TRAVAUX EN COMMISSION

I. AUDITION DE M. JACQUES MÉZARD, MINISTRE DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES

Réunie le jeudi 16 novembre 2017, la commission a entendu M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires.

M. Hervé Maurey , président . - Monsieur le ministre, nous sommes très heureux de vous accueillir devant notre commission. Nous vous avions déjà entendu le 25 juillet dernier, peu de temps après votre prise de fonction. Vous nous aviez alors présenté les grandes lignes de l'action que vous souhaitiez entreprendre en faveur de la cohésion des territoires. Vous nous présentez aujourd'hui les crédits du projet de loi de finances pour 2018 consacrés à la cohésion des territoires qui concernent l'aménagement du territoire - le logement relevant de la compétence de la commission des affaires économiques.

Nous aurons des questions à vous poser sur l'aménagement numérique du territoire. L'urgence d'une couverture mobile s'est très nettement accrue. Avec Louis-Jean de Nicolaÿ nous craignons que l'objectif ambitieux de couvrir 100 % du territoire en 2020 ne puisse être atteint. M. Mahjoubi a évoqué d'ailleurs devant nous une couverture de 100 % de la population, ce qui n'est pas la même chose...Nous espérons aussi que l'échéance du bon débit pour tous en 2020 ne conduira pas à faire oublier l'objectif du très haut débit pour tous en 2022.

Par ailleurs, la désertification médicale, loin de se résorber malgré les divers plans mis en place, ne fait que s'accentuer. Le plan de la ministre ne semble pas assez volontariste à cet égard. L'accès aux services publics est un enjeu dans les territoires ruraux, où soit ces services disparaissent, soit ils nécessitent un accès numérique que beaucoup de nos concitoyens n'ont pas. Nous vous interrogerons aussi sur le problème des centres-bourgs et de leur lent déclin ; sur la difficulté à maintenir un tissu économique local dynamique et attractif, etc.

Le non-traitement de ces dossiers depuis des années a des conséquences qui vont bien au-delà de ce que l'on peut mesurer par de simples chiffres. C'est un sentiment d'abandon très fort, ressenti aussi bien par des élus impuissants que par des citoyens désabusés, voire exaspérés. Je sais que vous partagez notre constat. J'espère que vous écouterez nos propositions. J'en ferai une qui ne coûte rien et serait pourtant efficace : pourquoi ne pas évaluer systématiquement chaque loi à l'aune de ses conséquences sur l'aménagement du territoire ? Enfin nous aimerions vous entendre sur les zones de revitalisation rurale (ZRR). Les contrats de ruralité seront-ils maintenus ?

M. Jacques Mézard, ministre . - Je suis toujours heureux de venir m'exprimer devant le Parlement. Vous avez évoqué avec raison les inquiétudes des élus et des territoires. Elles ne datent pas d'hier. Si je voulais botter en touche, je dirais que ce n'est pas en quelques mois que l'on peut changer la donne. Certains territoires sont en effet en grande détresse, qu'il s'agisse de territoires ruraux ou de quartiers défavorisés de la politique de la ville. Je suis heureux que le Président de la République se soit exprimé sur le sujet ; dans certains quartiers la République s'est retirée. Nous avons le devoir d'agir vite sur tous ces territoires. Élu d'un territoire rural enclavé, j'ai constaté que la situation s'était aggravée en trente ans. Je ne jette l'opprobre sur personne. C'est un fait. Il nous faut désormais agir pour rétablir l'accès aux services publics partout.

Ce budget s'inscrit aussi dans la volonté de respecter nos engagements européens en passant sous la barre des 3 % de déficit. La Commission européenne nous surveille. Nous avons intérêt à sortir au plus vite de la procédure de surveillance.

En matière d'aménagement du territoire, le PLF prévoit 176 millions d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et 235 millions d'euros de crédits de paiement (CP). La diminution des autorisations d'engagement par rapport à 2017 s'explique par le transfert des moyens alloués aux contrats de ruralité et au pacte État-métropoles vers le programme 119 et une augmentation de 4 % des crédits de paiement du programme. C'est conforme à ce que je vous avais annoncé en juillet : je souhaite honorer les contrats de ruralité signés et poursuivre cette politique.

Les crédits de l'aménagement sont tournés vers deux grandes actions : l'attractivité économique et la compétitivité de tous nos territoires, et leur développement solidaire et équilibré. Pour mener à bien ces actions, le ministère privilégie les politiques contractuelles avec les collectivités, qu'il s'agisse d'investir pour leur développement ou de financer les opérations de maintien des services publics de proximité. Nous sommes attachés au partenariat avec les collectivités, même si ce n'est pas toujours facile - je le sais comme ancien élu local...Il s'agit de proposer des solutions durables et les plus adaptées possible aux défis d'attractivité des territoires.

Le financement des politiques contractuelles, auquel je connais votre attachement, est assuré. Les contrats de plan État-région (CPER) arrivent à mi-chemin. Nous entamerons, en 2018, la seconde période de la programmation commencée en 2015 qui doit s'achever en 2020. Nous consacrerons 122 millions d'euros en 2018 au financement de ces contrats, et nous devrions constater le versement d'un peu plus de la moitié des financements au 31 décembre 2018 soit 414 millions d'euros sur 802 millions d'euros prévus d'ici fin 2020. Ce chiffrage inclut la clause de revoyure 2016 et les contrats dits spécifiques tels que le pacte Lorraine, les triennaux de Strasbourg ou le contrat de développement territorial pour Calais et le Calaisis (741 millions d'euros hors contrats spécifiques). Comme j'ai pu le constater récemment dans le bassin minier, certains contrats avaient été signés, mais les financements n'avaient pas été prévus ! Nous honorerons la parole de l'État même si cela complique l'équation budgétaire.

