PREMIÈRE PARTIE - SPORT

I. UN BUDGET QUASIMENT STABLE EN DÉPIT DE LA DÉSIGNATION DE PARIS POUR L'ORGANISATION DES JEUX OLYMPIQUES ET PARALYMPIQUES DE 2024

Le sport occupe une place particulière dans les politiques publiques, qui lui permet de dépasser les clivages et de rassembler largement. C'est ainsi, par exemple, que les crédits du sport ont reçu un avis favorable de notre commission dans le cadre des projets de loi de finances (PLF) pour 2015, 2016 et 2017 et que la proposition de loi visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs a été adoptée par le Sénat à une large majorité.

Cette année marque néanmoins une forme de rupture puisque malgré la désignation de Paris comme ville organisatrice des jeux olympiques et paralympiques de 2024 les crédits consacrés au sport connaissent une baisse, la somme des crédits budgétaires et des fonds du CNDS - prévus par le PLF déposé à l'Assemblée nationale - passant de 517,4 millions d'euros en 2017 à 481,6 millions d'euros en 2018, soit une baisse de 7 %. Toutefois, les crédits budgétaires du programme Sport augmentent du fait de l'abondement de ressources finançant la compensation de l'exonération partielle de cotisations sociales des rémunérations versées aux arbitres et aux juges sportifs d'une part, et de la reconfiguration du CNDS d'autre part. Des annonces du Gouvernement concernant un abondement des crédits du CNDS à venir dans le cadre du PLFR permettent néanmoins de nuancer le scénario de la baisse des crédits pour privilégier celui d'une quasi stabilité des crédits (-1,1%) .

Le CNDS verra, en effet, en 2018, ses recettes fiscales affectées divisées par deux, à 133,4 millions d'euros, et ses missions devraient être recentrées sur le soutien aux actions en faveur du sport pour tous au niveau des territoires en soutien aux associations et à l'emploi sportif. Votre rapporteur pour avis ne peut que s'inquiéter des conditions de financement des équipements au niveau local et des conséquences potentiellement dommageables pour les collectivités territoriales. La question apparaît particulièrement prégnante concernant l'avenir du financement des projets déjà engagés.

Le recentrage des missions du CNDS permet de dégager 72 millions d'euros qui viendront abonder le programme Sport afin de financer les conventions d'objectifs, la dotation au CNOSF 2 ( * ) ainsi que les subventions aux grands équipements sportifs internationaux (GESI).

Le PLF prévoit également une hausse des moyens de l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), qui ne tient toutefois pas compte de la récente suspension de l'accréditation de son laboratoire d'analyse de Chatenay-Malabry et des coûts induits par la délocalisation des contrôles en Belgique et en Italie.

Comme votre rapporteur pour avis l'indiquait déjà l'année dernière, les réflexions sont engagées sur une évolution du modèle de gouvernance du sport français. Alors que le président du CNOSF plaide depuis de nombreuses années maintenant pour un modèle plus partenarial et alors que la dernière revue de dépenses menée par le contrôle général économique et financier et l'inspection de la jeunesse et des sports a soulevé des interrogations qui semblent trouver leur débouché dans la réforme du CNDS, un groupe de travail copiloté par la directrice des sports, Laurence Lefèvre, et Patrick Bayeux, doit conduire une réflexion sur l'évolution de la gouvernance du sport qui s'appuiera sur l'organisation de plusieurs séminaires thématiques. La synthèse de ces travaux pourrait aboutir à la présentation de scenarii qui devraient, selon toute vraisemblance, comporter des propositions de modifications législatives.

A. DES CRÉDITS EN BAISSE DONT LA RÉPARTITION EST MODIFIÉE

Lors de son audition par votre commission, la ministre des sports a indiqué que le budget poursuivait « quatre axes stratégiques : une France qui rayonne, une France qui intègre, une France qui bouge, une France en bonne santé ».

