B. LES ARTISTES VISUELS TOUJOURS DANS L'ATTENTE SUR DE NOMBREUX SUJETS

1. La nécessité d'une meilleure reconnaissance des artistes visuels

Le soutien à la structuration du secteur reste indispensable pour aider la filière des arts plastiques à se doter d'une organisation collective lui permettant de conforter sa place.

Les crédits alloués à la structuration des professions et de l'économie du secteur en 2018 restent stables, à 1,64 millions d'euros .

Une enveloppe de 840 000 euros est prévue pour les organisations professionnelles et les entreprises de la création représentatives dans le champ des arts plastiques , comme la Fédération des réseaux et associations d'artistes plasticiens (FRAAP) et pour les structures associatives « ressources » dont le congrès interprofessionnel de l'art contemporain (CIPAC), l'association nationale des arts de la mode, l'association PLATFORM, qui représente les FRAC, et l'association française de développement des centres d'art. Ce montant continue d'être jugé insuffisant par le secteur au regard des retards de structuration qu'il accuse, en comparaison des 2,38 millions d'euros octroyés au titre du soutien aux organismes professionnels et syndicaux du spectacle vivant. La présentation ne permet pas non plus de distinguer la répartition des crédits entre les organisations professionnelles proprement dites, dont la FRAAP et le CIPAC font partie, et les associations qui interviennent pour soutenir la diffusion.

Les autres crédits sont destinés à soutenir les galeries d'art, les petites entreprises des métiers d'art et les éditeurs de design pour maintenir une diversité de l'offre et développer un tissu de galeries indépendantes susceptibles de promouvoir la scène artistique française, notamment à l'international.

La création d'un Conseil national des professions des arts visuels, décrite désormais comme imminente, pourrait jouer un rôle décisif en lui offrant une instance de dialogue, à la fois entre organisations professionnelles et avec l'État et les collectivités territoriales. Il serait chargé d'examiner les questions d'emploi, de formation, de protection sociale et de protection des droits d'auteur.

Sa mise en place est d'autant plus cruciale que de nombreuses demandes des artistes visuels portent autour de l'amélioration des conditions d'exercice de leur profession .

Le régime de sécurité sociale des artistes auteurs devrait enfin être modernisé . D'après les informations communiquées à votre rapporteure pour avis, la mission des organismes agréés devrait être recentrée sur l'affiliation, le champ du régime et l'action sociale. La gestion du recouvrement sera confiée à compter de 2019 à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Limousin, sous l'égide de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

Mais, le principal enjeu concerne le niveau des rémunérations , compte tenu de la précarité à laquelle les artistes sont confrontés. Le Sénat a d'ailleurs veillé à ce que la hausse de la cotisation sociale généralisée (CSG), décidée dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, soit intégralement compensée pour les artistes auteurs au même titre que pour les salariés. Comme les revenus des artistes auteurs proviennent essentiellement de leurs droits d'auteur et de leurs ventes d'oeuvres, qui ne sont pas pris en compte dans le calcul des droits à indemnité de chômage, ils ne pouvaient pas bénéficier de la compensation prévue par le Gouvernement et risquaient de voir leurs rémunérations diminuées encore de 1 %. Le Sénat a donc voté, en première lecture, une disposition inscrivant le principe d'une compensation pour les artistes auteurs, via une réduction du taux de la cotisation au régime d'assurance vieillesse de base, permettant de compléter la compensation qu'ils devraient percevoir, au même titre que les salariés, par le biais d'une diminution des cotisations maladie.

Le développement du numérique a plutôt contribué à dégrader encore la situation des artistes visuels ces dernières années. Pour y répondre, le Sénat avait inséré, dans la loi du 7 juillet 2016, un article mettant en place un système de gestion de droits obligatoires pour faciliter la rémunération des auteurs d'oeuvres d'art graphiques, plastiques et photographiques pour l'exploitation de leurs oeuvres par les services de référencement d'images sur internet. Ce dispositif était attendu par la profession, en l'absence de mécanismes permettant aujourd'hui à ses membres d'être rémunérés pour une valeur qu'ils contribuent à créer.

Des motifs juridiques soulevés par le Conseil d'État en empêcheront la mise en oeuvre, le Gouvernement ayant décidé de renoncer à la publication du décret d'application face aux arguments avancés par ce dernier. Compte tenu de la position claire exprimée par le Sénat à l'occasion du vote, à l'unanimité, de cette disposition, votre rapporteure pour avis considère urgente la recherche de solutions alternatives pour garantir un partage équitable de la valeur avec les diffuseurs numériques de contenus culturels . Elle espère que les autorités françaises défendront vigoureusement cette position dans le cadre des discussions qui se sont ouvertes à Bruxelles autour de la réforme du droit d'auteur.

L'avis du Conseil d'État sur le projet de décret pris pour l'application de l'article 30 de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine

Le Conseil d'État a émis en février 2017 un avis négatif à l'encontre du projet de décret au motif que les dispositions des articles L. 136-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle (CPI), insérés par l'article 30 de la loi « CAP », ne sont conformes ni aux exigences constitutionnelles garantissant la protection du droit de propriété, ni à celles du droit de l'Union européenne garantissant le droit exclusif de l'auteur d'autoriser la reproduction et la représentation de son oeuvre .

En premier lieu, le Conseil a estimé que les dispositions des articles L. 136-1 et suivants du CPI méconnaissent les exigences constitutionnelles garantissant le droit de propriété, dont fait partie la propriété intellectuelle. Les dispositions de la loi ne prévoient en effet aucune information préalable des auteurs concernés, ni aucune possibilité pour ceux-ci de s'opposer à la mise en gestion collective de leur droit de reproduction et de représentation de leur oeuvre dans le cadre des services de référencement d'images.

