biocides aux utilisateurs non professionnels et de certaines incitations commerciales

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, interdit la vente en libre-service de certaines catégories de produits biocides aux utilisateurs non professionnels, ainsi que plusieurs pratiques commerciales susceptibles d'encourager l'utilisation de ces produits.

I. Le droit en vigueur

Les produits biocides sont définis comme des substances ou des mélanges destinées à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles , à en prévenir l'action ou à les combattre de toute autre manière par une action autre qu'une simple action physique ou mécanique.

Le règlement n ° 528/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 concernant la mise à disposition sur le marché et l'utilisation des produits biocides définit ces produits en les classant en 22 types, répartis parmi 4 groupes :

- les désinfectants (hygiène humaine ou animale, désinfection des surfaces, désinfection de l'eau potable...) ;

- les produits de protection (produits de protection du bois, des matériaux de construction....) ;

- les produits de lutte contre les nuisibles (rodenticides, insecticides, répulsifs...) ;

- les autres produits biocides (fluides utilisés pour l'embaumement, produits antisalissures).

Reposant sur une action chimique ou biologique susceptible d'affecter l'environnement ou la santé humaine, ces produits sont soumis à un régime juridique analogue à celui mis en place pour les produits phytopharmaceutiques .

Les substances actives biocides sont ainsi soumises à une procédure d'approbation mise en oeuvre au niveau européen, tandis que les produits biocides sont soumis à une procédure d'autorisation de mise sur le marché (AMM) au niveau national, confiée en France à l'Anses depuis le 1 er juillet 2016 en application de la loi n° 2015-1567 du 2 décembre 2015 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de la prévention des risques.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 14 bis a été inséré en commission par l'adoption d'un amendement de Frédérique Lardet.

Il transpose à certaines catégories de produits biocides une partie de la réglementation applicable aux produits phytopharmaceutiques pour mieux informer et protéger les utilisateurs non professionnels.

Le 1 ° du I complète la section 1 du chapitre II du titre II du livre V du code de l'environnement par deux articles nouveaux L. 522-5-2 et L. 522-5-3.

L' article L. 522-5-2 prévoit que certaines catégories de biocides définies par le règlement (UE) n° 528/2012 ne peuvent être cédées directement en libre-service à des utilisateurs non professionnels . Ces catégories seront identifiées par décret en Conseil d'Etat, au regard notamment des risques pour la santé humaine et pour l'environnement.

Par ailleurs, pour la cession de produits biocides à des utilisateurs non professionnels, cet article prévoit que les distributeurs doivent fournir des informations générales sur les risques pour la santé humaine et l'environnement liés à l'utilisation des produits biocides, notamment sur les dangers, l'exposition, les conditions appropriées de stockage et les consignes à respecter pour la manipulation, l'application et l'élimination sans danger ainsi que sur les solutions de substitution présentant un faible risque.

Ces dispositions reprennent celles actuellement prévues pour les produits phytopharmaceutiques aux deuxième et troisième alinéas du II de l'article L. 254-7 du code rural et de la pêche maritime 21 ( * ) .

L' article L. 522-5-3 interdit toute publicité commerciale pour certaines catégories de produits biocides , en reprenant les dispositions actuellement prévues par l'article L. 253-5 du code rural et de la pêche maritime pour les produits phytopharmaceutiques 22 ( * ) .

Le 2° du I insère une section 6 nouvelle au sein du chapitre II du titre II du livre V du code de l'environnement, constituée de deux articles nouveaux L. 522-18 et L. 522-19 en vue d' appliquer à l'ensemble des produits biocides définis à l'article L. 522-1 du code de l'environnement les interdictions de pratiques commerciales prévues pour les produits phytopharmaceutiques par l'article 14 du présent projet de loi, en reprenant à l'identique ces dispositions 23 ( * ) .

Le II prévoit que les dispositions de l'article 14 bis entrent en vigueur le 1 er janvier 2019.

En séance publique, des amendements identiques de Nicolas Forissier (LR), Sylvia Pinel (NI) et Antoine Herth (UDI, Agir et Indépendants) ont été adoptés, en vue d' aligner la date et les conditions d'entrée en vigueur des dispositions interdisant les pratiques commerciales incitant à l'achat de produits biocides sur celles prévues pour l'article 14 s'agissant des produits phytopharmaceutiques, soit le premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi, pour les contrats conclus ou renouvelés à compter de cette date. Un amendement de précision du Gouvernement a également été adopté.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur considère que l'objectif de réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques peut légitimement être étendu à certaines catégories de produits biocides, dont la composition est parfois proche. Prévoir l'identification par voie réglementaire de certaines catégories de produits ne pouvant faire l'objet d'une vente en libre-service aux particuliers, ou pour lesquels la publicité commerciale est encadrée, permet de doter les pouvoirs publics d'un outil supplémentaire pour les préparations chimiques à risques .

Votre rapporteur relève toutefois qu'une partie des produits biocides constituent des produits dont l'usage est répandu dans le grand public, et pour lesquels la réglementation doit rester proportionnée aux enjeux. Par ailleurs, s'agissant des produits biocides présentant des risques accrus, les conditions d'emploi et les volumes utilisés diffèrent significativement des produits phytopharmaceutiques, justifiant ainsi une approche modulée selon les produits visés.

En vue de préciser le périmètre des obligations d'information incombant aux distributeurs de produits biocides votre commission a adopté l' amendement COM-424 proposé par votre rapporteur. Cet amendement prévoit également que le décret identifiant les catégories de produits biocides ne pouvant faire l'objet d'une vente en libre-service aux particuliers devra définir le calendrier de mise en oeuvre d'un programme de retrait de ces produits par leurs distributeurs.

Votre commission a également adopté l' amendement COM-425 de votre rapporteur, visant, par cohérence avec les modifications apportées par l'article 14 quater à l'encadrement de la publicité commerciale applicable aux produits phytopharmaceutiques, à proposer une rédaction identique pour l'extension de ces règles aux produits biocides.

Enfin, jugeant excessivement large le périmètre de l'interdiction des pratiques commerciales transposée aux produits biocides, votre commission a adopté l' amendement COM-426 proposé par votre rapporteur, en vue d'appliquer cette interdiction à des catégories de produits biocides identifiés par décret en Conseil d'Etat, poursuivant ainsi la logique retenue par les autres dispositions de l'article 14 bis .

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article, sous réserve de l'adoption de ses amendements.

Article 14 ter (article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime) - Autorisation des parties consommables de plantes utilisées en alimentation animale ou humaine comme substances naturelles à usage biostimulant

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, confère le statut de substance naturelle autorisée aux parties consommables de plantes utilisées en alimentation animale ou humaine.

I. Le droit en vigueur

Parmi les produits phytopharmaceutiques, le deuxième alinéa de l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime distingue les préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP), composées de deux catégories de substances :

- les substances de base , au sens de l'article 23 du règlement (CE) n° 1107/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 21 octobre 2009, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et abrogeant les directives 79/117/ CEE et 91/414/ CEE du Conseil ;

- les substances naturelles à usage biostimulant , autorisées selon une procédure fixée par voie réglementaire.

Actuellement une vingtaine de substances de base sont autorisées en application de l'article 23 du règlement (CE) n° 1107/2009 24 ( * ) . S'agissant des substances naturelles à usage biostimulant, la procédure d'autorisation est définie par l'article D. 255-30-1 du code rural et de la pêche maritime, qui prévoit que l'autorisation consiste en l'inscription de ces substances sur une liste publiée par arrêté du ministre chargé de l'agriculture . Cette inscription est subordonnée au respect de plusieurs conditions :

- la substance a fait l'objet d' une évaluation par l'Anses qui révèle son absence d'effet nocif sur la santé humaine, sur la santé animale et sur l'environnement ou est mentionnée à l'article D. 4211-11 du code de la santé publique ;

- la substance est d'origine végétale, animale ou minérale , à l'exclusion des micro-organismes, et n'est pas génétiquement modifiée ;

- la substance est obtenue par un procédé accessible à tout utilisateur final , c'est-à-dire non traitée ou traitée uniquement par des moyens manuels, mécaniques ou gravitationnels, par dissolution dans l'eau, par flottation, par extraction par l'eau, par distillation à la vapeur ou par chauffage uniquement pour éliminer l'eau.

Une première liste a été établie par un arrêté du 27 avril 2016, regroupant les plantes ou les parties de plantes en vente libre mentionnées à l'article D. 4211-11 du code de la santé publique. À ce jour, la procédure d'évaluation par l'Anses permettant d'identifier de nouvelles substances naturelles n'a pas encore été mise en oeuvre.

Le dernier alinéa de l'article D. 255-30-1 prévoit qu'un arrêté du ministre chargé de l'agriculture peut préciser les critères de l'évaluation réalisée par l'Anses. En vue de contribuer à la définition de ces critères, l'Anses a rendu un avis technique le 12 mars 2018 , dans lequel l'agence souligne que la soumission d'éléments par le demandeur sur la nature du produit, son procédé de fabrication et ses conditions d'emploi, sont des éléments essentiels pour vérifier l'absence d'effet nocif sur la santé humaine, sur la santé animale et sur l'environnement 25 ( * ) .

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 14 ter a été inséré en commission par l'adoption d'un amendement de Delphine Batho (Nouvelle Gauche).

Il confère de droit le statut de substance naturelle à usage biostimulant autorisée à toutes les parties consommables de plantes utilisées en alimentation animale ou humaine.

En séance publique, l'article 14 ter n'a pas été modifié.

III. La position de votre commission

Votre commission juge indispensable de favoriser le développement d'alternatives aux produits phytopharmaceutiques, et, en ce sens, de faciliter le recours aux préparations naturelles peu préoccupantes. Toutefois, établir au bénéfice de l'ensemble des parties consommables de plantes utilisées en alimentation animale ou humaine une présomption d'innocuité est susceptible de créer des risques sanitaires ou environnementaux. En vue de faciliter le recours à des solutions alternatives aux produits phytopharmaceutiques, sans engendrer de risques nouveaux, votre commission a donc adopté l' amendement COM-427 proposé par votre rapporteur, pour établir par voie réglementaire un régime d'autorisation simplifié en faveur de ces substances.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article, sous réserve de l'adoption de son amendement.

Article 14 quater A (article L. 661-8 du code rural et de la pêche maritime) - Régime des échanges de semences entre utilisateurs non professionnels

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, simplifie le régime des échanges à titre onéreux de semences entre utilisateurs non professionnels.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 661-8 du code rural et de la pêche maritime prévoit que les règles relatives à la sélection, la production, la protection, le traitement, la circulation, la distribution et l'entreposage des semences sont définies par un décret en Conseil d'Etat , fixant :

1° les conditions dans lesquelles ces matériels sont sélectionnés, produits, multipliés et, le cas échéant, certifiés, en tenant compte des différents modes de reproduction ;

2° les conditions d'inscription au catalogue officiel des différentes catégories de variétés dont les matériels peuvent être commercialisés ;

3° les règles permettant d'assurer la traçabilité des produits depuis le producteur jusqu'au consommateur.

Actuellement, le catalogue officiel est composé de quatre listes, sur lesquelles les variétés sont inscrites par arrêté du ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Le catalogue comprend notamment une liste D permettant la vente de semences de variétés du domaine public - le plus souvent à des opérateurs non professionnels - avec des conditions d'inscription allégées.

Cet article a été complété par l'article 11 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, prévoyant que la cession, la fourniture ou le transfert, réalisé à titre gratuit de semences d'espèces cultivées de variétés appartenant au domaine public à des utilisateurs finaux non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale de la variété n'est pas soumis à ces dispositions, à l'exception des règles sanitaires relatives à la sélection et à la production.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 14 quater A a été inséré en séance publique par l'adoption de plusieurs amendements identiques de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, de Barbara Pompili (LaREM), de Delphine Batho (Nouvelle Gauche) et de Mathilde Panot (LFI).

Il prévoit que la cession, la fourniture ou le transfert à titre onéreux de semences relevant du domaine public entre utilisateurs non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale sont dispensés de l'obligation d'inscription préalable au catalogue officiel.

Cet article vise à rétablir une disposition de l'article 11 de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, déclarée non-conforme au principe d'égalité par le Conseil constitutionnel, dès lors que le dispositif adopté en lecture définitive par l'Assemblée nationale réservait le bénéfice de cette disposition aux associations régies par la loi du 1 er juillet 1901 26 ( * ) .

III. La position de votre commission

La mesure prévue par l'article 14 quater A étant favorable au maintien de variétés de plantes anciennes et à la préservation de la biodiversité par la participation active des particuliers, votre commission est favorable à cet article.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 14 quater (Article L. 253-5 du code rural et de la pêche maritime) - Information sur les enjeux sanitaires et environnementaux des produits phytopharmaceutiques dans la publicité commerciale

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, précise les règles relatives à l'information sur les enjeux sanitaires et environnementales des produits phytopharmaceutiques dans la publicité commerciale.

I. Le droit en vigueur

Le premier alinéa de l'article L. 253-5 du code rural et de la pêche maritime prévoit une interdiction de la publicité commerciale pour les produits phytopharmaceutiques mentionnés à l'article L. 253-1, à l'exception des produits de biocontrôle figurant sur une liste établie par l'autorité administrative.

Le deuxième alinéa dispose que la publicité destinée aux utilisateurs professionnels de ces produits est toutefois autorisée dans les points de distribution de produits à ces utilisateurs et dans les publications qui leur sont destinées.

Enfin, le troisième alinéa prévoit un décret en Conseil d'Etat pour définir les conditions dans lesquelles les insertions publicitaires sont présentées , en prévoyant qu'elles mettent en avant « les principes de la lutte intégrée, les bonnes pratiques dans l'usage et l'application des produits pour la protection de la santé humaine et animale et pour l'environnement, et les dangers potentiels pour la santé humaine et animale et pour l'environnement ».

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 14 quater a été inséré en commission par l'adoption d'un amendement du rapporteur de la commission des affaires économiques.

Il complète le deuxième alinéa de l'article L. 253-5 en conditionnant la publicité à destination des utilisateurs professionnels à une information explicite sur les risques sanitaires et environnementaux liés à l'exposition à ces produits.

Il réécrit également le troisième alinéa de l'article en prévoyant que les conditions dans lesquelles les insertions publicitaires sont présentées et le contenu et le format de l'information sanitaire et environnementale sont fixés par décret, pris après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail ( Anses ) et de l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité ( ARPP ) 27 ( * ) .

En séance publique, l'article 14 quater a été modifié par un amendement de précision du rapporteur de la commission des affaires économiques.

III. La position de votre commission

Votre commission est favorable à cet article qui prévoit une consultation de l'Anses sur la définition par voie réglementaire des informations relatives aux enjeux sanitaires et environnementaux des produits phytopharmaceutiques et qui précise que de telles informations doivent être explicites.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 14 quinquies (Article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime) - Mesures de soutien aux alternatives aux produits phytopharmaceutiques dans le plan Ecophyto

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, complète le contenu du plan Ecophyto, en vue de soutenir le développement d'alternatives aux produits phytopharmaceutiques.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime prévoit l'élaboration d'un plan national en faveur d'une utilisation durable des produits phytopharmaceutiques, fixant :

- les objectifs quantitatifs, les cibles, les mesures et calendriers en vue de réduire les risques et les effets de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques sur la santé humaine et l'environnement ;

- les mesures encourageant l'élaboration et l'introduction de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures et les méthodes ou techniques de substitution en vue de réduire la dépendance à l'égard de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques .

Le plan prévoit également des mesures tendant au développement des produits de biocontrôle .

La mise en oeuvre du plan est notamment financée par la redevance pour pollutions diffuses (RPD), prévue par l'article 213-10-8 du code de l'environnement, due par toute personne acquérant un produit phytopharmaceutique au sens du 1 de l'article 2 du règlement (CE) n° 1107/2009 ou une semence traitée au moyen de ces produits, ou commandant une prestation de traitement de semence au moyen de ces produits.

Le plan est arrêté après avis d'une instance de concertation et de suivi composée de représentants des organisations professionnelles concernées, des organismes publics intéressés, des associations nationales de protection de l'environnement agréées, des organisations syndicales représentatives et des associations nationales de défense des consommateurs agréées.

LES PLANS ECOPHYTO

Sur le fondement de l'article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime, deux plans successifs ont été mis en oeuvre, dénommés « Ecophyto 1 » et « Ecophyto 2 ».

Le plan Ecophyto 1 a été lancé en 2008 , afin de mettre en oeuvre la directive européenne 2009/128 sur l'utilisation durable des pesticides pour la période 2009-2015. L'objectif fixé par le plan était de réduire de 50 % l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans un délai de 10 ans . Pour l'atteindre, le plan a mis en place plusieurs mesures permettant de réduire progressivement l'usage des produits phytopharmaceutiques :

- la mise en place de « certiphyto » , attestant que les utilisateurs des produits ont la formation et les connaissances suffisantes à leur utilisation ;

- la mise en place de fermes pilotes, appelées fermes DEPHY , afin d'expérimenter et de mutualiser les bonnes pratiques en matière de réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques ;

- la mise en ligne, pour chaque région, de bulletin de santé végétale ( BSV ) apportant une indication hebdomadaire de l'état sanitaire des cultures ;

- le déploiement d'un programme de contrôle de tous les pulvérisateurs utilisés pour l'application des produits phytosanitaires.

Cependant les objectifs nationaux de réduction fixés par le plan Ecophyto 1 n'ont pas été atteints, puisque l'indicateur retenu pour le suivi du plan, le NODU 28 ( * ) , a augmenté sur la période concernée.

Ces résultats ont justifié l'adoption du plan Ecophyto 2 , présenté fin 2015. Cette version du plan définit de nouveaux objectifs de réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, prévoyant une réduction de l'usage des pesticides de 25% d'ici 2020 et de 50% d'ici 2025 . En termes de mesures, le plan Ecophyto 2 reprend plusieurs actions du premier plan pour les consolider :

- la rénovation du dispositif certiphyto ;

- l'augmentation de la taille du réseau de fermes DEPHY, avec un objectif de 3 000 fermes ;

- la poursuite du dispositif BSV ;

- Le soutien à l'expérimentation , au biocontrôle et au renouvellement de l'agroéquipement (permettant en particulier d'optimiser la pulvérisation) ;

- l'accompagnement de 30 000 agriculteurs vers l'agro-écologie à moindre niveau de produits phytopharmaceutiques.

Le plan prévoit également la mise en place d'un dispositif expérimental de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP), inspiré des certificatifs d'économie d'énergie, et des incitations à l'absence de recours aux produits phytopharmaceutiques dans les jardins, espaces végétalisés et infrastructures. Il prévoit par ailleurs d'améliorer et d'encourager la formation et la recherche et développement, ainsi que de renforcer la maîtrise des risques et des impacts.

Un rapport d'inspections de décembre 2017 souligne la dynamique positive enclenchée par ces plans successifs, tout en relevant que les mesures les plus structurantes du plan Ecophyto 2 n'ont pas encore produit d'effets. Ce rapport recommandait ainsi de confirmer les objectifs du plan, notamment en définissant des objectifs intermédiaires, de renforcer les mesures existantes comme le dispositif des CEPP et le réseau des fermes DEPHY, et de revoir la gouvernance du plan pour accroître son caractère interministériel 29 ( * ) .

En vue de poursuivre ces efforts et d'intégrer les préconisations du rapport d'inspections, le Gouvernement a présenté le 25 avril 2018 un plan d'action sur les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides. Le quatrième axe de ce plan prévoit l'élaboration d'une nouvelle version du plan Ecophyto, dite « Ecophyto 2+ », présentée en comité opérationnel de suivi en juin 2018 et soumise à la consultation du public en juillet 2018.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 14 quinquies a été en inséré en commission et résulte de l'adoption de quatre amendements distincts modifiant l'article L. 253-6 du code de l'environnement, proposés par la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, Dominique Pottier (Nouvelle Gauche), et Philippe Berta (Modem).

Il complète le contenu du plan d'action national en faveur de la réduction des risques et de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques en y ajoutant :

- la mobilisation de la recherche pour développer des solutions alternatives ;

- une stratégie de déploiement du biocontrôle ;

- la réduction des délais et la simplification des autorisations pour les produits de biocontrôle ;

- l' association des organismes de recherche compétents à l'instance de concertation et de suivi sur le plan.

En séance publique, un amendement de Philippe Bolo (Modem) a été adopté pour prévoir des mesures de réduction des délais et de simplification des autorisations en faveur des produits à usage biostimulant .

III. La position de votre commission

L'article 14 quinquies permet de compléter le fondement législatif du plan Ecophyto en promouvant des mesures favorables au développement de solutions alternatives aux produits phytopharmaceutiques « conventionnels » et en y associant davantage les organismes de recherche. Favorable à cet article, votre commission n'a pas souhaité y apporter de modification. Votre rapporteur relève toutefois que ces compléments apportés par le législateur devront se traduire par des évolutions concrètes dans le cadre de la prochaine version du plan Ecophyto, notamment par des mesures de soutien à la constitution des dossiers d'autorisation de mise sur le marché pour les entreprises innovantes de petite taille.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 14 sexies - Expérimentation dérogeant à l'interdiction de pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques pour des surfaces agricoles en forte pente

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, prévoit une expérimentation dérogeant à l'interdiction de pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques pour des surfaces agricoles en forte pente.

I. Le droit en vigueur

Le I de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime interdit la pulvérisation aérienne de produits phytopharmaceutiques . L'interdiction de cette pratique est liée aux risques importants qui peuvent en résulter pour la santé humaine et l'environnement, en particulier en raison de la dérive des produits pulvérisés. La pulvérisation aérienne peut toutefois être autorisée temporairement en cas de danger sanitaire grave ne pouvant être maîtrisé par d'autres moyens, par arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement, de l'agriculture et de la santé.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 14 sexies a été inséré en commission par l'adoption d'amendements identiques proposés par Dino Cinieri (LR) et Antoine Herth (UDI, Agir et Indépendants).

Il prévoit une expérimentation permettant de déroger à l'interdiction de pulvérisation aérienne des produits phytopharmaceutiques pour tester la pulvérisation par aéronefs télépilotés (drones) sur les surfaces agricoles plantées en vigne en pente supérieure ou égale à 30 % .

Cette expérimentation fera l'objet d'une évaluation de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) pour identifier les bénéfices en matière de réduction des risques sanitaires et environnementaux liés à l'utilisation de drones.

Un arrêté conjoint des ministres chargés de l'environnement, de l'agriculture et de la santé définira les conditions et modalités de cette expérimentation, en vue de garantir l'absence de risque inacceptable pour la santé et l'environnement.

En séance publique, plusieurs modifications ont été apportées à l'article 14 sexies :

- il n'est plus fait référence aux produits phytopharmaceutiques mais aux produits autorisés en agriculture biologique ou faisant l'objet du plus haut niveau de certification environnementale des exploitations agricoles (amendement de Jean-Luc Fugit (LaREM), sous-amendé par le rapporteur de la commission des affaires économiques) ;

- l'expérimentation pourra être autorisée pour tout type de culture , la restriction relative aux vignes ayant été supprimée (amendement d'Arnaud Viala (LR)) ;

- la limitation des risques d'accidents du travail a été ajoutée aux objectifs de l'expérimentation (amendement du rapporteur de la commission des affaires économiques) ;

Un amendement rédactionnel du rapporteur de la commission des affaires économiques a également été adopté.

III. La position de votre commission

En raison des risques d'accidents pour les personnes intervenant sur les zones agricoles en forte pente, votre rapporteur est favorable à une expérimentation pour tester la pulvérisation de produits par drones sur ces terrains. En vue de disposer d'enseignements probants pour établir un bilan complet sur les plans sanitaire et environnemental, votre commission a adopté l 'amendement COM-429 proposé par votre rapporteur, visant à rétablir la possibilité d'avoir recours à tout produit phytopharmaceutique tout en limitant cette expérimentation aux surfaces plantées en vignes.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

Article additionnel après l'article 14 sexies (article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime) - Définition de périmètres faisant l'objet de prescriptions ou de restrictions pour l'utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité de zones habités

Objet : cet article additionnel permet à l'autorité administrative de définir des périmètres faisant l'objet de prescriptions ou de restrictions pour l'utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité de zones habitées.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime permet à l'autorité administrative , dans l'intérêt de la santé publique ou de l'environnement, de prendre toute mesure d'interdiction, de restriction ou de prescription particulière concernant la mise sur le marché, la délivrance, l'utilisation et la détention des produits phytopharmaceutiques et des semences traitées par ces produits.

Cette faculté s'exerce sans préjudice des missions confiées à l'Anses, en particulier en matière d'autorisation de mise sur le marché (AMM) de ces produits, et des principes définies à l'article L. 211-1 du code de l'environnement 30 ( * ) .

L'autorité administrative peut notamment interdire ou encadrer l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans des zones particulières , et notamment :

1° les zones utilisées par le grand public ou par des groupes vulnérables au sens de l'article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 ;

2° les zones protégées mentionnées à l'article L. 211-1 du code de l'environnement ;

3° les zones recensées aux fins de la mise en place de mesures de conservation visées à l'article L. 414-1 du code de l'environnement ;

4° les zones récemment traitées utilisées par les travailleurs agricoles ou auxquelles ceux-ci peuvent accéder.

Ces facultés sont complétées par l'article L. 253-7-1, qui prévoit :

l'interdiction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les cours de récréation, les espaces habituellement fréquentés par les élèves dans l'enceinte des établissements scolaires, les espaces habituellement fréquentés par les enfants dans l'enceinte des crèches, les haltes-garderies et les centres de loisirs ainsi que dans les aires de jeux destinées aux enfants dans les espaces verts ouverts au public ;

la mise en place de mesures de protection adaptées (haies, équipements pour le traitement, dates et horaires de traitement...) à proximité des lieux visés au 1° ainsi que des établissements de santé, des établissements accueillant des personnes âgées ainsi que des établissements accueillant des personnes adultes handicapées.

II. La position de votre commission

Votre commission a adopté l' amendement COM-428 proposé par votre rapporteur, en vue d'insérer un article additionnel après l'article 14 sexies , complétant l'article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime. Cet article permet à l'autorité administrative d'interdire ou d'encadrer l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans certaines zones attenantes aux bâtiments habités et aux parties non bâties, à usage d'agrément , contigües à ces bâtiments.

L'objectif de cet ajout est de permettre aux pouvoirs publics de répondre au problème de proximité entre certains espaces traités avec des produits phytopharmaceutiques et des zones habitées, lorsque les circonstances locales le justifieront . La définition de telles zones assorties de prescriptions adaptées permettra de mettre en place localement des mesures de prévention des risques en faveur des riverains.

Votre rapporteur souligne que ce dispositif reposera fondamentalement sur une initiative territoriale , prise par le préfet pour définir des mesures adaptées , pouvant prendre la forme de restrictions ou de prescriptions particulières d'utilisation, pour tout ou partie des produits phytopharmaceutiques. Cette proposition ne repose aucunement sur la définition au niveau national d'une distance unique à partir de l'ensemble des bâtiments habités, appliquée de manière généralisée et indistincte dans tous les territoires.

Par ailleurs, cette nouvelle faculté pourra être mise en oeuvre dans un second temps, après avoir privilégié une approche partenariale entre les différentes parties prenantes. À l'instar de la protection mise en place autour des aires d'alimentation des captages d'eau potable, votre commission estime important de disposer d'un niveau supplémentaire d'intervention, en cas de risques persistants pour la population.

Votre commission propose à la commission des affaires économiques d'insérer cet article additionnel.

Article 14 septies (article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime) - Périmètre de l'interdiction d'utiliser des produits contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, étend l'interdiction d'utiliser des produits contenant des néonicotinoïdes aux substances actives présentant des modes d'action identiques.

I. Le droit en vigueur

À la suite de l'adoption de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, le II de l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime prévoit une interdiction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant une ou plusieurs substances actives de la famille des néonicotinoïdes et de semences traitées avec ces produits , à compter du 1 er septembre 2018.

