B. BIENVENU MAIS LOIN DU COMPTE, LE SOUTIEN PUBLIC À LA TRANSITION NUMÉRIQUE

1. La qualité de SPEL, un précieux sésame

Aux termes de l'article 1 er de la loi n° 86-897 portant réforme du régime juridique de la presse modifiée par la loi n° 2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, un service de presse en ligne (SPEL) peut être défini comme « tout service de communication au public en ligne édité à titre professionnel par une personne physique ou morale qui a la maîtrise éditoriale de son contenu , consistant en la production et la mise à disposition du public d'un contenu original, d'intérêt général, renouvelé régulièrement, composé d'informations présentant un lien avec l'actualité et ayant fait l'objet d'un traitement à caractère journalistique , qui ne constitue pas un outil de promotion ou un accessoire d'une activité industrielle ou commerciale ». Les SPEL ayant un contenu violent ou pornographique sont exclus de ce statut, dans des termes similaires à ceux prévus pour la presse imprimée.

Le décret n° 2009-1340 du 29 octobre 2009 modifié par le décret n° 2014-659 du 23 juin 2014 précise les conditions à remplir pour être reconnu en tant que SPEL par la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), dont la composition et les modalités de fonctionnement font l'objet du décret n° 97-1065 du 20 novembre 1997. Avec la réforme intervenue en 2014, la reconnaissance du caractère d'information politique et générale n'est plus subordonnée à l'obligation d'emploi, à titre régulier, d'au moins un journaliste professionnel. Cet assouplissement permet d'inclure les dirigeants non-salariés au sens du code du travail.

Évolution de l'appréciation de la qualité de SPEL par la CPPAP

Par les décisions qu'elle prend, la CPPAP élabore et fait évoluer une doctrine précisant les critères de reconnaissance des SPEL . Parmi les questions ayant fait l'objet de débats approfondis, figurent notamment la notion d'« information politique et générale » . En sont exclus les contenus à caractère trop spécialisé (par exemple des sites d'information médicale) ou ne présentant pas suffisamment d'information à caractère politique ou à caractère général. À l'instar de la presse papier, le traitement de l'information peut être prioritairement axé sur l'information locale à condition qu'elle soit suffisamment variée et comporte des analyses et commentaires des sujets d'actualité traités. Il a également été décidé de reconnaître le caractère d'information politique et générale, sous réserve d'un traitement diversifié et accessible à un large lectorat, des services qui traitent l'actualité sous un prisme particulier comme celui de l'économie ou du développement durable.

La commission s'est également penchée sur le critère d'ensemble cohérent s'agissant des caractéristiques techniques et éditoriales . La reconnaissance de la qualité de SPEL est accordée aux sites, applications et lettres électroniques répondant aux critères réglementaires sous forme de certificat délivré à une adresse URL, un titre de lettre ou d'application mobile ou tablette.

Confrontée à un nombre élevé de services en ligne se présentant sous la forme de sous-domaines , la commission a, en 2015, précisé sa doctrine quant à la limite qu'il convenait de retenir pour l'arborescence des sites reconnus comme SPEL. Transposant la règle appliquée pour la presse imprimée « un titre, un numéro », la CPPAP a ainsi fixé le principe selon lequel la reconnaissance s'attache à un ensemble cohérent, autonome et consultable de manière isolée et s'oppose désormais à la délivrance d'un certificat propre à un sous-domaine dès lors qu'il s'agit d'un démembrement d'URL n'ayant pas d'autonomie.