Plus précisément, ce budget comporte deux objectifs majeurs :

- l'amélioration de la performance du sport de haut niveau dans la perspective de l'accueil des jeux olympiques et paralympiques de 2024. Dans cette perspective, un objectif de meilleure détection des potentiels sera poursuivi avec les fédérations et tous les acteurs du sport professionnel, ainsi qu'un effort pour donner aux jeunes sportifs des conditions sportives et matérielles propices à leur réussite et favorables à leur reconversion. Un plan d'action pour la réussite des équipes françaises sera élaboré et une évolution de la gouvernance nationale et territoriale du sport français sera mise à l'étude ;

- le développement des pratiques sportives pour tous , tout au long de la vie, et la promotion du sport comme facteur de santé constituent la deuxième priorité de la ministre des sports, qui s'est fixé pour objectif de « parvenir à 3 millions de pratiquants supplémentaires ». Dans cette perspective, le budget prévoit un recentrage fort de l'intervention du CNDS, dont la part territoriale du CNDS est appelée à devenir le principal vecteur de financement, entraînant une plus grande sélectivité des projets présentés par les associations locales. Le ministère indique par ailleurs que des maisons sport-santé ( living labs du sport) seront labellisées afin de répondre aux besoins d'amélioration de la santé et de prévention apportés par une pratique régulière des activités physiques et sportives 3 ( * ) .

Deux autres objectifs figurent dans ce budget qui tiennent à la promotion de l'intégrité dans le sport au niveau national, européen et international - ce qui passe notamment par la poursuite de la lutte anti-dopage - et l'accroissement de la contribution de la filière économique du sport à la richesse nationale et au développement de l'emploi.

Faire de l'économie du sport un véritable enjeu économique national est, à l'évidence, un objectif partagé. C'est pourquoi votre rapporteur pour avis ne peut que regretter que cet objectif n'ait pas encore trouvé à se réaliser dans la mise en oeuvre de l'article 17 de la loi du 1 er mars 2017 visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs , qui vise précisément à renforcer l'attractivité du sport professionnel français.

Quel avenir pour l'article 17 de la loi du 1 er mars 2017
sur la rémunération de l'image des sportifs et des entraîneurs ?

Le Parlement a adopté, dans la loi du 1 er mars 2017 visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs, un nouveau dispositif en matière de rémunération prévoyant qu' « une association ou une société sportive mentionnée aux articles L. 122-1 ou L. 122-2 peut conclure avec un sportif ou un entraîneur professionnel qu'elle emploie un contrat relatif à l'exploitation commerciale de son image, de son nom ou de sa voix ».

Ce dispositif (article 17 de la loi), inspiré par le Sénat, vise à améliorer la compétitivité des clubs professionnels en matière de négociation salariale. Il part du principe que le contrat qui lie le joueur à son club concerne la pratique de son sport mais n'est pas adapté à une valorisation par le club, de l'image, du nom ou de la voix du sportif ou de l'entraineur professionnel. Ce dispositif vise donc à reconnaître cette activité économique et à rémunérer, en tant que tels, les sportifs et entraîneurs professionnels.

L'introduction dans la rémunération des sportifs et des entraîneurs d'une part sous forme de redevance peut avoir un impact pour l'Etat en cas de substitution de la redevance au salaire puisque les charges représentent environ 65% du salaire brut quand les redevances ne sont assujetties à des prélèvements sociaux que pour 15,5 %. Toutefois le principe même de cette redevance est de créer une rémunération supplémentaire pour tenir compte d'une valorisation d'un actif immatériel qui n'est pas aujourd'hui convenablement exploité. Un tel dispositif doit permettre un développement des clubs et donc l'arrivée de « grands joueurs » dont le salaire participera pleinement au financement de notre système social.

Il apparaît donc urgent de mettre en oeuvre les textes d'application. Un décret doit ainsi définir « les catégories de recettes générées par l'exploitation commerciale de l'image, du nom ou de la voix du sportif ou de l'entraîneur professionnel susceptible de donner lieu au versement de la redevance » . Par ailleurs, la loi prévoit la signature d' « une convention ou un accord collectif national, conclu par discipline, qui fixe le plafond de la redevance susceptible d'être versée au sportif ou à l'entraîneur professionnel ainsi que la rémunération minimale au titre du contrat de travail à partir de laquelle le contrat (...) peut être conclu par le sportif ou l'entraîneur professionnel » .

Votre rapporteur pour avis observe donc que les garanties sont prévues pour éviter tout effet d'aubaine et qu'il n'y a pas de raisons pour le Gouvernement de différer plus longuement la mise en oeuvre de cet article.