Des dérogations à cette interdiction pourront être accordées jusqu'au 1 er juillet 2020 par arrêté conjoint des ministres chargés de l'agriculture, de l'environnement et de la santé. Cet arrêté doit être pris sur la base d'un bilan établi par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), comparant les bénéfices et les risques liés aux usages des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes autorisés en France avec ceux liés aux usages de produits de substitution ou aux méthodes alternatives disponibles.

Ce bilan devait porter sur les impacts sur l'environnement , notamment sur les pollinisateurs, sur la santé publique et sur l'activité agricole . Il devait être rendu public dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 1313-3 du code de la santé publique.

Le 8 mars 2017, l'Anses a publié un premier rapport sur la méthode d'identification des alternatives existantes, en s'appuyant sur le cas du traitement de la cicadelle de la vigne et les alternatives disponibles à cette utilisation.

Le 5 mars 2018, l'agence a publié un rapport intermédiaire sur les alternatives à ces produits , ainsi qu'une étude relative à l'impact sur la santé humaine des substances néonicotinoïdes, en réponse à une saisine spécifique des ministres chargés de la santé et de l'environnement. Cette étude ne met pas en évidence d'effet nocif pour des usages respectant les conditions d'emploi fixées par les autorisations de mise sur le marché. L'agence recommande toutefois de réduire au maximum l'utilisation du thiaclopride, compte tenu des dangers associés à cette substance et de l'accroissement récent de sa commercialisation.

Enfin, le 30 mai 2018, l'Anses a publié son avis final . L'agence indique que, pour la majorité des 130 usages étudiés , des alternatives (chimiques et non chimiques) suffisamment efficaces, et opérationnelles ont pu être identifiées 31 ( * ) . En revanche, elle souligne qu'il n'a pas été possible d'identifier des substances ou familles de substances chimiques qui présenteraient de façon globale un profil de risque moins défavorable que les néonicotinoïdes. Enfin, l'Agence souligne que l'impact sur l'activité agricole de l'interdiction des néonicotinoïdes reste difficile à anticiper et recommande d'accélérer la mise à disposition de méthodes alternatives, efficaces et respectueuses de la santé humaine et de l'environnement.

Au niveau européen trois substances actives de la famille des néonicotinoïdes ont fait l'objet en avril 2018 d'un renouvellement d'autorisation limité à un usage en serre fermée, prohibant une utilisation en plein champ : la clothianidine, l'imidaclopride et le thiaméthoxame.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 14 septies a été inséré en commission par l'adoption d'un amendement du rapporteur de la commission des affaires économiques.

Il élargit le périmètre de l'interdiction d'utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes en y ajoutant les substances « ayant des modes d'action identiques » , à l'exception des produits de biocontrôle.

En séance publique, l'article 14 septies a été réécrit par l'adoption d'un amendement du Gouvernement Cette réécriture conserve l'extension aux substances actives présentant des modes d'action identiques, en prévoyant un décret pour préciser les modalités d'application de cette extension .

III. La position de votre commission

Votre commission est favorable à une consolidation de l'interdiction d'utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant des néonicotinoïdes, en vue d'éviter un contournement de cette décision prise par le législateur en 2016 par des produits présentant des caractéristiques proches. Afin de préciser les modalités de cette extension, notamment la notion de mode d'action, votre commission a adopté l' amendement COM-430 proposé par votre rapporteur, en vue de faire précéder le décret d'application de cette mesure par un avis de l'Anses .

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

Article 14 octies (Article L. 254-3 du code rural et de la pêche maritime) - Contenu de la formation préalable à la délivrance des certificats individuels nécessaires aux activités de vente, de conseil et d'application des produits phytopharmaceutiques

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, insère des modules spécifiques sur la réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et sur les alternatives disponibles dans la formation préalable à la délivrance des certificats individuels nécessaires aux activités de vente, de conseil et d'application de ces produits.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 254-3 du code rural et de la pêche maritime prévoit un système de certification individuelle pour les personnes souhaitant exercer des activités de vente, de conseil ou d'application de produits phytopharmaceutiques. Ce certificat est délivré par l'autorité administrative ou un organisme qu'elle habilite, en vue d'attester l'acquisition par son titulaire de connaissances appropriées pour l'exercice de l'activité concernée.

L'article R. 254-9 prévoit que les certificats individuels peuvent être obtenus :

1° soit à l'issue d'une formation adaptée aux activités professionnelles et catégories concernées intégrant la vérification des connaissances ;

2° soit à la suite d'un test ;

3° soit au vu d'un diplôme ou titre au moins égal au niveau V de la nomenclature interministérielle des niveaux de formation, inscrit au répertoire national des certifications professionnelles et obtenu au cours des cinq années précédant la date de la demande, dont la liste est fixée par arrêté du ministre chargé de l'agriculture

Le contenu, la durée les modalités de la formation intégrant la vérification des connaissances, les conditions de réussite au test ainsi que les moyens techniques, pédagogiques, d'encadrement et de suivi à mettre en oeuvre par les organismes qui les dispensent sont précisés par des arrêtés du ministre chargé de l'agriculture, spécifiques à chaque activité (vente, conseil, application). Les formations nécessaires à cette certification comprennent déjà un module dédié à la réduction de l'usage des produits phytopharmaceutiques et au recours à des méthodes alternatives.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 14 octies a été inséré en commission par l'adoption d'un amendement du rapporteur de la commission des affaires économiques.

Il complète le contenu de la formation préalable à l'obtention du certificat nécessaire à la vente, l'application ou le conseil à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques (« certiphytos ») en y ajoutant, à partir de 2022, des modules spécifiques sur la sobriété dans l'usage de ces produits et sur les alternatives disponibles, notamment le biocontrôle.

En séance publique, un amendement de Delphine Batho (Nouvelle Gauche) a été adopté pour rapprocher au 1 er janvier 2019 l'échéance à laquelle les formations préalables aux certificats devront comporter des modules relatifs à l'exigence de sobriété dans l'usage des produits phytopharmaceutiques et aux alternatives disponibles.

III. La position de votre commission

Votre commission est favorable à cet article, qui consacre l'existence de modules dédiés à la réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les formations nécessaires à l'obtention des certificats individuels.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 14 nonies (Articles L. 510-1 et L. 513-2 du code rural et de la pêche maritime)
Rôle des chambres d'agriculture pour la réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, confie aux chambres d'agriculture une mission en matière de réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 510-1 définit l'organisation générale et les missions du réseau des chambres d'agriculture , constitué des chambres départementales d'agriculture, des chambres régionales d'agriculture et de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) qui les fédèrent au niveau national. Les chambres sont des établissements publics placés sous la tutelle de l'Etat et administrés par des élus représentant l'activité agricole, les groupements professionnels agricoles et les propriétaires forestiers.

Les chambres d'agriculture sont chargées de contribuer à l'amélioration de la performance économique, sociale et environnementale des exploitations agricoles et de leurs filières et accompagnent, dans les territoires, la démarche entrepreneuriale et responsable des agriculteurs ainsi que la création d'entreprises et le développement de l'emploi.

Elles ont également une fonction de représentation des intérêts de l'agriculture auprès des pouvoirs publics et des collectivités territoriales.

Enfin, elles contribuent, par les services qu'ils mettent en place, au développement durable des territoires ruraux et des entreprises agricoles, ainsi qu'à la préservation et à la valorisation des ressources naturelles et à la lutte contre le changement climatique .

Les missions de l'APCA sont définies aux articles L. 513-1 et L. 513-2, qui lui confient notamment l'animation de l'ensemble du réseau des chambres d'agriculture et la représentation de ce dernier auprès des pouvoirs publics . À ce titre, l'APCA est chargée des missions suivantes :

1° elle élabore et met en oeuvre, seule ou conjointement avec d'autres établissements du réseau, des programmes d'intérêt général dont le champ excède le cadre régional ; ces programmes regroupent les actions et les financements concourant à un même objectif et retracent les services aux entreprises agricoles qui concourent à ces programmes ;

2° elle crée au bénéfice de l'ensemble des établissements du réseau des services communs dont les règles de fonctionnement et de financement sont fixées par décret ;

3° elle élabore des normes communes pour l'établissement des données budgétaires et comptables et des indicateurs communs de gestion. Ces normes et indicateurs, approuvés par l'autorité de tutelle, sont applicables à tous les établissements du réseau ;

4° elle apporte aux chambres d'agriculture le concours nécessaire à leur fonctionnement et à leurs actions dans les domaines technique, juridique, économique et financier ;

5° elle représente l'ensemble des établissements du réseau en matière sociale et signe, en leur nom, tout accord national qu'elle a négocié, après y avoir été autorisée par la session ou, en cas d'urgence, pendant l'intervalle des sessions, par le comité permanent général habilité par la session.

Le financement des chambres d'agriculture est assuré par le produit d'une taxe additionnelle sur le foncier non bâti , prévue par l'article 1604 du code général des impôts, des subventions ainsi que les recettes des services payants fournis par les chambres d'agriculture.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 14 nonies a été inséré en commission par l'adoption d'un amendement de Monique Limon (LaREM).

Il ajoute aux missions des chambres d'agriculture la réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques , et confie à l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) l' élaboration d'un rapport annuel remis au Parlement et aux ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement sur les actions ainsi menées.

En séance publique, un amendement du rapporteur de la commission des affaires économiques a été adopté en vue de préciser la rédaction de l'article et de prévoir que le rapport annuel élaboré par l'APCA sera remis au Gouvernement, et non directement au Parlement.

III. La position de votre commission

Votre commission est favorable à cet article, qui permet de renforcer les actions existantes du réseau des chambres d'agriculture en faveur de la réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Assurant déjà des missions importantes de conseil aux agriculteurs, les chambres d'agriculture ont vocation à jouer un rôle croissant pour diffuser les bonnes pratiques agricoles et les retours d'expérience. Par cohérence avec l'esprit du projet de loi, votre commission a adopté l' amendement COM-431 proposé par votre rapporteur en vue d'ajouter à cette nouvelle mission le recours à des solutions alternatives , pour apporter des réponses durables aux besoins des agriculteurs.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

Article 14 decies (article L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime) - Intégration de la préservation de la biodiversité et des sols dans les formations de l'enseignement agricole

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, intègre la préservation de la biodiversité et des sols dans les formations de l'enseignement agricole.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 811-1 du code rural et de la pêche maritime définit les objectifs et missions de l'enseignement et de la formation professionnelle publics aux métiers de l'agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires , qui constituent une composante du service public d'éducation et de formation, relevant du ministère de l'agriculture.

Il prévoit qu'ils contribuent à l' éducation au développement durable , à la promotion de la santé et à la mise en oeuvre de leurs principes, ainsi qu'à la promotion de la diversité des systèmes de production agricole .

Ils doivent également contribuer au développement personnel des élèves, étudiants, apprentis et stagiaires, à l'élévation et à l'adaptation de leurs qualifications et à leur insertion professionnelle et sociale.

Cinq grandes missions sont confiées à l'enseignement et à la formation professionnelle agricoles :

1° assurer une formation générale, technologique et professionnelle initiale et continue ;

2° participer à l'animation et au développement des territoires ;

3° contribuer à l'insertion scolaire, sociale et professionnelle des jeunes et à l'insertion sociale et professionnelle des adultes ;

4° contribuer aux activités de développement, d'expérimentation et d'innovation agricoles et agroalimentaires ;

5° participer à des actions de coopération internationale, notamment en favorisant les échanges et l'accueil d'élèves, apprentis, étudiants, stagiaires et enseignants.

L'article L. 811-2 prévoit que l'enseignement et la formation professionnelle publics aux métiers de l'agriculture, de la forêt, de la nature et des territoires assurent des formations qui peuvent s'étendre de la classe de quatrième du collège à l'enseignement supérieur inclus.

Ces formations sont délivrées par les établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricole (EPLEFPA) 32 ( * ) et les établissements d'enseignement supérieur agronomique, vétérinaire et du paysage.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 14 decies a été inséré en commission par l'adoption d'un amendement de Monique Limon (LaREM).

Il complète les objectifs de l'enseignement et de la formation professionnelle publics en prévoyant qu'ils contribuent également à la préservation de la biodiversité et des sols .

L'article 14 decies n'a pas été modifié en commission.

III. La position de votre commission

Votre commission est favorable à l'article 14 decies , qui permet de consacrer la place de la préservation de la biodiversité et des sols dans l'enseignement et la formation agricoles, confortant ainsi une dynamique déjà observée dans les établissements qui assurent ces misions. La transition vers des systèmes de production plus durables doit en effet s'appuyer sur une formation initiale et continue permettant d'améliorer la prise en compte des enjeux environnementaux dans les pratiques agricoles.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 15 - Habilitation du Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures en matière de produits phytopharmaceutiques et de lutte contre le gaspillage alimentaire

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures de séparation des activités de vente et de conseil à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et des mesures de lutte contre le gaspillage alimentaire.

I. Le droit en vigueur

1. L'encadrement des activités de vente et de conseil à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques

En vue d'assurer une utilisation appropriée des produits phytopharmaceutiques , l'article L. 254-1 du code rural et de la pêche maritime subordonne à un système d'agrément d'entreprise les activités de mise en vente, de vente, de distribution à titre gratuit, d'application de produits phytopharmaceutiques en tant que prestataire de services et de conseil indépendant à l'utilisation de ces produits.

En application de l'article L. 254-2, cet agrément est délivré par l'autorité administrative à toute personne physique ou morale qui en fait la demande et qui justifie :

1° de la souscription d'une police d'assurance couvrant sa responsabilité civile professionnelle ;

2° de la certification par un organisme tiers , reconnu par l'autorité administrative, qu'elle exerce son activité dans des conditions garantissant la protection de la santé publique et de l'environnement ainsi que la bonne information de l'utilisateur ;

3° de la conclusion avec un organisme tiers , reconnu par l'autorité administrative, d'un contrat prévoyant le suivi nécessaire au maintien de la certification.

En application de l'article L. 254-3, ce système d'agrément est complété par un dispositif de certification individuelle pour les personnes exerçant des fonctions d'encadrement, de vente, d'application ou de conseil en matière de produits phytopharmaceutiques ou qui les utilisent dans le cadre de leur activité professionnelle (« certiphytos »). Ce certificat est délivré par l'autorité administrative ou un organisme qu'elle habilite. Chaque catégorie de certificats fait l'objet d'un référentiel défini par voie réglementaire.

Sans imposer de séparation stricte entre les activités de vente et de conseil, le référentiel défini par l'arrêté du 15 novembre 2011 pour les établissements soumis à agrément en vue de vendre des produits phytopharmaceutiques à des professionnels prévoit que la rémunération des personnels exerçant des activités de vente ou de conseil ne peut être indexée sur les volumes ou le chiffre d'affaires des ventes .

Outre ces dispositifs d'agrément et de certification, le premier alinéa du I de l'article L. 254-7 prévoit que les personnes exerçant une activité de mise en vente, de vente ou de distribution à titre gratuit de produits phytopharmaceutiques ont l'obligation de formuler , à l'attention de leurs clients professionnels, au moins une fois par an, un conseil individualisé , sauf si un client l'a déjà reçu d'un autre distributeur ou d'un conseiller indépendant, au sens de l'article L. 254-1.

En complément de ce conseil individualisé annuel, le second alinéa du I identifie un conseil spécifique prenant la forme d'une préconisation écrite qui précise la substance active et la spécialité recommandées, la cible, la ou les parcelles concernées, la superficie à traiter, la dose recommandée et les conditions de mise en oeuvre. Ce conseil doit comporter l'indication, le cas échéant, des méthodes alternatives - méthodes non chimiques au sens de l'article 3 du règlement (CE) n° 1107/2009 ou produits de biocontrôle mentionnés au deuxième alinéa de l'article L. 253-6.

Enfin, le premier alinéa du II prévoit que, lors de la vente de produits phytopharmaceutiques , une personne titulaire du certificat prévu par l'article L. 254-3 est disponible pour fournir aux utilisateurs les informations appropriées concernant l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, les risques pour la santé et l'environnement liés à une telle utilisation et les consignes de sécurité afin de gérer ces risques.

2. L'expérimentation relative aux certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques

Le dispositif des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) a été créé à titre expérimental par l' ordonnance n° 2015-1244 du 7 octobre 2015 relative au dispositif expérimental de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques, prise sur le fondement de l'habilitation prévue au 1° du I de l'article 55 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. À la suite d'une décision du Conseil d'Etat du 28 décembre 2016, cette ordonnance a été annulée pour excès de pouvoir , en l'absence de consultation du public sur le projet d'ordonnance 33 ( * ) .

Cette expérimentation a retrouvé une base légale à la suite de l'adoption de la loi n° 2017-348 du 20 mars 2017 relative à la lutte contre l'accaparement des terres agricoles et au développement du biocontrôle. Les dispositions relatives à cette expérimentation sont actuellement prévues aux articles L. 254-10 à L. 254-10-9 de la section 3 du chapitre IV du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime.

L'article L. 254-10 prévoit que cette expérimentation est mise en place en métropole pour une période allant du 1 er juillet 2016 au 31 décembre 2022 , afin de contribuer à la réduction de l'utilisation de certains produits phytopharmaceutiques identifiés par décret en Conseil d'État.

Les principes de cette expérimentation sont fixés par l'article L. 254-10-1. Inspirés des certificats d'économie d'énergie, les CEPP imposent aux distributeurs de produits phytopharmaceutiques, désignés comme les « obligés » du dispositif, d'acquérir d'ici la fin de l'année 2021 un nombre de certificats déterminé en fonction de leurs ventes antérieures de produits, hors produits de contrôle. Ces certificats peuvent être obtenus par les obligés par la réalisation d'économies de produits phytopharmaceutiques par l'acquisition de certificats auprès d'autres obligés ou d'éligibles. Ces « éligibles » au dispositif sont les personnes exerçant une activité de conseil aux agriculteurs qui mettent en place des actions visant à la réalisation d'économies de produits phytopharmaceutiques.

L'article L. 254-10-5 définit le régime des pénalités applicables aux obligés du dispositif en cas d'écart au 31 décembre 2021 par rapport à l'objectif leur incombant. Le montant de cette pénalité par certificat d'économie de produits phytopharmaceutiques est fixé par décret en Conseil d'Etat, sans pouvoir dépasser un total de cinq millions d'euros, pour une même personne physique ou morale.

Les modalités d'application de cette expérimentation ont été fixées par le décret n° 2017-590 du 20 avril 2017 relatif à la mise en oeuvre du dispositif expérimental de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques. Le montant unitaire de la pénalité forfaitaire par certificat d'économie de produits phytopharmaceutiques manquant par rapport à l'obligation notifiée à un obligé, est fixé à cinq euros par l'article R. 254-39.

3. La lutte contre le gaspillage alimentaire

Le code de l'environnement regroupe un certain nombre de mesures législatives traduisant les ambitions de la politique publique de lutte contre le gaspillage alimentaire , principalement dans les secteurs de la restauration collective et de la grande distribution .

L'article L. 541-15-3 prévoit que l'État et ses établissements publics ainsi que les collectivités territoriales mettent en place, avant le 1 er septembre 2016, une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire au sein des services de restauration collective dont ils assurent la gestion.

L'article L. 541-15-5 pose un certain nombre d'obligations pour les opérateurs de la distribution alimentaire : commercialisation de leurs produits dans le respect de la hiérarchie des actions de lutte contre le gaspillage alimentaire prévue à l'article L. 541-15-4, interdiction de rendre impropres à la consommation ou à la valorisation des invendus encore consommables, encadrement des dons alimentaires des grandes et moyennes surfaces aux associations habilitées via un système de convention.

L'article L. 541-15-6 donne un délai d'un an aux grandes et moyennes surfaces pour proposer une convention de don alimentaire de leurs denrées invendues avec une ou plusieurs associations habilitées. En outre, le non-respect de l'obligation de proposer une convention est puni de l'amende prévue pour les contraventions de troisième classe et la javellisation des denrées comestibles, ou plus généralement toute pratique ayant pour objet de rendre impropre à la consommation des invendus alimentaires est punie d'une amende de 3 750 euros.

II. Le projet de loi initial

Le Gouvernement demande une habilitation pour prendre par ordonnance des mesures de séparation des activités de vente et de conseil à l'utilisation de produits phytopharmaceutiques, des mesures réformant le régime des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques, ainsi que des mesures de lutte contre le gaspillage alimentaire.

1. La séparation des activités de vente et de conseil pour les produits phytopharmaceutiques

Le 1° du I de l'article 15 habilite le Gouvernement à procéder par voie d'ordonnance pour rendre incompatibles les activités de mise en vente, de vente ou de distribution à titre gratuit des produits phytopharmaceutiques avec les activités de conseil à l'utilisation de ces produits, autres que celles portant sur les informations relatives à l'utilisation, aux risques et à la sécurité d'emploi des produits cédés.

Cette habilitation permet également au Gouvernement de modifier le régime applicable aux activités de conseil et de vente de ces produits, notamment en imposant une séparation capitalistique des structures exerçant ces activités.

Selon les informations transmises par le Gouvernement, cette réforme visera prioritairement à séparer de la vente le conseil individualisé annuel, sans exclure des évolutions pour le conseil spécifique.

2. La réforme et la pérennisation du système des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques

Le 2° du I de l'article 15 habilite le Gouvernement à réformer par voie d'ordonnance le régime d'expérimentation des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques :

- en fixant des objectifs à atteindre à une date antérieure à 2021 ;

- en le transformant en régime permanent à périodes successives , avec les adaptations nécessaires à son bon fonctionnement ;

- en prévoyant son application outre-mer .

Interrogé par votre rapporteur sur les raisons d'une pérennisation anticipée, plus de quatre ans avant le terme de l'expérimentation en cours, le Gouvernement a indiqué que le caractère expérimental du dispositif constitue, en soi, un frein à son développement . Aucune obligation n'étant prévue au-delà de 2022, les obligés du dispositif ne sont pas incités à mettre en oeuvre et à déclarer des actions pluriannuelles. L'élaboration de fiches d'actions nécessaires à l'obtention des certificats serait également freinée par le manque de visibilité sur le devenir du dispositif sur le long terme.

À l'issue de la première campagne menée en 2016, seules 87 entreprises ont déclaré des actions sur environ 1 200 distributeurs concernés, pour un total d'un peu plus de 230 000 CEPP délivrés. Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur que les premières données pour 2017 témoignent d'une mise en oeuvre accrue du dispositif, avec plus de 2 millions de CEPP sollicités et environ 400 entreprises déclarantes.

3. Les mesures de lutte contre le gaspillage alimentaire

Le II du présent article demande une habilitation à légiférer par ordonnance, dans un délai de douze mois suivant la publication de la présente loi, afin :

- d'étendre à tous les opérateurs de la restauration collective l'obligation de mettre en oeuvre une « démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire » , actuellement prévue par l'article L. 541-15-3 mais uniquement pour les services de restauration collective dont l'État, ses établissements publics et les collectivités territoriales assurent la gestion ;

- d'imposer à tous les opérateurs de la restauration collective la réalisation d'un diagnostic préalable à la démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire ;

- de prévoir les conditions dans lesquelles les obligations applicables aux grandes et moyennes surfaces en matière de don aux associations d'aide alimentaire habilitées , en vertu des articles L. 541-15-5 et L. 541-15-6 du code de l'environnement, sont étendues à certains opérateurs du secteur agro-alimentaire et de la restauration collective ;

- d'imposer à certains opérateurs de rendre publics leurs engagements en faveur de la lutte contre le gaspillage alimentaire ;

- d'apporter au titre préliminaire et au titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime ainsi qu'au titre IV du livre V du code de l'environnement les modifications éventuellement nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes, la cohérence rédactionnelle des textes, harmoniser l'état du droit, remédier aux éventuelles erreurs et abroger les dispositions devenues sans objet.

III. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

1. La séparation des activités de vente et de conseil pour les produits phytopharmaceutiques

Plusieurs amendements ont été adoptés en commission afin de préciser le champ de l'habilitation prévue au 1° du I du présent article :

- un amendement de la rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, ajoutant comme objectif de l'habilitation l'indépendance des personnes physiques exerçant les activités de conseil et celles de vente, en complément de la séparation capitalistique des structures prévue par le texte initial ;

- un autre amendement de la rapporteure pour avis, précisant que la modification du régime applicable à ces activités devra permettre l'exercice d'un conseil stratégique et indépendant ;

- un amendement de Dominique Potier (Nouvelle Gauche), précisant que ces ordonnances devront permettre la mise en oeuvre effective des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques ;

- un amendement de Bruno Millienne (Modem), ajoutant que l'activité de conseil doit s'inscrire dans un objectif de réduction de l'usage et des impacts de produits phytopharmaceutiques .

En séance publique, un amendement rédactionnel du rapporteur de la commission des affaires économiques a été adopté.

2. La réforme et la pérennisation du système des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques

L'habilitation prévue au 2° du I du présent article a été modifiée en commission par un amendement du rapporteur de la commission des affaires économiques, relatif à l'application du dispositif en outre-mer , en visant les collectivités d'outre-mer (COM) mentionnées à l'article 74 de la Constitution. En séance publique, un amendement d'Olivier Serva (LaREM) a été adopté afin de recentrer cette partie de l'habilitation sur les départements et régions d'outre-mer (DROM) visés à l'article 73 de la Constitution.

3. La lutte contre le gaspillage alimentaire

Au II de du présent article, le champ de l'habilitation a été encadré par la commission des affaires économiques. Ont été adoptés :

- un amendement du rapporteur précisant que le diagnostic préalable à la démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire devant être réalisé par tous les opérateurs de la restauration collective, devra inclure « l'approvisionnement durable » ;

- un amendement rédactionnel du rapporteur ;

- deux amendements de la commission du développement durable précisant les opérateurs concernés par l'extension des obligations en matière de don des invendus aux associations d'aide alimentaire , aujourd'hui applicables à la grande distribution : seront concernés par cette extension les opérateurs de l'industrie agro-alimentaire et de la restauration collective ;

- un amendement de la commission du développement durable prévoyant, avant d'étendre les obligations en matière de don des invendus alimentaires à l'industrie agro-alimentaire et à la restauration collective, une expérimentation d'une durée de six mois dans des associations volontaires pour les opérateurs de ces deux secteurs ;

- un amendement de la commission du développement durable précisant que les engagements en faveur de la lutte contre le gaspillage alimentaire que les opérateurs de l'industrie agro-alimentaire et de la restauration collective devront rendre publics devront notamment comporter les procédures de contrôle interne qu'ils mettent en oeuvre dans ce cadre ;

- un amendement de la commission du développement durable et un amendement du rapporteur encadrant le champ de l'habilitation à prendre des ordonnances pour corriger les erreurs rédactionnelles et harmoniser les dispositions du code rural et de la pêche maritime et du code de l'environnement.

IV. La position de votre commission

Au regard des informations disponibles, votre rapporteur demeure circonspect quant à la pertinence du projet de séparation entre les activités de vente et de conseil pour les produits phytopharmaceutiques. Le manque de précisions données par le Gouvernement sur ses intentions dans le cadre de cette habilitation lui semble problématique au regard de l'autorisation à modifier par ordonnance le cadre législatif qui est demandée au 1° du I du présent article. Le contenu exact de cette activité de conseil, son articulation avec les autres formes actuelles d'information ou de conseil, sa fréquence ou encore son caractère obligatoire pour les agriculteurs n'ont en particulier pas été précisés. Le Gouvernement a justifié cette indétermination et le recours à une habilitation par le besoin de poursuivre la concertation avec les différentes parties prenantes.

Votre rapporteur partage par ailleurs les interrogations de certains acteurs quant à l'articulation de cette réforme avec le dispositif des CEPP , dès lors que de telles évolutions pourraient priver les obligés de ce dispositif de moyens d'action pour contribuer à la réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques.

