II. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le mercredi 8 novembre 2017, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits « Transports routiers » de la mission « Ecologie, développement et mobilité durables ».

M. Hervé Maurey , président . - M. Jean-Pierre Corbisez, dont c'est le premier rapport, nous présente maintenant son avis sur les crédits du projet de loi de finances pour 2018 consacrés aux transports routiers.

M. Jean-Pierre Corbisez , rapporteur . - Les crédits consacrés aux transports routiers sont répartis entre, d'une part, les crédits gérés par l'État, inscrits dans le projet de loi de finances, plus précisément au programme 203 intitulé « Infrastructures et services de transport » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », auquel il faut ajouter le compte d'affectation spéciale qui finance le bonus-malus automobile, d'autre part, les crédits de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'Afitf.

Cette agence a été mise en place en 2005, initialement pour financer les grands projets d'infrastructures de transport décidés par l'État au moyen de recettes affectées. C'est un établissement public administratif sous la tutelle du ministère en charge des transports. Son champ d'intervention a été élargi au fil du temps, puisqu'elle finance aussi désormais la part de l'État dans les contrats de projets État-régions (CPER) dans le domaine des transports, des investissements de régénération ou de sécurisation des réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux, des projets de création ou de développement de transports collectifs, le renouvellement des matériels roulants pour les trains d'équilibre du territoire.

Ses recettes sont issues de la route : elles se composent d'une fraction de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques - la TICPE -, de deux taxes sur les sociétés concessionnaires d'autoroutes, et d'une partie du produit des amendes radars. Mais près de deux tiers des projets qu'elle finance concernent des modes alternatifs ou complémentaires à la route : ferroviaires, collectifs, fluviaux ou maritimes.

L'Afitf permet ainsi de sanctuariser des recettes régulières et prévisibles en les affectant à des projets qui s'échelonnent sur plusieurs années, dans un objectif de report modal, puisque c'est la route qui finance les autres infrastructures de transport.

Le principe de cette agence est régulièrement critiqué par la Cour des comptes, dans la mesure où elle permet à l'État de s'affranchir de plusieurs règles budgétaires - en premier lieu, le principe d'universalité budgétaire et de non-affectation des recettes à des dépenses particulières.

En deuxième lieu, le contrôle du Parlement sur son budget est limité, puisque ce budget est en général arrêté en fin d'année, après l'examen de la loi de finances. Enfin, les engagements financiers pris par l'agence ne sont soumis à aucun plafonnement dans la loi de finances et sont autorisés par le seul conseil d'administration de l'établissement. Il faut ajouter que sa présidence est aujourd'hui vacante.

La Cour des comptes s'est aussi vivement inquiétée de la soutenabilité financière de l'agence, qui a accumulé des restes à payer importants : 12,3 milliards d'euros à la fin de l'année 2016, qui ne prennent pas en compte, ou alors de façon marginale, les engagements conclus au titre des CPER 2015-2020. De fait, l'agence a été mise en difficulté par l'abandon de l'écotaxe, dont les recettes devaient lui revenir. C'est pour remplacer cette recette qu'elle touche une part de la TICPE.

Où en est-on aujourd'hui ? En 2017, le budget de l'agence était de 2,2 milliards d'euros, pour un besoin estimé par son ancien président, Philippe Duron, à 2,5 milliards d'euros. Ce budget devrait augmenter en 2018, pour atteindre 2,4 milliards d'euros. C'est positif, mais si l'on écoute encore Philippe Duron, il aurait fallu un budget de 3 milliards d'euros, car, en raison des engagements pris par le passé, l'agence va se retrouver confrontée à un pic de dépenses à partir de l'année prochaine.

La Ministre estime que ce budget peut suffire, si l'on gèle ou l'on retarde certains engagements. Effectivement, la « pause » décidée en juillet par le Président de la République pour les grands projets d'infrastructures a déjà permis de réduire en partie les besoins de financement de l'Afitf. Étant pour ma part un fervent défenseur du canal Seine-Nord Europe, je me félicite que le président de notre commission ait prévu d'organiser une table ronde consacrée à ce sujet au mois de décembre. Il faudra néanmoins impérativement trouver des recettes pour l'année prochaine. C'est aussi l'un des chantiers des Assises de la mobilité lancées par la Ministre.

En ce qui concerne les dépenses de l'Afitf dans le domaine routier, on peut relever une bonne nouvelle : les crédits consacrés à la régénération du réseau routier existant devraient augmenter de 100 millions d'euros en 2018, passant de 385 à 482 millions d'euros. Nous pouvons nous en féliciter, dans la mesure où la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable avait donné l'alerte à ce sujet cet été.

L'Afitf devrait également dépenser près de 400 millions d'euros pour le développement de nouvelles infrastructures routières. Il s'agit de poursuivre le financement des opérations en cours et de financer, dans la limite des crédits alloués, de nouvelles opérations inscrites dans les CPER.