Lorsque l'on examine maintenant l'évolution de l'ensemble des crédits publics consacrés aux politiques sportives, on constate, en 2018, une baisse, qui s'accompagne néanmoins d'un maintien à un haut niveau si l'on compare les chiffres aux années précédentes. L'ensemble des crédits prévus dans le PLF 2018 s'élève ainsi à 839,83 millions d'euros contre 863,50 millions d'euros en 2017.

Si l'on s'attarde maintenant sur la répartition des crédits, on constate une forte évolution dans leur ventilation. Le programme 219 voit ses crédits augmenter de près de 68 millions d'euros et les programmes de soutien gagnent près de 29 millions d'euros tandis que le CNDS voit ses crédits fondre de plus de 100 millions d'euros (en tenant compte du prélèvement du fonds de concours effectué en 2017).

Si l'on examine plus particulièrement le programme 219 au sens strict, on constate que les crédits sont en forte augmentation du fait de transferts en provenance du CNDS. Alors que 243,74 millions d'euros en autorisations d'engagements et 247,39 millions d'euros en crédits de paiement ont été ouverts en LFI 2017, les crédits demandés s'élèvent à 347,14 millions d'euros en autorisations d'engagement et 348,23 millions d'euros en crédits de paiement dans le PLF 2018, soit une hausse de plus de 42 % (en AE).

Pour mémoire, on peut rappeler que le programme 219 comporte principalement les subventions de l'État aux fédérations sportives et les subventions de fonctionnement aux opérateurs et agences du sport, en particulier l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP), les Centres de ressources, d'expertise et de performance sportive (CREPS), les écoles nationales du sport ou encore l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD).

Le programme 219 ne tenait pas compte, jusqu'à présent, des dépenses d'intervention du Centre national pour le développement du sport (CNDS), financées par des taxes affectées (prélèvements sur les produits de la Française des Jeux, les paris sportifs et les droits de retransmission de manifestations sportives). Le PLF 2018 s'accompagne donc d'une profonde réforme du CNDS et d'un changement de son périmètre d'intervention afin de le recentrer sur le sport pour tous, qui devrait donner lieu en 2018 à une modification des textes réglementaires qui entourent son activité.

À noter que cette hausse des crédits du programme 219 se concentre de manière très majoritaire sur les dépenses d'intervention du Titre 6 qui passent de 176,92 millions d'euros en AE en 2017 (et 176,92 en CP) à 278,56 millions d'euros (en AE comme en CP) en 2018.

En termes de répartition des crédits par actions, il convient d'observer que la hausse des crédits du programme 219 profite essentiellement à deux des quatre actions du programme :

- l'action n°1 « Promotion du sport pour le plus grand nombre » voit ses crédits en AE comme en CP passer de 35,67 millions d'euros en 2017 à 89,67 millions d'euros en 2018 ;

- l'action n°2 « Développement du sport de haut niveau » voit pour sa part ses crédits passer en AE de 160,93 millions d'euros à 209 millions d'euros.

Ces crédits supplémentaires doivent permettre, selon la ministre des sports, de soutenir les fédérations avec une enveloppe de 3 millions d'euros supplémentaires, d'accompagner nos athlètes de haut niveau grâce à une enveloppe de plus de 10 millions d'euros, destinée aux aides personnalisées et d'engager la préparation des jeux olympiques et paralympiques.

Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, le cabinet de la ministre a indiqué que le dispositif des aides personnalisées avait vocation à être remis à plat à la fois pour augmenter l'enveloppe dédiée de 5 à 6 millions d'euros mais également afin de renforcer l'objectivité des critères dans l'attribution de ces aides, aujourd'hui attribuées par les directeurs techniques nationaux.

Le soutien à l'excellence de haut niveau ne fait pas l'objet de nouveaux crédits au sein du PLF 2018 mais constituera un objectif du PLF 2019 afin, en particulier, de répondre à la question du recrutement des entraîneurs qui font l'objet d'une forte concurrence entre équipes nationales.

Au final, le budget tel qu'il a été présenté à l'Assemblée nationale comportait une forte baisse des crédits de l'ordre de -6,8 à -7 %, la réduction des crédits du CNDS concernant la part territoriale et les équipements n'étant pas compensée par la hausse des crédits du programme 219.