Sans remettre en cause la motivation première de ces dispositions, à savoir une utilisation plus appropriée et durable des produits phytopharmaceutiques, votre rapporteur s'interroge quant aux effets de la généralisation d'une telle activité indépendante de conseil. Les informations disponibles laissent à penser que cette activité séparée risque de constituer une charge significative pour les agriculteurs , sans conduire avec certitude à une avancée significative sur les plans sanitaire et environnemental. Lors de ses auditions, un coût total compris entre 300 et 400 millions d'euros a été évoqué devant votre rapporteur 34 ( * ) .

Soucieuse de proposer un dispositif pragmatique, votre commission a donc adopté l' amendement COM-432 , visant à supprimer la contrainte d'une séparation capitalistique entre les activités de vente et de conseil, ainsi que l' amendement COM-433, précisant que le conseil stratégique mis en place par ordonnance sera doté d'une dimension pluriannuelle. Ces ajouts visent à préciser l'habilitation du Gouvernement à procéder par ordonnance, en vue d'éviter de créer un conseil obligatoire trop régulier, déconnecté des besoins des agriculteurs et à l'origine de surcoûts.

Votre commission a également adopté l'amendement COM-434 de votre rapporteur pour avis, supprimant l'alinéa 15 par cohérence avec l'adoption de son amendement COM-422, inscrivant dans la loi l'obligation pour les gestionnaires de services de restauration collective d'établir un plan d'action de lutte contre le gaspillage alimentaire fondé sur un diagnostic préalable.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article, sous réserve de l'adoption de ses amendements.

Article 15 bis (article L. 312-17-3 du code de l'éducation) - Éducation à la lutte contre le gaspillage alimentaire

Objet : cet article, dont la commission des affaires économiques a délégué l'examen au fond à votre commission, inséré en commission à l'Assemblée nationale, renforce les dispositions en vigueur en matière d'éducation alimentaire et de sensibilisation à la lutte contre le gaspillage alimentaire dans les écoles.

I. Le droit en vigueur

Inséré par le Sénat à l'occasion de l'examen de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, l'article L. 312-17-3 du code de l'éducation qui se trouve dans la section 9 bis du chapitre II du titre I er du livre III de la deuxième partie du code de l'éducation, consacrée à l'éducation à l'alimentation, a été complété par l'article 3 de la loi relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire du 11 février 2016 afin d'intégrer directement la lutte contre le gaspillage alimentaire dans le parcours scolaire des élèves, dans le cadre de l'information et de l'éducation à l'alimentation déjà prévues.

ARTICLE L. 312-17-3 DU CODE DE L'ÉDUCATION

Une information et une éducation à l'alimentation et à la lutte contre le gaspillage alimentaire, cohérentes avec les orientations du programme national relatif à la nutrition et à la santé mentionné à l'article L. 3231-1 du code de la santé publique et du programme national pour l'alimentation mentionné à l'article L. 1 du code rural et de la pêche maritime, sont dispensées dans les écoles, dans le cadre des enseignements ou du projet éducatif territorial mentionné à l'article L. 551-1 du présent code.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été inséré via l'adoption d'un amendement du rapporteur visant à renforcer ces dispositions relatives à l'éducation alimentaire et à la sensibilisation à la lutte contre le gaspillage alimentaire dans les écoles : ainsi, les collèges et les lycées (et non plus seulement les écoles) sont concernés par la formation et l'éducation à l'alimentation et à la lutte contre le gaspillage alimentaire ; en outre, les responsables des cantines de ces établissements scolaires pourront intervenir dans ces modules afin d'établir un état des lieux du gaspillage alimentaire .

III. La position de votre commission

Votre rapporteur souscrit au renforcement de ces dispositions, considérant que l'éducation reste le meilleur levier pour développer une « culture » de lutte contre le gaspillage alimentaire et changer les pratiques et les habitudes en la matière.

Votre commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article sans modification.

TITRE II BIS - MESURES DE SIMPLIFICATION DANS LE DOMAINE AGRICOLE
Article 16 A (Article L. 314-20 du code de l'énergie) - Prise en compte du caractère collectif des installations de production d'électricité à partir d'énergies renouvelables dans la mise en place d'un complément de rémunération

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, prévoit de faire bénéficier d'un complément de rémunération l'électricité produite à partir d'énergies renouvelables ou de récupération par des installations collectives entre agriculteurs.

I. Le droit en vigueur

L'article L. 314-20 du code de l'énergie prévoit qu' Electricité de France (EDF) est tenue de conclure, lorsque les producteurs intéressés en font la demande, un contrat offrant un complément de rémunération pour les installations implantées sur le territoire métropolitain continental, dont la liste et les caractéristiques sont précisées par décret, parmi les installations visées au 1° à 7° de l'article L. 314-1 35 ( * ) .

L'article L. 314-20 prévoit que les conditions du complément de rémunération pour les installations concernées sont définies en tenant compte notamment :

1° des investissements et des charges d'exploitation d'installations performantes, représentatives de chaque filière, notamment des frais de contrôle mentionnés à l'article L. 314-25 ;

2° du coût d'intégration de l'installation dans le système électrique ;

3° des recettes de l'installation, notamment la valorisation de l'électricité produite et la valorisation des garanties de capacités prévues à l'article L. 335-3 ;

4° de l'impact de ces installations sur l'atteinte des objectifs mentionnés aux articles L. 100-1 et L. 100-2 ;

5° des cas dans lesquels les producteurs sont également consommateurs de tout ou partie de l'électricité produite par les installations mentionnées à l'article L. 314-18.

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

L'article 16 A a été inséré en commission par l'adoption d'un amendement du rapporteur de la commission des affaires économiques.

Il complète les éléments pris en compte pour la définition du complément de rémunération en ajoutant à l'article L. 314-20 : « le caractère collectif des installations sur sites agricoles qui utilisent des énergies renouvelables ou des énergies de récupération ».

En séance publique, cet article n'a pas été modifié.

III. La position de votre commission

Votre commission est favorable à cet article, susceptible de favoriser le développement de la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables dans le cadre de démarches collectives entre agriculteurs, pouvant constituer une source de revenus complémentaires à leur activité principale.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

Article 16 B (article L. 541-4-1 du code de l'environnement) - Exclusion des sous-produits animaux et des produits dérivés de la réglementation relative aux déchets

Objet : cet article, dont la commission des affaires économiques a délégué l'examen au fond à votre commission, inséré en commission à l'Assemblée nationale, exclut les sous-produits animaux et les produits dérivés de la réglementation relative aux déchets, conformément à la directive européenne du 19 novembre 2008 relative aux déchets.

I. Le droit en vigueur

1. La réglementation française relative aux déchets

Le titre IV du livre V du code de l'environnement rassemble les dispositions législatives constituant le cadre de la politique publique des déchets en France ( articles L. 541-1 à L. 542-14 ). Elles sont principalement issues :

- de l'ordonnance n° 2010-1579 du 17 décembre 2010 portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine des déchets : cette ordonnance transpose en droit français la directive cadre sur les déchets de 2008 en précisant la définition du déchet, privilégiant la prévention de la production de déchets et introduisant une hiérarchie dans leurs modes de traitement, avec une priorité à la réutilisation, au recyclage et à la valorisation ;

- de la loi n° 2015-992 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et notamment de son titre IV « Lutter contre les gaspillages et promouvoir l'économie circulaire : de la conception des produits à leur recyclage » qui a notamment fixé des objectifs de réduction de 10 % des déchets ménagers et assimilés produits d'ici 2020, de recyclage de 55 % des déchets non dangereux en 2020 et 65 % en 2025, de valorisation de 70 % des déchets du bâtiment et des travaux publics à l'horizon 2020 ou encore de réduction 50 % à l'horizon 2025 des quantités de déchets mis en décharge ;

- de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République , qui a étendu le champ de compétence des régions en matière de prévention et de gestion des déchets, prévu la création d'un plan régional de prévention et de gestion des déchets et qui a transmis la compétence « déchets » aux établissements publics de coopération intercommunale.

Au sein de ce chapitre du code de l'environnement, l'article L. 541-4-1 prévoit un certain nombre de produits non soumis aux dispositions du chapitre :

- les sols non excavés ;

- les sédiments déplacés au sein des eaux de surface aux fins de gestion des eaux et des voies d'eau, de prévention des inondations, d'atténuation de leurs effets ou de ceux des sécheresses ou de mise en valeur des terres s'il est prouvé que ces sédiments ne sont pas dangereux ;

- les effluents gazeux émis dans l'atmosphère ;

- le dioxyde de carbone capté et transporté en vue de son stockage géologique ;

- la paille et les autres matières naturelles non dangereuses issues de l'agriculture ou de la sylviculture et qui sont utilisées dans le cadre de l'exploitation agricole ou sylvicole ;

- les matières radioactives.

2. Le cas particulier des sous-produits animaux et produits dérivés couverts par le règlement (CE) n° 1069/2009/CE

La directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative aux déchets et abrogeant certaines directives exclut (article 2.2.b) de son champ d'application « les sous-produits animaux, y compris les produits transformés couverts par le règlement (CE) n° 1774/2002, à l'exception de ceux qui sont destinés à l'incinération, la mise en décharge ou l'utilisation dans une usine de biogaz ou de compostage » dans la mesure où ils sont déjà couverts par d'autres dispositions communautaires.

Les sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine sont soumis, au sein de la réglementation européenne, à des règles sanitaires propres et distinctes prévues par le règlement (CE) n° 1069/2009 établissant les règles sanitaires applicables aux sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine. Ces règles spécifiques fixent des conditions de collecte, de transport, d'entreposage, de manipulation, de traitement et de transformation, d'utilisation et d'élimination de l'ensemble de ces matières tout au long de la chaîne alimentaire humaine et animale afin de garantir que ces sous-produits n'entrent que dans certaines filières autorisées et qu'en particulier ils ne puissent plus retourner dans la chaîne alimentaire humaine.

Ces règles spécifiques sont rassemblées au sein du chapitre VI du titre II du livre II du code rural et de la pêche maritime dédié aux sous-produits animaux (articles L. 226-1 à L. 226-9).

II. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Le présent article a été inséré par la commission à l'initiative de Charles de Courson (UDI, Agir et Indépendants) afin d'exclure les sous-produits animaux et produits dérivés non destinés à la consommation humaine de la réglementation relative aux déchets à l'exception de ceux qui sont destinés à l'incinération, la mise en décharge ou biogaz ou compostage.

Il complète ainsi l'article L. 541-4-1 du code de l'environnement.

III. La position de votre commission

Votre rapporteur rappelle que cet article reprend en droit français le principe d'exclusion de la réglementation relative aux déchets pour les sous-produits animaux et produits dérivés à l'exception de ceux destinés à l'incinération, la mise en décharge ou l'utilisation dans une usine de biogaz ou de compostage.

Ces sous-produits animaux sont en effet aujourd'hui soumis à une double réglementation (les dispositions relatives aux déchets du code de l'environnement et les dispositions relatives aux sous-produits animaux du code rural et de la pêche maritime) et cet article remédie utilement à cette difficulté.

Votre commission propose à la commission des affaires économiques d'adopter cet article sans modification.

Article 16 C (articles L. 452-1, L. 452-1-1 et L. 453-9 [nouveau] du code de l'énergie ; article L. 554-6 du code de l'environnement) - Raccordement des installations de production de biogaz au réseau de gaz naturel

Objet : cet article, dont votre commission s'est saisie pour avis, précise les conditions dans lesquelles les installations de production de biogaz sont raccordées aux réseaux de transport de gaz naturel.

I. Le texte adopté par l'Assemblée nationale

Cet article a été inséré par l'adoption d'amendements identiques de Bruno Duvergé (Modem) et de Monique Limon (LaREM).

Il vise à faciliter le raccordement des installations de production de biogaz aux réseaux de gaz naturel.

Il modifie ainsi les articles L. 452-1 et L. 452-1-1 du code de l'énergie, et insère un article nouveau L. 453-9, en vue de prévoir que les gestionnaires des réseaux de gaz naturel effectuent les renforcements nécessaires pour permettre l'injection 36 ( * ) du biogaz produit par des installations de méthanisation situées à proximité de ces réseaux, dans des conditions et limites définies par décret pris après avis de la Commission de régulation de l'énergie (CRE).

Il complète également l'article L. 554-6 du code de l'environnement, en soumettant les canalisations reliant les unités de production de biométhane au réseau de transport de gaz au même régime que celui applicable aux canalisations de distribution , dès lors qu'elles respectent les caractéristiques et conditions mentionnées par l'article L. 554-5 37 ( * ) .

Ces dispositions visent à traduire une proposition du groupe de travail sur la méthanisation mis en place par le Gouvernement sur la création d'un « droit à l'injection », pour faciliter le raccordement des installations de méthanisation situées à proximité des réseaux de gaz naturel existants, en attribuant aux gestionnaires de ces réseaux la responsabilité de procéder aux investissements nécessaires. Cette évolution est destinée à éviter que des projets de méthanisation échouent faute de capacités d'intégration de leur production par les réseaux de gaz naturel.

II. La position de votre commission

Votre commission est favorable à cet article qui doit permettre de soutenir le développement de la méthanisation, celle-ci constituant une voie prometteuse pour certaines filières pour soutenir la production d'énergie d'origine renouvelable et apporter aux agriculteurs un complément de rémunération.

Votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

TRAVAUX EN COMMISSION

Réunie le mardi 12 juin 2018, la commission a examiné le rapport pour avis sur le projet de loi n° 525 (2017-2018) pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable.

M. Hervé Maurey , président . - Nous examinons le rapport pour avis de notre collègue Pierre Médevielle sur le projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable.

Ce texte comporte principalement un titre I er regroupant des dispositions tendant à améliorer l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et un titre II rassemblant les mesures en faveur d'une alimentation saine, de qualité et durable.

Notre commission s'est saisie pour avis de 39 articles. Sur ces 39 articles, la commission des affaires économiques nous en a délégués 11, en particulier relatifs au gaspillage alimentaire.

Le texte comprend un important volet relatif aux produits phytosanitaires, sur lequel nous n'avons malheureusement pas obtenu de délégation au fond, en raison de son impact sur les usages agricoles, sujet qui intéresse la commission des affaires économiques. Il faut savoir que lorsque la commission saisie au fond délègue des articles, elle s'en dessaisit complètement.

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - Ce projet de loi a été présenté en Conseil des ministres le 30 janvier et a été adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 30 mai. Son contenu a été considérablement élargi lors des premiers débats parlementaires, puisque le texte initial comportait 17 articles, et la version adoptée par l'Assemblée en compte désormais 95.

Le texte a été renvoyé au fond à la commission des affaires économiques. Notre commission s'est saisie de 39 articles, dont 28 pour avis simple tandis que 11 articles ont fait l'objet d'une délégation au fond de la part de la commission des affaires économiques.

Les dispositions du projet de loi qui relèvent de notre périmètre de saisine peuvent être regroupées en trois thèmes : la restauration collective, le gaspillage alimentaire et les produits phytopharmaceutiques.

Mon travail a été mené dans des délais très contraints, puisque l'Assemblée nationale a adopté un texte en séance publique il y a seulement douze jours. Je regrette cette précipitation, qui n'a pas permis d'approfondir autant que je l'aurais souhaité certaines questions. Malgré ces contraintes, j'ai souhaité consulter l'ensemble des parties prenantes, en entendant près d'une trentaine d'organismes : des administrations, des associations d'élus locaux, des syndicats agricoles, des associations de protection de l'environnement et de lutte contre la précarité alimentaire, ainsi que des représentants du commerce et de l'industrie.

Sur le fond, j'ai voulu appréhender ce texte avec pragmatisme, pour que nous progressions collectivement vers une agriculture et une alimentation plus durables. Il me semble en particulier indispensable de privilégier l'accompagnement des acteurs et la définition d'objectifs atteignables à des échéances raisonnables, plutôt que de proposer des ruptures brutales, sans moyens suffisants ou solutions alternatives pour les acteurs de terrains.

Face aux nombreuses mesures adoptées par l'Assemblée nationale, il m'a également semblé indispensable d'être attentif à la cohérence et à la qualité du projet de loi, en distinguant les dispositions qui proposent de réelles avancées, de celles qui sont dépourvues de portée normative et qui relèvent davantage du signal politique que de l'écriture de la loi. À ce titre, je vous proposerai un certain nombre d'amendements de suppression ou de précision.

Ma dernière remarque générale concerne l'évaluation des impacts du projet de loi, qui m'apparaît très lacunaire sur plusieurs sujets. Je pense en particulier aux mesures du texte initial relatives aux produits phytopharmaceutiques, dont l'impact économique pour les agriculteurs n'est pas renseigné alors qu'il nous a été indiqué au cours des auditions qu'elles affecteraient certainement leurs revenus. De même, la contribution de ces mesures à la réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques est le plus souvent supposée, sans éléments précis. Ce flou artistique me semble regrettable : ce texte ne doit pas être un recueil de voeux pieux.

J'en viens aux dispositions du projet de loi et aux modifications que je vous proposerai par voie d'amendements.

L'article 11 traite de la restauration collective, qui est un levier important pour impulser une dynamique vertueuse en matière d'alimentation durable. Lors du Grenelle de l'environnement, des objectifs ambitieux avaient été fixés pour la restauration collective publique. Des objectifs un peu trop ambitieux d'ailleurs car nous sommes toujours aujourd'hui à un peu moins de 3 % de produits bio dans nos cantines. Ce chiffre est important car il montre que fixer des objectifs - aussi ambitieux soient-ils - ne suffit pas à accélérer le changement. Il faut en effet agir sur la demande en créant un débouché intéressant pour les producteurs qui font l'effort et le pari de se lancer dans des démarches d'agroécologie, des démarches de production traditionnelle ou de qualité. Mais il faut aussi agir sur l'offre. En effet, du point de vue des collectivités territoriales notamment, 20 % de bio dans les cantines, c'est un objectif louable, à condition de pouvoir s'approvisionner localement et que cela ne se traduise pas par un appel d'air à l'importation. Sur ce point, nous devrons interroger à nouveau le ministre sur les moyens financiers et d'accompagnement qu'il compte déployer pour soutenir la structuration de ces filières locales bio.

Cet article fixe un objectif à l'ensemble de la restauration collective, publique ou privée, gérée en direct ou concédée, à l'exception seulement des restaurants d'entreprise : les repas servis dans ces établissements devront contenir 30 % de produits « sous signe de qualité » et 20 % de produits issus de l'agriculture biologique. Nous devons maintenir ces objectifs ambitieux. C'est une attente très forte des Français, les États généraux de l'alimentation l'ont montré, mais ils ne seront atteignables que par paliers. Je vous proposerai donc un amendement qui améliore la lisibilité de cet article et qui valorise les produits issus des exploitations faisant l'objet d'une certification environnementale de niveau 3, c'est-à-dire qui bénéficient du label « haute valeur environnementale ». Nous allons donc monter en qualité.

Je vous proposerai en revanche un amendement supprimant l'article 11 bis A, introduit à l'Assemblée nationale. En effet, il prévoit une expérimentation pour les collectivités territoriales qui souhaiteraient rendre obligatoire l'affichage de la composition des menus dans les services de restauration collective dont elles ont la charge. Or, rien ne s'oppose aujourd'hui à ce qu'une collectivité prévoie une telle obligation.

J'en viens à l'article 11 ter , que la commission des affaires économiques nous a délégué au fond. Cet article, introduit à l'Assemblée nationale, prévoit deux dispositifs. Le premier est une expérimentation - mais qui, encore une fois, n'a d'expérimentation que le nom - qui autorise les collectivités territoriales à interdire l'usage des contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en matière plastique dans la restauration collective. Ces barquettes en plastique posent la question du risque de migration de perturbateurs endocriniens comme le bisphénol A vers les aliments, lorsqu'elles sont chauffées au-delà d'une certaine température. Les enjeux de santé publique, surtout lorsqu'il s'agit des repas servis dans les crèches, dans les cantines scolaires, dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ephad) ou encore dans les hôpitaux, doivent nous conduire à agir avec discernement et avec rigueur. L'expérimentation proposée n'est malheureusement qu'un moyen de ne rien faire tout en faisant croire que l'on agit, puisque les collectivités peuvent déjà interdire ces contenants. C'est d'ailleurs le cas à Strasbourg, aux Sables d'Olonne et à Paris où une expérimentation est en cours. Le législateur doit donc prendre ses responsabilités : soit il faut aller plus loin en interdisant l'usage de ces barquettes, soit il faut supprimer cette expérimentation inutile.

Or, selon l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), nous ne disposons pas à ce jour d'étude permettant d'établir les risques réels de ces barquettes en plastique tels qu'elles sont utilisées dans la restauration collective ni, surtout, d'étude de dangerosité des produits de substitution éventuels comme les barquettes en cellulose. Pour interdire ces contenants en plastique, nous devons être sûrs que ce qui viendra les remplacer ne sera pas tout aussi voire plus dangereux, d'autant que cela aura un coût pour les collectivités : réaménagement de cuisine, nouveaux fours dans certains cas, etc... Je vous proposerai donc de supprimer cette expérimentation au profit d'une véritable évaluation de l'Anses, afin que nous puissions être à même de légiférer le cas échéant.

D'une manière plus générale, je vous proposerai d'ailleurs que le Parlement puisse saisir l'Anses directement. Comment comprendre qu'aujourd'hui, l'État mais aussi les associations de consommateurs ou encore les associations de défense de l'environnement puissent saisir cette agence mais pas la représentation nationale ? Or, nous avons de plus en plus besoin aujourd'hui, en tant que législateurs, de disposer d'une expertise scientifique indépendante et de qualité.

Le deuxième volet de l'article 11 ter concerne l'interdiction des bouteilles d'eau plate en plastique dans toute la restauration collective. Un grand nombre de collègues ont déposé un amendement supprimant cette interdiction. Je comprends leur argumentation, j'ai moi aussi été démarché et j'ai entendu les représentants de l'industrie de l'eau minérale. Mais je crois que nous devons prendre nos responsabilités. Le plastique est en train d'envahir nos océans. Vous avez tous entendu parler du « continent de plastique ». Nous sommes en outre en France, de très mauvais élèves sur le recyclage du plastique. La Commission européenne a d'ailleurs présenté, le 28 mai, une nouvelle proposition de directive sur les déchets marins afin d'interdire un certain nombre de catégories de produits en plastique, comme les bouteilles et les pailles en plastique. Une interdiction de ces bouteilles en plastique va donc dans le bon sens, d'autant que nous avons, en France, la chance d'avoir une excellente eau du robinet. Je vous proposerai en revanche de repousser la date de l'interdiction à 2022, afin de laisser le temps à l'industrie de l'eau minérale d'organiser cette transition. En outre, je suggère d'interdire également, à horizon 2020, les pailles en plastique. Notre collègue Cyril Pellevat a déposé un amendement en ce sens.

Toujours sur les articles pour lesquels nous devons nous prononcer pour avis, je vous proposerai de supprimer l'article 11 quater qui prévoit que les gestionnaires de restauration collective scolaire, universitaire et des établissements d'accueil des enfants de moins de six ans doivent informer et consulter les usagers sur le respect de la qualité alimentaire et nutritionnelle des repas qu'ils servent : cet article est redondant avec l'article 11 qui prévoit une obligation d'information visant, plus largement, tous les restaurants collectifs.

Un mot sur la question de la restauration collective d'entreprise, à laquelle ne s'appliquent pas les objectifs de l'article 11. Je crois qu'il conviendra, un jour ou l'autre, d'étendre ces objectifs de produits de qualité et de produits bio à ces restaurants, mais les arguments de la nécessaire progressivité de la montée en puissance de la filière bio et des éventuels obstacles juridiques comme celui de la liberté d'entreprendre, m'ont convaincu d'en rester pour l'instant au rapport prévu à l'article 11 quinquies . En effet, mieux vaut procéder en deux temps afin de permettre à la filière bio de se structurer. Je vous proposerai ainsi un amendement afin que le rapport prévu à l'article 11 quinquies puisse étudier non seulement l'opportunité mais également la possibilité juridique d'une telle extension.

Les États généraux de l'alimentation ont montré qu'une des préoccupations essentielles des Français était le besoin de transparence et de plus d'information sur ce qu'ils mangent. En effet, les récents scandales alimentaires ont accru la demande de traçabilité et d'affichage de l'origine et de la qualité des denrées alimentaires.

Au-delà de l'expérimentation fixée par l'article L. 412-5 du code de la consommation et dont les limites ont été négociées au niveau européen en matière d'étiquetage obligatoire, il convient de continuer à avancer sur ce sujet essentiel. Sinon, nous passerions à côté d'un enjeu prioritaire pour les Français. L'Assemblée nationale a adopté, à l'initiative de la présidente de la commission du développement durable, un nouvel article au sein du code de la consommation visant à prévoir une information à caractère environnemental sur certaines catégories de denrées alimentaires. Ce nouvel article pose des questions, notamment en termes de compatibilité avec le droit communautaire, mais aussi des questions d'efficacité d'une telle obligation : nos filières risquent-elles d'être pénalisées par cet affichage alors que les produits étrangers n'y seront pas soumis ? Je pense notamment à la filière viande porcine et volaille dont nous importons 70 % de notre consommation. Devant ces obstacles réels, nous aurions tort de nous contenter de supprimer purement et simplement cet article. Tout d'abord parce qu'il aura de fortes chances d'être réintroduit en commission mixte paritaire ou en nouvelle lecture tel quel à l'Assemblée nationale, ce qui n'est pas souhaitable. Mais aussi parce que nous ne pouvons pas vider ce projet de loi de la seule mesure qui réponde à cet enjeu si important pour les consommateurs français. Je vous proposerai donc une nouvelle rédaction, beaucoup plus souple, afin de faire figurer des informations à caractère environnemental sur diverses catégories de produits à partir de 2023, au titre desquelles pourraient, sous certaines conditions fixées par décret et négociées avec les acteurs concernés, figurer la nature des protéines ayant servi à nourrir les animaux dont sont issues les denrées, ou encore le mode d'élevage, l'origine géographique ou la nature des traitements appliqués aux fruits et légumes.

Je vous proposerai également, à l'article 11 terdecies A, de prévoir que les signes d'identification de la qualité et de l'origine intègrent dans leurs cahiers des charges des critères environnementaux.

L'article 11 sexdecies , qui nous a été délégué au fond, prévoit une suspension de la mise sur le marché du dioxyde de titane comme additif alimentaire. En effet, une étude de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) sur la santé animale a souligné de vrais risques, que l'Anses est en train d'analyser pour l'homme. La Commission européenne a par ailleurs été saisie par la France pour mener une expertise collective. Cette suspension me paraît être une utilisation appropriée du principe de précaution, a fortiori car le dioxyde de titane est utilisé à des fins purement esthétiques dans les denrées alimentaires, alors qu'il s'agit de nanoparticules totales ou partielles.

Sur les articles 12 et suivants relatifs à la lutte contre la précarité alimentaire et contre le gaspillage alimentaire, dont nous sommes saisis au fond, j'aurai quelques amendements mais je me limiterai à deux remarques. La première concerne le consensus qui a présidé aux travaux des États généraux de l'alimentation sur ces questions. Les différents acteurs concernés se sont notamment mis d'accord sur l'importance d'étendre les dispositions de la loi Garot, et notamment l'obligation de conventionnement avec des associations habilitées pour recevoir des dons alimentaires de la grande distribution à d'autres secteurs comme l'agro-alimentaire ou la restauration collective. Les différents acteurs concernés se sont également rejoints sur les définitions de l'aide alimentaire et de la lutte contre la précarité alimentaire insérées dans le code de l'action sociale et des familles. Je n'aurai donc que quelques propositions formelles à faire sur ce chapitre.

Ma deuxième remarque porte sur l'article 12 bis A, sur lequel vous avez été nombreux à réagir : la généralisation de ce que l'on appelle les doggy bags. Cette mesure ne crée aucune contrainte supplémentaire dans la mesure où les restaurateurs devront simplement en fournir un aux clients qui le demandent, ce qu'ils font déjà aujourd'hui, et prévoir que celui-ci soit réutilisable ou recyclable. Il s'agit d'une « mesurette » au regard des enjeux de la lutte contre le gaspillage alimentaire mais nous ne nous illustrerions pas en supprimant une mesure qui va dans le bon sens. Il faut savoir que 70 à 80 % du gaspillage est dû à l'épluchage et à la préparation des produits, qui pourraient être recyclés en biodéchets.