J'en viens aux crédits budgétaires du programme 203 « Infrastructures et services de transport », rattaché à la mission « Écologie, développement et mobilité durable ». Pour le développement de nouvelles infrastructures routières, toutes les dépenses sont prises en charge par l'Afitf. Pour l'entretien du réseau existant, 320 millions d'euros sont prévus, qui s'ajoutent à l'enveloppe de l'Afitf de 482 millions d'euros que j'évoquais tout à l'heure. Ce montant est en très légère augmentation par rapport à celui adopté en loi de finances pour 2017.

Les transports routiers seront également dotés de 3 millions d'euros pour la définition et l'application des réglementations dans ce domaine, notamment les actions de contrôle, et de 1,7 million d'euros pour l'accompagnement économique et social des professions en difficulté.

Je termine cette présentation des crédits par le compte d'affectation spéciale qui finance les « aides à l'acquisition de véhicules propres ». Ce compte est alimenté par les recettes du malus automobile. Il finance le bonus automobile, versé à l'achat d'un véhicule neuf peu émetteur de CO 2 , et la prime à la conversion, parfois aussi appelée « prime à la casse », versée lorsque l'achat d'un véhicule peu émetteur de CO 2 s'accompagne de la mise au rebut d'un véhicule ancien polluant.

Ce compte fait l'objet d'ajustements réguliers, destinés à assurer son équilibre, et à prendre en compte les évolutions technologiques et l'amélioration des performances des véhicules. Ce dispositif a pour but premier la réduction des émissions de CO 2 , et donc la lutte contre le réchauffement climatique. Mais le recentrage récent des aides versées sur les véhicules électriques ou hybrides lui permet aussi de contribuer à la réduction des émissions de polluants atmosphériques - les oxydes d'azote par exemple - et donc d'agir sur la qualité de l'air.

Le barème du malus est fixé dans la première partie de la loi de finances. En 2018, il s'appliquera aux véhicules qui émettent 120 grammes de CO 2 par kilomètre, au lieu de 127 aujourd'hui. Le malus devrait en conséquence s'appliquer à environ 21 % des ventes en 2018, pour 15 % en 2017.

Les barèmes du bonus et de la prime à la conversion seront quant à eux fixés par la voie réglementaire. Mais nous en connaissons déjà les grandes lignes.

L'objectif du Gouvernement est, en 2018, de donner plus d'ampleur à la prime à la conversion. C'est une évolution positive, car cette aide agit sur le parc roulant en circulation, qui est le plus polluant. Or, jusqu'à présent, cette prime a eu un succès limité : en 2016, elle a concerné moins de 10 000 véhicules, quand le bonus a concerné plus de 65 000 véhicules.

Elle était jusqu'à présent octroyée lorsque deux conditions étaient réunies : premièrement, la mise au rebut d'un véhicule diesel immatriculé avant 2006 ; deuxièmement, l'achat d'un véhicule électrique ou hybride rechargeable. La prime était de 4 000 euros dans le premier cas, et de 2 500 euros dans le second.

Les ménages non imposables pouvaient en outre bénéficier d'une prime à la conversion pour l'achat d'un véhicule neuf ou d'occasion électrique ou à moteur essence, respectant la norme Euro 5 ou 6 et émettant moins de 110 g de CO 2 par kilomètre. Cette aide s'élevait à 1 000 ou 500 euros, en fonction de la norme Euro du véhicule acheté.

En 2018, conformément au Plan Climat présenté par Nicolas Hulot au mois de juillet, la prime réservée aux ménages non imposables va être généralisée, suivant le schéma suivant. Tous les ménages pourront bénéficier d'une prime de 1 000 euros lorsque ces deux conditions seront réunies : premièrement, la mise au rebut d'un véhicule diesel immatriculé avant 2001 ou d'un véhicule essence immatriculé avant 1997 ; deuxièmement, l'achat d'un véhicule neuf ou d'occasion électrique ou classé Crit'air 1 ou 2 émettant moins de 130 grammes de CO 2 par kilomètre. Il s'agit des véhicules hybrides rechargeables, des véhicules circulant au gaz ou à l'hydrogène, des véhicules essence de la norme Euro 4, 5 ou 6, et des véhicules diesel de la norme Euro 5 et 6. Les ménages non imposables continueront à bénéficier de conditions assouplies et auront droit à une prime supplémentaire de 1 000 euros.

La prime à la conversion sera aussi ouverte lorsque la mise au rebut du véhicule ancien accompagnera l'achat d'un véhicule à deux ou trois roues électrique, à hauteur de 100 euros, avec une prime supplémentaire de 1 000 euros pour les ménages non imposables.

En revanche, le montant des primes accordées pour l'achat des véhicules électriques ou hybrides va diminuer, de 4 000 à 2 500 euros pour les véhicules électriques, et de 2 500 euros à 1 000 euros pour les hybrides rechargeables, qui entreront dans le droit commun. On peut le regretter, mais cela est nécessaire pour assurer l'équilibre du compte.