Elle a également précisé que l'introduction de sous-domaines commerciaux devait demeurer accessoire, toute offre de commercialisation de produits ou services relevant de taux de TVA différents de la presse en ligne devant en outre faire l'objet d' une ventilation fiscale , conformément aux prévisions de l'instruction fiscale du 31 janvier 2014.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

En 2016, sur les 415 dossiers examinés par la CPPAP, 272 sites se sont vu reconnaître la qualité de SPEL. Au total, au 31 juillet 2017, le nombre de services bénéficiant du statut de SPEL s'élevait à 963, dont 327 avec le caractère d'information politique et générale (251 au sens strict défini par le décret du 29 octobre 2009 précité et 76 consacrés « pour une large part à l'information politique et générale » selon les termes du code général des impôts). Selon le « bleu » budgétaire de la mission « Médias, livre et industries culturelles », le nombre de SPEL d'information politique et générale devrait atteindre 345 à la fin de l'année, pour s'établir à 380 en 2018 (indicateur 2.2 attaché au programme 180 « presse et médias »).

Sur les 963 sites Internet reconnus SPEL, 431 dont des pure players , dont 132 d'information politique et générale. Ils représentaient 56 % des demandes présentées à la CPPAP en 2016.

2. Des aides mobiles pour des besoins mouvants

La reconnaissance d'un site en tant que SPEL, qu'il soit ou non pure player , lui permet de bénéficier de certains avantages dévolus à la presse imprimée : exonération de la CET, application , depuis le 1 er février 2014, du taux super réduit de TVA à 2,1 % sur les ventes de contenus d'information, reconnaissance facilitée du statut de journaliste pour l'obtention de la carte d'identité des journalistes professionnels (carte de presse) et l'application de l'abattement sur les cotisations sociales et les frais professionnels.

Les rebondissements du taux super réduit de TVA

La loi n° 2014-237 du 27 février 2014 harmonisant les taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne a rendu applicable aux SPEL, au 1 er février 2014, le taux super réduit de TVA à 2,1 % dont bénéficiait la presse imprimée . La France s'appuyait, ce faisant, sur la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), qui consacre la neutralité fiscale entre activités économiques de même nature. Surtout, cette distorsion était lourdement handicapante pour l'équilibre économique et le développement numérique des acteurs de la presse.

La dépense fiscale associée au taux super-réduit sur la presse en ligne a été évaluée à 5 millions d'euros en année pleine dans une étude réalisée en 2012 par le cabinet Kurt Salmon, pour un passage de TVA de 20 % à 2,1 %. Ce chiffre se fonde sur une évaluation du chiffre d'affaires de la presse en ligne estimée à 100 millions d'euros, dont 30 % au titre des abonnements.

En application des articles 56 et 98 de la directive 2006/112/CE relative au système commun de TVA, la Commission européenne considère cependant que les services culturels en ligne (livre numérique, presse en ligne, vidéo à la demande, musique en ligne), qui entrent dans la catégorie des services fournis par voie électronique, sont exclus par la réglementation communautaire en vigueur du bénéfice d'un taux de TVA minoré . Elle a logiquement estimé que l'application en France du taux super réduit à la presse en ligne contrevenait au droit de l'Union européenne et lui a adressé une mise en demeure le 10 juillet 2014 , à laquelle il a été répondu en septembre de la même année.

Comme la France l'a exprimé de manière constante, l'objectif est d'obtenir une évolution du cadre réglementaire européen permettant explicitement l'application de taux réduits homothétiques non seulement pour le livre numérique, mais également pour la presse en ligne. La différenciation des taux de TVA applicables aux produits numériques et aux produits physiques constitue un obstacle à la transition numérique des secteurs culturels et à la neutralité des taux.

Le 6 mai 2015, lors d'une communication sur la stratégie pour un marché unique du numérique en Europe, la Commission européenne a indiqué qu'elle « se penchera en 2016 sur la question du traitement fiscal de certains services électroniques tels que les livres électroniques et les publications en ligne dans le cadre de la réforme générale sur la TVA » . Lors de la présentation de son plan d'action sur la TVA le 7 avril 2016, elle a reconnu que les « règles actuelles ne tiennent pas pleinement compte de l'évolution technologique et économique » et que leur actualisation constituait une priorité.