Je le redis, les engagements des contrats de ruralité seront honorés et les nouveaux dossiers seront financés par la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la DETR. J'espère que cela rassurera ceux qui étaient inquiets à ce sujet.

En 2018, le programme 112 assurera l'accompagnement financier des projets entamés en 2017 par la couverture en CP des engagements pris. Ainsi, 44 millions d'euros en CP seront consacrés au subventionnement effectif des porteurs de projets au titre de la seconde année d'exécution des contrats, soit une hausse de 73 % par rapport à la première année pour laquelle peu de paiements étaient envisagés. De la même façon, la fraction des pactes État-métropoles engagée sur le programme 112 sera honorée par 15 millions d'euros en crédits de paiement en 2018. Il faut noter que le passage de 15 à 22 métropoles ne facilite pas les choses. Je n'avais pas voté cette loi...

Le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » assurera en 2018 le portage financier des nouveaux engagements au titre des contrats de ruralité. Ainsi, il constituera le seul réceptacle des ressources de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) dont la gestion sera simplifiée. Au titre de 2017, le fonds de soutien était doté de 812 millions d'euros (662 millions d'euros hors pacte Etat-métropoles) répartis entre les programmes 112 et 119. En 2018, la dotation s'établit à 665 millions d'euros sur le programme 119. L'Assemblée nationale a souhaité hier soir revoir les équilibres de la DSIL, et a notamment fléché 50 millions d'euros de cette dotation pour lesquels un suivi plus fin sera prévu. Cela semble pertinent. Je serai attentif à la position du Sénat.

Les maisons des services au public (MSAP) créées par le précédent Gouvernement sont un vrai succès. Le partenariat avec la Poste est exemplaire. La collaboration avec les communes fonctionne de mieux en mieux. Les communes rurales ne sont pas les seules concernées ; il faut aussi que les services publics reviennent dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Conformément aux annonces successives des comités interministériels aux ruralités, les crédits du programme 112 permettront de compléter le maillage territorial existant des 1 150 MSAP, dont 500 sont logées dans des bureaux de poste. Ce maillage se conformera aux conclusions des schémas départementaux d'accessibilité aux services dont le financement est assuré en 2017. Avec un coût moyen de 13 000 euros par MSAP, c'est ainsi 9,4 millions d'euros qui sont attribués au programme pour le financement de l'accessibilité aux services publics (plus de 700 MSAP seront financées par le programme). Par ailleurs, le programme 112 recueillera et procédera à la gestion des fonds des opérateurs nationaux partenaires de cette politique publique. Afin de maintenir un niveau de qualité dans les structures reconnues en MSAP, le programme portera le financement de l'animation nationale du dispositif des MSAP par la Caisse des dépôts et consignations pour un montant de 1,3 million d'euros.

Par ailleurs, le soutien financier aux dispositifs améliorant le maillage territorial des services publics sera maintenu. Le programme couvrira les engagements pris durant les années antérieures à 2017. Un million d'euros sera consacré aux maisons de santé pluridisciplinaires. 2,8 millions d'euros seront affectés au soutien à l'ingénierie territoriale dans les centres-bourgs, opération efficace lancée par le précédent Gouvernement.

La lutte contre la désertification médicale est une priorité. Cette désertification n'est pas l'apanage des territoires ruraux mais concerne tous les territoires fragiles. On manque de praticiens, notamment de spécialistes, mais leur répartition inégale sur le territoire est aussi en cause. On peut sans doute considérer que le plan de la ministre de la Santé ne va pas assez loin, Monsieur le Président, mais il faut noter qu'il constitue un progrès ! Nous financerons ainsi 2000 maisons de santé pluri-professionnelles, soit un doublement de leur nombre d'ici 2022. Les implantations dans les zones sous-dotées seront encouragées. Les nouveaux projets de maison de santé émargent désormais aux volets territoriaux des CPER ou au fonds de soutien à l'investissement local, tandis que le programme soldera les engagements de l'État au titre du plan d'équipement 2010-2013 des maisons de santé pluri-professionnelles.

S'agissant des aides aux entreprises, les crédits relatifs à la prime d'aménagement du territoire pour l'industrie et les services (PAT) se portent à 15 millions d'euros pour 2018. Ils avaient initialement été réduits à 10 millions. La discussion avec Bercy est toujours délicate à ce sujet... J'ai souhaité augmenter les crédits de cette dotation de 5 millions à l'Assemblée nationale. Je suis en effet attaché à cette prime qui permet de trouver des solutions à des cas difficiles et d'aider des territoires où il n'est pas facile de conserver ou créer des emplois industriels. Avec un coût moyen constaté en 2016 de 0,46 million d'euros par opération, une trentaine de primes pourront être versées aux entreprises favorisant l'emploi dans les territoires éligibles. Plus de 1 000 emplois pérennes pourront ainsi être créés ou maintenus.

Par ailleurs, le Fonds National d'Aménagement et de Développement du Territoire (FNADT) maintiendra son action en faveur du financement des pôles de compétitivité à hauteur de 2,6 millions d'euros par an.

J'en viens au volet numérique, qui je le sais intéresse particulièrement votre commission. La couverture numérique est une priorité. Comment en effet concevoir une politique d'aménagement du territoire sans évoquer ce sujet ? La place de la France en Europe n'est pas très bonne, c'est un fait. Nous avons cinq ans pour rattraper notre retard. Le Président de la République a fixé lors de la Conférence nationale des territoires de juillet trois objectifs : haut et très haut débit pour tous d'ici 2020, très haut débit pour tous en 2022 et généralisation de la couverture mobile de qualité d'ici 2020. Vous l'avez souligné, ces objectifs sont ambitieux, mais il ne faut pas partir battus ! Cette stratégie est indispensable, tant pour lutter contre les fractures territoriales que pour accompagner les mutations technologiques qui s'accélèrent à une vitesse considérable. J'ai assisté récemment au lancement de la première voiture autonome en France. Chaque jour le numérique et l'intelligence artificielle prennent plus de place dans la vie quotidienne, révolutionnant les transports, la domotique, etc.

