II. AUX DÉPENS DES PROFESSIONNELS DE LA CULTURE ?

A. L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR CULTURE DANS L'ATTENTE

1. Une politique sans grand changement
a) Une reconduction des priorités

Les trois priorités du ministère en 2018 à l'endroit de l'enseignement supérieur culture demeurent identiques à celles des années précédentes : achever l'intégration des établissements dans le schéma européen Licence, Master, Doctorat (LMD) issu des accords de Bologne, consolider le caractère professionnalisant de l'enseignement et faciliter l'accès à cet enseignement.

Rappel concernant l'enseignement supérieur culture

Près d'une centaine d'établissements , accueillant quelques 37 000 élèves, dispensent l'enseignement supérieur dans les domaines de l'architecture, du patrimoine, des arts plastiques, du spectacle vivant et du cinéma et de l'audiovisuel.

Les établissements publics nationaux (EPN) ou les établissements situés au sein d'établissements publics nationaux en constituent une part minoritaire : ils sont au nombre de quarante. Ce sont les seuls à être concernés par la tutelle conjointe des ministères chargés de la culture et de l'enseignement supérieur.

Les cinquante-neuf autres établissements sont principalement constitués en établissements publics de coopération culturelle (EPCC) ou en associations.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

L'alignement de l'enseignement supérieur culture sur les standards de l'enseignement supérieur français et européen reste le premier axe de travail du ministère. Des progrès restent nécessaires pour développer les doctorats et promouvoir la recherche dans ces établissements , même si certaines écoles sont plus avancées que d'autres. Dans son avis relatif au projet de loi de finances pour 2017 portant sur les crédits du programme 224, Jean-Claude Luche avait souligné la situation singulière des écoles nationales supérieures d'architecture , dont le rapprochement avec les dispositions des accords de Bologne est plus abouti, pour des raisons tenant à l'histoire comme à la volonté de ces écoles de s'inscrire dans le droit commun du service public de l'enseignement supérieur. Ces établissements ont été les premiers à délivrer des diplômes de niveau doctorat. Pour parfaire leur alignement, l'objectif est désormais d' achever la mise en place d'un statut d'enseignant-chercheur afin d'accroître leur potentiel et leur rayonnement scientifique. Le statut des professeurs et des maîtres de conférences des universités pourrait servir de modèle.

À la différence des écoles nationales supérieures d'architecture, la plupart des autres écoles de l'enseignement supérieur culture sont attachées à ce que la spécificité de leurs enseignements, essentiellement fondés sur la pratique artistique, puisse être préservée . Pour ces raisons, il leur paraissait primordial de demeurer sous la tutelle du ministère chargé de la culture et de pouvoir dialoguer, entre elles, des questions touchant à leurs missions et à leur organisation. C'est ce qui a conduit à la création, par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels (CNESERAC). Instance de dialogue, de débat et de représentation des établissements d'enseignement supérieur et des structures de recherche relevant du ministère chargé de la culture, elle doit faciliter le dialogue entre les acteurs et les disciplines pour, à la fois, renforcer la cohérence du réseau des établissements, parfaire son insertion dans le système d'enseignement supérieur français et européen et maintenir des liens très forts avec les professionnels de l'art et de la culture.

Ses attributions, sa composition et son fonctionnement ont été précisés par le décret n° 2017-778 du 4 mai 2017. Sa composition reflète la diversité des parties prenantes. Elle comprend des directeurs d'école, des responsables de structures de recherche, des enseignants, des personnels scientifiques et de recherche, des étudiants, des représentants des secteurs professionnels, des élus nationaux et locaux et personnalités qualifiées. D'après les informations recueillies par votre rapporteure pour avis, les élections des membres seraient en cours et le conseil devrait pouvoir siéger en formation complète d'ici le mois d'avril 2018. Une première réunion de celui-ci, en présence des seuls collèges désignés, aurait déjà eu lieu le 17 octobre dernier pour recueillir son avis sur les textes en préparation concernant le statut des enseignants-chercheurs dans les écoles d'architecture. Il sera intéressant, à terme, d'évaluer l'impact de la mise en place du CNESERAC sur le rapprochement de toutes les écoles du réseau.

Le ministère entend en effet accompagner les établissements de la création artistique dans la structuration de leurs activités de recherche en les encourageant à développer des troisièmes cycles et des doctorats fondés sur la pratique artistique en coopération avec des universités françaises et étrangères . Une réforme du statut de professeur associé et de chargé d'enseignement est en cours de réflexion afin de favoriser le développement des équipes de recherche.