Le 1 er décembre 2016, la Commission européenne a présenté une proposition de révision de la directive TVA 2006/112 qui permettrait d'accorder à l'ensemble des États membres la possibilité d'appliquer aux publications électroniques (livres numériques et presse en ligne) les mêmes taux de TVA que ceux qui sont appliqués aux publications imprimées . La procédure prévoit que l'unanimité du Conseil doit être réunie pour adopter le texte, après consultation du Parlement européen.

Le 1 er juin dernier, le Parlement européen a émis un avis favorable à la réforme, mais, lors du conseil ECOFIN du 16 juin, la République tchèque s'est opposée au texte. L'unanimité n'ayant pas été réunie, le sujet sera de nouveau inscrit à l'ordre du jour du prochain conseil ECOFIN, sous la nouvelle présidence estonienne.

Source : Ministère de la culture

Les SPEL, dont le contenu a le caractère d'information politique et générale, peuvent accéder à des avantages spécifiques . Les titres consacrés pour une large part à l'information politique et générale sont ainsi également éligibles au bénéfice de l'article 39 bis A du code général des impôts, qui permet la déductibilité fiscale des provisions pour investissement (limitée aux acquisitions strictement nécessaires à l'exploitation de ce service). En application de l'article 39 bis B, les sites d'information professionnel ou d'accès au savoir et à la recherche scientifique bénéficient, depuis la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017, du même avantage.

Surtout, le décret n° 2012-484 du 13 avril 2012 prévoit que les SPEL ayant le caractère d'information politique et générale au sens du décret n° 2009-1340 du 29 octobre 2009 modifié sont éligibles au soutien du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP), issu du fonds d'aide au développement des services de presse en ligne actif entre 2009 et 2011 et du fonds de modernisation de la presse. Pour en bénéficier, l'objet principal du SPEL doit être « d'apporter, de façon permanente et continue, des informations, des analyses et des commentaires sur l'actualité politique et générale locale, nationale ou internationale susceptibles d'éclairer le jugement des citoyens » dont l'« intérêt [dépasse] significativement les préoccupations d'une catégorie de lecteurs » . En outre, son équipe rédactionnelle doit comporter « au moins un journaliste professionnel, au sens de l'article L.7111-3 du code du travail. »

Le décret n° 2014-659 du 23 juin 2014 portant réforme des aides à la presse a, conformément aux recommandations de la mission d'expertise menée sous l'égide de Roch-Olivier Maistre au printemps 2013 sur les aides à la presse, profondément modifié les modalités de fonctionnement du fonds stratégique et les principes d'attribution de ses aides :

- les trois sections du fonds ont été fusionnées, afin d' uniformiser et de simplifier l'examen des demandes d'aide. Le comité d'orientation du fonds s'est ouvert à des personnalités qualifiées, aux côtés des représentants de l'État et de la presse ;

- l' éligibilité des services de presse en ligne a été recentrée : les SPEL d'information pratique du public ne sont plus éligibles, tandis que le sont devenus les sites, dits « consacrés pour une large part à l'information politique et générale » , qui proposent une information professionnelle, sportive ou favorisent l'accès au savoir et à la diffusion de la recherche ;

- la prise en compte des dépenses internes a été accordée pour les tâches de développement informatique ou de mise à disposition de contenus numériques ;

- la priorité du soutien à l'innovation et aux projets mutualisés a été affirmée : l'innovation représente désormais le critère premier d'éligibilité des projets. Par ailleurs, un taux bonifié de soutien à 50 % est réservé aux projets présentant une innovation pour le secteur et aux projets collectifs.

Conformément aux recommandations du rapport remis par Jean-Marie Charon en juin 2015 intitulé « Presse et numérique : l'invention d'un nouvel écosystème » , le décret n° 2016-1161 du 26 août 2016 permet au FSDP de poursuivre son adaptation aux besoins du secteur et de se concentrer sur l' aide aux structures les plus fragiles. Ainsi :

- la presse en ligne de la connaissance et du savoir , qui n'était plus éligible depuis le 31 décembre 2015, est rétablie dans le périmètre du fonds ;

- l'éligibilité des publications d'information politique et générale, précédemment limitée aux publications de périodicité au maximum hebdomadaire, est étendue à toute périodicité ;

