INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent avis porte sur les crédits dévolus, dans le projet de loi de finances pour 2018, à quatre programmes de la mission « Justice », dont le responsable est la garde des sceaux, ministre de la justice :

- 166 « Justice judiciaire » ;

- 101 « Accès au droit et à la justice » ;

- 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice » ;

- 335 « Conseil supérieur de la magistrature ».

Deux autres programmes de la mission « Justice » font l'objet d'avis spécifiques : le programme 107 « Administration pénitentiaire » et le programme 182 « Protection judiciaire de la jeunesse » 2 ( * ) .

Votre rapporteur a analysé les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2018 et les perspectives tracées par le projet de loi de programmation des finances publiques, en cours d'examen par le Parlement, à l'aune des constats dressés et des propositions formulées, après plusieurs mois d'auditions et de déplacements, par la mission d'information pluraliste constituée en son sein par votre commission, présidée par notre collègue Philippe Bas 3 ( * ) et dont les travaux ont donné lieu au dépôt, au mois de juillet dernier, puis à l'adoption par le Sénat, le 24 octobre dernier, de deux propositions de loi pour le redressement de la justice, l'une organique 4 ( * ) , l'autre d'orientation et de programmation 5 ( * ) .

Plutôt que de s'appuyer sur ces travaux et ceux de ses prédécesseurs, notamment les groupes de travail et le débat national sur la justice du XXI ème siècle, pour promouvoir les réformes ambitieuses et urgentes dont la justice a besoin, l'actuelle garde des sceaux, ministre de la justice, a préféré ouvrir de nouveaux chantiers de la justice, les 5 et 6 octobre derniers 6 ( * ) qui devraient s'achever au début de l'année 2018.

2018 sera également l'année de la poursuite de la mise en oeuvre de certaines des mesures contenues dans la loi de modernisation de la justice du XXI e siècle 7 ( * ) , dont le Gouvernement attend un allègement de la charge des juridictions, sans que celle-ci soit pour l'instant très probante.

Par rapport à 2017, à périmètre constant, le projet de loi de finances pour 2018 déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale présentait une progression de 3,9 % des crédits de paiement alloués à la mission « Justice ». Ces derniers augmentaient de 329,45 millions d'euros, pour atteindre un total de 8,739 milliards d'euros. Les autorisations d'engagement diminuaient en revanche de 15,3 %, soit - 1,634 milliard d'euros, et s'établissaient à 9,029 milliards d'euros.

Les crédits de paiement des quatre programmes faisant l'objet du présent avis augmentaient en moyenne de 5,4 %, soit davantage que l'ensemble des crédits de la mission « Justice », tandis que leurs autorisations d'engagement progressaient de 11,3 %. Quant aux crédits de paiement alloués au programme « Justice judiciaire », c'est-à-dire principalement aux juridictions, ils augmentaient de 4,1 %, soit près de 134,42 millions d'euros supplémentaires, pour un total de 3,446 milliards d'euros.

En première lecture, l'Assemblée nationale a réduit de 1,7 million d'euros le montant total des autorisations d'engagement et des crédits de paiement de la mission « Justice », en augmentant ceux de la justice judiciaire de 3,3 millions d'euros mais en diminuant ceux de l'administration pénitentiaire de 1,4 million d'euros, ceux de la protection judiciaire de la jeunesse de 3,1 millions d'euros ainsi que ceux des autres programmes dans une moindre proportion.

Malgré cette augmentation de moyens, ce budget présente de nombreuses lacunes, comme la faiblesse des créations d'emplois et la persistance de la sous-dotation des frais de justice. En outre, une partie non négligeable de l'effort budgétaire consenti résulte de mesures antérieures et de dépenses contraintes comme le financement de l'aide juridictionnelle ou l'ouverture du nouveau palais de justice de Paris, ce dernier absorbant, in fine , l'essentiel de la hausse des crédits de fonctionnement et d'investissement alloués aux juridictions.

De même, s'il semble que le programme de transformation numérique marque une prise de conscience du ministère de la justice de son retard en matière informatique, une grande partie des crédits de paiement et autorisations d'engagement prévus sur le quinquennat reviendra à la finalisation et l'adaptation de la plateforme nationale des interceptions judiciaires.

La situation demeure extrêmement difficile et préoccupante dans les juridictions, avec des délais de traitement qui s'allongent, tant en matière civile que pénale, une situation chronique de sous-effectif liée aux vacances de postes qui commence tout juste à s'améliorer pour les magistrats mais se détériore pour les greffiers, et des moyens matériels, tant immobiliers que mobiliers, qui demeurent insuffisants, voire pour certaines juridictions, se dégradent.

Il est à noter qu'un article rattaché à la mission « Justice » 8 ( * ) a été introduit à l'initiative du Gouvernement lors de l'examen en séance publique à l'Assemblée nationale 9 ( * ) . Il a pour objet de réformer le mode de financement du Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C), autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale, créée par la loi en 2003 10 ( * ) et autorité de régulation de la profession de commissaire aux comptes en France.

Cet article substitue un mode de financement plus lisible via des cotisations sur le chiffre d'affaires réalisé par la profession de commissaire aux comptes, à un ancien mode de financement rigide et peu clair, qui posait aussi des difficultés juridiques de recouvrement des sommes dues.

Le nouveau mode de financement ainsi institué 11 ( * ) a également pour but d'assurer des recettes dynamiques pour permettre au Haut conseil de faire face à un accroissement de ses missions, notamment depuis l'entrée en vigueur le 17 juin 2016 de la réforme de l'audit issue du renforcement du cadre prudentiel européen opérée, à la suite de la crise financière de 2007, par l'ordonnance n° 2016-315 du 17 mars 2016 relative au commissariat aux comptes.

Tout en prenant acte de l'augmentation de moyens alloués à la justice judiciaire et à l'accès au droit, votre commission les juge insuffisants et émet de sérieuses réserves sur les choix structurants du projet de loi de finances pour 2018.


* 2 Ces deux derniers programmes sont respectivement étudiés au nom de la commission des lois par nos collègues M. Alain Marc et Mme Josiane Costes.

* 3 Cinq ans pour sauver la justice ! Rapport d'information n° 495 (2016-2017) de M. Philippe Bas, président-rapporteur, Mme Esther Benbassa, MM. Jacques Bigot, François-Noël Buffet, Mme Cécile Cukierman, MM. Jacques Mézard et François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois, par la mission d'information sur le redressement de la justice, déposé le 4 avril 2017. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-495-notice.html

* 4 Le texte de la proposition de loi organique pour le redressement de la justice adopté par le Sénat est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl16-640.html

* 5 Le texte de la proposition de loi d'orientation et de programmation pour le redressement de la justice adopté par le Sénat est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl16-641.html

* 6 La remise des conclusions des chantiers de la justice a été annoncée pour le 15 janvier 2018. La présentation des chantiers est disponible à l'adresse suivante :

http://www.gouvernement.fr/argumentaire/lancement-des-grands-chantiers-de-la-justice

* 7 Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle.

* 8 Il s'agit de l'article 57 ter du projet de loi de finances pour 2018.

* 9 Amendement n° II-54 (Rect) au PLF pour 2018. Cet amendement est consultable à l'adresse suivante : http://www.assemblee-nationale.fr/15/amendements/0235C/AN/54.asp

* 10 Loi n° 2003-706 du 1 août 2003 de sécurité financière.

* 11 Par la modification des articles L. 821-5, L. 821-6-1 et L. 821-7 du code de commerce.

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