DEUXIÈME PARTIE - RECHERCHE

I. UN BUDGET EN AUGMENTATION

La mission « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) compte sept programmes consacrés à la recherche. Toutefois, seuls deux programmes dépendent directement du ministère chargé de la recherche, le programme 172 (Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires) et le programme 193 (Recherche spatiale).

Les autres programmes dépendent du ministère de la transition écologique et solidaire (programme 190 - Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables), du ministère de l'économie et des finances (programme 192 - Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle), du ministère des armées (programme 191 - Recherche duale - civile et militaire -), du ministère de la culture (programme 186 - Recherche cultuelle et recherche scientifique) et du ministère de l'agriculture et de l'alimentation (programme 142 - Enseignement supérieur et recherche agricoles).

La somme des budgets de ces différents programmes s'élève à un peu moins de 11,49 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et un peu moins de 11,55 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) dans le projet de loi de finances pour 2018, ce qui représente une hausse de 394 millions d'euros en AE (+ 3,56 %) et de 512,3 millions d'euros en CP (+ 4,07 %) par rapport aux crédits votés par le Parlement en loi de finances pour 2017.

Évolution des crédits de la mission recherche entre 2017 et 2018

Source : Projet annuel de performance 2018

Toutefois, l'évolution de ces crédits est contrastée (cf. infra ) .

A. UNE PROGRESSION FORTE DES DOTATIONS AUX PROGRAMMES 172 ET 193 LIÉE À UNE PLUS GRANDE SINCÉRITÉ BUDGÉTAIRE

À structure constante, le montant alloué aux programmes de recherche du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation (programmes 172 et 193) s'établit à 8,34 milliards d'euros en AE et 8,39 milliards d'euros en CP. Il est en augmentation de + 365,4 millions d'euros en AE (+ 4,6 %) et plus encore en CP (+ 501,3 millions d'euros, soit + 6,3 %) par rapport à la loi de finances initiale de 2017.

Dans une large mesure, l'augmentation de ces crédits s'explique par la volonté du nouveau gouvernement de respecter le principe de sincérité budgétaire. La plupart des hausses concerne par conséquent des dépenses inéluctables, à l'exception notable de l'augmentation des crédits d'intervention de l'Agence nationale de la recherche.

1. Le respect des engagements internationaux

La France participe à divers programmes européens et internationaux de recherche. Ces activités reposent soit sur des entités françaises auxquelles se joignent des partenaires internationaux, soit sur des entités étrangères ou des organisations internationales auxquelles la France participe, essentiellement à travers le budget du ministère chargé de la recherche.

La France est ainsi membre de neuf organisations internationales.

Pour sept d'entre elles, sa participation relève du programme 172 : CERN (Laboratoire européen de physique des particules), CEPMMT (Centre européen de prévisions météorologiques à moyen terme), EMBL (Laboratoire européen de biologie moléculaire), EMBC (Conférence européenne de biologie moléculaire), CIRC (Centre international de recherche sur le cancer), ESO (Organisation européenne pour des observations astronomiques dans l'hémisphère austral), HFSPO (Programme scientifique « Frontière humaine »).

Pour deux d'entre elles, sa participation relève du programme 193 (ESA - Agence spatiale européenne) et EUMETSAT (Organisation européenne pour l'exploitation de satellites météorologiques).

La France est également impliquée dans diverses très grandes infrastructures internationales de recherche telles que :

- l'ESRF ( European Synchroton Radiation Facility ) qui gère et exploite une source de rayonnement X à haute énergie reconnue comme l'une des meilleures au monde ;

- l'Institut Laue-Langevin (ILL) qui exploite l'une des sources de neutrons les plus intenses au monde ;

- l'ESS ( European Spallation Source ), en construction depuis 2014 en Suède et qui complètera la source à neutrons ILL ;

- l'ITER (réacteur thermonucléaire expérimental) ;

- l'IRAM (institut de radioastronomie millimétrique) ;

- le CTA ( Cherenkov Telescope Array ) ;

- le GENCI (Grand équipement national de calcul intensif).