Sur le bon haut débit pour tous, nous devons d'une part sécuriser les déploiements de fibre optique portés par les opérateurs privés en zone dense et par les collectivités territoriales en zone rurale, tout en garantissant aux usagers qui ne bénéficieront pas de telles technologies un accès au bon haut débit (8 Mbits par seconde) par une solution alternative.

Nous devons donc accélérer le déploiement dans les zones denses (dites zones AMII) et notamment leur périphérie, où plus de trois millions de lignes ont été déployées, sur les douze millions prévues en 2020. Il reste donc à faire...Pour cela, nous ne pouvons plus nous satisfaire de simples intentions de déploiement et voulons rendre contraignants les engagements, pour être sûrs qu'ils seront réalisés en totalité d'ici à 2020. L'Arcep a été consultée à ce sujet et rendra sa réponse à la fin du mois. Je constate toutefois qu'il y a des évolutions en cours chez les opérateurs.

En ce qui concerne les réseaux d'initiative publique (RIP), 1 600 000  lignes de fibre optique jusqu'à l'abonné seront réalisées d'ici la fin de l'année 2017 tandis que 8 800 000 lignes seront déployées d'ici fin 2022. Le Gouvernement réaffirme donc son soutien aux collectivités territoriales engagées dans le cadre du Plan France Très Haut Débit. Nous nous opposerons à toute tentative de déstabilisation des RIP par quelque opérateur que ce soit qui serait désireux de déployer un réseau de fibre concurrent. Nous voulons maintenir le cadre stable, coordonné et sécurisé qui permet aujourd'hui aux réseaux d'initiative publique de bénéficier de conditions optimales de financement. Dans tous les cas, le Gouvernement entend respecter les choix des collectivités territoriales.

Nous n'oublions pas nos concitoyens qui ne disposeront pas de bon haut débit par les déploiements de fibre optique jusqu'à l'abonné ou jusqu'aux villages. Un travail est engagé, en lien avec les collectivités territoriales, afin d'identifier précisément les lieux concernés, département par département, et trouver une solution d'accès. Nous ne privilégions aucune technologie a priori : très haut débit radio, satellite ou 4G fixe des opérateurs mobile. Il faudra sans doute recourir à un mix technologique pour atteindre l'objectif du haut débit pour tous en 2020.

Sur l'avenir du plan France Très Haut Débit : les 3,3 milliards d'euros consacrés par l'État au financement des RIP sont aujourd'hui presque totalement engagés. Le Premier ministre a annoncé que le Grand plan d'investissement pourrait prendre des engagements au-delà du financement des RIP. Je vous le confirme aujourd'hui. Le Gouvernement sera au rendez-vous des RIP de deuxième génération et de l'objectif du 100 Mbits par seconde en 2025 qui est un nouvel horizon d'ambition, conforme à l'objectif de l'Union européenne de la « Gigabit society » en 2025.

Pour le mobile, l'écart entre la perception du niveau de qualité de service et les déclarations des opérateurs n'est plus tenable. Les élus sont d'ailleurs souvent interpellés par leurs concitoyens. La solution que préconise le Gouvernement pour améliorer le niveau de couverture mobile (en territoire couvert et en débit garanti) repose sur des investissements importants dans de nouveaux équipements sur tout le territoire. Il n'appartient pas au Gouvernement de déterminer a priori le nombre de pylônes nécessaires, mais il lui appartient de fixer un niveau de qualité requis. En ce sens, il a saisi l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) pour préciser ce nouveau « standard de qualité » attendu à horizon 2020, qui inclurait la voix, le fait d'envoyer des SMS, le téléchargement de fichiers, la téléphonie en mobilité, etc. L'Arcep précisera aussi le montant des investissements supplémentaires correspondants. Elle rendra ses conclusions prochainement C'est sur la base de ces estimations que le Gouvernement arrêtera les éventuelles contreparties sur le niveau des redevances, la fiscalité ou encore la durée des fréquences. Avant la fin de l'année, le Gouvernement arrêtera sa feuille de route sur l'accélération du déploiement du numérique.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ , rapporteur pour avis de la mission « Cohésion des territoires » . - Les crédits de la prime d'aménagement du territoire étaient passés de 20 millions à 10 millions d'euros. Heureusement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui les porte à 15 millions. Nous essaierons de les porter à 20 millions. Cette aide est précieuse pour aider les entreprises à s'installer dans des territoires déjà frappés par la désertification médicale, la désindustrialisation ou une mauvaise couverture numérique. Elle facilite aussi la reprise d'entreprises : ainsi l'aide de quatre millions d'euros a été précieuse pour trouver un repreneur dans l'affaire Whirlpool.

Les contrats de ruralité ne relèveront plus du programme 112 mais du programme 119. La dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) se substitue au fonds de soutien à l'investissement local (FSIL). Les contrats de ruralité devraient donc être considérés par les préfectures comme un complément à la DETR, au même titre que l'était le FSIL. Les 44 millions d'euros de CP que vous avez mentionnés seront-ils bien fléchés au profit des contrats de ruralité ou bien est-ce que ce seront les préfets qui décideront de l'utilisation des crédits ? Les territoires ruraux sont très attachés à ces contrats de ruralité.

Vous dites que les ZRR existantes seront prolongées de trois ans. C'est très bien ! Faut-il comprendre en creux que vous envisagez de les supprimer par la suite ? Les médecins qui s'installent en ZRR, attirés par la baisse des charges, risquent de ne plus le faire si l'on manque de visibilité. Il conviendrait au moins de sanctuariser les ZRR existantes.