Le troisième et dernier volet de cet avis est constitué des articles 14 et suivants, consacrés aux produits phytopharmaceutiques et biocides.

L'article 14 interdit certaines pratiques commerciales, comme les remises, rabais et ristournes, susceptibles de favoriser une utilisation excessive ou inappropriée des produits phytopharmaceutiques.

L'article 14 bis étend cette interdiction aux produits biocides, et transpose à ces produits une partie de la législation en vigueur pour les produits phytopharmaceutiques : la restriction de la vente en libre-service aux particuliers de certaines catégories de produits biocides, et l'encadrement de la publicité commerciale. Sur ce sujet, je vous proposerai plusieurs amendements afin de préciser la rédaction de ces dispositions, en particulier le périmètre des produits visés.

Plusieurs dispositions soutiennent le recours à des solutions alternatives aux produits phytopharmaceutiques. L'article 14 ter facilite ainsi le recours aux préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP), tandis que l'article 14 quinquies renforce le contenu du plan Ecophyto pour soutenir la recherche sur les alternatives. Ces mesures sont bienvenues pour développer de vraies solutions face aux produits conventionnels. Il faudra toutefois veiller à maintenir un niveau suffisant d'évaluation sanitaire et environnementale pour assurer l'innocuité de ces alternatives. Par ailleurs, il serait souhaitable de renforcer le soutien aux entreprises innovantes dans ce domaine, notamment en apportant un soutien technique aux start-up pour faciliter le dépôt de dossiers d'autorisation de mise sur le marché.

L'article 14 septies ajuste le périmètre de l'interdiction d'utiliser des produits contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes, en y ajoutant les substances ayant des modes d'actions identiques, afin d'éviter un contournement de l'interdiction par des substances analogues. Je proposerai un avis de l'Anses sur le décret définissant les modalités d'application de cet article, afin d'appuyer ce travail par une expertise scientifique. On ne peut en effet interdire des substances sous prétexte qu'on pense qu'elles sont dangereuses avant de disposer des avis éclairés d'institutions scientifiques. Il faut donc disposer de l'avis de l'Anses avant de publier un décret.

Plusieurs articles intègrent les enjeux d'une agriculture plus durable dans les dispositifs de formation et de conseil. L'article 14 octies consacre l'existence de modules dédiés à la réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques dans les certificats nécessaires à la vente ou à l'utilisation de ces produits. L'article 14 nonies confie également au réseau des chambres d'agriculture et à leur assemblée permanente une mission dédiée à ces problématiques. L'article 14 decies prévoit que l'enseignement agricole public dispensera des cours sur la préservation de la biodiversité et des sols. Ces mesures permettront d'amplifier les évolutions en cours parmi les agriculteurs, que la passionnante table ronde organisée par notre commission la semaine dernière a bien illustrées.

Enfin, l'article 15 habilite le Gouvernement à procéder par voie d'ordonnance pour séparer les activités de vente et de conseil en matière de produits phytopharmaceutiques, ainsi qu'à réformer le dispositif des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques. Sur le premier point, je déplore le manque de précisions données par le Gouvernement sur ses intentions concernant le contenu du conseil indépendant ainsi mis en place, sa fréquence et ses enjeux financiers. Lors de mes auditions, le directeur général de l'alimentation a évoqué un coût total entre 300 et 400 millions, sans davantage de précisions sur les hypothèses de cette estimation ni sur les conditions de financement de ces dépenses nouvelles qui pèseront sur les agriculteurs. Je vous proposerai de nous en remettre aux propositions de la commission des affaires économiques à ce sujet, mais je vous soumettrai un amendement prévoyant que le conseil stratégique envisagé suive une logique pluriannuelle. Comme cela a été évoqué lors de la table ronde, c'est bien d'un conseil global dont ont le plus besoin les agriculteurs pour faire le meilleur usage des produits phytopharmaceutiques.

En complément de ces dispositions, je vous présenterai également un amendement permettant au préfet de définir localement des espaces non traités à proximité de certaines zones habitées. L'exposition aux produits phytopharmaceutiques est une préoccupation sociétale de plus en plus vive et il est important de doter les pouvoirs publics d'un moyen d'y répondre lorsque les circonstances locales le justifient.

Voilà donc les observations et propositions que je souhaitais vous présenter dans le cadre de l'avis de notre commission sur ce projet de loi.

M. Gérard Cornu . - Merci pour ce rapport pragmatique. Chaque mandat voit son lot de textes sur l'alimentation : nous avons eu la loi Dutreil, puis la loi Chatel, puis celle-ci nous arrive. Les relations entre les producteurs, les fournisseurs et les consommateurs sont difficiles à réguler.

Autant je suis favorable à la transparence que l'on doit aux consommateurs, autant je crois que trop d'information tue l'information. Joël Labbé nous avait présenté des amendements sur les huitres tellement techniques qu'ils étaient totalement incompréhensibles pour le commun des mortels.

Les lois en vigueur ne sont pas toujours aisées à appliquer sur le terrain. Ainsi en est-il de l'interdiction des sacs plastiques : la grande distribution continue à en proposer, même s'ils sont aujourd'hui biodégradables. Je vous renvoie aux récentes informations sur l'état du milieu marin.

Le consommateur veut des produits sains de qualité : pour le reste, attention à ne pas brouiller le message.

Mme Nicole Bonnefoy . - Notre rapporteur a bien travaillé, malgré un contexte des plus contraints. Je regrette que nous ne puissions examiner au fond que 11 articles sur les 39 qui nous intéressent : une fois de plus, l'économie prime sur le développement durable.

Notre groupe a déposé quelques amendements, dont certains rejoignent ceux de notre rapporteur. Ainsi en est-il de celui qui renforce les prérogatives du préfet pour délimiter les zones non traitées à proximité des habitations.

Nous défendrons un amendement moins consensuel sur le glyphosate : nous proposons d'interdire cette substance en 2021, mais en prévoyant des dérogations pour plus de souplesse, comme nous l'avons fait pour les néonicotinoïdes.

Nous avons également déposé un amendement reprenant la proposition de loi que nous avons votée le 1 er février pour compenser les préjudices des personnes atteintes de maladies liées à l'usage de produits phytopharmaceutiques : les fabricants financeraient le fonds d'indemnisation prévu et très attendu par les malades et le monde agricole. Nous devons montrer notre courage et notre sens des responsabilités. J'espère que les différents groupes soutiendront cet amendement.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ . - Je me félicite que tous ces sujets aient été abordés avec pragmatisme. L'Anses doit rendre ses avis avant la publication de décrets.

Ce texte prévoit 20 % de produits bio dans la restauration collective alors que nous ne produisons que 4 % de bio. Les échéances prévues sont particulièrement rapprochées : comment faire pour que les restaurants scolaires puissent assurer cette proportion ? Les circuits courts doivent être développés, mais cela prend du temps. Pourquoi ne pas prévoir une montée en puissance progressive par paliers ?

L'interdiction des bouteilles en plastique ? N'oublions pas que dans les restaurants scolaires, l'eau du robinet est versée dans des cruches en plastique. Merci de reporter l'interdiction à 2022, car les industriels ne pourraient modifier leurs modes de production en douze mois : d'ailleurs, par quoi remplacer le plastique ?

Ce projet de loi m'inquiète du fait de délais d'application très courts.

Mme Nadia Sollogoub . - Par rapport à la totalité des repas pris en France, quelle est la proportion de ceux pris à la cantine ? L'interdiction de l'eau en bouteille en restauration scolaire n'est-elle pas l'occasion de nous donner bonne conscience à peu de prix ? Si l'on veut de la cohérence, autant interdire les bouteilles en plastique sur tout notre territoire.

M. Didier Mandelli . - Maire entre 2001 et 2015, la municipalité a pris en charge la restauration scolaire à partir de 2008. Nous avons recruté un chef sensibilisé au bio, nous avons proposé des produits de qualité. Aujourd'hui, la cantine propose 28 % d'aliments bio, en valeur, et 65 % de produits locaux. Nous sommes partis du principe qu'il était préférable d'utiliser des produits locaux non bio plutôt que des produits bio importés.

Dans la mesure où trois à cinq ans sont nécessaires pour passer à une production bio, il est illusoire d'imposer 50 % de produits bio en restauration scolaire d'ici à 2020. Il serait préférable de prévoir des paliers, même si nous sommes tous d'accord sur les objectifs à atteindre.

M. Jérôme Bignon . - Notre rapporteur est exhaustif et compétent, ce qui ne gâche rien. Merci pour la table ronde de la semaine dernière, qui est venue à point nommé pour nous éclairer. Nous devons être à l'écoute de nos concitoyens mais aussi des scientifiques et des sachants pour parvenir à un point d'équilibre.

Le plastique au contact des produits alimentaires pose problème, mais peut-être moins que les dizaines de millions de tonnes de plastique dans les océans. Il est impossible de récupérer tous les plastiques dans l'eau, d'autant qu'ils se désagrègent en microparticules, que nous retrouvons ensuite dans toute la chaîne alimentaire. Les plastiques jetés dans les espaces publics se retrouvent, in fine , dans les océans.

Je participais à un colloque organisé par l'association 7 ème continent et par Suez : des solutions existent pour récupérer et trier le plastique.

Mme Pascale Bories . - Merci au rapporteur pour toutes ses explications.

En ce moment, beaucoup de collectivités subissent des inondations et leur eau devient parfois impropre à la consommation. Que se passe-t-il si l'on interdit les bouteilles en plastique ? On ne donne plus à boire à nos enfants ? Attention à ne pas légiférer seulement sur de bonnes intentions.

Les barquettes en plastique engendrent des risques de rejet de déchets dans l'océan et de transmission de perturbateurs endocriniens, mais prêtons attention au coût pour les collectivités territoriales. Rien n'a été évoqué quant à des contreparties financières, or leur suppression entraînera des besoins supplémentaires en personnel pour nettoyer les bacs en inox et une augmentation du risque sanitaire : qui dit lavage dit risque.

À Villeneuve-lès-Avignon, nous sommes engagés dans la réduction des déchets. Pour ce faire, nous avons organisé leur pesée. Imposera-t-on des contraintes supplémentaires aux collectivités qui ont déjà entamé une démarche ou plutôt un objectif final, qu'elles auraient alors déjà atteint ?

M. Jean Bizet . - Je félicite notre rapporteur.

J'apprécie que l'on tienne compte de l'avis de l'Anses, l'une des meilleures agences du monde, sur les produits phytosanitaires. L'avis scientifique doit primer.

N'oublions pas l'articulation entre territoire national et territoire communautaire. La décision d'autoriser une molécule relève de l'avis communautaire mais son usage commercial relève de l'échelon national. Faire cavalier seul sur le glyphosate serait extrêmement scabreux pour la France, qui mentirait au consommateur puisque ce dernier en trouverait toujours dans son assiette en raison de la liberté de circulation des biens tandis que les agriculteurs français subiraient une distorsion de concurrence supplémentaire. Lorsqu'une interdiction est prononcée à l'unanimité, les États qui le souhaitent demandent ensuite une dérogation, ce qui est très déstabilisant. Je respecte la décision politique du Président de la République, mais sa mise en oeuvre est extrêmement difficile.

J'invite les personnes inquiètes à consulter les comptes rendus du Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) sur les résidus de produits phytosanitaires dans l'alimentation. Ramenons ce débat excessivement émotionnel à de justes proportions.

Mme Angèle Préville . - Merci au rapporteur.

Comme Jérôme Bignon, j'estime qu'il faut agir sur le plastique. Il n'y a pas un mais plusieurs continents de plastique et ils ne sont pas tous au milieu de l'océan mais parfois près de nous. La prochaine fois que vous vous promenez sur une plage, observez de près. Sur la dune du Pilat, les petites billes sont partout. Le plastique n'étant pas biodégradable, il ne fait que se briser en tous petits morceaux que l'on retrouve dans les coquillages, les crustacés et les poissons.

Mme Nicole Bonnefoy . - J'entends la nécessité d'interdire tous les plastiques mais je m'interroge sur la prétendue qualité de l'eau du robinet qui peut contenir quantité de nitrates, de résidus de pesticides et du chlorure de vinyle monomère. En Charente, celui-ci, classé cancérogène, se dépose dans les canalisations après s'être échappé des tuyauteries en PVC installées avant 1970. Les syndicats des eaux doivent en réduire la quantité ; leur seule solution est de laisser couler l'eau. Quand la quantité demeure trop élevée, les écoles sont approvisionnées en bouteilles d'eau minérale en plastique. Le problème est compliqué.

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - M. Cornu, je partage votre avis.

Il paraît difficile de mentionner le nombre de traitements sur les vergers. Idem pour les OGM : on en trouve partout. Très peu de médicaments n'y font pas appel. Ne pénalisons pas les produits français par rapport aux produits d'importation qui ne seraient pas soumis à ces mentions.

Les étiquettes sont difficiles à déchiffrer, on le voit quand on essaie de diminuer les sucres lors d'un régime. N'ajoutons pas plus de complexité.

Un régime dérogatoire existe pour l'eau : si elle est de mauvaise qualité, on peut utiliser des contenants en plastique mais aussi des bouteilles en verre ou des carafes en inox. Ces solutions de remplacement nous permettent de franchir ce pas.

Je regrette que notre commission n'ait pas été saisie au fond sur les produits phytopharmaceutiques. L'impact est économique mais aussi environnemental.

Nous avons été saisis d'une demande de rapport sur le glyphosate par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale et la commission des affaires européennes, portant sur les méthodes d'évaluation. C'est riche d'enseignements. Nous regrettons que le temps médiatique soit arrivé avant le temps scientifique. Il apparaît de plus en plus clairement que les principales agences rendent la même conclusion sur sa cancérogénicité : aucun risque n'est avéré à ce jour, même s'il faut poursuivre l'étude des risques sanitaires et environnementaux. Il est regrettable que nous décidions d'interdire un produit alors que la réponse à la question posée est négative. Notre agence sanitaire et son dispositif de phytopharmaco vigilance sont extrêmement performants, appuyons-nous sur ces travaux. La tempête médiatique discrédite les agences et entraîne un manque de confiance auquel il faut remédier.

Monsieur de Nicolaÿ, je partage votre avis sur la restauration collective : l'objectif sera très difficile à atteindre. C'est un encouragement au développement de la filière biologique, puisque l'objectif est de 15 % de surface agricole utile (SAU) en bio. Une proposition de loi récente imposait un taux de 20 % immédiatement, ce qui aurait été néfaste en entraînant des importations. Ce projet de loi affiche d'excellentes intentions mais des mesures d'accompagnement financier seront nécessaires pour aider les agriculteurs à passer au bio. Les contrats d'alimentation territoriaux vont dans ce sens. Là encore, restons-en à l'échelon local. Soyons prudents pour ne pas pénaliser nos excellentes filières.

Monsieur Mandelli a parlé de la proportion de bio local. On peut parvenir à des résultats très intéressants. Soyons indulgents vis-à-vis de l'article 11 du projet de loi, qui va dans le bon sens. Restons toutefois vigilants quant à la création d'usines à gaz. Je n'ai pas obtenu beaucoup de détails sur le Conseil national de la restauration collective. M. Travert m'a promis une réponse écrite.

Madame Sollogoub, l'interdiction des bouteilles en plastique concerne toute la restauration collective et non pas seulement les cantines scolaires. Je rappelle que dans le monde, un million de bouteilles en plastique sont vendues chaque minute.

M. Hervé Maurey , président . - Rappelons les contours de notre saisine : toute loi agricole est examinée au fond par la commission des affaires économiques. C'est elle qui décide des articles qu'elle nous délègue au fond. Elle a souhaité conserver l'examen des articles sur les produits phytosanitaires car elle estime qu'ils sont abordés sous l'angle agricole. Si elle nous les avait délégués au fond, elle se serait totalement dessaisie et n'aurait même pas pu émettre un avis. De notre côté, nous pouvons émettre librement des avis.

Gérard Cornu parlait de la mention des traitements apportés aux produits : il faudrait déjà améliorer l'information du consommateur, notamment sur le nettoyage des fruits et légumes. Faut-il les laver et comment ? Quel est l'impact sur la santé ? Intégrons cette question dans notre réflexion.

M. Jérôme Bignon . - Revenons sur notre frustration de ne pas être saisis de certains articles : cela ressort-il du règlement du Sénat ? Ne peut-on pas l'améliorer ? Dans notre société pleine de chevauchements, il n'est pas bon de travailler en silo. Je suis prêt à faire une démarche auprès du Bureau du Sénat pour qu'il y réfléchisse. Ce sujet concerne l'économie mais aussi l'environnement, sur lequel nous sommes compétents, et qui est extrêmement important pour l'avenir de l'humanité. Le développement durable est un sujet typiquement transversal. Notre commission, qui est à l'interface de nombre de sujets, ferait preuve de modernité en menant une démarche collective sur la saisine.

M. Hervé Maurey , président . - La délégation au fond est plutôt d'ordre coutumier. Ne pas être saisi au fond n'empêche pas d'exprimer une position ni de déposer des amendements.

Lorsqu'un trop grand nombre de commissions sont concernées par un projet de loi, on crée une commission spéciale, la difficulté étant qu'elle ne peut compter que 37 membres, ce qui crée un effet d'entonnoir frustrant et la rend compliquée à composer. Le président du Sénat considère toutefois, à juste titre, qu'il est problématique d'avoir une commission saisie au fond et cinq autres saisies pour avis. A minima , il faudrait augmenter le nombre de membres des commissions spéciales.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 11

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - Mon amendement DEVDUR.1 améliore la lisibilité de l'article 11, qui fixe des objectifs de 20 % de produits issus de l'agriculture biologique et de 30 % de produits sous signe de qualité dans les repas servis dans les services de restauration collective ; valorise les produits issus des exploitations bénéficiant de la certification haute valeur environnementale (HVE) ; prévoit que seuls les produits issus des exploitations avec une certification de niveau 3 et non de niveau 2 pourront être inclus dans les 30 % ; propose une mise en oeuvre progressive de ces objectifs dans le cadre d'une concertation avec l'ensemble des acteurs concernés, dans des conditions fixées par décret.

M. Ronan Dantec . - L'article 11 est évidemment important. Je rends hommage au rapporteur qui a dû travailler dans des conditions qui ne sont pas raisonnables. Il apporte une meilleure lisibilité au texte issu des travaux de l'Assemblée nationale. Cependant, à quoi ces seuils de 20 % ou 30 % font-ils référence ?

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - Il s'agit d'un objectif en valeur.

M. Ronan Dantec . - Ce n'est écrit nulle part.

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - Ce sera fixé par décret.

M. Ronan Dantec . - Le mot « valeur » est présent dans le texte de l'Assemblée. Le mot « volume », en matière de bio, ne signifie pas grand-chose. Je pense que le mot « valeur » doit être inscrit dans l'article, sinon notre version ne sera pas plus lisible que celle de l'Assemblée nationale.

Une autre incohérence demeure. Le commerce équitable est placé hors du périmètre des 50 % de produits satisfaisant les critères défendus. Prenons l'exemple de quelqu'un qui achète un stock de produits chez Max Havelaar : la part issue de l'agriculture biologique entrera dans le calcul des 20 % de produits bio, ou des 50 % de produits satisfaisant les critères, mais la part des produits équitables non bio devra être retranchée de la facture.

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - Les produits du commerce équitable sont souvent d'importation ; or notre texte a pour but de favoriser nos filières agricoles.

M. Ronan Dantec . - Il est paradoxal que les produits équitables français ne soient pas inclus dans la part de 50 % alors que le bio espagnol le sera.

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - Nous voulons favoriser les produits de proximité et les circuits courts.

M. Ronan Dantec . - Établissons plutôt une seule liste complète qui intègre les produits des projets alimentaires territoriaux et la petite partie du commerce équitable de nos régions. Ce serait beaucoup plus lisible et l'équitable français y gagnerait.

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - Tout cela n'empêche pas de s'approvisionner avec ces produits.

M. Hervé Maurey , président . - Nous en reparlerons lors de l'examen des amendements de séance.

L'amendement DEVDUR.1 est adopté.

Article 11 bis A

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - Mon amendement DEVDUR.2 supprime l'article 11 bis A, qui prévoit une expérimentation pour les collectivités territoriales volontaires, qui consiste à rendre obligatoire l'affichage de la composition des menus dans les services de restauration collective dont elles ont la charge, alors même que c'est déjà possible. Une évaluation de la démarche d'affichage des menus ne semble en outre pas déterminante.

L'amendement DEVDUR.2 est adopté.

Article 11 ter

M. Hervé Maurey , président . - L'examen de cet article nous est délégué au fond.

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - Mon amendement DEVDUR.3 modifie cet article qui a suscité de nombreux débats et prévoit une expérimentation afin d'autoriser les collectivités territoriales qui le demanderaient à interdire les contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en matière plastique, c'est-à-dire les barquettes, dans les services de restauration collective dont elles ont la charge. Cet amendement interdit aussi l'utilisation de bouteilles d'eau plate en plastique dans le cadre des services de restauration collective à partir de 2022.

L'amendement DEVDUR.3 est adopté.

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - L'amendement COM-127 précise l'expérimentation de l'interdiction des contenants alimentaires de cuisson, de réchauffe et de service en matière plastique. Avis défavorable à cet amendement qui n'a plus d'objet puisque nous avons supprimé cette expérimentation au profit d'une évaluation de l'Anses.

La commission proposera à la commission des affaires économiques de ne pas adopter l'amendement COM-127.

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - Mon amendement DEVDUR.4 interdit la mise à disposition de pailles en plastique en 2020.

L'amendement DEVDUR.4 est adopté.

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - Les amendements identiques COM-58 et COM-277 rectifié bis ne sont pas compatibles avec la suppression de l'expérimentation ; néanmoins l'évaluation de l'Anses aidera à y voir plus clair. Avis défavorable.

La commission proposera à la commission des affaires économiques de ne pas adopter les amendements identiques COM-58 et COM-277 rectifié bis .

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - Les amendements identiques COM-86 rectifié, COM-90 , COM-112 rectifié ter , COM-156 rectifié bis et COM-160 rectifié suppriment l'interdiction des bouteilles d'eau plate en plastique dans la restauration collective. Avis défavorable.

La commission proposera à la commission des affaires économiques de ne pas adopter les amendements identiques COM-86 rectifié, COM-90, COM-112 rectifié ter , COM-156 rectifié bis et COM-160 rectifié.

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - L'amendement COM-257 rectifié interdit la vente de pailles en plastique à compter du 1 er janvier 2020. Il est satisfait par mon propre amendement.

La commission proposera à la commission des affaires économiques de ne pas adopter l'amendement COM-257 rectifié.

La commission proposera à la commission des affaires économiques d'adopter l'article 11 ter ainsi modifié.

Articles additionnels après l'article 11 ter

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - J'en viens à mon amendement DEVDUR.5. Nous avons besoin d'une évaluation des risques potentiels avant de prendre la décision d'interdire les barquettes en plastique. Il est indispensable d'élargir la saisine de l'Anses aux commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat compétentes en matière d'environnement, de santé, de travail et d'alimentation.

L'amendement DEVDUR.5 est adopté.

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - Avis défavorable à l'amendement COM-191 rectifié.

La commission proposera à la commission des affaires économiques de ne pas adopter l'amendement COM-191 rectifié.

Article 11 quater

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - Mon amendement DEVDUR.6 supprime cet article, qui prévoit que les gestionnaires des services de restauration collective scolaire et universitaire ainsi que des établissements d'accueil d'enfants de moins de six ans sont tenus d'informer et de consulter les usagers sur le respect de la qualité alimentaire et nutritionnelle des repas servis. Il est difficile de comprendre ce que signifie une consultation des usagers sur ce sujet. En outre, l'article 11 prévoit déjà une obligation d'information sur la part des produits bio et de qualité pour tous les gestionnaires de restauration collective.

L'amendement DEVDUR.6 est adopté.

Article 11 quinquies

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - Je me suis interrogé sur la possibilité d'étendre les objectifs fixés par l'article 11 à la restauration collective d'entreprise, seule à ne pas être concernée par les objectifs alors même qu'elle pourrait supporter plus facilement les surcoûts induits qu'un hôpital public par exemple. J'ai toutefois estimé qu'il fallait attendre que l'offre de produits bio et de qualité se développe afin de ne pas risquer de favoriser l'importation, ce qui serait contreproductif. Des obstacles juridiques sur la façon d'imposer des objectifs de cette nature sans contrevenir à la liberté d'entreprendre m'ont également arrêté. Mon amendement DEVDUR.7 prévoit que le rapport sur l'opportunité d'une telle extension fasse aussi le point sur ces éventuels obstacles.

L'amendement DEVDUR.7 est adopté.

Article 11 septies A

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - Mon amendement DEVDUR.8 concerne l'une des demandes sociétales les plus fortes exprimées lors des États généraux de l'alimentation : l'information des consommateurs, qui souhaitent plus de qualité mais aussi plus de transparence.

L'amendement DEVDUR.8 est adopté.

Article 11 septies B

M. Hervé Maurey , président . - L'examen de cet article nous est délégué au fond.

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - Je comprends l'objet de l'amendement COM-135 qui supprime le rapport relatif à la définition de la durée de vie d'un produit alimentaire et à la répartition des responsabilités afférentes. Les rapports sont trop souvent une facilité lorsqu'on préfère ne pas traiter un sujet tout en prétendant le faire. Néanmoins ce rapport-là ne m'a pas semblé décoratif, au contraire. Il correspond à une question que je me suis posée tout au long de mes auditions, tant il me paraissait aberrant que le projet de loi ne comprenne aucune mesure relative à l'affichage des dates limite de consommation, qui sont illisibles et entraînent un gaspillage alimentaire important. Avis défavorable.

La commission proposera à la commission des affaires économiques de ne pas adopter l'amendement COM-135.

La commission proposera à la commission des affaires économiques d'adopter l'article 11 septies B sans modification.

Article 11 terdecies A

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - Mon amendement DEVDUR.9 prévoit que les signes d'identification de la qualité et de l'origine intègrent des critères environnementaux, conformément aux conclusions des États généraux de l'alimentation.

L'amendement DEVDUR.9 est adopté.

Article 11 quaterdecies

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - Mon amendement DEVDUR.10 supprime une demande de rapport sur la déforestation importée. Nous ne souhaitons pas multiplier ces demandes. Sur ce sujet, une stratégie nationale sera prochainement publiée par le Gouvernement.

L'amendement DEVDUR.10 est adopté.

Article 11 sexdecies

M. Hervé Maurey , président . - L'examen de cet article nous est délégué au fond.

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - L'amendement COM-190 restreint la suspension de la mise sur le marché du dioxyde de titane comme additif alimentaire dans sa forme nanoparticulaire. À ce stade, il me paraît préférable de conserver la rédaction actuelle de cet article. L'additif alimentaire E171 est un mélange de microparticules et de nanoparticules. Quand bien même seules ces nanoparticules seraient dangereuses, introduire cette distinction dans la loi pourrait compromettre la qualification de l'additif en raison de sa composition mixte. Avis défavorable.

La commission proposera à la commission des affaires économiques de ne pas adopter l'amendement COM-190.

La commission proposera à la commission des affaires économiques d'adopter l'article 11 sexdecies sans modification.

La commission proposera à la commission des affaires économiques d'adopter l'article 12 sans modification.

Article additionnel après l'article 12

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - L'article 15 habilite le Gouvernement à prendre des ordonnances sur le gaspillage alimentaire. Mon amendement DEVDUR.11 inscrit dans la loi l'extension de l'obligation de mettre en place une démarche de lutte contre le gaspillage alimentaire, déjà existante pour les services de restauration collective gérés par l'État et les collectivités territoriales, à l'ensemble des opérateurs de la restauration collective et à prévoir la réalisation par ces mêmes acteurs d'un diagnostic préalable.

