B. VERS UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DE LA PROBLÉMATIQUE DES JEUNES FILLES AU SEIN DE LA PJJ ?

1. Les efforts de la PJJ pour adapter ses moyens à la prise en charge des jeunes filles

Des outils et préconisations sont proposés aux professionnels de terrain pour pallier les difficultés posées par cet accueil de publics de sexes différents. Un document thématique à l'appui des pratiques professionnelles 22 ( * ) a été diffusé, en mars 2017, à l'ensemble des agents des établissements et services de la PJJ.

Par ailleurs, des formations sont proposées par l'Ecole nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) pour favoriser la mise en place de projets d'accompagnements mixtes. Par exemple, pour l'année 2017, l'ENPJJ a organisé plusieurs séminaires de formation sur les thèmes suivants : « Questions d'égalité filles-garçons à la PJJ, c'est quoi le problème ? », « La délinquance des filles et sa prise en charge sont-elles spécifiques ? ». Ces formations témoignent de la prégnance de la problématique de la prise en charge des jeunes filles mais aussi de la détermination des services de la PJJ à mieux la prendre en compte.

Dans les services de milieu ouvert, de nombreuses actions sont entreprises afin d'adapter les activités à la prise en charge des jeunes filles. Les thématiques de l'égalité entre les sexes, du respect, des droits et libertés de chacun et des relations affectives et sexuelles entre les jeunes sont ainsi abordées lors de débats, de groupes de discussion, d'activités de création d'affiches, de flyers, de courts métrages type « jeunes pour l'égalité ». L'échange autour des pratiques de prise en charge de la mixité doit être encouragé et favorisé afin de permettre leur développement dans les différents secteurs de la PJJ.

Enfin, la déclinaison au niveau territorial d'évènements artistiques, culturels ou sportifs nationaux sur le thème de la mixité a été entreprise dans certaines directions territoriales. Cette pratique permet de sensibiliser les jeunes et d'offrir des opportunités d'échange aux responsables locaux de la PJJ.

2. Envisager la création de structures non mixtes ?

La DPJJ n'envisage pas de créer de second CEF dédié à l'accueil des filles, afin de ne pas contrevenir au principe de mixité. Il semble cependant que les structures ne soient souvent pas en mesure d'offrir des conditions matérielles adéquates pour l'accueil de jeunes des deux sexes sans restreindre le nombre de mineurs accueillis.

La mission d'évaluation des CEF de 2013 23 ( * ) estimait, à cet égard, qu'il était nécessaire de créer une structure spécifiquement dédiée à l'accueil des jeunes filles, basée au sud de la Loire, en complément de celle existant au nord (CEF de Doudeville, voir infra ).

Ces structures non-mixtes permettraient notamment d'offrir un cadre plus sécurisant et une prise en charge plus personnalisée à des jeunes filles ayant vécu certaines maltraitances (par exemple sexuelles).

L'accueil dans un lieu non-mixte peut, en effet, permettre de favoriser la sécurité psychique des jeunes filles, garantir leur intimité et servir leur reconstruction. Il convient de noter qu'il existe déjà deux CER non-mixtes.

Le CEF non-mixte de Doudeville

Votre rapporteure s'est rendue, le 8 novembre 2017, au CEF de Doudeville, en Seine Maritime . Ce centre relève du secteur associatif habilité et est géré par l'association « Les Nids ». Il a ouvert en 2007 et est situé en milieu rural.

Le CEF de Doudeville est le seul à accueillir uniquement des jeunes filles. Cette dérogation au principe de mixité est inscrite dans son arrêté de création. Il accueille dix adolescentes de 15 à 18 ans, originaires de l'ensemble du territoire, y compris des outre-mer. Depuis octobre 2016, une place est réservée pour accueillir une jeune fille ayant au moins un chef d'inculpation lié au terrorisme. L'âge moyen des jeunes filles placées était de 16 ans en 2016 et la durée moyenne de placement de 6 mois et 9 jours, très supérieure à la moyenne des CEF. Le budget du centre s'élevait à 1 766 536 euros.

Votre rapporteure a pu constater, lors de ses échanges avec les représentants du centre et le directeur territorial de la PJJ, que le choix de la non-mixité était pertinent sur le plan éducatif et offrait les conditions d'une prise en charge adaptée aux problématiques spécifiques aux jeunes filles. Confronté à une très forte demande, ce CEF a accru son taux d'occupation au cours des dernières années : le centre reçoit environ 100 demandes pour 25 accueils par an ; le taux d'occupation effective est passé de 84 % en 2016 à près de 90 % en 2017).

Devant le bon fonctionnement constaté du CEF de Doudeville et face à la hausse des besoins, votre rapporteure pense que la création d'un second centre non-mixte serait utile, en particulier au sud de la France, afin de permettre une meilleure répartition géographique des jeunes filles.

3. Adapter les structures et former les personnels à une meilleure prise en compte des jeunes filles sur le terrain

Plusieurs recommandations issues du document du ministère de la justice : « la mixité garçons-filles dans les établissements et services de la Protection Judiciaire de la Jeunesse » pourraient, enfin, être mises en oeuvre afin d'offrir une prise en charge adaptée des jeunes filles par la PJJ.

Afin d'organiser la mixité dans les différents lieux d'accueil, ce document préconise :

- de s'appuyer sur les données issues de l'observatoire national de la protection de l'enfance (ONPE) afin de développer des indicateurs pertinents de l'adéquation entre les besoins et la diversité de l'offre de prise en charge. Ces indicateurs permettraient d'analyser les besoins des mineurs et d'établir un état des lieux des projets éducatifs qui intègrent le critère de mixité ;

- organiser un schéma inter-régional de placement, en réservant des places d'accueil aux jeunes filles dans des établissements mixtes où la notion de mixité serait abordée dans les projets de service ;

- prendre en compte la mixité dans l'architecture des locaux pour aménager des espaces qui garantissent à la fois la sécurité, l'intimité et le partage de l'espace collectif ;

- adapter l'offre à l'ensemble des besoins des adolescents à tous les niveaux d'un même territoire ;

- introduire un nombre de places dédiées (3 ou 4) dans au moins un établissement de placement éducatif territorial. Faire en sorte que le milieu ouvert, en lien avec les établissements, anticipe autant que possible les placements des jeunes, en particulier ceux des jeunes filles prises en charge afin de permettre la présence simultanée d'un nombre suffisant de filles au sein du groupe de jeunes accueillis dans la structure.

Le document du ministère de la justice souligne, par ailleurs, la nécessité de soutenir la formation des professionnels à la prise en compte de la mixité dans leurs pratiques professionnelles.

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Au bénéfice de ces observations, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » de la mission « Justice », inscrits au projet de loi de finances pour 2018.


* 22 Document thématique à l'appui des pratiques professionnelles « La mixité garçons-filles dans les établissements et services de la protection judiciaire de la jeunesse ».

* 23 Mission sur l'évaluation des centres éducatifs fermés (CEF) dans le dispositif de prise en charge des mineurs délinquants

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