M. Mahjoubi nous a expliqué que 13 millions de Français n'ont reçu aucune formation au numérique. Les maisons de services au public ne pourraient-elles pas être utiles dans ce cadre pour former ces personnes ?

Quelles seront les missions de l'Agence de la cohésion des territoires ? Sa création traduit-elle une hausse des moyens ou bien ses crédits seront-ils prélevés sur ceux du Centre d'études et d'expertise sur les risques l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) et ceux du CGET ? En outre, n'y a-t-il pas un risque de doublons entre l'Agence et le Cerema en matière d'ingénierie territoriale ?

M. Jacques Mézard, ministre . - Je ne souhaite pas la disparition de la prime d'aménagement du territoire. L'Assemblée nationale l'a augmentée de 50 %. Le Sénat, dans sa sagesse, se prononcera. Cette prime est utile et permet de faciliter la solution de certains dossiers.

Avec le programme 112, nous honorons les engagements déjà pris dans le cadre des contrats de ruralité. J'avais indiqué en juillet que je souhaitais que ce dispositif, mis en place par le précédent Gouvernement, soit reconduit. Nous avons fait en sorte qu'il en soit ainsi. Les 44 millions d'euros en CP que vous évoquez correspondent au paiement des engagements pris en 2017 au titre des contrats de ruralité. Les engagements nouveaux seront pris en charge par le programme 119, c'est-à-dire la DSIL - 615 millions d'euros sont prévus. Quant à la DETR elle reste à un milliard d'euros.

J'avais déposé une proposition de loi sur les ZRR peu de temps avant ma nomination au Gouvernement pour demander le report de la réforme prévue par la loi de règlement 2015. Pour satisfaire aux exigences européennes, il fallait revoir le dispositif qui concerne 13 000 communes. Le Gouvernement avait confié une mission à deux parlementaires, un socialiste et un Les Républicains. Avec le concours actif du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), ils ont proposé de modifier les critères d'éligibilité pour tenir compte du poids de la ville centre. Le projet de loi de règlement pour 2015 a modifié le système, avec une entrée en vigueur en 2017 : ainsi, 3617 nouvelles communes ont été classées en ZRR tandis que 4139 sont sorties du dispositif. J'avais aussitôt protesté contre ce texte. Mais, devenu ministre, c'est moi qui ai dû recevoir les récriminations des communes sortantes...J'ai saisi le CGET afin de trouver une solution plus juste : en effet, dès lors qu'il y a une commune centre importante dans l'agglomération, les communes rurales sortent du dispositif. En même temps, les communes qui sont entrées en ZRR n'ont aucune envie d'en sortir. Dans un premier temps, le mécanisme a été prolongé de trois ans pour les communes de montagne, puis un amendement a été adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, avec l'accord du Gouvernement, pour prolonger le dispositif pour toutes les communes pendant trois ans, ce qui nous donne du temps pour trouver une solution équilibrée. Le Gouvernement consultera tous les acteurs. La question est la suivante : faut-il conserver ce dispositif qui concerne 13 000 communes ou doit-on le cibler davantage ? Je n'ai pas d'avis arrêté sur ce sujet. Je serais heureux que le Parlement y travaille.

Concernant les maisons de service public, je suis d'accord pour étudier des dispositions par lesquelles on pourrait améliorer les choses. J'ai été à leur première assemblée : il y a encore beaucoup de diversité. Plus elles seront réalisées en concertation avec les collectivités, mieux ce sera. La Poste a une volonté très claire d'avancer, et pas seulement pour faire des économies de gestion ; c'est un choix stratégique.

La création d'une Agence de cohésion des territoires a été annoncée ici même par le Président de la République. Depuis, j'y travaille avec mon équipe, dans l'objectif d'arriver à une proposition vers la fin de cette année et de continuer la concertation avec le Parlement. Je ne souhaite pas créer une usine à gaz - elles ne sont guère de mon goût. Il ne faut pas une structure lourde, mais une entité qui facilite l'action de l'État vis-à-vis des territoires et notamment mobilise l'ingénierie de l'État, qui existe encore, heureusement, et dont ont bien besoin certaines collectivités. La concentration des moyens de l'État a pour ambition de rendre plus visibles et lisibles tous les moyens mobilisables pour les territoires et de prévoir la coordination avec les organismes existants. Nous travaillons à augmenter l'implication de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) au profit des territoires ; cela arrivera incessamment. Le nouveau directeur général de la CDC sera bientôt en place ; nous en discuterons avec lui en priorité.

Voici ce que je pouvais vous dire, sous réserve des annonces que pourrait faire le Président de la République lors du centième congrès de l'Association des maires de France (AMF).

M. Hervé Maurey , président . - Le rapporteur spécial du budget du logement a peut-être quelques questions à vous poser ?

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial des Programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement », « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et « Politique de la ville » de la mission « Cohésion des territoires » à la commission des finances . - Nous aurons largement l'occasion de discuter du logement la semaine prochaine. Je suis aussi intéressé par le numérique, qui n'est pas problématique que dans les territoires ruraux : en banlieue, à 10 kilomètres de Paris, des travaux commencés il y a quatre ans ne sont toujours pas terminés, à cause de la déconfiture d'Altice...

M. Guillaume Chevrollier . - Des élus locaux de Mayenne m'ont interpellé en début de semaine sur les territoires à énergie positive et croissance verte et les contrats de ruralité, dont certains ont été remis en cause alors qu'ils avaient été signés et que les communes avaient engagé des dépenses. L'engagement de l'État est passé dans la communauté de communes du pays de Mayenne, de 170 000 à 31 000 euros et dans le Bocage mayennais, de 171 000 à 29 000 euros. Si, comme vous l'avez dit en propos liminaire, vous garantissez que les contrats seront honorés, je m'en réjouis, mais je resterai vigilant.

Il faudrait maintenir les prêts à taux zéro (PTZ) dans les territoires ruraux et notamment dans les zones détendues : là aussi, il y a un besoin de logement.