L'amendement DEVDUR.11 est adopté.

La commission proposera à la commission des affaires économiques de ne pas adopter l'amendement COM-115 rectifié bis.

Article 12 bis A

M. Hervé Maurey , président . - La commission des affaires économiques nous a délégué au fond l'examen de cet article.

La commission proposera à la commission des affaires économiques de ne pas adopter l'amendement de suppression COM-7 rectifié.

L'amendement rédactionnel DEVDUR.12 est adopté.

La commission proposera à la commission des affaires économiques d'adopter les amendements COM-201 rectifié et COM-264 rectifié, et de ne pas adopter l'amendement COM-96 .

La commission proposera à la commission des affaires économiques d'adopter l'article 12 bis A ainsi modifié.

La commission proposera à la commission des affaires économiques d'adopter les articles 12 bis , 12 ter et 12 quater sans modification.

Article 12 quinquies

M. Hervé Maurey , président . - La commission des affaires économiques nous a délégué au fond l'examen de cet article.

La commission proposera à la commission des affaires économiques de ne pas adopter l'amendement COM-141 .

La commission proposera à la commission des affaires économiques d'adopter l'article sans modification.

Article 14 bis

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - L'amendement DEVDUR.13 clarifie la rédaction relative aux obligations d'information, afin de viser certains produits biocides présentant des risques sanitaires ou environnementaux. Il prévoit également de définir par décret un délai permettant aux distributeurs de mettre en oeuvre un programme de retrait de la vente en libre-service de ces produits.

L'amendement DEVDUR.13 est adopté.

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - L'amendement DEVDUR.14 harmonise les dispositions des articles 14 bis et 14 ter en matière de publicité commerciale. Par cohérence avec les modifications apportées par le projet de loi, la rédaction de l'article 14 bis est alignée sur celle de l'article L. 253-5 du code rural et de la pêche maritime, telle que modifiée par l'article 14 ter .

L'amendement DEVDUR.14 est adopté.

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - L'amendement DEVDUR.15 recentre l'interdiction d'incitation commerciale sur certaines catégories de produits biocides identifiés par décret en raison des risques sanitaires et environnementaux qu'ils présentent.

L'amendement DEVDUR.15 est adopté.

Article 14 ter

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - L'article 14 ter prévoit de faciliter le recours à des substances naturelles alternatives aux produits phytopharmaceutiques, en autorisant de droit toute partie de plante consommable en alimentation animale ou humaine. Faute d'échanges techniques suffisants entre les utilisateurs et l'Anses, la liste des substances naturelles autorisées ne progresse plus depuis 2016. L'amendement DEVDUR.16 met en place une procédure d'autorisation simplifiée pour les plantes consommables utilisées dans les préparations naturelles peu préoccupantes.

L'amendement DEVDUR.16 est adopté.

Article additionnel après l'article 14 quinquies

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - L'amendement DEVDUR.17 permet à l'autorité administrative de définir des zones, à proximité d'espaces habités ou d'agrément, dans lesquelles le traitement par des produits phytopharmaceutiques fera l'objet de prescriptions ou de restrictions particulières. Cette proposition avait été évoquée lors des États généraux de l'alimentation et inscrite dans le plan d'action pour réduire l'utilisation des pesticides dans l'agriculture.

L'amendement DEVDUR.17 est adopté.

Article 14 sexies

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - L'amendement DEVDUR.18 ajuste les modalités de l'expérimentation d'épandage aérien de produits phytopharmaceutiques par drones sur les surfaces agricoles en forte pente. Il est proposé de rétablir la possibilité de recourir à de tels produits conventionnels, dès lors que la restriction à des produits utilisés en agriculture biologique ne permet pas d'établir un bilan sanitaire et environnemental probant. Par ailleurs, l'expérimentation serait recentrée sur la viticulture.

L'objectif de ces dérogations est de tester le recours à des drones, afin de réduire les risques d'accidents du travail, tout en confiant à l'Anses une évaluation des enjeux sanitaires et environnementaux.

L'amendement DEVDUR.18 est adopté.

Article 14 septies

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - L'amendement DEVDUR.19 prévoit un avis de l'Anses dans le cadre de l'extension du périmètre de l'interdiction des néonicotinoïdes. L'objectif est d'éviter que l'interdiction adoptée dans le cadre de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ne soit contournée via l'utilisation de substances analogues ; le décret d'application de cette extension sera pris après avis de l'Anses.

L'amendement DEVDUR.19 est adopté.

Article 14 nonies

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - Une palette de solutions diversifiée doit être proposée aux utilisateurs dans le cadre d'une stratégie de lutte intégrée pour protéger les cultures. L'amendement DEVDUR.20 précise que la mission confiée aux réseaux des chambres d'agriculture en vue de réduire l'utilisation de produits phytopharmaceutiques s'accompagne d'actions pour promouvoir le recours à des solutions alternatives. Il est indispensable d'apporter une réponse durable aux besoins des agriculteurs.

L'amendement DEVDUR.20 est adopté.

Article 15

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis . - Le projet de séparation des activités de vente et de conseil par voie d'ordonnance est par trop imprécis à ce stade et inquiète fortement le monde agricole, même s'il repose sur de bonnes intentions. Le régime de certification individuelle permet, d'ores et déjà, d'assurer une certaine indépendance des deux activités. Une séparation stricte selon un critère capitalistique mettrait en place une activité de conseil déconnectée des besoins des agriculteurs en créant un réseau et une charge supplémentaires, pour un coût évalué de 300 à 400 millions d'euros. L'amendement DEVDUR.21 supprime la condition capitalistique afin de maintenir une articulation cohérente avec la vente pour les utilisateurs, et d'éviter les surcoûts pour les agriculteurs.

L'amendement DEVDUR.22 complète le précédent. Le principal besoin exprimé par les agriculteurs est celui d'un appui sur plusieurs années, pour favoriser une stratégie de lutte intégrée. A contrario , un conseil indépendant trop régulier entraînerait une charge excessive, sans plus-value notable en termes d'utilisation plus durable des produits phytopharmaceutiques. Cet amendement dote le conseil stratégique et indépendant en matière de produits phytopharmaceutiques d'une dimension pluriannuelle.

L'amendement DEVDUR.23 est de cohérence avec mon amendement portant article additionnel après l'article 12.

Les amendements DEVDUR.21, DEVDUR.22 et DEVDUR.23 sont adoptés.

Articles additionnels après l'article 15

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis. - L'amendement COM-236 , qui encourage la création de jardins de la biodiversité et de l'alimentation dans les écoles élémentaires, ne me semble pas opportun, car il est de nature règlementaire. Rien ne s'oppose à ce que les écoles prennent, d'ores et déjà, de telles initiatives.

La commission proposera à la commission des affaires économiques de ne pas adopter l'amendement COM-236 .

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis. - L'amendement COM-237 concerne les comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté, créés par la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République. Il ne serait pas inutile que ceux-ci comprennent un volet relatif au gaspillage alimentaire, mais il n'appartient pas au législateur de faire une injonction au Gouvernement. Par ailleurs, seul le comité relevant du niveau de l'établissement figure dans la loi.

La commission proposera à la commission des affaires économiques de ne pas adopter l'amendement COM-237 .

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis. - L'amendement COM-319 est dépourvu de tout lien, même indirect, avec les dispositions du texte.

La commission proposera à la commission des affaires économiques de déclarer cet amendement irrecevable au titre de l'article 45, alinéa 1, de la Constitution.

La commission proposera à la commission des affaires économiques d'adopter l'article 15 bis sans modification.

Articles additionnels après l'article 15 quater

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis. - L'amendement COM-291 vise à imposer que, au plus tard le 1 er janvier 2022, au moins 50 % des surfaces agricoles situées dans les aires d'alimentation des captages prioritaires pour l'eau potable soient exploitées selon le mode de production biologique. Or la protection de ces zones s'inscrit dans une logique partenariale et les études soulignent qu'en la matière, il convient de privilégier la concertation et la contractualisation. Par ailleurs, la définition d'une zone soumise à contrainte environnementale reste une option disponible, sur décision du préfet, pour imposer certaines pratiques agricoles.

Imposer dans la loi un pourcentage donné de surfaces en agriculture biologique dans ces zones reviendrait à mettre en cause l'approche territoriale et partenariale actuellement retenue.

La commission proposera à la commission des affaires économiques de ne pas adopter l'amendement COM-291.

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis. - L'amendement COM-193 rectifié ter définit la surface agricole exploitée selon un mode de production biologique ou de conversion dans les aires d'alimentation des captages d'eau. Cette définition étant subordonnée à une délibération favorable des communes concernées, on peut douter, en cas de désaccord, que celles-ci décident d'imposer aux parties prenantes, notamment aux agriculteurs, une telle évolution des pratiques culturales. Ce rôle d'arbitre relève du représentant de l'État.

M. Ronan Dantec . - Cet amendement, que je vous propose, est très différent du précédent, avec lequel j'étais en désaccord : comme je l'ai dit à son auteur, Joël Labbé, le mitage du bio ne sert à rien. En revanche, les collectivités locales souhaitent pouvoir « cranter » les zones de captage qui sont en bio, comme cela se fait ailleurs en Europe. L'objectif de notre amendement est de permettre aux collectivités, lorsqu'il y a consensus sur le terrain, de pérenniser ces zones et d'empêcher un retour un arrière.

M. Benoît Huré . - Nous sommes en train de noyer un texte qui devait être court, précis, traiter du partage des marges en agriculture et des rapports entre le producteur, le distributeur et le transformateur. En sortira, de nouveau, une loi illisible...

L'eau est un enjeu très important, qui mériterait à lui seul une loi. Il y a un mitage des captages d'eau de surface, exposés à tous les dangers. Il faudrait en réduire le nombre et obliger les présidents de syndicat à mutualiser et à connecter les réseaux.

L'hygiène et l'éducation alimentaires sont également des enjeux, mais qu'ont-ils à voir avec le présent texte ? Je crains le pire ! On ne peut, à la fois, reprocher au Président de la République de vouloir limiter le bavardage parlementaire et produire un travail pareil. On se discrédite !

La commission proposera à la commission des affaires économiques de ne pas adopter l'amendement COM-193 rectifié ter .

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis. - L'amendement COM-1 rectifié soustrait les travaux d'affouillement du sol nécessaires à la création de réserves d'eau aux prescriptions du schéma régional des carrières. Il est important que des affouillements d'une telle ampleur soient soumis à un régime spécifique. A contrario , les soustraire à la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) conduirait à rendre inapplicables certaines prescriptions techniques.

La commission proposera à la commission des affaires économiques de ne pas adopter l'amendement COM-1 rectifié.

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis. - L'amendement COM-2 rectifié soustrait au schéma régional des carrières les travaux d'affouillement du sol menés dans le cadre d'un projet de retenue d'eau à usage agricole. La solution proposée est similaire à celle de l'amendement COM-1 rectifié.

La commission proposera à la commission des affaires économiques de ne pas adopter l'amendement COM-2 rectifié.

M. Pierre Médevielle , rapporteur pour avis. - L'amendement COM-52 rectifié bis vise à faire de l'agriculture, dans la gestion de la ressource en eau, une priorité égale à l'alimentation en eau potable. Plusieurs amendements qui viendront ensuite ont le même objectif.

Ces amendements contreviennent aux principes qui structurent la politique de l'eau dans notre pays. La gestion de cette ressource repose fondamentalement sur les notions de partage, d'équité et d'usage raisonnable. Par ailleurs, dans un contexte de changement climatique, les différentes activités doivent avant tout rechercher les économies d'eau. À ce titre, les principes du code de l'environnement qui encadrent la politique de l'eau offrent un équilibre.

La priorité donnée à l'alimentation en eau potable de la population me semble justifiée. Il revient à la gouvernance locale, en particulier les comités de bassin et les commissions locales de l'eau, de définir une politique équilibrée entre les différents objectifs à concilier. Créer des droits de priorité risque de relancer des conflits d'usage et de déséquilibrer une gestion déjà difficile. Enfin, l'agriculture étant déjà visée parmi les objectifs de la politique de l'eau, l'amendement est satisfait par le droit en vigueur.

La commission proposera à la commission des affaires économiques de ne pas adopter l'amendement COM-52 rectifié bis, non plus que les amendements COM-53 rectifié bis, COM-321 rectifié, COM-101 , COM-82 rectifié bis , COM-262 rectifié, COM-275 rectifié, COM-61 et COM-54 rectifié bis.

La commission proposera à la commission des affaires économiques d'adopter l'article 16 B sans modification .

La commission a émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi ainsi modifié.

TABLE RONDE SUR LES PRODUITS PHYTOSANITAIRES

Réunie en commission le mercredi 6 juin 2018, la commission a organisé une table ronde Table ronde sur les produits phytosanitaires, autour de M. Roger Genet, directeur général, et Mme  Françoise Weber, directrice générale adjointe de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, en charge des produits réglementés, M. Philippe Mauguin, Président-directeur général de l'Institut national de la recherche agronomique, Mme Karine Brulé, sous-directrice de la protection et de la gestion de l'eau, des ressources minérales et des écosystèmes aquatiques au ministère de la transition écologique et solidaire, M. Patrick Dehaumont, directeur général de l'alimentation au ministère de l'agriculture et de l'alimentation, M. Didier Marteau, membre du Bureau de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, président de la Chambre d'agriculture de l'Aube.

M. Hervé Maurey, président : Mes chers collègues, nous sommes réunis ce matin pour une table ronde consacrée aux produits phytosanitaires.

Notre commission a traité ce sujet à plusieurs reprises ces dernières années, lors de l'examen de la loi du 6 février 2014 sur l'utilisation des produits phytosanitaires sur le territoire national (dite « loi Labbé »), de la loi transition énergétique du 17 août 2015 ou encore de la loi biodiversité du 8 août 2016.

Nous avons également abordé ce sujet lors d'une table ronde en janvier 2016 consacrée aux enjeux sanitaires de ces produits pour les agriculteurs, ainsi qu'à l'occasion d'une autre table ronde en février 2017 sur le déclin des pollinisateurs au cours de laquelle l'impact environnemental des pesticides avait été évoqué.

L'actualité sur ce sujet est riche puisque le Gouvernement a présenté le 25 avril dernier un plan d'action sur les produits phytopharmaceutiques et une agriculture moins dépendante aux pesticides.

Par ailleurs, le 30 mai dernier, l'Anses a rendu son avis final sur les risques et bénéfices des produits phytopharmaceutiques à base de néonicotinoïdes et de leurs alternatives, en application de la loi biodiversité, qui avait fait l'objet de nombreuses discussions au Parlement lors de son examen. N'oublions pas non plus les débats qui ont lieu depuis plus d'un an sur la question de l'interdiction du glyphosate, aux niveaux national et européen.

Enfin, nous examinerons dès la semaine prochaine le projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable, qui comprend un volet entier dédié aux produits phytosanitaires, en vue de réduire leur utilisation et de développer des alternatives pour les usages existants. Notre commission s'est saisie pour avis de l'ensemble de cette partie du texte, renvoyé au fond à la commission des affaires économiques.

Il nous a donc semblé important de consacrer une table ronde à la question de l'utilisation des pesticides et de leur réduction. Il s'agit d'une problématique sanitaire et environnementale majeure, à laquelle la population est de plus en plus sensible et qui occupe une place toujours plus importante dans le débat public.

L'enjeu est également considérable pour les agriculteurs, qui en sont les principaux utilisateurs mais également les premières victimes de leurs effets sanitaires et environnementaux. Comme notre commission l'a constaté à plusieurs reprises, la maîtrise des risques liés à ces produits, la réduction de leur utilisation et le recours à des alternatives sont des préoccupations partagées par le monde agricole, mais qui nécessitent des mesures fortes tout à la fois pour accompagner et pour accélérer ces évolutions.

Afin d'échanger sur ce sujet, nous avons le plaisir de recevoir ce matin les représentants de plusieurs organismes qui jouent un rôle important pour la connaissance des enjeux sanitaires et environnementaux des produits phytosanitaires, leur réglementation et leur utilisation : M. Roger Genet, directeur général et Mme Françoise Weber, directrice générale adjointe de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), en charge des produits réglementés ; M. Philippe Mauguin, Président-directeur général de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra) ; Mme Karine Brulé, sous-directrice de la protection et de la gestion de l'eau, des ressources minérales et des écosystèmes aquatiques au ministère de la transition écologique et solidaire ; M. Patrick Dehaumont, directeur général de l'alimentation (DGAL) du ministère de l'agriculture et de l'alimentation ; M. Didier Marteau, membre du bureau de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) et président de la chambre d'agriculture de l'Aube.

Je vous propose que chaque organisme prenne successivement la parole pour une présentation liminaire de 7 minutes. Dans un second temps, nous passerons aux questions des membres de la commission.

M. Philippe Mauguin, président-directeur général de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) . - Merci monsieur le président pour cette invitation sur un sujet majeur pour l'ensemble des acteurs de la recherche et de l'expertise.

À l'Inra, nous sommes en particulier mobilisés sur les sujets de la dépendance et des alternatives aux produits phytosanitaires au sein de l'agriculture. Nous agissons à travers différentes actions. La recherche fondamentale en premier lieu : nous travaillons sur des alternatives aux phytosanitaires ainsi que sur leur impact pour l'environnement et la santé. L'expertise ensuite, au service des pouvoirs publics et du Parlement. Je rappelle le rapport récent qui a été demandé par le Gouvernement à l'Inra sur les alternatives au glyphosate. Enfin à travers l'appui aux programmes d'action tel qu'Ecophyto sur lequel les chercheurs de l'Inra sont très mobilisés et grâce auquel nous rendons les innovations profitables aux agriculteurs.

Je rappelle cependant qu'il ne fait pas partie des missions de l'Inra de trouver des molécules chimiques phytosanitaires, il s'agit du travail de l'industrie. Celui de l'Inra est de travailler sur les alternatives. Celles-ci sont de plusieurs ordres : biocontrôle, agronomique, génétique, résistance, et nous avons encore d'autres pistes.

Je rappelle également que l'INRA a récemment fait une publication, en 2017, en bonne coopération avec l'APCA et tout le réseau des fermes DEPHY du plan Ecophyto, qui montre que sur un petit millier de fermes françaises, engagés dans différents types de filière et de secteurs de production, des agriculteurs français avaient pu réduire de 30 % les phytosanitaires, par rapport à la référence moyenne, sans perte de rentabilité ou de productivité. Cet élément nous donne, dans un débat souvent tendu, des perspectives optimistes. Si on a pu le faire dans les 3 000 fermes engagées dans le réseau DEPHY, on doit pouvoir le faire à plus grande échelle Le débat législatif peut donc tourner autour des questions suivantes : comment va-t-on faire le changement d'échelle, et comment va-t-on opérer la diffusion à tous les agriculteurs de ces éléments ?

On peut également noter qu'en fonction du gradient de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires, les difficultés vont être croissantes. Il est relativement facile de viser 5 à 10 % de réduction, en optimisant les équipements de l'agriculture, pour améliorer leur précision et c'est une orientation que suit la France. L'objectif des 30 % est également possible mais c'est une trajectoire qui nécessite plus d'accompagnement et de formation. Enfin si nous voulons aller vers 50 % et au-delà, nous allons alors vers ce que nous appelons une re-conception du système agricole. Il s'agit davantage d'une innovation de rupture que d'une innovation incrémentale.

Sur le biocontrôle, il s'agit seulement de 5 % des parts du marché des produits de protection des plantes, mais nous avons des atouts : un consortium de 49 partenaires, publics, privé, PME, start-up, laboratoires et instituts techniques, pour identifier les cibles prioritaires, c'est-à-dire les ravageurs qui ont le plus d'impact sur nos cultures et pour lesquels il faut trouver des réponses en termes de biocontrôle.

Enfin nous avons en génétique des perspectives intéressantes. Un exemple encourageant est celui de la vigne : nous avons mis au point des variétés de vigne résistante à l'oïdium et au mildiou, sans avoir besoin de recourir à la transgénèse, par des croisements d'hybridation avec des plants de vigne sauvage. Nous sommes en train de les déployer progressivement dans les bassins viticoles, avec beaucoup de prudence, pour que ces résistances ne se fassent pas contourner par des mutations de souche d'oïdium et de mildiou. Cela peut donc prendre du temps, mais si ce temps est laissé aux chercheurs et aux vignerons pour déployer ces variétés, il permettra d'atteindre 80 % de réduction de pesticide d'ici une quinzaine d'années.

L'Inra travaille par ailleurs sur l'impact des phytosanitaires, en partenariats avec l'Anses et les autres organismes de recherche. Un exemple marquant est notamment celui de l'impact des néonicotinoïdes sur la désorientation des abeilles, sur lequel une étude a été publiée en 2012.

Je souhaite enfin donner une autre perspective, car je trouve que nous sommes souvent confinés à une vision franco-française sur un sujet qui est mondial, mais surtout très européen. Nous essayons de porter ces problématiques au niveau européen avec nos partenaires de recherche. Nous sommes notamment en train de négocier un programme franco-allemand à présenter à l'Europe, qui permettrait de penser un système agricole compétitif, sans pesticide de synthèse.

M. Roger Genet , directeur général de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) . - Je rappellerais, pour présenter ce qu'est l'Anses, que l'agence agit avec une vision très intégrée de ses missions.

Nous sommes tout d'abord évaluateurs du risque : notre mission est d'évaluer l'ensemble des expositions auxquelles sont soumis les citoyens dans leur vie de tous les jours. On interroge généralement l'Anses lorsqu'on est dans des situations de grande incertitude par rapport à un risque. On procède alors, selon le principe de précaution inscrit dans le code de l'environnement par une évaluation de risque.

Les évaluations de risque sont faites grâce à différents métiers : la production de connaissances nouvelles, des missions en santé et bien-être animal, sécurité des aliments, protection de végétaux, des missions d'expertise et d'évaluation de risque dans tous les domaines (environnement, alimentation, travail, santé au travail), et enfin l'évaluation de tous les produits réglementés, hormis les médicaments pour l'homme. Toutes les autorisations de produits réglementés, phytopharmaceutiques, produits biocides, médicaments vétérinaires, dépendent aujourd'hui de l'évaluation de l'agence, qui apprécie à la fois leur efficacité et de leur innocuité.

Cette vision intégrée permet, si je prends l'exemple des abeilles, d'avoir d'un côté dans notre laboratoire de Sophia Antipolis des recherches sur la santé des abeilles et sur l'ensemble des facteurs, viraux, bactériens ou environnementaux, qui affectent et fragilisent leurs colonies, et de l'autre, l'évaluation des produits insecticides. Cette dernière permet de juger des risques qui sont afférents à leur utilisation, et délivrer le cas échéant des autorisations, lorsqu'on estime sur la base d'une évaluation scientifique extrêmement précise, que ces risques ne sont inacceptables ni pour l'applicateur, ni pour le riverain, ni pour l'environnement ou la santé des abeilles. C'est cette vision intégrée qui fait le modèle original de l'agence et sa capacité à faire des recommandations en prenant en compte l'ensemble des facteurs.

Depuis 2015, le ministère de l'agriculture nous a délégué la mission de délivrance des autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits phytopharmaceutiques, qui a été suivi en 2016 de la mission de délivrance des AMM pour les produits biocides. Je rappelle que ce sont les mêmes substances actives que nous allons trouver dans l'ensemble de ces classes de produits réglementés (biocides, pharmaceutiques et autres produits réglementés). Nous voulons là encore avoir une vision très intégrée de l'impact sur la santé et sur l'environnement de ces substances contenues dans les produits réglementés. Ce sont des produits pharmacologiquement actifs, qui sont par essence toxiques à un moment ou à un autre sur un mécanisme biologique. La question est donc de savoir dans quelles conditions très précises d'usage, on peut autoriser ces produits. On travaille par conséquent, produit par produit, à lever le niveau d'incertitude, permettant au final d'autoriser un couple usage-produit pour chaque usage défini dans des conditions qui sont les plus sûres possible au regard des connaissances dont on dispose aujourd'hui.

Beaucoup de questions scientifiques sont sous-jacentes et nos scientifiques ne font pas seulement de la recherche mais contribuent également à améliorer les modèles d'évaluation de risque, dans le cadre d'un consortium européen, pour que les connaissances nouvelles et les modèles actualisés puissent immédiatement irriguer les processus d'évaluation mis en oeuvre. Ce sont des programmes que nous conduisons au niveau européen, sur les effets « cocktails » et les effets cumulés, pour essayer de réduire leur impact.

Je vous rappelle que pour les produits phytopharmaceutiques, la responsabilité de l'évaluation est une responsabilité partagée entre le niveau communautaire et le niveau national. Les substances actives contenues dans les préparations sont autorisées et homologuées au niveau communautaire, par l'ensemble des États membres. Les agences nationales font ensuite une évaluation mutualisée par zone. La France, à travers l'Anses, est souvent sollicitée pour donner des agréments sur la zone sud. Lorsqu'une substance est ré-homologuée au niveau européen, tous les pétitionnaires redéposent un dossier d'évaluation pour chaque produit, au niveau national et nous les réévaluons, en prenant en compte l'ensemble de leur composition, notamment pour les additifs, les adjuvants et les co-formulants. Nous avons la connaissance complète de la formulation qui est proposée lorsque nous procédons à l'évaluation qui conduit à une décision d'autorisation ou de retrait, dans le cas où les risques ne sont pas acceptables. Souvent la décision est mixte, puisqu'une partie seulement des demandes de l'industriel sur les usages réclamés est accordée.

Ces évaluations de risque reposent sur un triptyque pour l'agence : la qualité scientifique, une expertise indépendante et très ouverte puisque nous nous reposons sur 900 experts, venant d'établissements de recherche externes à l'agence, avec des règles de déontologie très précise, et enfin le dialogue avec la société, grâce à une gouvernance extrêmement ouverte aux parties prenantes.

Mme Karine Brulé, sous-directrice de la protection et de la gestion de l'eau, des ressources minérales et des écosystèmes aquatiques, ministère de la transition écologique et solidaire . - Je voudrais rebondir sur ce qui a déjà été évoqué et ce qui a été considéré comme des signaux faibles : l'effet des produits phytopharmaceutiques sur les pollinisateurs est désormais avéré. Remontons en 1939, quand le dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT) a été découvert, cela a valu à l'époque le prix Nobel de médecine à son découvreur et il a fallu quelques années pour également découvrir que c'était un pollueur organique persistant, ce qui a conduit à son interdiction. En 2013, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a produit une expertise collective faisant un état des lieux des effets des pesticides sur la santé. Cette étude a fait grand bruit à l'époque, parce que c'était assez douloureux à découvrir pour les agriculteurs. Si je reprends les données de 2014, on voit que dans 87 % des points d'eau de surface et 73 % des eaux souterraines, nous trouvons au moins un produit phytopharmaceutique ou son résidu. Enfin sur les 21 dernières années, 3 200 captages ont été abandonnés, notamment à cause des nitrates et des produits phytopharmaceutiques.

Pourtant les solutions existent, La France possède un écosystème riche en matière de recherche - développement et innovation, que ce soit de la recherche fondamentale très en amont jusqu'aux organismes en charge de l'évaluation opérationnelle des solutions retenues. Les sources financières sont variées en fonction des cibles, de l'ampleur des projets et des maîtres d'ouvrage.

S'agissant des seuls crédits mobilisés par l'Agence française pour la biodiversité (AFB), ils visent les solutions les plus opérationnelles possible. Les agences de l'eau, qui sont au sein des territoires cofinancent un certain nombre de projets, grâce des crédits européens du deuxième pilier de la politique agricole commune (PAC) dont les collectivités régionales assurent désormais la gestion.

Nous avons déjà évoqué le dispositif « DEPHY » qui, au travers du volet expérimental permet de proposer des solutions nouvelles, tandis que le volet ferme les déploie en grandeur nature. Ce sont près de 15 millions d'euros sur un total de 41 millions d'euros qui sont dédiés à ce dispositif.