Le débat à l'Assemblée nationale a permis de prendre conscience du caractère excessif des ajustements opérés puisque, notamment, le solde à payer de nombreux projets engagés par le CNDS n'était plus garanti. Pour répondre à cette situation, le ministre de l'action et des comptes publics a annoncé l'inscription d'une enveloppe de 20 à 30 millions dans le cadre du PLFR. Selon les indications apportées à votre rapporteur pour avis, cette enveloppe devrait être finalement s'élever à 27 millions d'euros qui permettront d'abonder, en 2017, le fonds de roulement du CNDS et pour une utilisation, pour l'essentiel, en 2018.

Votre rapporteur pour avis aurait préféré que ces 27 millions d'euros soient inscrits directement au PLFR 2018 pour au moins deux raisons :

- l'inscription de ces crédits en 2017 emporte pour conséquence qu'une partie, au moins, pourrait ne pas concerner 2018, avec le risque de fragiliser d'autant les projets déjà engagés ;

- le choix d'un abondement du fonds de roulement du CNDS relève davantage de la gestion budgétaire que du débat parlementaire et l'expérience montre que les services du ministère des finances n'hésitent pas à solliciter les fonds de roulement pour opérer avec plus de discrétion des mesures de régulation budgétaire.

Sous ces deux réserves, votre rapporteur pour avis se réjouit néanmoins de cette annonce du Gouvernement .

Compte tenu de l'adoption d'un amendement qui prévoit par ailleurs de consacrer 2,2 millions d'euros au désengorgement de la filière STAPS, c'est en tout une trentaine de millions d'euros qui ont été ajoutés au budget du sport, permettant de ramener la baisse du budget à environ -1 %.

Variation 2017/2018 des crédits du ministère des sports

(9/11/2017)

LFI 2017

PLF 2018

variation

en euros

en %

CNDS (taxes affectées)

270 000 000

133 444 000

-136 556 000

-50,6 %

complément LFR 2017 CNDS (montant demandé)

30 000 000

30 000 000

PRG 219 SPORT
(crédits de paiement)

247 392 944

348 226 426

100 833 482

40,8 %

Total

517 392 944

511 670 426

-5 722 518

-1,1 %

Source : Direction des sports

Par ailleurs, le programme spécifique consacré aux jeux olympiques et paralympiques, créé par voie d'amendement par le Gouvernement lors du débat à l'Assemblée nationale, a été doté de 58 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 48 millions d'euros en crédits de paiement. Il devrait permettre de pourvoir aux frais de fonctionnement de la SOLIDEO à hauteur de 6 à 7 millions d'euros et de procéder au recrutement de 40 ETP (essentiellement des ingénieurs, des architectes et des urbanistes), le reste de l'enveloppe devant servir à financer les premières études nécessaires aux infrastructures.

Votre rapporteur pour avis se réjouit des ajustements décidés lors du débat à l'Assemblée nationale , qui ont permis de réduire l'incompréhension face à la baisse annoncée des crédits consacrés au sport. Il apparaît néanmoins que ce « budget de transformation » n'a pas encore trouvé son point d'arrivée et que de nouvelles évolutions devraient intervenir l'année prochaine.

Dans ces conditions, compte tenu de la nécessité de pouvoir tracer une perspective budgétaire permettant de préparer au mieux les jeux de 2024, votre rapporteur propose qu'une loi de programmation budgétaire soit mise à l'étude en 2018 afin de clarifier l'effort de la nation en faveur du sport sur la période 2019-2024 . Cette loi de programmation - instrument de mise en cohérence et de mobilisation - pourrait prendre en compte l'effort financier nécessaire au financement des infrastructures des jeux olympiques et paralympiques ainsi que les autres dépenses prévues dans le cadre de la préparation des jeux, notamment pour l'excellence de haut niveau, l'INSEP et le nouveau laboratoire de l'AFLD. Elle pourrait également évaluer les besoins nécessaires aux équipements de proximité qui permettront d'accompagner la préparation des athlètes.

La mise en chantier d'une telle loi de programmation permettrait aussi de prendre en compte les investissements nécessaires à l'organisation de la coupe du monde de rugby 2023, attribuée à la France le 15 novembre 2017.


* 2 Comité national olympique et sportif français.

* 3 Ces maisons sport-santé permettront également de mieux structurer l'offre dédiée à l'accompagnement des personnes atteintes d'affection longue durée bénéficiant d'une prescription médicale d'activités physiques et sportives (APS) prévue par la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016.

Page mise à jour le

Partager cette page