Toutes ces évolutions devraient conduire au versement de 100 000 primes à la conversion en 2018, pour un montant de 127 millions d'euros. On mesure la montée en puissance de cette prime lorsqu'on compare ce montant avec celui prévu en 2017, soit 27 millions d'euros. C'est presque cinq fois plus.

En ce qui concerne le bonus automobile, il est encore recentré cette année, sur les seuls véhicules électriques. Les véhicules hybrides rechargeables ne pourront donc plus en bénéficier. Le montant de l'aide reste plafonné à 6 000 euros. C'est peut-être regrettable, mais c'est le choix fait par le Gouvernement.

Le bonus instauré en 2017 pour l'achat des deux ou trois roues électriques est maintenu. Il passera de 1 000 à 900 euros.

Enfin, le Gouvernement a dans un premier temps annoncé la suppression du bonus de 200 euros créé en 2017 pour l'achat des vélos à assistance électrique. Cette mesure a néanmoins suscité de vives réactions. Des réflexions doivent avoir lieu à ce sujet dans le cadre des Assises de la mobilité.

Les aides versées au titre du bonus devraient atteindre au total 261 millions d'euros en 2018.

L'ensemble de ces évolutions du compte d'affectation spéciale me semblent aller dans le bon sens. Le recentrage du bonus sur les véhicules électriques, entamé il y a quelques années déjà, a l'avantage de favoriser une filière d'avenir, en pleine émergence, qui est efficace à la fois pour réduire les émissions de CO2 et les émissions de polluants atmosphériques.

Nous pouvons aussi nous réjouir que ce dispositif soit maintenu pour les deux ou trois roues électriques, pour lesquels ce type d'énergie a une forte pertinence. Il s'agit en effet de véhicules qui effectuent des trajets courts, ce qui facilite les possibilités de recharge.

Enfin, l'élargissement du champ de la prime à la conversion devrait permettre d'agir plus efficacement sur le parc roulant en circulation, qui est le plus préoccupant sur le plan des émissions.

Au regard de l'ensemble des éléments que je vous ai présentés - les nouvelles orientations du bonus-malus, mais aussi l'augmentation des crédits consacrés à l'entretien du réseau routier -, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du projet de loi de finances pour 2018 consacrés aux transports routiers, qui est un budget de transition, en attendant les évolutions que proposera le Gouvernement pour répondre aux inquiétudes sur la soutenabilité de l'Afitf, et que l'agence retrouve un président.

Il nous reviendra de rester vigilants lors des débats relatifs à la loi d'orientation sur les mobilités annoncée par la Ministre pour 2018. C'est à cette occasion que nous pourrons - je l'espère en tout cas -, avoir une vision pluriannuelle sur la stratégie de l'État dans le domaine des transports.

M. Ronan Dantec . - Je félicite le rapporteur car l'exercice, dans un temps aussi court et avec des sujets aussi techniques où l'État n'est pas forcément clair dans ses propres explications, est toujours un tour de force. J'ai rédigé ce rapport deux années consécutives et je sais à quel point l'État ne facilite pas toujours la tâche.

Il y a beaucoup d'annonces sur le bonus-malus, et la manière dont l'État le met en oeuvre ne me semble pas extrêmement claire. Il faudra donc que nous soyons extrêmement attentifs. À partir du moment où l'on facilite la mise au rebut d'un certain nombre de véhicules, que fait-on de ces véhicules ? Je crains que les véhicules partent à l'exportation et que l'on retrouve, demain, leurs émissions de CO 2 ailleurs. Il y a un enjeu en matière de développement pour les pays où on les exporte, car ces véhicules permettent plus de mobilité, par exemple dans les pays africains. Mais par rapport aux engagements pris sur le climat, cette mesure n'a de sens que si ces véhicules sont détruits. Je souhaiterais donc que le rapporteur puisse poser à l'État cette question : les véhicules mis au rebut sont-ils effectivement mis au rebut ou exportés ?

M. Alain Fouché . - Je remercie le rapporteur pour cet exposé rapide et clair. Il existe aussi des aides financées par les régions pour l'acquisition de véhicules électriques ou hybrides, avez-vous des éléments là-dessus ?

M. Jean-Pierre Corbisez , rapporteur . - Je n'ai pas d'éléments sur les aides des régions. Certaines collectivités peuvent elles-mêmes se doter de véhicules hybrides, ou fonctionnant par exemple au GNV pour le ramassage de déchets ménagers, car ils sont moins bruyants. Lorsqu'on ramasse les ordures à 5h du matin dans la rue, l'écart de 8 décibels est notable. Aujourd'hui, on se demande pourquoi le Gouvernement abandonne son engagement financier sur l'hybride rechargeable et se concentre uniquement sur les véhicules électriques. C'est regrettable, car certaines collectivités, comme les acteurs privés, s'engagent sur le long terme en installant une station GNV.

Pour répondre à Ronan Dantec, je vais effectivement interroger la Ministre en demandant la présentation d'un certificat de destruction en contrepartie des aides apportées par l'État.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Transports routiers » de la mission « Écologie, développement et mobilité durable » du projet de loi de finances pour 2018.

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