Depuis 2009, et le programme ecophyto 1, de nombreuses actions structurantes ont permis de démontrer qu'il était possible de combiner des solutions pour arriver à atteindre les objectifs en matière de productions agricoles et de rentabilité des exploitations agricoles. Le principal défi est désormais de valoriser et déployer auprès du plus grand nombre d'agriculteurs les techniques et les systèmes économes et performants qui ont fait leurs preuves chez quelques-uns. La mobilisation de 30 millions d'euros spécifiques sur les budgets des agences de l'eau, en plus des 41 millions mobilisés par l'AFB et complémentaires aux actions d'ores et déjà mises en oeuvre par les agences de l'eau en matière de pollutions diffuses vise à atteindre cet objectif.

L'action 4 du plan Ecophyto 2 a dans ce sens une mesure phare, la mesure n° 4, qui vise à diffuser les bonnes pratiques inventées par les 3 000 agriculteurs des fermes DEPHY vers 30 000 agriculteurs qui vont les mettre en oeuvre. En effet, les chercheurs spécialistes du conseil de transition démontrent que l'échange entre pairs est fondamental, dans le cadre des groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE) généralistes, ou des « groupes 30 000 » spécifiquement construits autour d'un projet de réduction de l'usage des produits phytopharmaceutiques ou de tout autre forme de structuration. Ces structures permettent de privilégier des échanges croisés entre collègues sur les pratiques et les retours d'expérience.

La cohésion des filières territoriales est nécessaire pour concevoir collectivement des systèmes de production agricole plus respectueux des écosystèmes et en en tirant mieux parti, avec des sols et un environnement plus riches en biodiversité, elle-même utile à la production agricole.

Il est également nécessaire d'inscrire la production agricole dans un territoire qui valorise la production de qualité, minimisant son impact sur l'environnement. Les collectivités, les habitants des territoires ont donc un rôle clef à jouer dans l'accompagnement de ces nouveaux modèles agricoles. C'est en quelque sorte un investissement des « urbains » vers les « ruraux », avec des retours collectifs, par exemple en matière de qualité des captages d'eau et de diversité des paysages.

Nous assistons aujourd'hui à une cohérence des signaux pour une synergie des politiques : Les agriculteurs commencent à changer en profondeur, mais se heurtent à la frilosité de certains acteurs en amont et en aval et certaines technostructures doivent encore se mettre en ordre de marche pour accompagner résolument le changement.

Plusieurs politiques publiques donnent des signaux convergents, comme la politique de protection des captages prioritaires, le programme Ambition bio, mais aussi toutes les évolutions de la PAC, que ce soit le premier ou le deuxième pilier.

Aujourd'hui, l'annonce du plan d'actions pour réduire la dépendance de l'agriculture aux produits phytopharmaceutiques par quatre ministres, Nicolas Hulot, Agnès Buzyn, Stéphane Travert et Frédérique Vidal, est un signal fort.

Diverses dispositions du projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous vont aussi dans ce sens, notamment dans son titre II. Nous aurons l'occasion de revenir sur un certain nombre de ces dispositions.

Sous des auspices aussi favorables, le plan Ecophyto 2+, qui vise à traduire le résultat de la concertation sur le plan d'actions pour réduire la dépendance de l'agriculture aux produits phytopharmaceutiques, et qui sera mis en consultation prochainement, devrait permettre l'accompagnement des systèmes agricoles français vers des pratiques réconciliant productions agricoles et respect des écosystèmes pour une agriculture plus résiliente, qui est pour nous la seule voie pour que cette agriculture puisse faire face à l'ensemble des changements qui l'attendent, qu'ils soient économiques ou climatiques.

M. Patrick Dehaumont , directeur général de l'alimentation (DGAL), ministère de l'agriculture et de l'alimentation . - Le débat sur les phytosanitaires est très vif. On ne peut que constater que notre modèle agricole, comme celui de beaucoup d'autres pays, est extrêmement dépendant de ces produits. Une vraie question de changement de ce modèle se pose. Cette dépendance est liée au contexte économique, à la volonté d'accroître la production et à la recherche de compétitivité, mais nous atteignons les limites de ce modèle : les inquiétudes sont fortes en matière d'atteinte à la biodiversité et les produits phytosanitaires portent une responsabilité en la matière. Nous avons par ailleurs de plus en plus de signaux en matière de santé environnementale et humaine. Plusieurs études sur les effets « cocktails » montrent que nous sommes exposés à une sorte de pression chimique, pas uniquement liée aux produits phytosanitaires, mais qui impacte fortement la santé des populations. On voit par ailleurs qu'en matière de maladies professionnelles, un certain nombre de pathologies sont reconnues en lien avec ces produits.

Il s'agit bien d'un sujet européen et mondial. Au niveau de l'Union européenne, la directive du 21 octobre 2009 demande aux États membres de mettre en oeuvre un cadre d'action pour une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable. En France, on a développé sur cette base le plan Ecophyto. La France est d'ailleurs en ce moment entendue par la Commission européenne sur les conditions de mise en oeuvre de cette directive.

Un certain nombre d'actions ont été engagées par ce plan. La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt de 2014 a notamment été l'occasion de porter des actions pour améliorer le dispositif en la matière. Mais on constate aujourd'hui qu'il faut aller plus loin, et c'est pourquoi le Gouvernement souhaite traiter le sujet de façon très volontariste. Les États généraux de l'alimentation (EGA) de l'an dernier ont précisément traité de la question d'une alimentation plus durable et plus saine. Ces réflexions se sont traduites par deux axes d'action : le plan d'actions sur les produits phytosanitaires et une agriculture moins dépendante aux pesticides, ainsi qu'un projet de loi qui va être examiné par votre commission la semaine prochaine.

Je voudrais souligner les quatre axes de ce plan d'actions : le premier axe consiste à s'intéresser de très près aux substances les plus préoccupantes pour la santé et pour l'environnement. Il nous faut améliorer notre capacité d'investigation scientifique et notre capacité à conduire des études ad hoc , ainsi qu'à faire évoluer la réglementation européenne, accélérer les calendriers et mettre en place des mesures pour éliminer les substances les plus préoccupantes. Le deuxième axe consiste en une meilleure connaissance des impacts, en prenant en compte les riverains ainsi qu'un certain nombre d'autres éléments techniques, pour mieux protéger et informer l'ensemble des acteurs, professionnels et citoyens. Le troisième axe consiste à amplifier la recherche et le développement pour trouver des solutions alternatives. Nous avons besoin d'une rupture pour faire évoluer les modèles agricoles et nous affranchir, autant que possible, de l'usage de ces produits. Le développement de la recherche permettra d'avancer en matière de reconception des systèmes, et de développer le biocontrôle, l'agronomie, la bonne utilisation des variétés et l'accompagnement des acteurs agricoles. L'exemple des fermes DEPHY est un bon exemple de la façon de faire du collectif, mais le sujet reste compliqué et cela va demander du temps. Le quatrième axe est le renforcement du plan Ecophyto 2, que nous aurons l'occasion de présenter aux parties prenantes dans les prochaines semaines. Nous aurons également l'occasion de faire une consultation publique sur ce plan pour recueillir l'ensemble des avis en la matière. Ce plan mobilise beaucoup d'acteurs et nous avons un certain nombre de groupes de travail sur des sujets comme le biocontrôle et la séparation de la vente et du conseil par exemple.

Je terminerais avec un point sur le projet de loi en cours de discussion pour rappeler qu'il prévoit, pour la partie sur l'alimentation saine et durable, un certain nombre de mesures sur l'usage des produits phytosanitaires tel que la séparation de la vente et du conseil, la suppression des remise-rabais-ristourne et le renforcement des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP).

M. Didier Marteau, membre du Bureau de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), président de la Chambre d'agriculture de l'Aube. - Je suis agriculteur dans l'Aube. J'ai toujours été sensibilisé aux problèmes de réduction de produits phytosanitaires pour être compétitif. Je n'avais pas la possibilité d'avoir les meilleurs rendements. Dans le cadre de mon engagement à la FNSEA, nous avons mis en place le Forum agriculture responsable et environnementale (FARE). Également à l'APCA depuis une douzaine d'années, je suis en charge du dossier Ecophyto. J'ai contribué à sa mise place. Ce programme a d'ailleurs été maintenu par tous les gouvernements successifs. J'estime que ce serait une erreur d'y mettre fin.

J'aimerais vous expliquer quel rôle jouent les chambres régionales d'agriculture. Pour engager le plus grand nombre d'agriculteurs beaucoup de choses ont déjà été réalisées et beaucoup restent à faire. Nous considérons les participants d'aujourd'hui comme des partenaires, avec lesquels l'APCA a déjà créé des collectifs, avec l'ensemble des instituts techniques, l'INRA et les chambres d'agriculture, afin de développer des actions communes. Je citerai l'exemple des 3 000 fermes, dans le cadre de la cellule d'animation nationale (CAN) qui coordonne les différents acteurs, qui vivent des réalités différentes, selon la région, l'histoire ou les valeurs propres de chacun. Aujourd'hui, il existe 250 systèmes de culture économes et performants (SCEP). Plusieurs modèles de cultures ont été mis en place : des techniques culturales, mais aussi de nouveaux modèles développés et gérés par les instituts techniques. Il s'agit de systèmes, dans lesquels sont enregistrées l'ensemble des données culturales, ainsi que les données météorologiques. Ces systèmes permettent de savoir s'il est nécessaire ou non de traiter les cultures avec des produits. Par exemple, un modèle pour la pomme de terre permet aujourd'hui d'économiser entre 50 % et 70 % des interventions. Je citerai également le bulletin de santé végétale (BSV), mis en place depuis une dizaine d'années. Il permet aujourd'hui d'avoir un bulletin de santé dans chaque région, pour chaque culture et chaque filière. Il faudrait aller encore plus loin, de telle sorte que le bulletin devienne un relais de bonnes pratiques et un système permettant de rassurer. Il s'agit de savoir à partir de quand le risque est atteint, par exemple en présence de pucerons, dont le nombre, au-delà d'un certain seuil, entraîne un risque de jaunisse nanisante, et donc de pertes importantes pour les agriculteurs.

S'agissant du matériel, on trouve désormais du matériel de haute précision. Pour notre part, nous nous sommes beaucoup intéressés au matériel de pulvérisation, pour lequel il faut des moyens financiers et davantage de rigueur. Il y a également tous les robots, tels que les désherbants, mais aussi les drones d'observation, ou encore les capteurs sur les appareils à traiter. Nous espérons de grands progrès en matière de matériel dans les prochaines années.

Ensuite, nous pouvons proposer des solutions rassurantes et techniquement et économiquement viables. Cette année, dans ma région, 50 % des agriculteurs ont semé des colzas avec de la féverole. Certains n'ont pas compris l'intérêt de la féverole, qui a un double intérêt : d'une part, c'est une légumineuse qui apporte de l'azote au sol, et, d'autre part, elle constitue un répulsif contre les attaques de charançons. Le résultat est plutôt positif et nous avons pu nous affranchir d'insecticides à l'automne.

Par ailleurs, les mesures de formation peuvent encore progresser, qu'il s'agisse de la formation générale dans les lycées agricoles, où on ne sensibilise pas assez à l'agro-écologie et à l'écologie, ou de la formation continue : j'ai du mal à trouver des conseillers qui aient une formation pointue sur l'agro-écologie. Je rappelle que nous avons été les premiers à mettre en place le certiphyto , que 550 000 agriculteurs ont déjà passé. La communication est bien entendu indispensable. Nous manquons parfois de relais face aux rumeurs.

S'agissant du rôle des chambres, celles-ci sont au coeur du territoire. Nous produisons un conseil effectif. La seule fiscalité n'est pas suffisante pour rémunérer la quinzaine de techniciens de la chambre d'agriculteurs de l'Aube, a fortiori du fait de la diminution des recettes fiscales. Il est donc nécessaire que les agriculteurs contribuent directement pour obtenir un conseil ou un avis objectif. Sur 3 000 agriculteurs dans l'Aube, environ un millier sont contributeurs directs.

Enfin, il est important pour nous que le public sache que les agriculteurs améliorent leurs cultures en permanence, et que chacun s'implique, en amont comme en aval.

M. Hervé Maurey , président . - Merci pour toutes ces interventions. Je vais laisser maintenant les membres de la commission poser leurs questions en donnant tout d'abord la parole à Pierre Médevielle, rapporteur pour avis de notre commission sur le projet de loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable.

M. Pierre Médevielle . - Je me réjouis d'entendre que des progrès sont réalisés. En matière de produits phytosanitaires, on sort d'une crise importante, compte tenu des dysfonctionnements concernant le glyphosate. Toutefois, il me paraît difficile d'imaginer un monde sans produits phytosanitaires : je crois qu'il existera toujours des maladies fongiques, des maladies bactériennes et des insectes. Il faut rester prudent et garder une pharmacopée suffisante, de façon à pouvoir réagir en cas d'invasion. Une approche progressive me paraît donc beaucoup plus pertinente. Ma première question s'adresse à M. Mauguin : quelle est votre position sur les plantes dites NBT ( New Breeding Techniques ) ? Celles-ci présentent un intérêt : elles consomment moins d'eau, sont plus résistantes à certaines agressions et conduisent donc à réduire la consommation de produits phytosanitaires. Selon vous, doit-on les catégoriser comme organismes génétiquement modifiés (OGM) ? Ma deuxième question s'adresse à Mme Brulé et concerne les ressources en eau. À quand fixez-vous la survenance de difficultés d'approvisionnement pour l'agriculture ? Enfin, ma troisième question s'adresse à M. Dehaumont. Sur la séparation entre vente et conseil, j'estime que la moralisation des pratiques commerciales est une bonne chose, mais je regrette que cela se fasse au détriment des agriculteurs qui verront leurs revenus affectés en bout de chaîne. Je ne vois pas encore comment ce conseil fonctionnera concrètement, sachant qu'il n'existe pas d'autorité produisant des recommandations indépendantes comme une Haute autorité de santé pour les plantes.

Mme Nicole Bonnefoy . - Je remercie tous les intervenants pour leur présence, ce matin et la qualité de leurs interventions. On voit bien que des changements sont possibles, même s'ils ne sont pas simples. En 2012, le Sénat a remis un rapport d'une mission d'information de sept mois, dont j'ai été la rapporteure. Ce rapport émettait une centaine de recommandations, dont un grand nombre a déjà été mis en oeuvre dans la loi agricole de 2014. Des dispositifs importants existent aujourd'hui, tels que le suivi des produits après autorisation de mise sur le marché, et la nécessité d'organiser un système de phyto- pharmacovigilance sur le territoire national. Ce système permet une production permanente d'informations au service de l'évaluation des risques, de la mise sur le marché des produits, et des missions de surveillance de l'Anses. J'ai lu avec attention le rapport d'activité 2016 de l'Anses, dont une partie concerne ce système qui monte en puissance. Pourriez-vous développer davantage, nous dire où vous en êtes, ainsi que l'intérêt de ce dispositif ? J'ai noté que les effets constatés, qui remontent du terrain sont variés, qu'il s'agisse de phyto-toxicité sur les vignes, de décès après ingestion pour mésusage ou de suspicion de cancer pédiatrique à proximité des zones agricoles. Une proposition de loi, dont je suis l'auteur, a été examinée et votée au Sénat au début du mois de février. Elle vise, d'une part, la création d'un fonds d'indemnisation pour les victimes des produits phytosanitaires, et, d'autre part, une indemnisation juste, intégrale, et non forfaitaire. Pour vous, ce fonds d'indemnisation va-t-il apporter quelque chose de nouveau en termes de remontée de données sanitaires ? Enfin, on peut retirer certains produits pour telle utilisation en agriculture et le retrouver dans d'autres utilisations. Pourquoi ? Est-ce possible, à la fois de le retirer dans l'agriculture et ne pas le retrouver dans l'alimentation ? Sur la séparation du conseil et de la vente, je précise qu'il s'agissait d'une recommandation de la mission d'information de 2012. Je connais les difficultés de cette séparation. Comment le ministère, l'INRA et l'ANSES voient-ils cette séparation ? Pour ma part, je pense qu'il ne s'agit pas d'un conseil, mais plutôt d'un accompagnement de l'agriculteur. Cette forme d'accompagnement doit être globale et indépendante pour les aider à sortir du système dans lequel ils se sont enfermés.

M. Jean Bizet . - Tout d'abord, je voudrais remercier et féliciter l'ensemble des intervenants qui ont très clairement souligné que la question qui nous préoccupe aujourd'hui relève d'une responsabilité partagée entre les différents intervenants et les instances communautaires. Nous sommes dans un marché unique, et donc toute décision unilatérale d'un État membre peut faire plaisir à certains, mais ne résout pas le problème. Cela expose les agriculteurs français à des distorsions de concurrence.

Je constate que lorsqu'on parle de bien-être animal, on est obligé de légiférer avec l'autorité morale de Madame Brigitte Bardot, et lorsque l'on parle de produits phytosanitaires, c'est avec l'autorité de morale de Madame Michu, ce qui est peu désagréable et, au fil du temps, cela devient extrêmement difficile. Ma première question s'adresse à M. Genet : comment peut-on améliorer la communication entre l'autorité européenne et les différentes agences nationales ? C'est une question que nous avons abordée avec le commissaire européen. Jusqu'à maintenant, on est plutôt dans la cacophonie que dans l'harmonie de la communication et ceci entraîne une perturbation dans l'acceptation sociétale. Je pense que l'on pourrait trouver une solution. Il n'est pas question d'imaginer priver l'ANSES de toute communication mais les différentes agences pourraient peut-être mieux coordonner leur communication. J'ai une deuxième question : similaire à celle de notre collègue Pierre Médevielle, sur le classement des New Breeding Techniques . Monsieur Mauguin a précisément et justement dit que la solution serait pour partie la combinaison de techniques agronomiques, d'une meilleure utilisation du bio-contrôle et de la génétique. Or, l'Europe, et la France en particulier, a une occasion unique d'autant plus que cette technologie a été inventée par une Française, Emmanuelle Charpentier. Si nous ne saisissons pas cette chance, la France perdra la deuxième place qu'elle a encore aujourd'hui au niveau mondial en ce qui concerne l'activité semencière. En matière de communication, j'ai le sentiment que les sociétés anglo-saxonnes s'en tirent beaucoup mieux que la société française sur ces sujets. Il y a peut-être matière à s'inspirer de leurs pratiques. Chacun se souvient, en 2012, de la manipulation médiatique grossière qui avait été orchestrée par M. Séralini et Mme Lepage, sur la dangerosité de certains OGM. La Commission avait réagi à des manipulations sur des rats devenus difformes. Pourtant, des analyses ayant coûté 15 millions d'euros, ont démontré l'innocuité de ces produits. Or, il n'y a eu aucune communication sur ces résultats.

M. Jérôme Bignon . - Merci aux intervenants pour la richesse et l'extrême intérêt de leur présentation. J'ai une question à M. Mauguin sur le problème d'une innovation de rupture. On constate qu'il est facile d'atteindre 10 %, possible d'atteindre 30 %. Que signifie la reconception nécessaire à un objectif de 50 % ou davantage ?

Pour la question de l'agronomie, du biocontrôle et du contrôle génétique, quelles perspectives et quel délai peut-on envisager pour la combinaison de ces trois points ? Je suis enthousiasmé par l'idée d'une coopération franco-allemande, mais pourquoi le fait-on seulement maintenant, alors que l'on s'aperçoit par exemple sur le climat que c'est grâce aux 10 000 experts du GIEC qu'on a réussi à régler les problèmes de conviction de la société civile ? La démonstration scientifique du GIEC a fait sa force. Je pense qu'il faudrait élargir le spectre, car le problème des produits phytosanitaires n'est pas national, il est mondial !

Monsieur Genet, vous avez évoqué un triptyque dont deux des fondements seraient la science et l'expertise : quel est le troisième ? Vous avez également abordé l'important problème de la gouvernance. Certes, les choses évoluent, mais pas de manière assez coordonnée : plutôt que de pointer du doigt les agriculteurs, aidons-les à avancer vers d'autres pratiques.

Enfin, quel est le quatrième ministère concerné par ce sujet, aux côtés du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, du ministère de la transition écologique et solidaire et du ministère des solidarités et de la santé ?

Mme Karine Brulé. - Le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

M. Jérôme Bignon . - Comment ces ministères travaillent-ils ensemble ? Par ailleurs, je suis surpris que le ministère des outre-mer ne soit pas associé. Nos territoires ultramarins font pourtant face à de gros problèmes phytosanitaires - je pense notamment au chlordécone.

M. Claude Bérit-Débat . - Comme M. Bignon, je m'interroge sur les objectifs : nous atteindrons facilement 30 % de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires en combinant des solutions agronomiques, le biocontrôle et la génétique... mais quid du reste ?

Par ailleurs, les expérimentations génétiques menées aujourd'hui sur la vigne pourraient-elles être rapidement étendues à d'autres plantes ?

Concernant la mortalité des abeilles, ses causes sont évidemment multifactorielles. Que peut-on faire pour l'apiculture, filière durement touchée dans plusieurs régions ? Je pense notamment à la Dordogne, où l'on atteint 75 % de mortalité dans les ruches.

M. Rémy Pointereau . - Je félicite à mon tour les intervenants. Ma question concerne le glyphosate. Cette substance a été mise sur le marché en 1974 sous le nom de Roundup . Présenté comme un produit innovant, un véritable « produit-miracle » - pas de rémanence, pas d'impact sur le gibier -, il a rendu de grands services aux agriculteurs et viticulteurs. Il a permis de simplifier l'agriculture en supprimant les labours, et de diviser par trois le nombre de passages pour le travail du sol et le nombre d'herbicides épandus.

Le monde agricole traverse une crise sans précédent : il va falloir nourrir 2 ou 3 milliards d'êtres humains, la France n'est plus leader européen et perd chaque année des parts de marché, il n'existe aucun produit de substitution... Alors, oui ou non, le glyphosate est-il cancérogène ? La recherche permettra-t-elle d'avoir des produits de substitution d'ici 3 ans ?

M. Guillaume Gontard . - Le lien entre la mortalité des abeilles et l'utilisation des produits phytosanitaires a été largement abordé, et je souhaite rappeler à cette occasion qu'une journée de mobilisation nationale en soutien aux agriculteurs est organisée demain.

Depuis 2012, un décret reconnaît la maladie de Parkinson comme une maladie professionnelle. Le lien de causalité entre cette pathologie et l'usage des pesticides a été clairement établi, et serait dû aux métaux lourds comme l'arsenic et le benzène, que l'on retrouve dans les adjuvants des herbicides.

Contrairement à l'Organisation mondiale pour la santé (OMS), l'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui a conclu à l'innocuité du glyphosate, n'a pas inclus dans son étude l'analyse des adjuvants... Cela pose la question de la procédure d'agrément des produits phytosanitaires : aujourd'hui, lors de la demande d'autorisation de mise sur le marché, les fabricants peuvent, au nom du secret industriel, refuser de dévoiler la nature chimique des différents formulants, se contentant d'affirmer qu'ils sont inertes. Peut-on réellement mener des études sérieuses si tous les composants du produit ne sont pas analysés ?

M. Éric Gold . - La politique est souvent affaire de symboles ; le glyphosate, lui, est une affaire de spécialistes. Les débats prennent souvent la forme d'affrontements, souvent stériles, entre « pro » et « anti ».

Les scientifiques et les professionnels se sont exprimés sur leurs contraintes et leurs avancées, mais on ignore trop souvent le dernier maillon de la chaîne, le consommateur, qui perd peu à peu confiance dans la qualité des produits. Or, aujourd'hui, le désir - légitime - du consommateur de bien manger, met la filière sous pression. Dans les pays anglo-saxons, cela a été dit, les actions de communication ont été bien acceptées. Comment regagner la confiance de nos consommateurs dans les produits ayant fait l'objet de traitement phytosanitaire ? Quelles obligations nous incombent en matière d'information ?

Mme Angèle Préville . - Je remercie à mon tour tous les intervenants pour les informations qu'ils ont fournies.

Nous sommes de plus en plus alertés sur les risques que l'utilisation de produits phytosanitaires fait peser sur la biodiversité : la mort des abeilles, la disparition d'espèces d'oiseaux, celle de 90 % de la population de vers de terre... Hubert Reeves a lancé un cri d'alarme à ce sujet : les vers de terre sont indispensables pour que la terre soit cultivable et puisse produire.

Vous avez tous souligné qu'il fallait agir plus vite : que devons-nous faire ? Je suis consciente du besoin d'accompagnement des agriculteurs : que font concrètement les chambres d'agriculture pour les aider à faire évoluer leurs pratiques ? Je m'interroge également sur la formation dispensée dans les lycées agricoles : y a-t-il véritablement une matière obligatoire sur ces sujets ? Si ce n'est pas le cas, il faudrait absolument la mettre en place.

Enfin, concernant le glyphosate, je me suis rendue lundi à la station expérimentale Noix du sud-ouest, à Creysse, dans le Lot. On m'y a présenté les résultats d'une étude menée depuis 10 ans sur l'inter-rang entre les noyers. Celle-ci a établi qu'un inter-rang enherbé permettait d'obtenir une qualité de noix et une productivité identiques à celles obtenues avec des traitements au glyphosate. C'est une piste très intéressante, j'espère qu'elle sera largement diffusée et que nous pourrons abandonner rapidement le recours au glyphosate sur la culture de la noix.

Mme Marta de Cidrac . - Les propos des intervenants sont particulièrement éclairants et nous permettent de mieux comprendre les sujets difficiles comme le glyphosate. L'être humain a besoin de respirer, de se nourrir, de dormir : c'est dire si le sujet qui nous réunit ce matin est important.

Monsieur Genet, lorsque vous avez présenté le rôle de l'Anses dans la prévention des risques, vous avez utilisé le terme « inacceptable » pour un certain nombre de produits. Quels critères permettent évaluer ce degré « d'inacceptabilité » ? Qui les définit ? Vous avez précisé que l'évaluation des risques était partagée entre l'espace communautaire et l'espace national : quel est le poids de chacun des acteurs ? Sous quelle forme ces contraintes seront-elles appliquées sur le territoire ?

Mme Brulé et M. Marteau ont indiqué que 3 000 fermes expérimentales DEPHY étaient aujourd'hui réparties sur le territoire. À quel horizon l'objectif de 30 000 fermes sera-t-il atteint ? Est-ce un chiffre à terme ou envisagez-vous d'autres phases de déploiement ? Quelle part de la production ces 30 000 fermes représenteront-elles ?

M. Olivier Jacquin . - Permettez à l'agriculteur que je suis de commencer par une remarque : on peut supporter presque toutes les contraintes nouvelles à condition qu'il n'y ait pas de distorsion de concurrence vis-à-vis de nos partenaires européens. Il est insupportable que, dans le cadre d'accords internationaux, nos agriculteurs soient mis en concurrence avec des produits que ne supportent pas les mêmes contraintes.

Ma première question s'adresse au directeur de l'Inra : vous l'avez indiqué, il existe des pistes intéressantes autour du biocontrôle et de l'agronomie. Dans quelle mesure pourriez-vous contractualiser avec la sphère publique pour que chaque million d'euros investi soit destiné à la recherche de solutions nouvelles ?

Ma deuxième question s'adresse à l'APCA : la séparation du conseil et de la vente n'est-elle pas une fausse bonne idée ? Cette séparation pourrait être contournée de mille manières différentes par les lobbies, qui pourraient par exemple prodiguer des conseils par l'intermédiaire de filiales. Renforcer la responsabilité des acteurs n'est-elle pas un moyen mois spectaculaire mais plus sûr ? Je pense par exemple aux travaux de la coopérative Terrena qui sont exemplaires en la matière.

Ma dernière question est destinée aux représentants de l'Anses : la problématique de la qualité sanitaire de produits labélisés « bio » est régulièrement soulevée à partir de quelques cas certes avérés, mais peu importants. Pourriez-vous relativiser cette information, que je considère comme une campagne de mauvaise foi contre les produits bio ?