- le périmètre des dépenses éligibles au fonds stratégique a été élargi en intégrant les innovations de commercialisation et liées à la gestion de données , visant à augmenter les recettes publicitaires et les abonnements ;

- enfin, le taux de subvention des projets éligibles au fonds est revalorisé de 30 % à 40 % des dépenses éligibles . Les projets collectifs, représentant une innovation pour le secteur, portés par des sociétés de moins de 25 salariés ou par des titres fragiles bénéficiant des aides aux publications nationales à faibles ressources publicitaires ou aux quotidiens à faibles ressources de petites annonces, pourront accéder à un taux bonifié de 60 % des dépenses éligibles, pouvant aller jusqu'à 70 % pour les entreprises émergentes de moins de 25 salariés et de moins de trois ans d'existence.

La création d'un taux particulièrement favorable pour les entreprises de presse émergentes, s'il ne répond pas au problème des éditeurs qui, ne disposant pas des moyens de mettre en ligne une première version de leur site ni, en conséquence, d'un numéro de CPPAP, ne peuvent accéder au fonds, constitue une solution efficace à l'une des principales lacunes du dispositif , qui, par son fonctionnement (versement de la subvention sur factures acquittées), obligeait les éditeurs à disposer des moyens d'investir eux-mêmes majoritairement dans les projets pour lesquels ils sollicitaient une aide . Le fait de pouvoir prendre en compte les dépenses de salaires directement afférentes à la création éditoriale, même limité à six mois pour éviter tout effet d'aubaine, représente également un progrès.

Par ailleurs, deux évolutions organisationnelles permettent de fluidifier le fonctionnement du fonds : la possibilité d'auditionner en comité les directeurs des publications concernées pour tous les projets supérieurs à un certain seuil de demande de subvention et le relèvement à 75 000 euros du plafond pour les dossiers examinés par la direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture.

Pour 2018, le FNSP est doté d'une enveloppe de 27,3 millions d'euros, soit une quasi-stabilité par rapport aux crédits ouverts en 2015 comme en 2017, année où ils se sont établis en loi de finances à 27,4 millions d'euros, ramenés cependant à 18,2 millions d'euros après application de la réserve de précaution. L'enveloppe du fonds apparaît, en revanche, en repli par rapport aux 29,5 millions d'euros annoncés en 2016, repli néanmoins théorique dans la mesure où ces crédits, faisant l'objet d'importants gels budgétaires, ne furent jamais intégralement dépensés en raison du faible attrait du dispositif avant 2016 et de la concurrence du fonds dit « Google » (cf supra) pour le financement de projets numériques innovants. En 2016, le FSDP a soutenu 71 dossiers, dont 41 de développement de SPEL et six projets bi-médias. Neuf dossiers concernaient des pure players pour près de 649 000 euros, soit 6 % des aides accordées.

Bilan des aides versées par le FSDP en 2016

Source : Ministère de la culture

Les crédits prévus pour 2017 et 2018, dès lors qu'ils seraient intégralement versés, devraient correspondre aux besoins exprimés par les éditeurs , en forte croissance depuis la réforme de 2016. En 2017, l'attractivité du fonds se reflète dans l'augmentation du nombre de demandes, qui retrouve son niveau de 2013. Au 31 août dernier, les engagements s'élevaient à 8,7 millions d'euros pour 53 dossiers et les paiements à 6,4 millions d'euros pour 81 dossiers, soit un niveau jamais atteint depuis 2013 grâce au rehaussement des taux et à l'assouplissement des règles opérés par le décret précité du 26 août 2016, situation qui nécessite, de l'aveu même de la direction générale des médias et des industries culturelles, le dégel, au moins partiel, de la réserve de précaution.