Concernant les centres-bourgs, le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac), pourtant efficace, est remis en cause. Que proposez-vous ? Des élus réclament des outils juridiques pour procéder à un remembrement urbain.

M. Hervé Maurey , président . - Je rappelle que le logement ne relève pas de la compétence de cette commission.

M. Jean-François Longeot . - Même si, bien sûr, cela concerne davantage le ministre de l'éducation nationale, quel est votre avis sur l'idée de l'extension aux territoires ruraux en difficulté des classes de 12 élèves ? Quelle est votre avis sur la possibilité pour les communes de conserver la compétence sur l'eau ou de la déléguer aux communautés de communes, telle que votée par notre assemblée le 23 février dernier ? Où en est-on ?

Mme Nelly Tocqueville . - Monsieur le président, je vous désobéis : le logement est indissociable de l'aménagement du territoire. Les zones B2 et C représentaient 69 000 opérations bénéficiant du PTZ sur 115 000 cette année. Le dispositif est certes poursuivi pour les constructions neuves mais seulement jusqu'au 31 décembre 2019, et avec moins de financements. Quelle efficience peut avoir l'action 2 « développement solidaire et équilibré » dans des zones rurales ou des élus ont lancé des opérations de mixité sociale ? Ces populations modestes qui ne pourront plus accéder à la propriété devront se tourner vers l'urbain. Ceux qui pourront les remplacer, plus aisés, ne joueront pas le jeu de la revitalisation des centres-bourgs.

M. Patrick Chaize . - A moins d'un mois de la conférence nationale des territoires, qui annonce une feuille de route gouvernementale sur le mobile, pouvez-vous nous indiquer quelles sont les pistes envisagées ? Vos propos sur le filaire sont à la fois rassurants et inquiétants : vous faites un constat qui n'est pas mirobolant pour notre pays et le projet de loi de finances pour 2018 correspond à l'épure de ce qui était dans le plan France très haut débit. Mais nous sommes dans une période de turbulences, qui suscite l'inquiétude, notamment concernant la répartition entre les zones AMII et RIP. Confirmez-vous les propos de votre secrétaire d'État, qui se refusait la semaine dernière à « ouvrir la boîte de Pandore » ?

Philippe Dallier l'a dit, concernant les zones AMII, de nombreuses collectivités sont inquiètes malgré les engagements pris par les opérateurs pour 2020, car il existe peu de contraintes. Si les engagements ne sont pas atteints, que se passera-t-il ? Que se passera-t-il après 2022 ? Le Gouvernement est-il vraiment engagé sur l'objectif d'une couverture par la fibre à 100 % en 2025 ?

M. Michel Vaspart . - Certes la désertification médicale est prioritairement du ressort de la ministre de la santé et de la commission des affaires sociales, mais elle relève aussi de l'aménagement du territoire : l'ensemble du territoire français est concerné. Lorsque vous étiez sénateur, cela vous préoccupait. Il y a des avancées intéressantes dans le PLFSS, mais cela ne va pas assez loin. Élus et citoyens ne comprennent pas que l'on accepte l'installation de médecins conventionnés sur des secteurs surdotés. Votre ministère, je crois, doit prendre toute sa part face à cette attente forte de nos concitoyens.

Dans mon département, pour mettre en oeuvre la loi Notre : nous sommes passés de 32 à 8 très grandes intercommunalités, ce qui n'est pas sans conséquences. Les préfets n'interprètent pas toujours la loi en conformité avec son esprit. J'aimerais avoir l'avis du ministère sur quelques problèmes précis. Concernant l'urbanisme, l'application de la loi ALUR et de la loi Littoral empêche d'urbaniser les « dents creuses » dans les villages et les hameaux, ce qui va à l'encontre de l'objectif d'économiser du foncier.

M. Claude Bérit-Débat . - Mon département ressemble beaucoup au vôtre, Monsieur le ministre : enclavement routier, ferroviaire, aérien, numérique, désertification économique et médicale... je pourrais poser des questions dans tous les domaines. Vous avez répondu sur la prime d'aménagement du territoire (PAT). Même si un effort a été fait, il faut aller plus loin. Pour des territoires ruraux comme les nôtres, j'y crois beaucoup.

Concernant le désenclavement numérique et les notions de bon débit et de très haut débit. La date prévue pour le bon débit, 2020, sera-t-elle tenue ? Cela ne se fera-t-il pas au détriment du très haut débit ?

Mme Françoise Cartron . - Vous avez parlé en introduction des sentiments d'abandon et d'injustice dans certains territoires de notre République. Je souhaiterais illustrer ce phénomène avec des exemples. La prolongation des périmètres des zones de revitalisation rurale (ZRR) est une bonne nouvelle. Mais je souhaitais attirer votre attention sur certaines petites villes situées en territoire rural qui présentent les mêmes caractéristiques de fragilité sociale que des communes de centres urbains - pour l'exemple que j'ai en tête, ce sont 25 % d'allocataires du RSA et un taux de chômage de 27 % - mais qui ne bénéficient pas des mêmes accompagnements que les quartiers sensibles.

Face aux déserts médicaux, la réponse est différente pour les zones rurales et les zones urbaines sensibles : dans ces dernières, il est question de la cohésion sociale et de la difficulté de lutter contre les inégalités lorsque la présence médicale est insuffisante. De la même façon, les moyens supplémentaires attribués à l'école ne suffisent pas en l'absence des autres accompagnements sociaux.

Avez-vous des pistes pour l'accompagnement humain des 13 millions de nos compatriotes qui, personnes âgées ou maîtrisant mal la langue, ne s'approprient pas le numérique ?