En second lieu, le Conseil d'État a considéré que les dispositions des articles L. 136-1 et suivants du CPI sont incompatibles avec les dispositions de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001. D'une part, elles constituent une limitation du droit exclusif de l'auteur d'autoriser la reproduction et la représentation de son oeuvre qui n'entre dans le champ d'aucune des exceptions et limitations que les États membres ont la faculté d'apporter, sur le fondement de l'article 5 de cette directive. D'autre part, elles ne comportent aucun « mécanisme garantissant l'information effective et individualisée des auteurs » préalablement à la mise en gestion collective de leurs droits , alors que la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, à l'occasion d'un renvoi préjudiciel, qu'un tel mécanisme était nécessaire pour que l'exigence d'un consentement implicite préalable de l'auteur puisse être regardée comme satisfaite (arrêt du 16 novembre 2016, Marc Soulier et Sara Doke c/ Premier ministre et ministre de la Culture et de la Communication ).

Source : Ministère de la culture

Votre rapporteure pour avis déplore par ailleurs que le rapport sur la situation des arts visuels en termes d'économie, d'emploi, de structuration et de dialogue, prévu à l'article 45 de la loi du 7 juillet 2016 précitée, n'ait jamais été remis au Parlement. Il serait très utile pour disposer d'un état des lieux précis de la situation des artistes visuels et pourrait constituer une base pour asseoir les futures réflexions sur le sujet.

2. Un soutien aux photographes à inscrire dans la durée

Malgré les annonces faites en 2016 en faveur du photojournalisme, le début de l'année 2017 a été marqué par la parution d'une tribune, dans le quotidien Libération, rédigée par une vingtaine d'agences et plusieurs syndicats d'agences de presse photographique dénonçant une situation de précarité des photojournalistes jamais atteinte. Intitulée « La photographie de presse étouffe », elle déplorait « le manque de valorisation, d'imagination, d'écoute et de soutien de la part des institutions et des pouvoirs publics français ».

Finalement, l'année 2017 a été marquée par plusieurs avancées en direction des photojournalistes .

Des dispositions conditionnant l'octroi des aides directes à la presse au respect d'un certain nombre d'engagements ont été intégrées dans les conventions-cadres triennales conclues entre l'État et les éditeurs de presse pour la période 2017-2019. Ces engagements portent sur le respect des délais de paiement, l'approvisionnement privilégié auprès des photojournalistes pour les sujets d'information politique et générale et le recours systématique au bon de commande pour formaliser les relations commerciales avec les photographes ou les agences de presse. Des sanctions graduées sont prévues avec, dans un premier temps, une réduction des aides d'un montant de 30 % si la mise en demeure de l'État reste sans effet pendant plus d'un mois et, dans un second temps, la possibilité d'annuler totalement les aides à défaut de mise en conformité dans un délai maximal d'un an.

Dans le cadre de la mise en oeuvre de ces dispositions, le ministère de la culture a élaboré un outil de suivi, qui a permis de ramener les délais de paiement à trois ou quatre mois, contre douze à seize mois auparavant . Même si ces délais restent encore bien supérieurs aux délais légaux de paiement, les progrès enregistrés en quelques mois laissent à penser que la conditionnalité des aides pourrait se révéler un outil efficace.

Des réflexions ont également été lancées concernant les questions de rémunération des photojournalistes . Un décret fixant le salaire minimum des photojournalistes rémunérés à la pige a été publié le 10 mai 2017, mais le montant qu'il instaure, défini à 60 € par commande pour un temps minimum d'exécution de cinq heures, a été jugé très faible par la profession, qui craint de surcroît qu'il ne puisse désormais apparaître comme la norme.

Compte tenu des pertes de revenu qu'ils ont enregistrées sous l'effet du développement du numérique, les photojournalistes nourrissent de fortes attentes à l'égard des avancées qui pourront être enregistrées à l'occasion de la réforme du droit d'auteur au niveau européen. Ils espèrent que les nouvelles dispositions permettront un rééquilibrage entre les acteurs permettant d' aboutir à un meilleur partage de la valeur . Il souhaite également qu'un encadrement puisse être mis en place pour les contrats de syndication , face au développement croissant de la pratique consistant, pour des éditeurs, à vendre des contenus, dont des photographies, à d'autres titres de presse ou à des tiers.

Les signataires de la tribune publiée dans Libération regrettaient également que la France n'ait pas jusqu'ici davantage développé une politique publique spécifique de valorisation de ses auteurs photographes en activité par le biais d'expositions, d'aides spécifiques à la création, ou de mesures d'accompagnement aux nouveaux talents.

La création de la délégation à la photographie , qui a vu le jour en juillet dernier, pourrait apporter une première réponse puisque son objectif est de permettre aux acteurs extérieurs de disposer d'un interlocuteur unique au sein du ministère la culture. Elle devrait coordonner les actions des services du ministère de la culture, des DRAC et des services à compétence nationale ainsi que des établissement publics qui gèrent des fonds photographiques pour le compte de l'État. Elle sera chargée d'établir chaque année un rapport sur l'action du ministère dans le champ de la photographie. Pour renforcer son efficacité, l'ensemble des moyens financiers ont été regroupés au sein du programme 131.

Par ailleurs, les crédits de la commande publique sont reconduits en 2018, à 2,8 millions d'euros pour permettre, en particulier, la poursuite de la commande photographique autour des « Regards sur le Grand Paris », initiée en 2016 et qui doit se poursuivre sur une période de dix ans.

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Compte tenu de ces observations, votre rapporteure pour avis propose à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 131 « Création » de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2018.

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