Selon l'indicateur 3.1 du programme 180 « presse et médias », l'effet de levier de l'aide à l'investissement du FSDP, soit le ratio entre le montant total des projets soutenus et celui des aides attribuées, s'élèvera à 3,7 % en 2017 puis à 3,8 % en 2018. Il convient de rappeler que le fonds ne peut verser plus de 1,5 million d'euros par projet, ni plus de 10 % de sa réserve opérationnelle (soit 1,8 million d'euros en 2017) à un même titre de presse, ni enfin plus de 15 % de ses crédits (2,7 millions d'euros en 2017) à un seul groupe de presse.

Par ailleurs, le décret précité du 26 août 2016 a créé un fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse, doté de 5 millions d'euros en 2017 et d'une somme équivalente en 2018 , chargé, sous l'égide du club des innovateurs composé de professionnels de la presse, d'experts de l'innovation et de représentants de l'État, d'une triple action :

- distribuer des bourses d'un montant unitaire d'au maximum 50 000 euros pour les entrepreneurs de presse émergents . La sélection des projets, réalisée par le club des innovateurs et par le ministère de la culture et de la communication, sur la base d'une expertise fournie par la Banque publique d'investissement, combinera l'évaluation de l'innovation éditoriale et l'analyse de la viabilité économique . Le 30 novembre 2016, 36 bourses étaient attribuées pour un montant total d'1,5 million d'euros, 19 nouvelles bourses ont été accordées le 19 septembre dernier pour 670 800 euros ;

- subventionner des programmes d'incubation dédiés aux médias émergents et aux fournisseurs de solutions aux médias. Il s'agit de faciliter le lancement de projets collectifs et de renforcer la visibilité et l'attractivité de l'entrepreneuriat de presse. Les entreprises sélectionnées après avis du Club des innovateurs, bénéficieront de services administratifs, sociaux, juridiques et comptables mutualisés, ainsi que d'un accès à des ateliers thématiques, des hackathons , des réseaux d'experts et de tuteurs. L'aide est versée pendant deux ans par tranches annuelles, après conclusion d'une convention entre l'État et le bénéficiaire. Les premiers appels à projets ont été lancés à la fin de l'année 2016 et dix programmes ont été retenus pour une aide totale de 2,4 millions d'euros ;

- lancer des appels à projets sur des programmes de recherche consacrés à des sujets d'innovation intéressant le secteur de la presse (monétisation de l'information, big data , paywall , micro paiements, plateformes d'échanges, etc.), mission autrefois dévolues au FSDP. Le premier appel à projet a été lancé en juillet dernier ; les résultats en seront connus à la fin de l'année.

Enfin, depuis 2014, le soutien de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), via le fonds d'avances remboursables aux entreprises de presse (FAREP), est ouvert aux projets de création et de développement de titres de presse en ligne. Depuis 2016, son champ d'action est élargi aux SPEL du savoir et de la connaissance, ainsi qu'aux entreprises de presse ayant plus de trois ans d'existence . L'objet du financement a, en outre, été élargi aux dépenses de fonctionnement.

Les avances sont octroyées dans la limite d'un encours maximum de 200 000 euros par entreprise représentant jusqu'à 70 % du programme de dépenses. Elles présentent un caractère participatif et sont donc assimilables à des fonds propres. Les modalités de remboursement sont adaptées au développement progressif de l'activité avec une durée maximum de sept ans pouvant inclure une période de franchise de remboursement allant jusqu'à deux ans.

En complément des avances du FAREP, les mêmes sites peuvent bénéficier, pour leurs crédits bancaires, de la garantie offerte par le fonds « industries culturelles » de l'IFCIC à un taux de 50 % du montant du crédit pour un risque maximum d'un million d'euros, pouvant atteindre 70 % pour des concours inférieurs à 150 000 euros. Peuvent bénéficier de la garantie les crédits confirmés, les crédits à moyen et long terme, les crédits-bails, les contrats de location financière et les engagements par signature.

3. Des moyens encore très inégalement répartis

Si le soutien à la mutation numérique de la presse a opéré, en 2016, une réforme prometteuse, votre rapporteur pour avis déplore qu'il demeure en proportion très en-deçà des aides apportées à la presse imprimée . Pire, malgré les enjeux de la révolution digitale pour les entreprises de presse, la proportion d'aides réservées au papier demeure, en 2016, la même qu'en 2008, année de la convocation des États généraux de la presse, qui ont entraîné une série de réformes.