J'ai bien entendu ce qu'a dit ce matin Sébastien Lecornu sur le Cerema, qui avait été conçu comme un outil au service des élus. Sur le terrain, en Gironde, mandaté par les grands opérateurs comme la SNCF ou EDF, notamment sur des territoires ruraux traversés de manière violente par la construction de la LGV, il lisse ses mesures et donne une valeur moyenne qui ne correspond pas du tout au vécu des habitants ; les élus n'ont pas pu faire entendre leurs objections.

Mme Marta de Cidrac . - Merci pour vos propos pleins de sérénité et d'apaisement - doit-on en créditer la proximité temporelle du salon des maires ? Si le Président de la République aime les parlementaires et veut s'appuyer sur eux, j'espère qu'il en va de même pour les élus locaux : dans les Yvelines, ils sont très inquiets.

Quelle sera la mission et le périmètre de l'Agence de la cohésion des territoires ? Mounir Mahjoubi a abordé avec nous sa feuille de route autour de 5 piliers, dont un relatif aux réseaux : il nous a indiqué que vous étiez plus chargé du volet infrastructure, et lui des questions d'usage. De quelle manière tout cela se met en musique, en termes de calendrier ? Rassurez-nous : bien des élus de mon territoire se posent ces questions.

Mme Angèle Préville . - Il faut regarder les déserts médicaux dans toute leur complexité, afin de faire face à la difficile équation entre liberté d'installation et nécessité d'avoir des médecins partout. Lors d'un débat organisé par les maires ruraux de France, j'ai rencontré récemment des étudiantes en médecine ; heureusement que j'étais assise lorsque j'ai entendu tout ce qu'elles demandaient pour s'installer en zone désertifiée : permis de conduire, véhicule de fonction, logement de fonction et une personne pour leur faire découvrir le territoire ! Les incitations financières créent un appel d'air et cela provoque une inflation des demandes. Il faudra aussi se pencher sur les études de médecine.

Dans le Lot, il y a une communauté particulièrement grande. Serait-il envisageable de revenir à des territoires à taille humaine, correspondant à des bassins de vie, à notre histoire ? Ne pourrait-on pas imaginer une surface maximale pour les communautés de communes ?

M. Olivier Léonhardt . - Je présidais il y a peu une communauté d'agglomération de 200 000 habitants, rassemblant la ville de 36 000 habitants dont j'étais le maire et, au plus loin, un village de 800 habitants. Il y a des problématiques de ruralité en Île-de-France.

Je ne sais pas dissocier l'aménagement du territoire et le logement, j'en suis confus. L'évolution de la loi SRU oblige désormais les villages franciliens de plus de 1 500 habitants - contre 3 500 auparavant - à construire des logements sociaux. Cela pose des problèmes à une cinquantaine de communes sur l'ensemble de la région. Pussay, dans l'Essonne, à 70 kilomètres de Paris, 2 064 habitants, qui pour une partie ont deux heures ou deux heures et demie de transports pour aller travailler, devra construire 400 logements pour respecter la loi. La mairie enregistre un nombre bien plus faible de demandes. On est loin de l'unité urbaine et de la zone tendue. À 4 km, les communes de l'Eure-et-Loir ne sont pas concernées par cette obligation. La carence en transports en commun, l'éloignement, la nécessité de construire de petites unités bien intégrées accentue la difficulté d'attirer des bailleurs. Les communes comme celle-ci doivent donc s'acquitter de lourdes pénalités : pour les 50 villages franciliens, c'est 1,5 million d'euros. Que peut-on envisager pour adapter davantage les obligations de construction aux caractéristiques de ces villages ?

Mme Martine Filleul . - Merci pour vos propos rassurants et votre fermeté à l'égard des opérateurs concernant les zones RIP. Une question concernant le logement - indissociable des questions d'aménagement du territoire : dans le Nord, mais aussi dans le Pas-de-Calais, la baisse des APL met les bailleurs sociaux dans une situation très périlleuse : comment le volet relatif au logement social de l'engagement concernant le renouvellement du bassin minier pourrait-il être mis en oeuvre sans opérateurs sur le territoire ?

Concernant les transports, une mission a été confiée à M. Spinetta pour revoir les villes desservies par le TGV. Chacun souhaite la revitalisation des centres des petites villes et des villes moyennes, mais priver ces dernières de TGV les privera d'attractivité. Je pense à Douai, par exemple.

Le port de Dunkerque a un plan d'agrandissement de 300 hectares d'espace et 16 000 emplois à la clé. Il semble que cet investissement soit fortement contesté par la nouvelle maire du Havre. Je suis désolé de constater cette concurrence entre les ports français, qui ont plutôt besoin de stratégie et de complémentarité. Le Gouvernement pourrait-il faire oeuvre de médiation ?

M. Hervé Maurey , président . - J'ai été victime d'une véritable mutinerie : seul le rapporteur spécial n'a pas osé vous interroger sur le logement ! À titre personnel, je n'en suis pas fâché : je considère, comme de nombreux collègues, que le logement fait partie de l'aménagement du territoire et qu'il devrait relever de la compétence de cette commission.

Avec les déserts médicaux, nous sommes en pleine actualité législative : cette nuit devraient être examinés plusieurs amendements qui témoignent d'une conscience de plus en forte dans cette assemblée de la nécessité d'un traitement de plus en plus énergique. Le Gouvernement est dans la droite ligne des dernières années avec des dispositifs incitatifs à mon avis insuffisants. Ces amendements sont issus de groupes différents et signés au total par une centaine de sénateurs ; cela contraste avec mes premiers amendements sur ce sujet, lors de l'examen de la loi Bachelot, pour lesquels j'avais obtenu péniblement une quinzaine de voix en scrutin public.

M. Jacques Mézard, ministre . - Je répondrai à vos questions, y compris sur le logement. Pour avoir obtenu en 2011 la scission de la commission des affaires économiques en deux, je n'entends pas le regretter aujourd'hui.

