Avis n° 111 (2017-2018) de M. Michel FORISSIER , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 23 novembre 2017

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N° 111

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2017

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2018 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VIII

TRAVAIL ET EMPLOI

FINANCEMENT NATIONAL DU DÉVELOPPEMENT
ET DE LA MODERNISATION DE L'APPRENTISSAGE

Par M. Michel FORISSIER,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Alain Milon , président ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général ; MM. René-Paul Savary, Gérard Dériot, Mme Colette Giudicelli, M. Yves Daudigny, Mmes Michelle Meunier, Élisabeth Doineau, MM. Michel Amiel, Guillaume Arnell, Mme Laurence Cohen, M. Daniel Chasseing , vice-présidents ; M. Michel Forissier, Mmes Pascale Gruny, Corinne Imbert, Corinne Féret, M. Olivier Henno , secrétaires ; M. Stéphane Artano, Mmes Martine Berthet, Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Jean-Noël Cardoux, Mmes Annie Delmont-Koropoulis, Catherine Deroche, Chantal Deseyne, Nassimah Dindar, Catherine Fournier, Frédérique Gerbaud, M. Bruno Gilles, Mmes Nadine Grelet-Certenais, Jocelyne Guidez, Véronique Guillotin, Victoire Jasmin, M. Bernard Jomier, Mme Florence Lassarade, M. Martin Lévrier, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Monique Lubin, Viviane Malet, Brigitte Micouleau, MM. Jean-Marie Mizzon, Jean-Marie Morisset, Philippe Mouiller, Mmes Frédérique Puissat, Laurence Rossignol, Patricia Schillinger, M. Jean Sol, Mme Claudine Thomas, M. Jean-Louis Tourenne, Mme Sabine Van Heghe, M. Dominique Watrin .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 235 , 264 rect. , 266 rect. , 273 à 278 , 345 et T.A. 33

Sénat : 107 , 108 à 110 et 112 à 114 (2017-2018)


LES OBSERVATIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

1. Réunie le 29 novembre 2017 , sous la présidence de M. Alain Milon, président , la commission a examiné le rapport pour avis de M. Michel Forissier , sur les crédits de la mission « travail et emploi » du projet de loi de finances (PLF) pour 2018 , et du compte d'affectation spéciale (CAS) « financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » (FNDMA).

2. La mission bénéficiera de 15,3 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit un léger repli par rapport à la loi de finances initiale pour 2017 (- 91 millions). En revanche, ses autorisations d'engagement (AE) subiront une chute majeure l'an prochain, en recul de 2,7 milliards , pour atteindre 13,7 milliards .

3. À périmètre constant , la diminution des crédits de la mission est sensible et s'élève à 1,5 milliard en CP , en raison de la compensation par crédits budgétaires de la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité (1,4 milliard) , qui finançait jusqu'à cette année l'allocation spécifique de solidarité (ASS) et divers dispositifs.

4. Selon le projet de loi de programmation des finances publiques pour la période 2018-2021, la diminution des crédits de la mission devrait se poursuivre , le plafond de la mission étant fixé à 12,9 milliards en 2019 et 12,6 milliards en 2020, hors remboursement de la dette, paiement des pensions, dégrèvements et remboursements.

5. Alors que le taux de chômage en France, au sens du Bureau international du travail, devrait être stable l'an prochain ( 9,5 % ), la dette de l'Unédic devrait dépasser 37 milliards fin 2018 à réglementation inchangée, soit plus d'une année de ses recettes.

6. Annoncé en septembre dernier par le Premier ministre, le plan d'investissement dans les compétences (PIC) devrait bénéficier de 14,6 milliards pendant le quinquennat, mais son financement n'a pas été précisé. En outre, la mission ne consacrera l'an prochain que 1,1 milliard en CP, dont :

- 467 millions au titre de la garantie jeunes , initiée par le précédent Gouvernement et généralisée sur le territoire depuis le 1 er janvier 2017 ;

- 225 millions pour le paiement du solde des plans de formation exceptionnels des demandeurs d'emploi mis en oeuvre en 2016 et 2017.

7. Votre rapporteur pour avis ne s'oppose ni à la diminution à 200 000 du nombre de contrats aidés , ni à la baisse du taux de prise en charge par l'État. Il s'interroge en revanche sur leur disparition totale dans le secteur marchand. Il souhaite en outre davantage de pédagogie du Gouvernement et de visibilité pluriannuelle afin de mieux informer les anciens bénéficiaires des contrats aidés et les structures concernées.

