B. UN SYSTÈME TRANSITOIRE, PAR NATURE COMPLEXE ET RÉGULIÈREMENT CONTESTÉ

1. Un problème structurel : un constat établi par le Sénat et étayé par de nombreux rapports

Nos collègues Catherine Procaccia et Ronan Kerdraon pointaient, dans le rapport d'information précité, « un niveau de complexité abracadabrant » .

Une longue série de rapports ou d'enquêtes publiés entre 2012 et 2015 - émanant de la Cour des comptes 9 ( * ) , des inspections générales 10 ( * ) , de l'association UFC-Que Choisir 11 ( * ) ou encore du Défenseur des droits 12 ( * ) - ont formulé le même constat et critiqué ce mode particulier de gestion. Ils ont également mis en exergue certaines défaillances des organismes concernés en termes de qualité de service (délais d'attente en agence, taux de « décroché »...), principalement focalisées sur les difficultés rencontrées alors par la LMDE qui ont conduit à son adossement au régime général en 2015.

Les mutuelles étudiantes ne sont pas seules responsables des défaillances pouvant être constatées, comme celles concernant les délais de délivrance des cartes Vitale. Les représentants des mutuelles régionales ont souligné à votre rapporteur pour avis la bonne qualité du service rendu à leurs assurés, à travers les indicateurs suivis dans le cadre des contrats de gestion passés avec la caisse nationale d'assurance maladie (taux de remboursement dématérialisé, délai de remboursement des feuilles de soins papier, appels téléphoniques traités, taux de couverture en carte Vitale).

Ainsi qu'en conviennent l'ensemble des parties prenantes, c'est bien l'organisation en elle-même du régime de sécurité sociale étudiant qui est porteuse de complexité et source potentielle de dysfonctionnements .

2. Des modalités d'affiliation et des mutations inter-régimes porteuses de lourdeur administrative

• En premier lieu, l'affiliation au régime étudiant doit être renouvelée chaque année , au moment des inscriptions universitaires, ce qui alourdit les charges de gestion. Comme le relevaient nos collègues Catherine Procaccia et Ronan Kerdraon, « ce processus n'est clairement pas une priorité des établissements » d'enseignement supérieur, qui recueillent les formulaires d'adhésion et les cotisations et transmettent les informations aux mutuelles « sous des formats hétérogènes et à des dates le plus souvent décalées » .

• En outre, les modalités d'affiliation sont en elles-mêmes complexes puisqu'elles varient en fonction de l'âge atteint au cours de l'année universitaire et selon le régime de rattachement du parent dont dépend l'étudiant, comme le montre le tableau ci-après.

Les modalités de rattachement à la sécurité sociale étudiante

Age atteint pendant l'année universitaire

Régime français de sécurité sociale du parent auquel l'étudiant
est ou était rattaché

16 à 19 ans

20 ans

21 à 28 ans

Régime général des salariés ou assimilés (fonctionnaire, artiste auteur, praticien ou auxiliaire médical conventionné sauf option profession libérale), régime agricole (salariés et exploitants agricoles)

Sécurité sociale étudiante
sans cotisation étudiante

Sécurité sociale étudiante
avec cotisation étudiante (hors boursiers)

Sécurité sociale étudiante
avec cotisation étudiante (hors boursiers)

Régimes des artisans, commerçants, industriels, professions libérales

Maintien
au régime
du parent
sans cotisation étudiante

Régimes des clercs et employés de notaires, ministres des cultes, militaires, personnels d'EDF-GDF, de la RATP, des Mines, du Sénat

Régimes de l'Assemblée Nationale,
de la Marine Marchande,
du Port autonome de Bordeaux

Maintien
au régime
du parent
sans cotisation étudiante

Régime de la SNCF

Maintien
au régime
du parent
sans cotisation étudiante

• Surtout, le caractère par définition temporaire et transitoire du régime étudiant suscite des mutations inter-régimes (changements d'affiliation) qui induisent de la lourdeur administrative.

Dans la quasi-totalité des cas, l'étudiant doit changer de régime d'affiliation à un moment de son cursus, ce qui donne lieu à un échange d'informations entre les caisses concernées pour une mise à jour des droits. Or, le Défenseur des droits, dans l'étude de mai 2015 précitée, très critique sur la gestion de la sécurité sociale étudiante et ses conséquences sur l'accès aux soins, a relevé des carences dans la transmission des informations au moment des mutations inter-régimes, concernant notamment la prise en compte du médecin traitant déclaré ou les informations relatives aux affections longue durée. Le pic d'activité que constitue la rentrée universitaire peut entraîner par ailleurs des délais d'affiliation longs, ce qui est susceptible de créer des situations de rupture de droit .

• A cela s'ajoute le fait que l'exercice par les étudiants d'une activité professionnelle est susceptible de créer des allers et retours entre le régime étudiant et le régime professionnel , qui est bien souvent le régime général.

La situation de l'étudiant au regard de la sécurité sociale s'apprécie dans ce cas en fonction du nombre d'heures travaillées et de la période d'activité : si l'étudiant travaille au moins 150 heures par trimestre ou 600 heures par an, il relève du régime professionnel et non du régime étudiant ; toutefois, il ne sera pas redevable de la cotisation annuelle au régime étudiant qu'à la condition que le contrat de travail s'étende sur la totalité de la période de couverture des droits par ce régime (soit du 1 er septembre au 31 août). Faute de pouvoir fournir à temps les documents nécessaires, des étudiants peuvent ainsi se retrouver en situation de cotiser deux fois, sans qu'il n'existe toutefois de données à ce sujet.

*

Dans ce contexte, si le rapport d'information du Sénat publié en décembre 2012 envisageait plusieurs scenarii d'évolution (confier à une seule structure la gestion du régime délégué, supprimer ce régime ou adosser les mutuelles étudiantes au régime général), la proposition de loi adoptée en novembre 2014 retenait l'option de la suppression du régime de sécurité sociale étudiant, seule à même, comme le soulignait Catherine Procaccia, rapporteur, de résoudre « la difficulté structurelle du régime étudiant qui est la mutation inter-régimes » . Pour notre collègue, un adossement au régime général - à l'instar de celui mis en place en 2015 pour la LMDE - ne constituait qu'une « réforme a minima » . 13 ( * )

Cette position rejoint la voie suivie par le présent projet de loi.


* 9 « La sécurité sociale étudiante », chapitre XVIII du rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, Cour des comptes, septembre 2013.

* 10 « La politique de santé en direction des étudiants », rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR), novembre 2013.

* 11 Étude publiée en septembre 2012.

* 12 « Accès des étudiants aux soins : leur protection sociale est-elle à la hauteur des enjeux ? », Le Défenseur des droits, mai 2015 (rapport établi à partir de près de 1 500 témoignages recueillis via un questionnaire en ligne du 5 décembre 2014 au 5 février 2015).

* 13 Rapport précité sur la proposition de loi visant à réformer le système de sécurité sociale des étudiants.

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