Sur les territoires à énergie positive, des financements ont été débloqués. Après bien des débats, nous avons décidé de maintenir le PTZ en zone détendue pour deux ans dans le neuf et quatre ans dans l'ancien. D'aucuns l'ont oublié, mais ce qui était prévu législativement, c'était que tant le PTZ que le dispositif Pinel se termineraient le 31 décembre 2017. Je ne reviendrai pas sur l'utilisation du Pinel en zone C, qui ne dépassait pas la dizaine de logements sur l'ensemble du territoire. La solution retenue semble raisonnable. On verra à la fin de 2019. À l'heure où beaucoup de gens dénoncent à juste titre l'état de l'habitat dans les centres-bourgs, concentrer le PTZ sur l'ancien a du sens, plutôt que de favoriser des constructions périphériques. C'est une solution équilibrée, dont j'ai pu parler avec les représentants des collectivités et des constructeurs.

Il n'y a pas de modification sur le Fisac, qui bénéficie de 16 millions d'euros dans le PLF, comme l'année précédente.

Monsieur Longeot, je connais bien des communes qui aimeraient bien atteindre le nombre de 12 élèves dans leur école ! Le Gouvernement a décidé de concentrer cette année son effort sur les CP en réseaux d'éducation prioritaire plus (REP+), soit 2 500 classes, puis en 2018 de l'étendre à toutes les écoles en REP et au CE1. Cela se prolongera au cours du mandat. C'est un juste équilibre.

Une question me va droit au coeur, celle sur l'eau. Le Gouvernement y travaille en concertation avec les collectivités. Je n'ai pas l'habitude de revenir sur ce que j'ai voté, en l'occurrence le fait de rendre optionnelle la compétence sur l'eau. Cela reste mon opinion personnelle. Je sais que c'est compliqué à réaliser sur le terrain. Le Gouvernement a entendu le message et Jacqueline Gourault y travaille. Je ne vous dirai jamais du bien de la loi Notre, j'ai voté contre !

Concernant la rénovation des centres urbains, il ne vous aura pas échappé que 1,2 milliard était fléché sur l'Agence nationale de l'habitat (Anah) et que cela se cumulait avec nos autres choix sur ce sujet.

Monsieur Chaize, je connais votre attachement à la question du numérique, dont témoigne la proposition de loi que vous portez. Vous me demandez de passer de l'assurance à la réassurance. Je vous confirme ce que j'ai dit. Le Président de la République a fixé un objectif ; la mission du Gouvernement est de l'atteindre. Si nous n'y arrivons pas, nous serons jugés à la hauteur de notre incompétence. Nous avons regardé vos propositions, Monsieur Chaize : vous voulez modifier l'article 33-13 pour le rendre plus contraignant. Nous allons dans le même sens ! Vous nous dites qu'il est urgent de sécuriser les réseaux d'initiative publique. Nos déclarations devraient vous rassurer. L'objectif est d'atteindre un bon débit pour tous en 2020. Le Président de la République a souligné la différence entre territoire et habitants. C'est une vraie interrogation que j'entends. Mais il ne s'agit pas, avec le bon débit à 8 mégas sur tout le territoire en 2020, de déshabiller la fibre, bien au contraire. Les messages ont été envoyés aux opérateurs. Des réponses sont arrivées, d'autres arriveront bientôt.

Les missions confiées à l'Agence du numérique et à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) permettent d'avancer. L'État a un certain nombre de moyens vis-à-vis des opérateurs. Nous souhaitons, moi et les trois secrétaires d'État concernés, envoyer un message très clair aux opérateurs : nous souhaitons arriver à un accord. Certains ont accepté de prendre des engagements contraignants. D'autres n'ont pas encore répondu, mais vont le faire. Nous avons enclenché un processus vertueux. La concurrence est rude entre eux. Les sommes en jeu sont considérables. On voit bien ce que cela génère dans le fonctionnement de chaque opérateur. Après 2022, nous ne savons pas qui sera aux affaires ; notre travail est de préparer le terrain pour l'objectif 2025.

Monsieur Vaspart, je suis toujours sensible à ce que nous disent les élus locaux et les parlementaires. La question de la désertification médicale remonte de partout. Vous pouvez considérer que les propositions sont insuffisantes dans le PLFSS - on peut toujours faire mieux. L'objectif du Gouvernement est de faire mieux. Le rôle du Parlement est de faire des propositions. Il y a des problèmes presque partout. Les réactions du monde médical relevées par Mme Préville sont aussi une réalité. La profession doit entendre un certain nombre de choses : c'est l'usager qui paie, mais au-delà, c'est tout le monde. Pour venir d'un milieu familial médical, je sais que l'exercice de cette profession a grandement changé dans les dernières décennies, et pas seulement du point de vue financier. Nous devons faire entendre un certain nombre de messages. Je m'en préoccupe car c'est un sujet important pour la cohésion des territoires.

Les « dents creuses » sont aussi un vrai problème. Nous l'étudierons lors de l'examen du projet de loi Logement. Sur l'application de la loi Notre, si vous avez des problèmes spécifiques, faites-les nous passer qu'on puisse essayer de vous donner des réponses techniques par la Direction générale des collectivités territoriales. Monsieur Bérit-Debat, votre département est tout de même moins enclavé que le mien ! Vous interviendrez dans le débat budgétaire sur la PAT ; nous en avons besoin.

Madame Cartron, vous vous réjouissez de l'avancée sur les ZRR...

Mme Françoise Cartron . - Avancée ponctuelle !

M. Jacques Mézard, ministre . - Moi, je ne l'avais pas votée... Il existe des petites villes ayant les mêmes caractéristiques sociales que les quartiers sensibles. Cela peut exister. Dans tout choix de périmètre, il peut arriver ce genre de choses. C'est aussi le rôle de l'intercommunalité d'assurer une certaine solidarité.

Mme Françoise Cartron . - Mais quand tout le territoire est pauvre ?