En 2016, les aides indirectes à la presse, correspondant à des dispositifs fiscaux ou sociaux, demeurent stables. Elles se sont élevées à 1,3 milliard d'euros, soit 93% du total des aides et 17% du chiffre d'affaires du secteur. Si elles sont neutres d'un point de vue du support , puisque presse papier et presse numérique peuvent également en bénéficier, les aides indirectes profitent à 54 % à l'imprimé , soit une proportion invariable depuis de nombreuses années malgré la reconnaissance du statut de SPEL en 2009 et l'harmonisation des taux de TVA en 2014. Ce statu quo s'explique par le transfert, en 2014, des aides pour le transport postal du programme 180 « presse et médias » au programme 134 « développement des entreprises et du tourisme » de la mission « Économie », par l'exonération de l'éco-contribution Écofolio pour les entreprises de presse papier et par le maintien du privilège de l'imprimé pour la publication des annonces judiciaires et légales.

La chasse gardée des annonces judiciaires et légales

Sous réserve des annonces dont la parution doit être assurée par le Journal officiel de la République française ou par ses annexes, les annonces exigées par les lois et décrets sont insérées, en application de la loi n° 55-4 du 4 janvier 1955 concernant les annonces judiciaires et légales, dans des publications habilitées à les recevoir dans chaque département. Seules peuvent d'être habilitées les publications imprimées d'information générale, judiciaire ou technique, inscrites sur les registres de la CPPAP, publiées dans le département ou comporter pour le département une édition au moins hebdomadaire et justifier depuis au moins six mois d'une vente effective par abonnements, dépositaires ou vendeurs, atteignant le minimum fixé, par arrondissement ou par département, par le décret n° 55-1650 du 17 décembre 1955 modifié. La liste des journaux habilités, soit dans tout le département, soit dans l'un ou plusieurs de ses arrondissements, est publiée en décembre pour l'année suivante par un arrêté préfectoral. L'inscription sur la liste est de droit pour toute publication remplissant les conditions légales et réglementaires.

La loi du 4 janvier 1955 a été modifiée par la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives, d'une part, et par la loi n° 2015-433 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions relatives à la modernisation du secteur de la presse, d'autre part. Ces modifications ont permis de favoriser la diffusion numérique des annonces judiciaires et légales , de maîtriser le coût de leur publication pour les annonceurs et de favoriser la dématérialisation des procédures administratives de candidature des publications.

Depuis le 1 er janvier 2013, les annonces judiciaires et légales relatives aux sociétés et fonds de commerce imprimées par les journaux habilités sont obligatoirement mises en ligne sur une base de données centrale . À cette fin, et conformément aux dispositions du décret n° 2012-1547 du 28 décembre 2012 relatif à l'insertion des annonces légales portant sur les sociétés et fonds de commerce dans une base de données numérique centrale, les éditeurs de journaux d'annonces légales se sont regroupés en association agréée par l'État pour exploiter la base Actulegales.fr. Par ailleurs, depuis 2016, existe un portail unique d'accès aux annonces « vie des entreprises et des sociétés » (www.pple.fr) porté par le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC), le registre des greffes des tribunaux de commerce (Infogreffe) et les journaux d'annonces légales (Actulegales.fr). Enfin, la loi du 17 avril 2015 précitée a supprimé les commissions consultatives préfectorales - auparavant compétentes dans chaque département pour préparer la liste des journaux habilités à recevoir des annonces légales - et instauré la compétence unique du préfet pour arrêter cette liste.

L'article 21 de la loi n° 2016-1524 du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias a rétabli l'obligation de publier dans un journal d'annonces légales les informations relatives aux mutations et cessions de fonds de commerce. Cette obligation avait été supprimée par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Cependant, compte tenu de l'impact financier majeur de cette suppression pour les titres départementaux et la presse spécialisée , il a été décidé de rétablir cette obligation .