Mme Nelly Tocqueville . - J'aurais souhaité poser une question au ministère de la santé mais, comme il n'est pas représenté, je m'adresserai aux représentants de l'Anses.

La sonnette d'alarme avait été tirée dès 1962 par une chercheuse américaine, Rachel Carson, sur les conséquences de produits phytosanitaires pour les agriculteurs. Ce n'est donc pas une inquiétude nouvelle.

Aujourd'hui se pose le problème de la reconnaissance, pour les agriculteurs, des maladies professionnelles liées à l'usage des pesticides. Il y a deux ans, j'ai été membre de la commission d'enquête sur le coût économique et financier de la pollution de l'air. Nous avions auditionné des représentants de la Mutualité sociale agricole (MSA) qui nous avaient alertés sur l'augmentation du nombre de malades ainsi que sur le coût potentiel de l'indemnisation des agriculteurs malades présents ou à venir.

La question se pose d'une prise de conscience par le public, mais aussi par les agriculteurs eux-mêmes, des conséquences de l'usage de produits phytosanitaires. La ministre de la santé s'est exprimée de façon curieuse en se disant défavorable à la création d'un fonds d'indemnisation pour les agriculteurs victimes de pathologies liées aux pesticides. Cela a été mal compris, d'autant plus nous disposons aujourd'hui des connaissances et expertises de l'Inserm, de l'Anses et de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur ce point. Comment expliquer cette divergence entre ces expertises et les propos de la ministre ?

M. Guillaume Chevrollier . - On voit bien qu'en France, la question des produits phytosanitaires suscite de vifs débats. Si l'on ne veut pas rajouter de normes et de contraintes sur nos agriculteurs, il faut que ces questions soient traitées au niveau européen, et même mondial. Les agriculteurs français ont déjà fait beaucoup d'efforts : ils utilisent des alternatives aux pesticides et développent de nouvelles approches agronomiques.

Vous l'avez dit, l'utilisation des produits phytosanitaires a diminué de 30 %. Or pourtant, on constate une perte importante de biodiversité. Comment expliquer cela ? Comment permettre aux agriculteurs, à travers le renouvellement du modèle agricole, d'atteindre l'objectif d'une diminution de 50 % de l'utilisation des produits phytosanitaires ?

M. Benoît Huré . - Je remercie les intervenants pour la qualité, la complémentarité, et je dirais même, la synergie de leurs interventions. Cela est rassurant !

Comme mon collègue Jérôme Bignon, je me demande si nous ne devrions pas créer l'équivalent d'un « GIEC » pour les produits phytosanitaires. Car si la France doit bien entendu s'emparer de ce sujet, il faut le faire avec humilité car nous ne représentons que 0,6 % des terres arables mondiales. Si nous voulons réussir cette transition agricole et engager une rupture technologique, il faut donc porter cette question au-delà des frontières de l'Union européenne.

Derrière la question de la pratique de l'agriculture, se pose également le problème des distorsions de concurrence, qui sont flagrantes en l'absence de règles harmonisées.

Parmi les enjeux pour les prochaines décennies, il faudra que nous augmentions notre production alimentaire de 70 % en raison de la croissance démographique, tout en tenant compte du changement climatique et de la raréfaction des terres agricoles. Il est important de démontrer, comme l'a fait Didier Marteau, que les nouvelles pratiques ne sont pas incompatibles avec la rentabilité. Il faut également accepter de conduire des expérimentations avant de passer à leur généralisation.

Il faudra continuer à avancer tout en acceptant le postulat selon lequel les plantes ont, comme les êtres humains, besoin de médication à certains moments de leur existence.

Je souhaiterais également que nous ne nous privions d'aucune opportunité, en particulier s'agissant de la recherche sur les OGM, qui peuvent être prometteurs et permettre de consommer moins d'eau et de produits pharmaceutiques, tout en présentant des niveaux de productivité intéressants.

Il faut aussi avoir à l'esprit que les nouvelles pratiques agricoles engendrent des coûts de production différents. Cela pose la question de savoir à quel niveau le consommateur est prêt à payer ce qui résulte de la production agricole, c'est-à-dire son alimentation.

Enfin, je vous remercie d'avoir dit que les premières victimes d'un usage incontrôlé des produits phytosanitaires sont ceux qui les utilisent, c'est-à-dire les agriculteurs.

M. Joël Bigot . - Je remercie les intervenants pour la qualité et la complémentarité de leurs propos.

L'Inra et l'Anses ont récemment communiqué sur les produits de biocontrôle. Ils identifient la lutte biologique comme l'alternative la plus prometteuse aux insecticides comme les néonicotinoïdes, qui seront interdits à compter du 1 er septembre 2018. Or, les techniques de bio-contrôle ne représentent actuellement que 5 % des méthodes utilisées.

Vous avez indiqué, Monsieur Mauguin, qu'il faudrait environ dix-huit ans pour convertir le vignoble français afin qu'il produise au niveau des exigences environnementales attendues.

Dans la perspective de l'examen prochain du projet de loi sur l'alimentation, nous recevons de nombreux amendements visant à améliorer l'information des consommateurs. Ceux-ci sont inquiets pour leur santé et celle de leurs enfants, et souhaiteraient connaître le traitement qui a été appliqué aux fruits et légumes qu'ils consomment.

Malgré tous les plans de réduction de l'usage d'intrants, les volumes ne baissent pas en France : 66 000 tonnes sont utilisées chaque année, ce qui représente deux kilos par hectare en moyenne.

Aujourd'hui, il existe une « convergence des luttes » entre les agriculteurs, qui souhaitent s'engager dans une agriculture raisonnée, et les consommateurs, qui souhaitent savoir ce qu'ils ont dans leur assiette. Il faut saisir cette opportunité, tout en ayant conscience des contraintes économiques qui s'imposent à nous.

Pourriez-vous nous donner plus de précisions sur le plan Ecophyto 2 ? Il semble qu'il fasse l'objet d'une appréciation contradictoire, parfois au sein même de la majorité à l'Assemblée nationale.

M. Hervé Maurey , président . - Avant de répondre à ces différentes questions, je propose aux intervenants de revenir sur deux sujets qui sont au coeur de l'actualité : le rapport de l'Anses relatif aux néonicotinoïdes et à leurs alternatives, d'une part, sachant que le Gouvernement est susceptible de prendre des arrêtés pour accorder des dérogations à l'interdiction prévue au 1 er septembre 2018, et la question du glyphosate, de sa dangerosité et de ses éventuelles alternatives, d'autre part.

M. Roger Genet . - S'agissant de l'usage des néonicotinoïdes, je commencerai par rappeler qu'il y a eu une augmentation de l'usage des produits phytosanitaires en parallèle d'une diminution du nombre de substances actives disponibles.

Le nombre de substances actives autorisées au sein de l'Union européenne est passé, entre 2008 et 2017, de 425 à 352, dont 75 substances de bio-contrôle. S'agissant des autorisations de mise sur le marché, nous sommes passés de 3 036 autorisations en 2008 à 1 930 en 2017 en France, soit une diminution de 30 %. Parmi les substances autorisées actuellement, 20 % sont des produits de bio-contrôle, alors qu'ils ne représentent que 5 % des usages, ce qui doit nous interroger. Nous avons délivré, en 2017, 40 AMM pour des produits de biocontrôle, et nous avons cette année reçu 17 nouvelles demandes pour ces produits sur un total de 156 demandes.

Par ailleurs, s'agissant des alternatives chimiques, il y a beaucoup moins de substances disponibles dans la pharmacopée. Les usages augmentant, on utilise davantage certains produits qui ne sont pourtant pas forcément les moins dangereux.

Mme Françoise Weber, directrice générale adjointe de l'Anses . - Le rapport de l'Anses sur les néonicotinoïdes avait trois objectifs : identifier les alternatives chimiques et non-chimiques, c'est-à-dire agro-écologiques, physiques ou culturales, aux usages des néonicotinoïdes - nous avons identifié 130 usages différents ; comparer les risques des différentes alternatives chimiques existantes pour la santé humaine, les pollinisateurs, les organismes aquatiques, et les milieux comme l'air et l'eau ; et évaluer l'impact sur l'activité agricole de l'interdiction des néonicotinoïdes et du recours aux alternatives.

Sur le premier volet, nous avons montré qu'il existe des alternatives à la fois chimiques et non-chimiques pour plus de 80 % des usages de produits néonicotinoïdes. Nous avons identifié six usages pour lesquels il n'existe aucune alternative, et des usages pour lesquels il existe soit une seule alternative chimique, soit plusieurs alternatives chimiques appartenant à la même famille de substances, ce qui dans les deux cas présente un risque de résistance élevé.

Nous nous sommes concentrés sur les alternatives immédiatement opérationnelles au moment de l'interdiction des néonicotinoïdes, c'est-à-dire en 2018, puisque cet avis devait fonder la délivrance éventuelle de dérogations. Nous n'avons pas fait de prospective, et nous n'avons pas évoqué certains usages en cours d'expérimentation ou qui ne sont pas encore utilisés sur le terrain.

Dans nos conclusions, nous soulignons qu'aucune méthode n'assure à elle seule une efficacité suffisante pour remplacer les néonicotinoïdes, mais qu'il faut privilégier une combinaison de méthodes, dans une approche intégrée, comme cela a été rappelé par plusieurs intervenants. Nous soulignons également le risque de résistance accrue aux autres substances chimiques.

L'exploration de la littérature ouvre des perspectives en matière de recherche et d'accompagnement technique des agriculteurs qu'il s'agit maintenant de mettre en oeuvre. Nous recommandons d'accélérer la mise à disposition de pratiques respectueuses de l'environnement.

S'agissant du troisième volet relatif à l'impact sur l'activité agricole des alternatives, l'évaluation a été difficile à mener car nous ne disposons pas de référentiels et qu'il n'existe que peu de données. Nous n'avons donc pas répondu de manière exhaustive à la demande mais, avec l'aide de l'Inra et de FranceAgrimer, nous avons quand même donné quelques informations permettant de mesurer l'impact sur l'activité agricole de l'interdiction des néonicotinoïdes.

M. Patrick Dehaumont. - Nous parlons beaucoup de l'interdiction des néonicotinoïdes et des dérogations éventuelles qui pourront être accordées pendant une période transitoire afin de gérer les impasses techniques.

Il est vrai que le réveil est difficile, mais cela fait déjà cinq ans que nous savons que ces produits sont condamnés en raison de leur rémanence et de leurs effets sur l'environnement. L'étude de l'Inra sur le thiaméthoxam publiée en 2012 avait fait beaucoup de bruit. La France était alors partie seule au combat au niveau européen pour demander la réalisation d'études complémentaires. Le résultat c'est que, au-delà de la loi biodiversité de 2016, qui a conduit à interdire les néonicotinoïdes, l'Europe vient de retirer trois de ces molécules du marché. La France a donc été en avance et a emmené l'Europe avec elle. D'autres substances ne sont pas dans cette liste, par exemple le thiaclopride, très utilisé sur les cultures de maïs, alors qu'il s'agit pourtant d'un produit cancérogène et perturbateur endocrinien. Comment envisager que des dérogations soient accordées pour de telles substances, quand bien même nous ferions face à une impasse technique ?

Sur certaines productions, les agriculteurs rencontrent des difficultés. La délivrance de dérogations va être complexe, car certaines molécules sont interdites au niveau européen, tandis que d'autres peuvent avoir des effets toxiques significatifs.

M. Philippe Mauguin. - S'agissant du glyphosate, nous avons été chargés par les ministères de l'agriculture, de l'environnement, de la santé et de la recherche de réaliser, dans un délai d'un mois, une synthèse sur les usages et les alternatives existantes.

Nous avons passé au crible les 9 200 tonnes de glyphosate utilisés par l'agriculture française pour comprendre quels types d'usages prévalaient, sur quelles cultures, et pour identifier les alternatives existantes.

En substance, nous avons montré qu'il existait des alternatives dans un certain nombre de cas. Dans d'autres cas, nous avons considéré qu'il existait des impasses lorsque nous n'avons pas pu trouver de solutions autres que le désherbage manuel.

Les situations d'impasses totales représentent 15 % des volumes de glyphosate consommés. On y retrouve par exemple l'agriculture de conservation des sols, qui fait du semis sous couvert et qui intervient peu sur les sols. Dans ce cas, il n'y a pas de possibilité de faire du désherbage mécanique ou de procéder à un enfouissement par le labour. On retrouve également le cas particulier de la viticulture en terrasses, où il est difficile d'intervenir de façon mécanique, de même que les cultures légumières et les cultures de semence, qui ont des cahiers des charges précis qui interdisent toute mauvaise herbe, afin d'éviter celles qui ont un caractère toxique comme les curares.

Pour les autres usages, des solutions existent comme le désherbage mécanique et l'utilisation accrue des couverts végétaux.

Ce que montre le rapport, c'est qu'il n'y aura pas une seule solution alternative. Il ne faut pas se bercer d'illusions : le glyphosate est un herbicide total extrêmement efficace et bon marché ; cela fait depuis 1974 que les entreprises multinationales cherchent une alternative à ce produit, sans succès. Il n'y aura donc pas une seule solution qui pourra s'appliquer à toute l'agriculture. Il faudra combiner plusieurs alternatives. La question qui se pose c'est combien cela coûte, et comment on procède pour permettre, pour chacun des systèmes de production, de développer dans les trois ans des solutions alternatives. Nous sommes prêts à appuyer ces démarches, en mobilisant nos chercheurs et nos unités expérimentales, en lien avec les instituts techniques et l'APCA.

Quelles solutions peut-on trouver pour l'agriculture de conservation des sols ? Les agriculteurs engagés dans cette agriculture nous interpellent, puisque leurs pratiques sont effectivement favorables à la conservation des sols, des vers de terre, des carabes et, plus généralement, de la microbiologie. Mais comment faire sans glyphosate ? Nous avons tenu cette semaine un séminaire de travail avec plus de 180 agriculteurs et chercheurs sur cette problématique. Nous allons continuer d'y travailler.

Mme Karine Brulé. - Je vous remercie d'avoir fait le constat de la synergie qui existe entre nous. C'est important que nous donnions le sentiment d'avancer tous ensemble.

Ma vie professionnelle a été bercée par la recherche de la nouvelle « bonne solution ». Lorsque le DDT a été découvert, il était vu comme la solution permettant de mettre fin à l'usage de produits très toxiques à base de cyanure ou de mercure, jusqu'à son interdiction en 1962. Les organophosphorés et les organochlorés qui l'ont remplacé se sont eux aussi révélés non compatibles avec les exigences de la société.

En matière d'insecticides, Les pyréthrinoïdes ont également été vus comme une solution « miracle », puisqu'ils étaient basés sur une substance naturelle issue d'un géranium, avant que l'on se rende compte qu'ils étaient extrêmement toxiques pour la faune aquacole. Les « champions » qui ont suivi les pyréthrinoïdes s'appellent... les néonicotinoïdes. Quelle que soit l'excellence de la recherche, nous ne sommes plus dans un monde où une seule solution technologique est possible. Nous sommes dans un monde systémique. Certains ont évoqué la puissance de la biodiversité : nous devons mobiliser la recherche autant sur les solutions technologiques que sur les solutions qu'apportent les écosystèmes comme les vers de terre et la gestion quantitative des zones humides.

Après la seconde guerre mondiale, nous avons demandé au monde agricole de produire de façon simple et efficace. Aujourd'hui, nous lui demandons de produire de façon compliquée. Il est donc normal qu'il y ait des résistances au changement, mais nous sommes tous là pour donner ce signal et pour accompagner ces transformations.

M. Didier Marteau : Il faudra en effet du temps. Aujourd'hui je considère qu'un tiers des agriculteurs sont déjà engagés qu'un tiers regarde ces sujets avec beaucoup d'attention, et que le dernier tiers n'est pas encore prêt à s'engager. C'est donc à nous de convaincre.

Il faut également considérer la qualité finale. Par exemple lorsque j'ai vidé ma benne à blé, j'ai eu huit contrôles, qui ont chaque fois été négatifs. D'où l'intérêt de cahiers des charges très strict, sinon ça ne passe pas, et parfois ça ne passe même pas au niveau de la commercialisation.

À propos du fonds d'indemnisation, je préfère évidemment qu'il n'y ait pas de victimes, et je me bats tous les jours pour ça. Sensibilisons les agriculteurs ! Ils n'ont pas été sensibilisés à mon époque, nous n'avions aucune formation sur le risque. Nous avons utilisé du glyphosate et du DDT, mais pas seulement dans l'agriculture. Nous utilisions le DDT dans les cheveux contre les poux pour les enfants et on nous a dit que le glyphosate était un produit que l'on pouvait même utiliser dans l'eau. Il n'y avait d'ailleurs pas de taxe au départ.

En termes de volume, il faut également avoir à l'esprit que le glyphosate représente un litre à l'hectare pour les agriculteurs. Si on le remplace par le désherbage ou du binage, on va augmenter la consommation de fuel et je ne suis pas sûr que le bilan carbone soit meilleur.

Je ne suis pas sûr que la réduction des molécules soit une bonne chose, comme les OGM. Je me suis également battu pour les OGM, pour avoir des résistances naturelles. Aujourd'hui la réduction de molécules implique que nous utilisions de plus en plus la même molécule. Or, il faut prendre en compte les équilibres.

À propos du conseil, la séparation du conseil et de la vente est en effet importante. On pourra dire que les chambres d'agriculture sont gagnantes parce qu'elles n'ont pas d'intérêt à vendre. C'est vrai, mais aujourd'hui on remarque que c'est davantage la qualité qui est en jeu, et c'est également ce qui est recherché par les acteurs économiques.

À propos du bio, je connais des agriculteurs qui ont perdu leur marché auprès des acteurs de la distribution car ceux-ci sont partis acheter en Espagne. Or les Espagnols appliquent certes le même règlement, mais ne subissent pas autant de contrôles. Certains agriculteurs vont même produire là-bas pour être tranquilles. C'est la même chose sur les importations, on interdit les OGM mais on utilise du soja OGM. La distorsion de concurrence est grave et elle est en train de mettre l'agriculteur français en difficulté.

Le fipronil dont on a parlé est un bon exemple : il est interdit et on ne l'utilise plus depuis sept ou huit ans. Mais il est toujours utilisé sur les colliers de chats et de chiens. En termes de risque, pour les enfants qui caressent ces animaux, ce n'est pas cohérent. C'est la même chose pour les oiseaux et la préservation de la biodiversité pour lesquels il faut reconnaître qu'il y a eu des problèmes. Moi-même j'ai utilisé des colorants nitrés et il n'y avait plus de vers de terre. Je pense que nous avons maintenant des produits qui sont bien plus respectueux de la faune et de la flore. Toutefois, d'autres problèmes apparaissent, par exemple faire pousser des tournesols, car les oiseaux mangent la graine dans le sol et nous n'avons plus de produits répulsifs.

À propos des outre-mer, on a fait des progrès en réduisant de 35 % l'utilisation des pesticides sur les filières dans ces territoires. La diminution est différenciée selon les filières, elle est par exemple de 15 % pour les grandes cultures, mais c'est aussi la filière qui en utilise le moins.

En termes d'objectifs, il faut considérer qu'on veut passer de 30 000 agriculteurs à 300 000 mille. Je regrette que sur ce dossier on n'ait pas suivi vos propositions. Pour 30 000, il fallait un cadre général national, qui n'a pas été mis en place. Ce sont les agences qui gèrent ce niveau, les chambres ne peuvent alors qu'en faire la promotion. C'est donc parti dans tous les sens et on ne sera pas au rendez-vous, on avait 5 ans pour arriver à 30 000 mais on n'y sera pas. Je propose de développer des systèmes de réduction, avec des groupes qui s'engagent sur une thématique pour réduire les produits phytopharmaceutiques avec des solutions alternatives. C'est comme ça qu'on fera évoluer l'agriculture.

M. Patrick Dehaumont . - Sur le plan Ecophyto, on m'interrogeait sur le fait que les résultats soient contradictoires. En effet les résultats sont partagés. On a souvent relevé que les objectifs de réduction de l'usage des phytosanitaires n'avaient pas été atteints. Il y a malgré tout beaucoup de progrès qui ont été faits dans le cadre d'Ecophyto 1 et d'Ecophyto 2 tel que la protection des agriculteurs, le développement de la recherche, le traitement des DOM et les fermes DEPHY. Il y a donc beaucoup de points très positifs, avec également des actions de communication vers les professionnels. En combinant différentes actions, nous devons progresser sur les méthodes alternatives pour limiter l'usage des produits phytosanitaires.

Concernant les abeilles, il y a en effet une baisse des colonies et des populations. Le sujet est très compliqué et il est probable que les pesticides en général aient une responsabilité très importante. Mais c'est aussi dû aux pratiques des apiculteurs, et nous y travaillons avec l'ensemble des filières apicoles. Il y a des pathologies dans les ruches dûes à la conduite sanitaire des ruchers, des produits et des médicaments utilisés et les apports génétiques ont également des effets. Lorsqu'on importe des reines d'Asie, on peut introduire des pathologies ou lorsqu'on achète des cires qui ont été frelatées avec des paraffines, il y a un risque d'intoxication des abeilles. Il est compliqué de faire évoluer les modèles agricoles et certains modes d'élevage. On a mis en place un observatoire spécifique sur les mortalités d'abeilles car il y a les mortalités aiguës et les mortalités chroniques, beaucoup plus difficile à investiguer. Un travail est en cours avec l'Anses sur ce sujet pour revoir l'arrêté ministériel relatif à la protection des abeilles.

Sur la séparation de la vente et du conseil, c'est effectivement un point qui nous paraît essentiel pour mieux structurer le conseil stratégique annuel donné aux agriculteurs. Celui-ci doit être indépendant, pour proposer des solutions alternatives avec une appréhension globale et systémique de l'exploitation. Il y a ensuite les autres conseils de préconisation et de sécurité, qui n'ont pas à mon sens à être pris dans la séparation de la vente et du conseil.

Le modèle technique doit être construit et il faut des méthodes alternatives pour appréhender et conseiller les exploitants. Il y a actuellement des conseillers dans les chambres d'agriculture, ainsi que des conseillers indépendants, ils ne sont pas uniquement dans les négoces agricoles et dans les coopératives. Il va falloir quelques années pour que ces conseillers aient la formation, les méthodes, la reconnaissance et soient indépendants de l'activité de vente. L'idée est bien qu'il y ait une séparation capitalistique entre les vendeurs et les conseillers pour limiter cette influence.

Mme Karine Brulé. - La mobilisation des aides dans les territoires est structurée. Les agences de l'eau n'interviennent pas de manière indépendante mais dans le cadre des feuilles de route régionales, puisqu'une circulaire du 1 er janvier 2016 demande aux services de l'État, avec les parties prenantes, de rédiger des feuilles de routes régionales pour décliner dans les territoires les grands enjeux nationaux. Les territoires sont tous différents et la solution ne peut être la même dans le vignoble du sud et dans celui du nord, dans la culture du maïs ensilage de l'ouest ou dans la culture des pommes de terre des Haut-de-France. Afin d'apporter une solution adaptée aux territoires, on a donc demandé aux agences de l'eau de mobiliser des crédits pour les feuilles de route régionales. Mais celles-ci ne sont pas encore à la hauteur des enjeux.

M. Mauguin a parlé tout à l'heure de rupture technologique. Nous sommes effectivement à un moment de rupture. Les feuilles de route régionales ont été écrites avec les parties prenantes, qu'ils soient professionnels, consommateurs ou représentants des administrations. Grâce à l'augmentation de la redevance pour pollutions diffusées, les agences de l'eau ont pu mobiliser 30 millions supplémentaires. Elles ont mis en oeuvre 20 millions d'euros sur ces 30 millions, ce qui a engendré des déceptions.

On est maintenant dans ce moment de rupture des dynamiques territoriales. Les territoires sont extrêmement innovants, ainsi que les agriculteurs. Il faut que les retours d'expérience soient valorisés. Comme je l'ai dit en introduction, les sciences humaines et sociales nous montrent à quel point le changement est difficile, notamment à cause du regard de l'autre. Vous le savez, lorsqu'un agriculteur laisse quelques plantes adventices dans ses champs, tout le village est au courant qu'il a raté son passage herbicide. Il faut que ce regard change, c'est pour cela que le regard entre pairs est essentiel.

M. Benoît Huré . - La rupture brutale n'est pas possible si on est le seul pays à la mettre en oeuvre, car les conséquences sont trop fortes. Je mets en perspective les problèmes d'alimentation et de baisse brutale de production. Il faut travailler progressivement, le paysan est quelqu'un qui travaille avec la patience de la vie, de la nature et des saisons. Avant de récolter le blé, il faut le semer et le soigner jusqu'à la récolte. Une rupture brutale n'est donc possible qu'à la condition qu'elle s'applique à tous les pays producteurs, mais faisons attention au problème de la famine.

M. Karine Brulé. - Pour que mes propos ne soient pas ambigus, je précise que j'ai parlé de rupture brutale dans l'accompagnement du monde agricole. Le projet est bien de progresser ensemble, il y a une responsabilité des collectivités territoriales, et le projet de loi sur l'agriculture et l'alimentation prévoit des dispositifs pour acheter ces productions de meilleure qualité et moins impactantes sur l'environnement.

Certains d'entre vous ont parlé de ce problème de leadership. Je pense que la France a les capacités en recherche, innovation et développement, et les forces territoriales lui permettant d'être le leader de la résilience. Cela me permet de répondre à la question relative au bassin Adour-Garonne : il est effectivement dans une impasse en matière d'eau. Il y a un déficit d'un milliard de mètres cubes. Comme pour les produits phytopharmaceutiques ou l'énergie, il faut avoir recours à un mixte de réponses en matière d'eau, et les retenues sont une des solutions disponibles.

M. Philippe Mauguin . - Concernant le glyphosate, l'Inra n'est pas en charge de l'expertise sur le caractère cancérigène, c'est donc M. Genet qui répondra sur cette question.

Les nouvelles biotechnologies présentent effectivement beaucoup d'intérêt dans un certain nombre de cas. Je ne pense pas que l'on puisse dire que c'est l'arme absolue, mais c'est un outil intéressant, et nos chercheurs à l'INRA mobilisent ces techniques. La recherche française n'est pas en retard sur ce point. La précision et la rapidité de l'insertion peuvent être très utiles et efficaces quand on a beaucoup de caractères à faire évoluer en même temps. Je prends l'exemple d'une plante qui a beaucoup de ravageurs et pour lesquels on pourrait mobiliser des gènes de résistance. Le faire par des techniques traditionnelles d'hybridation est possible, mais prendra du temps. La question qu'il faudra se poser lors des débats entre ceux qui sont pour et ceux qui sont contre sera celle du temps : au lieu de prendre 15 ou 20 ans pour introduire des résistances dans une plante, accepte-t-on d'utiliser ces techniques ? Pour le moment on est dans l'attente d'un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, qui aura probablement un impact sur la sur le cadre réglementaire européen applicable à l'utilisation de ces techniques.

À propos de la question des suivis post AMM, nous y contribuons. Mais on ne réglera pas tous les problèmes dans le cadre de l'évaluation, un rapport sénatorial l'a démontré.

Sur la question de la reconversion des systèmes, plus précisément la différence entre une innovation incrémentale et une innovation de rupture en agriculture, je fais la distinction suivante. Quand on a des pulvérisateurs plus précis, il s'agit d'innovation incrémentale, moyennant l'acquisition de nouveau matériel. Mais ce sont les innovations de rupture qui nous permettront de baisser au-delà de 50 % l'utilisation de phytosanitaires. Didier Marteau a déjà mentionné des exemples intéressants en disant qu'il n'était pas usuel de semer en même temps du colza et de la féverole. Dire aux agriculteurs que l'on va utiliser le sol toute l'année et que l'on va mélanger les cultures va à l'encontre de ce qu'on leur a appris. C'est ce que j'appelle de l'innovation de rupture. Il faut le faire à l'échelle du terrain, et non pas dans les laboratoires. Nous travaillons avec nos unités de l'Inra dans des conditions réelles, en tenant des comptes d'exploitation. Un certain nombre d'unités de production sont dans ces logiques de re-conception et vont vers le bio, et parfois plus loin avec des approches très innovantes. Il faut qu'on partage ces expérimentations avec les agriculteurs qui sont les plus motivés et les plus engagés pour que les changements se fassent progressivement. C'est ce qui prendra du temps.