Les obligations juridiques de la France relèvent de l'application des conventions et accords constitutifs, complétés par les protocoles ou règlements financiers approuvés par les États membres. Or, les budgets votés en loi de finances ont progressivement décroché par rapport au niveau réel des contributions françaises. Cette pratique est dénoncée régulièrement par votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Le rapport de la Cour des comptes sur la gestion des crédits de la MIRES en 2016 est particulièrement sévère.

La sous-budgétisation chronique des contributions de la France
aux organisations internationales

« La programmation initiale des programmes 172 et 193 présentée en document prévisionnel de gestion a également été jugée non soutenable par le contrôleur budgétaire et comptable ministériel. Pour le programme 172 , elle tablait sur le dégel intégral de la réserve de précaution, sans que cela suffise à couvrir les besoins . Pour le programme 193, un dégel à hauteur de 90 % était anticipé, compte non tenu d'engagements antérieurs à 2010 au titre de la « dette » de contribution de la France auprès de l'agence spatiale européenne (ESA). Comme les années précédentes et notamment depuis 2013, ces impasses , constatées dès le début de la gestion après mise en réserve des crédits , tiennent à une sous-budgétisation , dès le stade de la LFI, des contributions de la France aux organisations scientifiques internationales (OSI) et très grandes infrastructures internationales de recherche (TGIR) . Elles tendent en outre à augmenter. Comme l'indique l'analyse du contrôleur budgétaire et comptable ministériel, à la différence des crédits destinés aux organismes de recherche qui bénéficient de taux de mise en réserve réduits, les contributions aux OSI et TGIR « déjà sous-budgétisées en LFI, se voient appliquer une mise en réserve à hauteur de 8 %, ce qui réduit encore la ressource prévisionnelle disponible ». Les contributions aux OSI et TGIR internationales , de même que les dépenses liées aux bourses de l'enseignement supérieur, s'analysent en effet en dépenses inéluctables au sens de l'article 95 du décret « Gestion budgétaire et comptable publique » (« dépenses liées à la mise en oeuvre des lois, règlements et accords internationaux »). Sauf à retirer tout ou partie de ces contributions de l'assiette des mises en réserve, ou à adopter une budgétisation initiale réaliste, de telles impasses ne peuvent que se répéter d'année en année. La récurrence de cette insoutenabilité constitue donc une double atteinte au principe de sincérité, par la combinaison de sous-dotations budgétaires chroniques et d'un gonflement artificiel de l'assiette de la réserve de précaution. »

Source : Cour des comptes, Note d'analyse de l'exécution budgétaire de 2016,
« Mission interministérielle de la recherche et de l'enseignement supérieur », page 16

Le projet de loi de finances pour 2018 vise à mettre fin à la sous-budgétisation constatée au titre des années précédentes. L'enveloppe des crédits destinés au paiement des contributions françaises aux organisations scientifiques internationales et très grandes infrastructures de recherche assimilées relevant du programme 172 augmente de + 116,5 millions d'euros en AE et de + 150 millions d'euros en CP et atteint 461,8 millions d'euros en CP.

Contribution de la France aux organisations internationales
et très grandes infrastructures de recherche assimilées

Source : Direction de la recherche et de l'innovation

La contribution française aux organisations internationales relevant du programme 193 (ESA et EUMETSAT) est également réévaluée dans le projet de loi de finances pour 2018.

L es engagements de la France auprès de l'Agence spatiale européenne (ESA) ont été en partie financés par la création d'une dette, acceptée par l'ESA et permettant de lisser la contribution française jusqu'en 2024 environ (le pic des dépenses lié au programme Ariane 6 s'étale entre 2017 à 2019). Néanmoins, la situation de la trésorerie de l'ESA s'est dégradée et ne permet plus de combler entièrement la dette de la contribution française .