L'intégration des établissements de l'enseignement supérieur culture au sein des regroupements entre universités, écoles et organismes de recherche constitue également un enjeu important pour le ministère. Il y voit un moyen d'accroître leur visibilité et leur attractivité à l'international, de développer des approches transversales et pluridisciplinaires et de mutualiser certaines activités. C'était bien l'un des objectifs poursuivis par la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche en instaurant les regroupements territoriaux, sous la forme d'une fusion, d'une participation à une communauté d'universités et établissements (COMUE) ou d'une association à l'établissement en charge de la coordination du site : de favoriser une coordination renforcée des politiques de formation, de recherche et de transfert entre établissements et d'améliorer la vie étudiante.

L'année scolaire passée, un tiers des écoles de l'enseignement supérieur culture seulement avaient pris place dans les regroupements, dont la majorité dotée du statut d'associé, et une douzaine membres d'une COMUE. A 80 %, il s'agit d'EPN. En cause, la crainte manifestée par bon nombre d'établissements que le regroupement ne mette en danger leur place et leurs intérêts spécifiques. 800 000 euros sont inscrits l'an prochain pour faciliter le rapprochement de ces écoles avec les regroupements territoriaux.

L'approfondissement du caractère professionnalisant de la formation constitue la deuxième priorité du ministère chargé de la culture concernant les établissements d'enseignement supérieur dont il a la charge. Même si le taux d'insertion des diplômés de l'enseignement supérieur culture est globalement satisfaisant - 86,8 % lors de la dernière enquête -, il accuse une légère baisse dans le champ du diplôme , passant de 84,1 % en 2015 à 78,3 % en 2016 . Cette baisse est plus marquée dans le champ des arts plastiques, où le taux d'insertion des diplômés est passé de 75,1 % en 2015 à 60,1 % en 2016, à l'inverse du taux de diplômés employés hors champ, qui augmente de 6,9 % à 18,9 %. Dans le domaine du spectacle vivant, l'indicateur d'insertion professionnelle est en baisse, passant de 92,5 % à 87,9 % en 2016.

Dans ces conditions, la question de l'adéquation entre la formation et l'emploi revêt une importance particulière . Le CNESERAC sera une instance particulièrement utile pour avancer à ce sujet. L'expérimentation lancée depuis 2017 sur la mise en place de l'apprentissage comme voie d'accès au diplôme sera poursuivie. Les crédits de 280 000 euros, déjà inscrits l'an passé, sont reconduits à cet effet.

Le troisième axe de travail du ministère porte sur la diversification sociale et culturelle des étudiants de ces établissements. Le coût très élevé des classes préparatoires aux écoles de la création artistique constitue aujourd'hui un frein certain à l'accès de tous aux établissements de l'enseignement supérieur culture. Pour y remédier, la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine a reconnu le statut d'étudiant aux élèves de ces classes, ce qui leur a permis de prétendre au bénéfice des diverses dispositions sociales des étudiants - bourses, sécurité sociale étudiante ou accès au restaurant et au logement universitaires. L'objectif est maintenant de développer les classes préparatoires intégrées aux écoles d'arts plastiques et du spectacle vivant . 400 000 euros sont destinés à la mise en place, dans chaque région, d'une classe préparatoire dans le domaine des arts plastiques, à l'image de celle créée à l'École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris afin de garantir une égalité de traitement des étudiants sur l'ensemble du territoire.

b) Des crédits en léger recul

Les crédits de l'action 1 devraient s'établir à 264 956 389 euros en autorisations d'engagement et à 265 303 457 euros en crédits de paiement, en baisse de près de 3,3 % par rapport à 2017.

Évolution des crédits de l'action 1 « Soutien aux établissements d'enseignement supérieur et insertion professionnelle » entre 2017 et 2018

Le ministère de la culture avance que la légère baisse des dépenses de fonctionnement serait majoritairement imputable à des évolutions liées aux schémas d'emploi des établissements. Ainsi, la baisse des crédits des écoles nationales supérieures d'architecture et des écoles d'art s'explique par le transfert vers le titre 2 du programme 224 d'un certain nombre de crédits lié à la titularisation de plusieurs agents. Un effort de 500 000 euros est réalisé en faveur de l'École nationale supérieure de création industrielle (ENSCI) pour lui permettre de mettre en oeuvre des mesures de réorganisation et de faire face à une situation de déficit structurel.