Sur la question d'un GIEC des produits phytopharmaceutiques ou de l'agriculture, c'est une question qui a déjà été évoquée. Ça n'est pas le sujet de préoccupation majeure et c'est encore à l'état d'interrogation. Par ailleurs, j'ai récemment accompagné une délégation gouvernementale en Chine pour conclure des accords, car les Chinois font des investissements considérables en recherche agronomique depuis une dizaine d'années. Nous coopérons avec eux et nous allons probablement conclure à l'automne la création d'un laboratoire international associant l'Inra sur la culture du riz, qui nous intéressera également pour le blé. Nous avons également signé des accords avec l'Inde. S'agissant de l'Allemagne, nous n'avons pas fait d'accords plus tôt car l'Allemagne a beaucoup d'instituts, et l'organisation de sa recherche est très éclatée : dans l'agriculture nous avons plus de dix interlocuteurs. Nous sommes donc en train d'essayer de les regrouper pour avoir un projet commun.

Sur la question des coformulants posée par le sénateur Gontard : à propos du glyphosate, la tallowamine est un coformulant génotoxique, qui a conduit au retrait de plusieurs AMM.

Concernant les remarques de Mme Préville sur l'importance de la micro-biodiversité des sols : nous avons, au cours du G20, décidé de mettre en place un réseau international de recherche sur la micro-biodiversité des sols. Nous avons obtenu un accord qui sera piloté par l'Inra au niveau mondial.

À propos de la question d'un contrat entre l'INRA et les pouvoir public sur un grand programme de recherche sur le biocontrôle, nous sommes prêts de notre côté. Nous avons fait des propositions à notre tutelle avec l'ensemble des acteurs du consortium. Je pense qu'il y a un bel enjeu pour que la France soit le leader européen et peut-être mondial du biocontrôle.

M. Ronan Dantec . - Nous avons beaucoup parlé des changements de pratiques, mais très peu des enjeux territoriaux. Comment se fait-il que l'on n'ait pas, comme en Allemagne, identifié des territoires qui devraient être en zone bio ? Face à un tel morcellement, pourquoi ne met-on pas en place dans un premier temps des territoires de projet ? Je trouve que cette approche territoriale est absente du débat.

M. Roger Genet . - Nous avons besoin d'avoir des solutions intégrées, pour réduire les facteurs de risque. Pour tous les risques, nous nous plaçons dans une logique dite « ALARA », c'est-à-dire, aussi bas que raisonnablement possible. On est face à l'utilisation de substances chimiques, biologiquement actives, donc l'objectif est de les utiliser de façon à ce que l'impact soit aussi bas que raisonnablement possible, sur la base des connaissances dont nous disposons. Ce principe qui prévaut partout doit être appliqué et nous avons absolument besoin d'un engagement très volontariste de tous les acteurs.

Mme Nicole Bonnefoy . - Ce que vous dites me fait penser aux effets « cocktail » : les évalue-t-on ?

M. Roger Genet . - Dans les lignes générales qui nous permettent d'évaluer les risques, nous prenons en compte un certain nombre d'approches « cocktail », mais avec plusieurs milliers de substances chimiques, il est impossible d'identifier le cocktail précis auquel vous êtes soumis dans tel ou tel environnement. Nous avons donc une approche réductionniste pour essayer de cerner ce risque. Nous ne sommes pas capables de vous donner une approche précise des expositions aux très faibles doses, et c'est pour cela que nous avons défini des limites maximales aux résidus, ou des doses sans effets, qui nous permettent de définir les zones au-delà desquelles il est possible d'avoir un risque supportable. Il n'y a cependant pas de risque zéro, c'est pourquoi nous parlons d'absence de risque inacceptable dans les évaluations. Nous faisons une évaluation de risque sur la base des connaissances scientifiques et nous définissons des valeurs de toxicologie de référence pour avoir une marge importante de sécurité, dans un domaine d'utilisation. Je pense que le premier principe doit être de diminuer les risques à la source. Cela revient à conserver une palette de substances biologiquement actives dont nous pouvons avoir besoin, y compris en matière de santé publique. En Guyane et aux Antilles, pour lutter contre le chikungunya ou la dengue, ont été utilisés de manière dérogatoire des insecticides qu'on ne s'autorise plus à utiliser aujourd'hui en tant que produits phytopharmaceutiques, mais il est important de garder ces substances dans la pharmacopée, pour éventuellement les utiliser dans des conditions très encadrées. Mais il faut en même temps faire baisser le facteur d'exposition globale.

Sur le glyphosate, le ministère de l'agriculture a demandé à l'Anses d'évaluer les substances présentant un caractère de danger important pour voir comment nous pouvons les éliminer plus vite. Il faut bien distinguer le danger intrinsèque des molécules cancérigènes ou reprotoxiques, et le risque lié à leur utilisation. Diminuer le risque consiste aussi à éliminer les substances les plus dangereuses dont on peut se passer, et réduire ensuite l'exposition globale dans l'utilisation de ces produits phytopharmaceutiques. La caractéristique des produits phytopharmaceutiques par rapport à d'autres, par exemple les colliers pour chiens et chats que vous avez mentionnés ou les applications biocides, est que ce sont des produits utilisés en très grande quantité et déversés dans l'environnement, qui vont ensuite migrer et affecter l'ensemble de la biodiversité. Contrairement à des substances utilisées en moins grandes quantité et utilisés dans des compartiments plus restreints.

Chaque produit est utilisé dans un cadre réglementaire précis. Il y a beaucoup de progrès à faire au niveau européen pour harmoniser la réglementation des produits, mais quand les autorisations sont données, c'est que, par rapport à leur utilisation et à l'exposition, il n'y a pas de risques inacceptables.

Mon message est donc qu'il faut arriver à avoir une démarche très volontariste et engageante pour réduire les quantités utilisées. Je reviens sur deux points du glyphosate : je ne crois pas qu'il y ait de cacophonie d'expression des agences européennes et communautés scientifiques au sujet de l'aspect cancérigène. Je pense qu'il peut y avoir des divergences d'appréciation entre certaines communautés scientifiques. Mais entre l'EFSA et l'Anses en particulier, nous avons de nombreuses collaborations. Nous publions plus de 2 000 autorisations chaque année, produit par produit, qui s'appuient sur les autorisations de substances données au niveau communautaires. Le nombre de sujets sur lesquels il peut y avoir des distorsions entre nos avis et ceux de l'EFSA sont extrêmement limités. Ils sont parfois malgré tout politisés et donc très visibles. Cela a été le cas sur le bisphénol, où l'agence a approfondi les recherches scientifiques car nous avions des doutes sérieux sur le caractère perturbateur endocrinien de ce produit. On voit aujourd'hui que la littérature scientifique a consolidé cette évaluation de l'Anses. Finalement, les États membres ont décidé à l'unanimité le retrait du bisphénol dans les tickets de caisse en juin 2017. Il est donc clair que des agences comme l'Anses doivent approfondir un certain nombre de questions que nous pouvons avoir sur la base du travail de nos comités d'experts. Il doit y avoir des débats entre les communautés scientifiques, c'est comme cela que la science progresse. Mais lorsque les controverses scientifiques sont politisées et deviennent un débat dans l'agora , cela représente une difficulté pour les scientifiques.

Nous avons aujourd'hui une différence d'appréciation avec le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) sur le classement du glyphosate. Cependant, avec l'ensemble des éléments dont nous disposons, nous avons suffisamment d'arguments pour lever l'incertitude et estimer que le caractère cancérigène probable avancé par le CIRC n'est pas fondé. Nous continuerons les discussions au niveau scientifique. Nous sommes saisis par les ministères de l'agriculture et de l'environnement pour établir un cahier des charges afin de mener des études complémentaires et lever l'incertitude qui reste sur la toxicité du glyphosate. Nous produirons ce cahier des charges pour l'automne et nous en discutons avec l'EFSA et le CIRC.

La problématique du glyphosate est également liée à la quantité : 9 000 tonnes par an, dont 7 000 tonnes pour les usages agricoles, sur un total de 60 000 tonnes de produits phytosanitaires utilisés. Ce sont aussi des concentrations très importantes déversées dans l'environnement, dont nous ne pouvons pas garantir à très long terme l'innocuité dans les milieux.

L'Anses est également saisie sur les dossiers de maladies professionnelles pour le comité d'orientation des conditions de travail. Notre rôle est renforcé depuis plusieurs mois sur ce dossier-là, où nous évaluons les risques. Deux maladies professionnelles ont été reconnues, liées aux pesticides : la maladie de parkinson et lymphome non hodgkinien. Le nombre de cas est cependant très faible : une dizaine par an. Il y a des questions qui peuvent être liées à l'exposition des travailleurs agricoles à des produits qui ont été autorisés mais dont les connaissances scientifiques ont permis aujourd'hui de les retirer du marché. Il y a évidemment des expositions qui ont provoqué des maladies professionnelles et qui nécessitent une prise en charge adaptée et une indemnisation. Nous continuons par ailleurs nos études pour mieux caractériser les liens de causalité, ce qui reste la plus grande difficulté, car il s'agit de faire le lien entre des expositions qui ont eu lieu pendant la vie professionnelle, et des maladies qui se déclarent des dizaines d'années plus tard.

J'insiste enfin sur le dialogue. Nous parlons de questions qui ont été politisées et qui sont devenues des enjeux forts de société. L'agence a absolument besoin de créer une relation de confiance entre tous les acteurs de la société sur la façon dont ces risques sont évalués. Elle doit être fondée sur une totale transparence. L'agence a mis en place au début de l'année 2018 une plateforme de dialogue sur les produits phytopharmaceutiques et sur les missions de l'agence, qui réunit tous les acteurs du domaine : organisations professionnelles, producteurs de produits phytopharmaceutiques, associations de consommateurs et de défense de l'environnement. Je crois beaucoup à ce dialogue pour créer, non pas un consensus, mais une transparence et une confiance réciproque sur la façon dont l'évaluation des risques est conduite.

À propos des produits bio, nous menons des expérimentations et des enquêtes sur la qualité de l'alimentation telle qu'elle est consommée. Nous regardons quels sont les contaminants que l'on va retrouver dans l'alimentation, quelle que soit leur source. Nous n'avons pas encore différencié les aliments bio et non bio mais nous sommes en discussion avec l'agence bio pour ultérieurement avoir des études qui se concentrent sur cette production, qui nous permettront d'avoir une idée plus précise du risque éventuel, et d'identifier des types de contaminant par rapport à l'alimentation totale. Mais aujourd'hui nous n'avons pas d'éléments qui nous permettent de différencier la qualité du bio par rapport au reste de l'alimentation.

M. Roger Genet. - S'agissant de la question de M. Gontard, je rappelle qu'une substance active est homologuée au niveau européen sur la base de l'évaluation de la substance en tant que telle et d'une formulation de référence, c'est-à-dire un produit qui contient des coformulants. Au niveau des États membres, nous évaluons la formulation de chaque préparation. Cette formulation est effectivement couverte par le secret industriel et commercial, pour que des concurrents du demandeur ne puissent pas la reproduire, et n'est donc pas forcément rendue publique. Mais tous ces éléments nous sont communiqués et nous les prenons en compte dans notre évaluation des risques de chaque produit. Et en France, nous n'autorisons jamais un produit dont les coformulants auraient un niveau de danger supérieur à la substance active. En juillet 2016 l'Anses a retiré 126 autorisations de mise sur le marché (AMM) pour des préparations contenant du glyphosate et la tallowamine comme coformulant, en raison d'informations nouvelles sur le caractère reprotoxique de la tallowamine, même si elle n'est pas aujourd'hui classée comme cancérigène ou reprotoxique. Les éléments nouveaux étaient toutefois suffisants pour que nous retirions ces AMM.

M. Patrick Dehaumont. - Les règles sanitaires sur les produits bio sont les mêmes que pour les autres produits. Ce sont les cahiers des charges de la production qui diffèrent. Il y a des produits phytopharmaceutiques utilisés en production bio, comme le cuivre, et qui peuvent d'ailleurs poser des questions sanitaires. En fonction de l'avancée des connaissances, notamment sur les effets « cocktail », il y aura peut-être des mesures spécifiques à prendre mais le principe est que le niveau d'exigence sanitaire est le même.

M. Philippe Mauguin. - La formation est effectivement un enjeu important pour toucher les agriculteurs, aussi bien en termes de formation initiale que continue. L'Inra a contribué à l'élaboration de MOOC ( massive open online course ) sur l'agro-écologie dans le cadre d'Agreenium, ce qui permet d'assurer une formation à distance, qui est d'ailleurs assez utilisée. Nous travaillons également avec l'enseignement supérieur et l'enseignement technique, en liaison avec les lycées agricoles. Il s'agit bien sûr d'une question importante pour l'avenir.

M. Didier Marteau. - Le projet de loi propose une séparation entre le conseil et la vente, ainsi que le développement d'un conseil annuel. Les chambres d'agriculture y sont plutôt favorables même si elles voient cette question sous un angle un peu différent de celui retenu par le texte du Gouvernement. Le conseil sur les produits phytopharmaceutiques n'a pas à avoir lieu le jour J de l'utilisation, ni même de manière annuelle. C'est bien un conseil global et technique, une fois tous les cinq ou trois ans, avec un suivi régulier, qui serait utile. Il faut éviter un conseil trop régulier qui serait cher pour les agriculteurs et dépourvu de portée.

M. Didier Mandelli , président . - Je remercie l'ensemble de nos interlocuteurs pour la qualité de leurs réponses. Nos nombreuses questions sur ces sujets témoignent de l'intérêt que porte notre commission sur ces sujets et reflètent aussi les préoccupations de nos concitoyens, sur ces questions agricoles, sanitaires et environnementales.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat .

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mercredi 23 mai 2018

- Zero Waste France : Mme Laura CHATEL , Responsable du plaidoyer ;

- Fédération du Commerce et de la Distribution : Mme Emilie TAFOURNEL , Directrice qualité, Mme Cécile ROGNONI , Directrice des affaires publiques ;

- Les Restos du Coeur : M. Jean-Claude GUESDON , secrétaire général, M. Louis CANTUEL , Responsable des relations institutionnelles ;

- Fédération française des banques alimentaires : M. Jacques BAILET , Président du réseau Banques Alimentaires, Mme Marie CASTAGNÉ , Chargée des relations extérieures ;

- SODEXO France : Mme Anna NOTARIANNI , Présidente, Mme Carole GALISSANT , Directrice du pôle culinaire ;

- Agence BIO : M. Florent GUHL , Directeur.

Lundi 4 juin 2018

- Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l'Homme : Mme Mathilde THERY , Responsable Agriculture et alimentation ;

- France nature environnement : Mme Cécile CLAVEIROLE , Pilote du réseau Agriculture ;

- Greenpeace France : Mme Laure DUCOS , Chargée de mission Agriculture ;

- MEDEF : M. Michel LAVIALE , Président du groupe de travail extra financière, Mme Lucie TOGNI , Chargée de mission à la direction du développement durable, M. Jules GUILLAUD , Chargé de mission à la direction des affaires publiques ;

- GNI-SYNHORCAT : M. Franck TROUET , Directeur des relations institutionnelles et de la communication, M. Stéphan MARTINEZ , Président de la Commission Développement Durable et Qualité ;

- Secours populaire français : M. Jean-Louis DURAND-DROUHIN , Membre du conseil d'administration, M. Mathieu HUMBERT , directeur des ressources et relations institutionnelles ;

- Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie : M. Rémi CHABRILLAT , Directeur Productions et énergies durables, M. Pascal MOUSSET , Chef du service Forêt, Alimentation et Bioéconomie ;

- Cabinet du ministre de la transition écologique et solidaire : M. Laurent GRAVE-RAULIN , conseiller parlementaire et relations avec les élus, M. Denis VOISIN , conseiller du Ministre ;

- Direction générale de la prévention des risques : Mme Marie-Laure METAYER , Sous-directrice Santé-environnement et produits chimiques, M. Vincent COISSARD , Sous-directeur Déchets et Economie circulaire ;

- Restau'Co : M. Eric LE PECHEUR , Président.

Mardi 5 juin 2018

- Direction générale de l'Alimentation : M. Patrick DEHAUMONT , Directeur général, M. Cédric PREVOST , Sous-directeur de la politique de l'alimentation ;

- Elephant Vert : Mme Karine GROSBEAU , Responsable des affaires réglementaires et Homologations, M. Michel GERMOND , Consultant ;

- Association pour la promotion des produits naturels peu préoccupants : M. Jean SABENCH , Administrateur, Mme Hélène REYS , Commission consommateurs ;

- Assemblée des départements de France : Mme Françoise DE ROFFIGNAC , Vice-présidente du Conseil départemental de Charente-Maritime, M. Philippe HERSCU , Directeur des politiques territoriales ;

- Association des maires de France : Mme Florence PRESSON , Adjointe au maire de Sceaux, Mme Gwenola STEPHAN , Responsable de la mission développement durable, M. Sébastien FERRIBY , Conseiller Education, Mme Annick PILLEVESSE , Responsable du service juridique ;

- Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail : Mme Françoise WEBER , Directrice générale Adjointe en charge des produits réglementés, M. Matthieu SCHULER , Directeur de l'évaluation des risques, Mme Alima MARIE , Directrice de cabinet, Mme Sarah AUBERTIE , Chargée des relations institutionnelles.

Mercredi 6 juin 2018

- Assemblée permanente des chambres d'agriculture : M. Sébastien WINDSOR , Président de la chambre d'agriculture de Seine-Maritime, M. Justin LALLOUET , Coordinateur Affaires publiques, M. Eric COLLIN , Directeur Entreprises et Conseil ;

- Coop de France : M. Michel PRUGUE , Président, Mme Barbara MAUVILAIN-GUILLOT , Responsable des relations publiques ;

- Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles : M. Christian DURLIN , Membre du conseil d'administration, M. Antoine SUAU , Directeur du département économie et développement durable, Mme Nelly LE CORRE , Chef de service Environnement, M. Benjamin GUILLAUME , Chargé de mission Organisation économique, Mme Nadine NORMAND , Attachée parlementaire ;

- Ministère de l'agriculture et de l'alimentation : Mme Claire LE BIGOT , Conseillère alimentation, santé et environnement, Mme Véronique MARY , Adjointe au sous-directeur de la politique de l'alimentation ;

- Union des industries de la protection des plantes : M. Philippe MICHEL , Directeur des affaires réglementaires et juridiques.


* 1 Le compte-rendu de cette table ronde est annexé au présent rapport.

* 2 Article 48 de la loi n°2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement.

* 3 Article 1 er de la loi n°2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt.

* 4 L'article 63 du décret n°2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics définit le coût du cycle de vie d'un produit qui couvre, les coûts supportés par l'acheteur ( liés à l'acquisition, liés à l'utilisation, les frais de maintenance ou liés à la fin de vie comme la collecte ou le recyclage) mais aussi les coûts imputés aux externalités environnementales liés au produit pendant son cycle de vie, à condition que leur valeur monétaire puisse être déterminée et vérifiée ; ces coûts peuvent inclure le coût des émissions de gaz à effet de serre et d'autres émissions polluantes ainsi que d'autres coûts d'atténuation du changement climatique.

* 5 Produits conformes au règlement n°834/2007 du Conseil.

* 6 Il s'agit de produits européens répondant à des exigences équivalentes dans un autre État membre. De tels produits ne peuvent être exclus de la commande publique.

* 7 Le ministère a indiqué à votre rapporteur pour avis que les modalités de prise en compte des coûts imputés aux externalités environnementales liées au produit pendant son cycle de vie, qui seront définies par décret, ne viseront pas les coûts monétaires des externalités négatives mais plutôt les niveaux d'impact environnemental qui leur correspondent. Le décret pourra ainsi se fonder sur les travaux conduits dans le cadre de l'affichage environnemental volontaire, qui s'appuie sur des référentiels validés au niveau européen ou français, conformément à ce qu'on appelle la méthode ACV (« d'analyse du cycle de vie »).

* 8 Article D. 121-13-2 du code de la consommation : « Un plat «  fait maison » peut être élaboré par le professionnel dans un lieu différent du lieu de vente ou de consommation uniquement :

« - dans le cadre d'une activité de traiteur organisateur de réception ;

« - dans le cadre d'une activité de commerce non sédentaire, notamment sur les foires, les marchés et lors de manifestations de plein air et de vente ambulante ».

* 9 Proposition de loi n°3280 visant à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation déposée à l'Assemblée nationale le 25 novembre 2015.

* 10 Anses, CEA-Université Grenoble-Alpes, Synchrotron SOLEIL, Luxembourg Institute of Science and Technology.

* 11 Le décret du 24 avril 2012 relatif aux obligations de transparence des entreprises en matière sociale et environnementale a déterminé les sociétés soumises à l'obligation d'inclure dans leur rapport de gestion des informations à caractère social et environnemental et de la liste de ces informations ainsi que les conditions de vérification des informations par un organisme tiers indépendant.

Le décret du 30 janvier 2012 relatif à l'information par les sociétés de gestion de portefeuille des critères sociaux, environnementaux et de qualité de gouvernance pris en compte dans leur politique d'investissement a précisé la manière dont les sociétés de gestion doivent présenter l'information relative à la prise en compte des critères sociaux, environnementaux et de qualité de gouvernance dans leur politique d'investissement, ainsi que les supports sur lesquels cette information doit figurer.

* 12 Décret n° 2017-1265 du 9 août 2017 pris pour l'application de l'ordonnance n° 2017-1180 du 19 juillet 2017 relative à la publication d'informations non financières par certaines grandes entreprises et certains groupes d'entreprises.

* 13 Le label rouge, attestant la qualité supérieure, l'appellation d'origine, l'indication géographique et la spécialité traditionnelle garantie, attestant la qualité liée à l'origine ou à la tradition, la mention « agriculture biologique », attestant la qualité environnementale et le respect du bien-être animal.

* 14 Cf la restitution des conclusions des 14 ateliers des États généraux de l'alimentation sur la page de la commission des affaires économiques du site Internet de l'Assemblée nationale, et notamment la restitution de l'atelier n°12 :

http://www2.assemblee-nationale.fr/static/15/commissions/CAffEco/egalim-atelier12.pdf

* 15 Rapport « Lutte contre le gaspillage alimentaire : propositions pour une politique publique » - http://agriculture.gouv.fr/telecharger/74499?token=ec8b817ffe127a78e7e4043d8f38b8d8

* 16 Le terme de « produits phytopharmaceutiques » est celui privilégié par le droit en vigueur, au niveau national et européen. Les expressions « produits phytosanitaires » ou « pesticides » sont également utilisées comme synonymes ou notions proches, notamment par la directive 2009/128/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable.

* 17 Article L. 253-6 du code rural et de la pêche maritime.

* 18 Articles L. 254-10 à L. 254-10-9 du code rural et de la pêche maritime.

* 19 Article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime.

* 20 Article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime.

* 21 Depuis la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, l'article L. 254-7 du code rural et de la pêche maritime interdit la cession directe en libre-service des produits phytopharmaceutiques à des utilisateurs non professionnels. Par ailleurs, les distributeurs doivent fournir des informations générales sur les risques pour la santé humaine et l'environnement liés à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, notamment sur les dangers, l'exposition, les conditions appropriées de stockage et les consignes à respecter pour la manipulation, l'application et l'élimination sans danger, ainsi que sur les solutions de substitution présentant un faible risque.

* 22 L'encadrement de la publicité pour les produits phytopharmaceutiques est détaillé dans le commentaire de l'article 14 quater du présent rapport.

* 23 L'interdiction de certaines pratiques commerciales pour les produits phytopharmaceutiques est détaillée dans le commentaire de l'article 14 du présent rapport.

* 24 Ces substances de base comprennent notamment le bicarbonate de sodium, le charbon argileux, l'huile de tournesol, le saccharose, le sel de mer et le vinaigre.

* 25 Appui scientifique et technique de l'Anses, demande n° 2017-SA-0062.

* 26 Décision n° 2016-737 DC du 4 août 2016.

* 27 Créée sous la forme d'une association loi de 1901, l'ARPP est un organisme d'autorégulation professionnelle de la publicité, qui définit des recommandations et rend des avis pour contribuer à « une publicité loyale, véridique, saine et respectueuse ».

* 28 Le nombre de doses unités (NODU) est définie comme la division entre la quantité vendue de la substance active et sa dose unité de référence. La dose unité de référence de chaque substance active est la moyenne de la quantité de substance active contenue dans la dose maximale autorisée pour chacune des cultures, pondérée par les surfaces agricoles utiles nationales des cultures concernées.

* 29 Rapport sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques, IGAS n° 2017-127 R, CGEDD n° 011624-01, CGAAER n° 17096, décembre 2017.

* 30 La mise en oeuvre des principes généraux de la politique de l'eau se traduit notamment par la possibilité donnée à l'autorité administrative de définir des zones assorties de programmes d'actions et, le cas échéant, de prescriptions particulières quant aux pratiques agricoles en vue notamment de préserver certaines zones humides ou les aires d'alimentation des captages d'eau potable(art. L. 211-3).

* 31 Dans une communication publiée le 30 mai 2018, l'agence précise : « Dans 6 cas, aucune alternative, qu'elle soit chimique ou non chimique, répondant à ces critères, n'a été identifiée. Dans 89% des cas, les solutions de remplacement aux néonicotinoïdes se fondent sur l'emploi d'autres substances actives, notamment des pyréthrinoïdes. Dans 39% des cas, les alternatives chimiques reposent sur une même famille de substances actives, ou une seule substance active voire sur un seul produit commercialisé. Et dans 78% des cas analysés, au moins une solution alternative non chimique existe. En l'état actuel des connaissances, les méthodes non chimiques apparaissant comme les plus aptes à remplacer immédiatement, efficacement et durablement les néonicotinoïdes sont la lutte biologique, la lutte physique par application d'une couche protectrice (huile de paraffine, argile...), et la lutte par confusion sexuelle, lorsque ces méthodes sont d'ores et déjà disponibles en France ou aisément transférables. »

* 32 La catégorie des EPLEFPA regroupe les lycées d'enseignement général et technologique agricole (LEGTA), les lycées d'enseignement général, technologique et professionnel agricole (LEGTPA) ou les lycées professionnels agricoles (LPA), les centres de formation professionnelle et de promotion agricoles (CFPPA), les centres de formation d'apprentis (CFA), les ateliers technologiques et les exploitations agricoles à vocation pédagogique.

* 33 Conseil d'État, 28 décembre 2016, décision n° 394696.

* 34 Cette estimation est basée sur les hypothèses suivantes : environ 300 000 utilisateurs professionnels seraient concernés par la réalisation d'un conseil annuel nécessitant de 0,5 à 3 jours selon la taille et les enjeux de l'exploitation, avec un coût du conseil estimé à 750 euros par jour.

* 35 L'article L. 314-1 vise notamment les installations de production d'électricité qui utilisent des énergies renouvelables.

* 36 L'injection consiste à intégrer le biogaz produit par des installations de méthanisation au réseau de gaz naturel. Cette opération suppose que le gaz produit réponde aux spécifications techniques des opérateurs de réseau de gaz naturel, en faisant notamment l'objet d'un processus d'épuration. Ce gaz est alors entièrement miscible avec le gaz naturel et ses usages sont identiques : cuisson, chauffage, carburant pour véhicules, cogénération...

* 37 Les articles L. 554-5 à L. 554-9 prévoient que les canalisations des réseaux de gaz peuvent faire l'objet de prescriptions techniques définies par voie réglementaire, en raison des risques ou inconvénients qu'elles peuvent présenter soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité et la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique.

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