La France doit donc augmenter très substantiellement son effort financier en direction de l'ESA dès 2018 afin de combler la dette non plus en 2024 mais en 2020. Faute d'un tel effort, d'autres États membres de l'ESA ont brandi la menace d'une modification du règlement financier de l'agence, qui supprimerait dans les faits cette possibilité de dette de financement négociée pour lisser les programmes. Le débat sur cette proposition de modification du règlement financier est toujours en cours et devrait être tranché fin 2017.

Par conséquent, la contribution de la France à l'ESA à travers le programme 193 augmente de + 90 millions d'euros en 2018 pour atteindre 965 millions d'euros . Votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication attire l'attention sur l'effort exceptionnel que devra fournir l'État français en 2019 et 2020 afin d'épurer la dette contractée depuis 2013, puisque la contribution à l'ESA s'élèvera respectivement à 1,175 milliard d'euros et 1,376 milliard d'euros. L'engagement financier restera important au moins jusqu'en 2022 avec plus d'un milliard d'euros versé chaque année à l'ESA.

La contribution française à l'organisation européenne des satellites météorologiques s'élève à 86,13 millions d'euros , partagée entre le ministère de l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation (83,3 millions d'euros) et Météo-France (2,8 millions d'euros). La conjoncture actuelle, marquée par la concomitance des phases de développement des deux programmes principaux d'EUMETSAT (le programme de système polaire et les satellites météorologiques de troisième génération) explique le pic actuel des contributions. Les années 2017, 2018 et 2019 sont, en l'état des dernières prévisions, les trois années concernées par les contributions les plus élevées.

En contraste par rapport aux années précédentes, les crédits inscrits au projet de loi de finances pour 2018 - + 25,18 millions d'euros - sont à la hauteur des engagements de la France auprès d'EUMETSAT.

2. La prise en charge des mesures salariales

Plusieurs mesures de valorisation de la rémunération des personnels de la fonction publique ont été adoptées en 2016, mais ont un impact sur les budgets 2017 et 2018.

Afin de financer également la mise en place progressive du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), 44,9 millions d'euros sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2018 pour l'extension en année pleine des mesures « Fonctions publiques » , dont 27,8 millions d'euros pour le CNRS, 7,05 millions d'euros pour l'INSERM ou encore 5,98 millions d'euros pour l'INRA.

Il semblerait toutefois que l'entrée en vigueur de certaines mesures liées au protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » serait repoussée à 2019.

Par ailleurs, à la suite du tollé soulevé par l'annonce d'une hausse du taux normal de la contribution sociale généralisée 28 ( * ) auprès des syndicats de fonctionnaires, le gouvernement s'est engagé à la compenser. Pour autant, aucun crédit n'a été prévu dans le budget.

Des arbitrages sont donc en cours pour redéfinir les mesures salariales qui entreront en vigueur en 2018 et évaluer leur impact budgétaire.

Les mesures « Fonction publique » adoptées en 2016 et leur impact
sur le projet de loi de finances pour 2018

1. Revalorisation du point d'indice

À la suite de la publication du décret n° 2016-670 du 25 mai 2016 portant majoration de la rémunération des personnels civils et militaires de l'État, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d'hospitalisation, la valeur du point dans la fonction publique a été revalorisée de + 0,6 % au 1 er juillet 2016 et de + 0,6 % au 1 er février 2017. La mesure de 2016 (+ 0,6 % au 1 er juillet 2016) a été financée et versée dans la dotation 2017. En revanche, 1,59 million d'euros ont été inscrits au projet de loi de finances pour 2018 pour financer l'extension en année pleine de la mesure entrée en vigueur au 1 er février 2017.

2. Protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations »

Le texte du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » comprend une première étape de transformation de primes en points d'indice . La rémunération indemnitaire, qui a été fortement utilisée depuis 20 ans, est devenue trop complexe, difficilement lisible. La nouvelle politique de rémunération privilégie les revalorisations de nature indiciaire (le traitement). Une première étape de transformation de primes en points d'indice a été engagée, à hauteur de 4 points majorés pour les catégories C en 2017, 6 points majorés pour les catégories B en 2016 et 9 points majorés pour les catégories A entre 2017 et 2018. 40,51 millions d'euros sont inscrits dans le projet de loi de finances pour 2018 afin de financer les mesures relatives aux catégories A.

Source : Direction des affaires financières

3. L'augmentation des crédits de l'ANR

Pour la troisième année consécutive, les crédits d'intervention de l'Agence nationale de recherche (ANR) sont en hausse. Par rapport à la loi de finances initiale de 2017, ils augmentent de + 32,4 millions d'euros en AE dans le projet de loi de finances pour 2018 et s'élèvent à 705,9 millions d'euros. En CP, ils atteignent 743,1 millions d'euros , contre 609,2 millions d'euros en 2017, soit + 133,9 millions d'euros.

La forte augmentation des crédits de paiement vise à honorer les versements de l'année liés à la hausse des engagements en 2016 et 2017 ainsi qu'à poursuivre le plan d'apurement des éditions 2006-2010 lié à des décalages importants d'exécution de la programmation pour les éditions les plus anciennes.

Le plan d'apurement intégré dans le contrat d'objectifs et de performance de l'ANR a été adopté en conseil d'administration fin 2016. Il prévoit sur quatre ans (2016-2020) l'apurement des engagements des millésimes 2006 à 2010 à travers un rapprochement des dettes et créances des principaux bénéficiaires et une procédure accélérée de traitement des dossiers par édition. Au total, 3 000 projets avec plus de 5 000 partenaires, principalement publics (86 % du total) n'étaient pas clôturés au moment du lancement du plan, représentant un reliquat théorique de financement de l'ordre de 147 millions d'euros.

Agence nationale de la recherche - Dotation d'intervention et solde de trésorerie

millions d'euros

2013 (a)

2014 (a)

2015

2016

2017 (b)

PLF 2018

AE

LFI

656,2

575,2

555,1

555,1

673,5

705,9

Exécution

566,8

534,9

510,7

574,6

603,8

Réserve de précaution

39,4

40,3

44,4

44,4

53,8

dégel

63,8

Annulation au-delà de la réserve de précaution initiale

50

15,5

CP

LFI

656,2

575,2

560,3

560,3

609,2

743,1

Exécution (b)

483,8

419,5

515,5

515,5

534,9

Réserve de précaution

39,4

40,3

44,8

44,8

48,7

Annulation au-delà de la Réserve de précaution initiale

114,6

133,7

25,5

Solde de trésorerie

353,8

154,2

26,7

19,03

2,5

Source : Direction des affaires financières - SG-MESRI

(a) Les exécutions 2013 et 2014 intègrent le report de 18,4 M€ de crédits de paiement 2013 sur l'exercice 2014.

(b) Les données 2017 sont des données prévisionnelles susceptibles d'évolution.

Pour 2017, l'ANR devrait consacrer 27 millions d'euros de crédits de paiement à la réalisation du plan d'apurement. Au titre du PLF 2018, 56 millions d'euros devraient y être affectés.

En dépit de l'augmentation des crédits de paiement, la situation budgétaire et financière de l'ANR fait l'objet d'une attention particulière.

En effet, après avoir accumulé une trésorerie de près d'un an de décaissements en 2011 (675 millions d'euros), l'ANR a fait l'objet de plusieurs annulations de gestion qui ont fortement réduit sa trésorerie. Elle devrait ainsi s'établir, pour la fin de l'exercice 2017, à un solde faiblement positif de 2,5 millions d'euros, ce qui oblige désormais un suivi très rapproché de la trésorerie afin que l'ANR puisse faire face à ses obligations contractuelles.


* 28 Qui vise à compenser la suppression des cotisations maladie et chômage pour les salariés du privé.

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