Subventions aux établissements publics de l'enseignement supérieur culture en 2017 et 2018

(en millions d'euros)

PLF 2017

Crédits de paiement

PLF 2018

Crédits de paiement

Écoles nationales supérieures d'architecture

49,0

48,6

Institut national du patrimoine

6,1

6,1

École du Louvre

1,7

1,7

Sous-total architecture et patrimoine

56,8

56,5

École nationale supérieure des Beaux-Arts

8,0

8,0

École nationale supérieure des arts décoratifs

11,6

11,6

École nationale supérieure de création industrielle

3,8

4,3

Écoles d'art en région

9,5

9,2

Académie de France à Rome

4,8

4,8

Sous-total arts plastiques

37,7

37,9

Conservatoire national supérieur d'art dramatique

3,8

3,8

Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris

25,6

25,6

Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon

13,4

13,4

Centre national des arts du cirque

3,3

3,3

Sous-total spectacle vivant

46,1

46,1

Total

140,6

140,5

Source : Projet annuel de performances de la mission Culture pour 2017 et 2018

L'inscription d'un montant moindre de crédits pour financer les bourses sur critères sociaux et l'aide à la recherche du premier emploi est à l'origine de la contraction significative des dépenses d'intervention. D'après les informations recueillies par votre rapporteure pour avis, cette décision ne devrait se traduire ni par une baisse du nombre de bénéficiaires, ni par une baisse du montant des bourses attribuées. Elle participe d'une volonté de sincérité budgétaire, les bourses ayant été constamment revalorisées ces dernières années, sans que le périmètre évolue en réalité. Les moyens étant désormais suffisamment sécurisés, il n'apparaît plus nécessaire de poursuivre dans cette direction. Il conviendra de vérifier, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, l'exactitude de ces informations.

Évolution des crédits des bourses attribuées aux étudiants de l'enseignement supérieur culture

Source : ministère de la culture

Votre rapporteure pour avis regrette cependant qu'aucun effort supplémentaire ne soit fait pour aider les étudiants en situation de handicap à accéder aux établissements de l'enseignement supérieur culture. Le rapport présenté par Nicole Duranton et Brigitte Gonthier-Maurin, au nom du groupe de travail « culture et handicap » mis en place au sein de votre commission, a mis en lumière la nécessité d'intervenir dans cette direction. Seuls 109 étudiants handicapés étaient scolarisés dans l'un des établissements de l'enseignement supérieur culture pendant l'année scolaire 2016-2017, une proportion très faible au regard des 37 000 élèves que compte cet enseignement.

2. L'indispensable accompagnement des écoles d'art territoriales

La structuration de la recherche au sein des écoles d'art constitue, comme pour les autres établissements de l'enseignement supérieur culture, la priorité du ministère chargée de la culture à l'égard de ces écoles. Elle s'est accélérée ces dernières années avec, en 2017, le soutien apporté à onze unités de recherche, sept troisièmes cycles en préfiguration et vingt-trois projets de recherche. Une enveloppe d'un million d'euros , stable par rapport à 2017, est inscrite en 2018 pour poursuivre le développement de la recherche. D'après les informations communiquées à votre rapporteure pour avis, cette somme n'aurait jamais été intégralement consommée jusqu'ici et ne bénéficierait pas uniquement aux écoles d'art. Aucune précision concernant sa ventilation n'est cependant apportée dans les documents budgétaires.

La situation des écoles territoriales d'art demeure préoccupante. Elles sont confrontées à une série de difficultés qui menacent leur avenir et leur font craindre un décrochage vis-à-vis des écoles nationales .

Le statut de leurs enseignants n'est pas adapté aux accords de Bologne. À la différence du statut des enseignants au sein des écoles nationales, qui a évolué avant l'entrée en vigueur de la loi Fioraso, celui en vigueur au sein des écoles territoriales ne prévoit ni l'annualisation du temps de travail, ni la possibilité de décharge pour des heures de recherche et permet le recrutement à un niveau bac + 3. Il constitue une menace pour l'attractivité des écoles et pourrait leur faire perdre leur habilitation à délivrer un diplôme de grade de master, la recherche n'étant pas inscrite parmi les missions des enseignants. Le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche a émis, à deux reprises, des réserves sur ce point, tout en autorisant jusqu'ici les écoles à délivrer les diplômes.

Depuis plusieurs années, votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication se fait l'écho du risque de l'accentuation d'un enseignement à deux vitesses selon le statut national ou territorial des écoles . Annoncé en début d'année par Audrey Azoulay, alors ministre de la culture et de la communication, un projet de décret destiné à revaloriser encore le statut des écoles nationales a cristallisé les inquiétudes en début d'année. Il n'a finalement jamais été publié. L'intention était louable : il s'agissait de donner aux enseignants le statut d'enseignant-chercheur et d'augmenter leurs salaires et de refondre leurs grilles horaires pour améliorer l'attractivité et le rayonnement des écoles nationales. Mais, en traitant uniquement la question des écoles nationales, le texte mettait en danger les écoles territoriales en aggravant la distinction au sein de l'enseignement supérieur des arts plastiques, qui menaçait non seulement l'évaluation des formations de niveau licence et master, mais également la politique de recherche construite par ces écoles.