M. Jacques Mézard, ministre . - Je sais ce que c'est, je représente un territoire avec des revenus parfois inférieurs à certains quartiers prioritaires. Ces derniers ont été définis dans la loi Lamy. On ne va pas y revenir.

C'est dans les villes moyennes que la proportion de nos concitoyens qui ne s'approprient pas le numérique est la plus élevée, avec 46 %. Nous voulons tous développer les infrastructures. Mais l'appropriation est aussi une priorité. Nous devons lutter contre la fracture territoriale, mais la fracture sociale existe aussi. Dans certains quartiers, 60 % sont allophones et presque aucun parent d'élève ne maîtrise le français. La mobilisation des maisons de service public et des mairies est tout à fait justifiée.

J'ai pu constater la situation difficile du Cerema, qui est sous la co-tutelle des ministères de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Il compte beaucoup de compétences, qu'il serait souhaitable de mettre au service des collectivités qui en ont bien besoin. Message reçu, mais nous connaissions ce point.

Madame de Cidrac, mon propos n'est pas en lien avec le salon des maires. Je n'en changerai pas après. Ce n'est pas dans mes gènes de faire différer mes propos selon l'humeur de telle ou telle association. Ceux qui me connaissent le savent.

Nous sommes preneurs de toute observation. L'Agence de la cohésion des territoires doit avoir une utilité pour les territoires et ne pas concurrencer ce que font certaines collectivités.

Concernant le calendrier, lorsque nous connaîtrons les réponses qui doivent parvenir à l'Arcep et à l'Agence du numérique au 30 novembre, nous en saurons plus, mais les objectifs sont bien ceux que j'ai indiqués.

Madame Préville, il est dommage que l'on manque de médecins dans le Lot, ce si beau département ! Sur les communautés de communes, je pense personnellement qu'il faut faire confiance aux élus locaux. C'est la position adoptée depuis début de ce gouvernement. On verra ce qu'il en est sur le Grand Paris. Le Gouvernement est favorable aux fusions si c'est la volonté des collectivités. Dans ce domaine, on a déjà donné ! Vous me demandez si certaines communes pourraient se retirer ? Je suivrais personnellement le même principe. Si des gens ne se supportent pas ou si les intercommunalités ne sont pas calées sur le bassin de vie, cela devrait être possible. S'il peut y avoir des évolutions dans le cadre légal existant - je connais la situation des communautés de communes du Lot - je crois qu'il faut tenir compte des voeux des conseils municipaux.

J'ai pu constater de visu, en inaugurant une usine de chanvre, que l'Essonne était un département à la fois urbain et rural, comme les Yvelines ou le Val d'Oise. Nous allons réfléchir au problème que vous posez sur la loi SRU. La position que j'ai prise est de ne pas la remettre en cause pour ne pas pénaliser les communes qui ont consenti des investissements considérables pour s'y conformer. Nous ne pouvons pas changer en l'état les grands équilibres. Cela dit, faites-moi passer les 50 cas dont vous parlez ; nous verrons ce que nous pouvons faire.

Sur les bailleurs sociaux, même si c'est une mutinerie, je répondrai ! Nous sommes toujours en discussion avec eux. Le Sénat y travaille. Pour avoir siégé dans un office départemental et avoir été il y a longtemps adjoint à l'urbanisme et au logement, je connais le fonctionnement du logement social : la nécessité d'une restructuration ne fait guère de doute. Le délai de trois ans que nous nous sommes fixé est raisonnable. L'article 52 - ce n'est pas une nouvelle - évoluera. Le Sénat y travaille. Nous trouverons les moyens d'un consensus. Mais quant à dire que tout allait bien et qu'il ne faut rien changer... Pas une année ne se passe sans que l'on entende parler des « dodus dormants ». Sur 700 structures de logement social, certaines vont bien, d'autres non. Il ne s'agit pas de se passer de la proximité : personne n'a envie d'avoir des structures ayant leur siège à 400 km. J'ai vécu la réforme des régions...

Chacun montre ses muscles. J'ai toujours préféré le dialogue. Il y a des représentants éminents du logement social dans le Nord qui siègent dans de magnifiques locaux... concernant le bassin minier et le contrat signé sur 23 000 logements., le Président de la République a indiqué que les engagements seraient tenus.

Mme Martine Filleul . - Il faudra pour cela qu'il y ait des opérateurs !

M. Jacques Mézard, ministre . - Sur la concurrence entre les ports, un comité interministériel de la mer se tient demain ; je ne sais pas s'il réglera la concurrence entre le Havre et Dunkerque. Je croyais les collectivités suffisamment sages pour construire conjointement plutôt que de se concurrencer. Je connais les demandes sur le canal qui conforteraient le port de Dunkerque ; j'espère que ce sera le cas, et qu'il ne confortera pas des ports plus au nord...

Je représente un territoire qui n'a pas de TGV et qui n'en aura jamais, qui n'a pas d'autoroute et n'en aura jamais. Je ne vous souhaite pas de perdre une desserte rapide. Je pense que M. Spinetta écoute les collectivités. La ministre des transports l'a dit : il ne s'agit pas d'arrêter les grandes infrastructures, mais de faire une pause sur certains grands investissements : il faut aussi penser à l'entretien et la modernisation des routes nationales et des voies ferrées traditionnelles. Il y a des endroits où les trains ne circulent pas en automne, parce que les locomotives patinent sur les feuilles mortes !

M. Olivier Léonhardt . - En Île-de-France, par exemple !

M. Jacques Mézard, ministre . - Il y a des endroits où les trains sont limités à 30 kilomètres à l'heure. J'entends l'inquiétude de ceux qui voient passer des trains à grande vitesse.

M. Hervé Maurey , président. - Merci. Nous savons que la voix des territoires ruraux est entendue au Gouvernement grâce à vous.

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