La dématérialisation ne valant en conséquence nullement ouverture de la publication des annonces judiciaires et légales à la presse en ligne, de récentes initiatives parlementaires ont tenté, en vain, de mettre un terme au monopole de la presse imprimée dans ce domaine. Toutefois, en partenariat avec les représentants des éditeurs de la presse habilitée imprimée et de la presse en ligne, les pouvoirs publics mènent actuellement une réflexion sur l'ouverture de la procédure d'inscription précitée aux SPEL, qui bénéficient déjà d'un agrément de la CPPAP.

Source : commission de la culture, de l'éducation et de la communication

La différence est encore plus nette s'agissant des aides directes . En 2016, selon le panorama des aides à la presse publié le 18 septembre dernier par le Syndicat de la presse indépendante d'information en ligne (SPIIL) sur les 100,2 millions d'euros d'aides versées, 89,5 millions d'euros ont bénéficié à la presse papier.

La ventilation des aides directes

Source : Spiil

De fait, à l'exception des crédits du FSDP - 10 % des aides directes depuis la réforme de 2016 -, les autres dispositifs sont strictement réservés à l'imprimé , qu'il s'agisse de l'aide au portage de la presse, de l'exonération de charges patronales pour les vendeurs-colporteurs et porteurs de presse, de l'aide aux publications nationales d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires, de l'aide aux quotidiens nationaux, départementaux et locaux d'information politique et générale à faibles ressources de petites annonces, de l'aide à la presse hebdomadaire régionale, de l'aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d'information politique et générale, de l'aide à la modernisation de la distribution de la presse quotidienne nationale ou de l'aide à la modernisation des diffuseurs de presse.

Si certains dispositifs, notamment ceux intrinsèquement liés à la distribution physique, sont par nature réservés à la presse papier, votre rapporteur pour avis estime regrettable que tel soit également le cas des aides au pluralisme. Ces aides, qui bénéficient de la presse locale comme à la presse nationale d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires, sont encore inaccessibles aux éditeurs numériques, qui souffrent pourtant également de faibles ressources publicitaires ou, a fortiori , de faibles ressources de petites annonces. Cette privation est d'autant plus problématique que le pluralisme, objectif à valeur constitutionnelle, est particulièrement à l'oeuvre dans la presse en ligne , ainsi que l'a confirmé Jean-François Mary, président de la CPPAP, lors de son audition, le 17 septembre 2015, par la commission d'enquête sur le bilan et le contrôle de la création, de l'organisation, de l'activité et de la gestion des autorités administratives indépendantes, en affirmant : « l'expression du pluralisme est plus marquée sur Internet que dans la presse traditionnelle » .

Du fait de ce déséquilibre dans la répartition des aides directes, comme le regrette le Spill, « les éditeurs ne sont pas encouragés à faire les bons choix stratégiques en terme de support . Les aides semblent même contre-productives : il est révélateur que ce soit l'une des familles de presse les moins aidées, la presse professionnelle, qui affiche la plus forte part de son chiffre d'affaires issue du numérique » .

Votre rapporteur pour avis appelle donc de ses voeux une refonte des aides à la presse au bénéfice d'une meilleure répartition entre presse imprimée et presse en ligne , afin d'adapter les politiques publiques en faveur de la presse aux défis à venir, sans qu'elles ne constituent indirectement un frein au développement, déjà difficile, du secteur. Une meilleure répartition permettrait également de remédier à l'extrême concentration des aides directes , qui profitent, pour 99 % d'entre elles, à 8,6 % des titres. Déjà, dans son rapport spécial relatif à la mission « Médias, livre et industries culturelles » dans le cadre du projet de loi de finances pour 2012, notre ancien collègue sénateur Claude Bélot pointait que « 50 % du montant total des aides directes bénéficient à 2 % des titres aidés (neuf titres) ».

Page mise à jour le

Partager cette page