Compte tenu des difficultés financières des collectivités territoriales, qui financent la majeure partie des budgets des écoles territoriales, une revalorisation des salaires des enseignants des écoles territoriales est, par ailleurs, très délicate. L'ANdÉA avait évalué le surcoût à 500 000 euros par établissement si les écoles territoriales avaient décidé de s'aligner sur les dispositions prévues par le projet de décret concernant les enseignants nationaux.

Le lancement d'une concertation sur la question du statut des enseignants à laquelle prendraient part les trois ministères concernés (culture, collectivités territoriales, action et comptes publics), les syndicats, les associations professionnelles et les associations d'élus, apparaît comme une piste pour régler ensemble la situation des écoles nationales et des écoles territoriales. L'enjeu est essentiel pour empêcher les inégalités culturelles et sociales dans l'accès aux établissements d'enseignement supérieur des arts plastiques que la disparition des écoles territoriales accentuerait inévitablement.

Les inégalités dans l'accès aux bourses peuvent également constituer une source de difficultés pour les écoles d'art territoriales . Comme l'État ne prend pas en charge l'exonération des droits d'inscription pour les boursiers échelon zéro des écoles territoriales, à la différence des écoles nationales, ceux-ci doivent généralement s'acquitter de droits d'inscription dans les écoles territoriales. Même si celles-ci ont fait des efforts ces dernières années pour développer une double tarification pour faciliter l'accès des étudiants boursiers, elles ne peuvent pas se permettre de les exonérer totalement au regard des difficultés financières qu'elles rencontrent. De même, les étudiants en 3 e cycle et en post-diplôme au sein des écoles d'art ne peuvent pas prétendre à l'attribution de bourses sur critères sociaux, au motif qu'ils n'ont pas le statut d'étudiant puisque ces écoles ne sont pas habilitées jusqu'ici à délivrer de diplômes de grade master. La seule solution est qu'ils soient inscrits au sein de doctorats co-habilités menés en commun avec une université, ce qui ne correspond pas toujours au souhait des écoles d'art, compte tenu de la spécificité de leur enseignement.

Dans une période marquée par de fortes contraintes budgétaires pour les collectivités territoriales, les écoles d'art territoriales sont également confrontées à des problèmes de financement , que la réorganisation territoriale suscitée par la création des métropoles et la fusion des régions a encore aggravés.

D'après les informations disponibles, le coût d'une école d'art se situerait aux alentours de 4 millions d'euros. Les villes et les agglomérations en supporteraient globalement 77 %. L'État participerait en moyenne à hauteur de 10 % du budget, pour le financement d'actions pédagogiques. Les frais de scolarité, compte tenu de leur faible montant, de l'ordre de 500 euros par an, représenteraient une part infime des ressources des établissements.

Après le choc suscité par la fermeture de l'école des beaux-arts de Perpignan l'an dernier, la crainte de voir des collectivités territoriales réduire ou supprimer leur financement est grande. Des solutions ont pu être trouvées pour compenser le désengagement partiel de la ville d'Angoulême et le retrait de la ville de Dunkerque afin de sauver respectivement l'école européenne supérieure de l'image d'Angoulême-Poitiers et l'école supérieure d'art de Dunkerque-Tourcoing. La situation serait délicate pour l'école supérieure d'art et de design de Valenciennes, exposée au risque de retrait total de la participation de la ville en janvier 2018. Pour autant, votre rapporteure pour avis a pu mesurer à quel point les collectivités territoriales sont généralement attachées à leur école d'art et soucieuses d'en assurer la pérennité et le développement .

Le statut d'EPCC, désormais adopté par la plupart des écoles d'art, est parfois critiqué pour avoir fait perdre aux collectivités territoriales, contraintes de financer les écoles, tout droit de regard sur leur fonctionnement. Mais, ce statut a joué un rôle déterminant pour ancrer ces écoles dans le système français et européen de l'enseignement supérieur, en leur donnant l'autonomie nécessaire et en améliorant leur gouvernance, au travers du rôle joué par des instances comme le conseil scientifique ou le conseil de la vie étudiante de s'exprimer. Votre rapporteure pour avis a d'ailleurs plaidé, à plusieurs reprises, en faveur d'une amélioration des conditions fiscales afférentes aux EPCC . Elle souhaiterait qu'une réflexion soit lancée sur le sujet afin d'améliorer le statut de ces établissements, vitaux pour le secteur culturel et les territoires

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