8. Les opérateurs de la politique de l'emploi , comme Pôle emploi, les missions locales, les écoles de la deuxième chance ou encore les établissements publics d'insertion par l'emploi, voient globalement leurs crédits préservés, tandis que les dotations des maisons de l'emploi sont quasiment réduites de moitié. Si la dotation de l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes ( AFPA ) sera maintenue en 2018 au même niveau que cette année, de fortes inquiétudes subsistent sur la pérennité de l'agence, qui devra se doter début 2018 d'un modèle de développement ambitieux et robuste.

9. Un amendement du Gouvernement adopté à l'Assemblée nationale prévoit une expérimentation des emplois francs entre le 1 er avril 2018 et le 31 décembre 2019, pour un coût de 11,7 millions en CP et 190 millions en AE. Même si elle ne débouche pas sur une généralisation, le coût global de l'expérimentation sera selon le Gouvernement de 458 millions en AE et de 307 millions en CP sur la période 2018-2022 . Ce coût exorbitant s'explique par le montant de l'aide (jusqu'à 15 000 euros pendant trois ans pour une embauche en CDI) et par l'absence de critères et de ciblage (seul compte la résidence de la personne dans un quartier prioritaire de la ville éligible à l'expérimentation).

10. Le nombre d'emplois rémunérés par la mission passera de 9 523 équivalent temps plein travaillé (ETPT) cette année à 9 251 l'an prochain, soit une baisse de 272 ETPT. À périmètre constant, les effectifs poursuivront leur décrue dans les années à venir, pour atteindre 8 785 ETPT en 2020.

11. Compte tenu de la réforme de l'apprentissage annoncée par le Gouvernement pour le printemps prochain, aucune modification majeure n'est à signaler pour le compte d'affectation spéciale FNDMA. L'aide au recrutement d'un jeune apprenti dans les TPE est maintenue, tandis que la prime spéciale de 335 euros versée aux apprentis en 2017 ne sera pas reconduite l'an prochain.

12. Suivant la proposition de son rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « travail et emploi », sous réserve de l'adoption de l'amendement n° II-270 divisant par deux les crédits de paiement et les autorisations d'engagement consacrées l'an prochain à l'expérimentation des emplois francs , et un avis favorable à l'adoption du compte d'affectation spéciale « apprentissage ».

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le premier budget du quinquennat, et plus particulièrement la mission « travail et emploi » et le compte d'affectation spéciale relatif à l'apprentissage, sont placés à la fois sous le signe de la transition et de la rupture .

Transition , parce que le Gouvernement ne présentera son projet de loi pour réformer l'assurance chômage, la formation professionnelle et l'apprentissage qu'au printemps 2018. Transition aussi, car le Gouvernement doit honorer le financement de dispositifs forts coûteux, comme l'aide à l'embauche dans les PME (1,1 milliard d'euros) , mis en place et prolongés par le précédent exécutif, sans que leur efficacité soit démontrée. Transition enfin, car de nombreuses mesures sont reconduites sans changement majeur par rapport au précédent budget, que l'on songe à la subvention versée à Pôle emploi, aux missions locales et à l'Afpa, ou aux crédits dédiés à la garantie jeunes, généralisée sur le territoire depuis le 1 er janvier 2017.

Rupture , car les contrats aidés , pour la première fois depuis trente ans, connaissent un coup de frein majeur, le secteur marchand ne pouvant plus désormais y recourir. Rupture aussi, puisque le Gouvernement se résout, après les hésitations de la précédente majorité, à lancer dès le début du quinquennat un grand plan d'investissement en matière de compétences , convaincu que seule la formation continue des salariés et des demandeurs d'emploi pourra à long terme lutter contre le fléau du chômage de masse. Rupture enfin, car les contrats de génération , dont l'échec a été constaté depuis plusieurs années par votre rapporteur pour avis puis par la Cour des comptes, viennent enfin d'être abrogés par une ordonnance du 22 septembre 2017.

Si votre rapporteur soutient globalement la philosophie sous-jacente à la mission « travail et emploi » et au compte d'affectation spéciale relatif à l'apprentissage, plusieurs interrogations demeurent sur la portée des ruptures proposées par le Gouvernement.

Tout d'abord, le financement du plan d'investissement dans les compétences (PIC), qui devrait s'élever à 14,6 milliards pendant le quinquennat, n'est pas connu. Seulement 1,1 milliard seront mobilisés en 2018 par la mission, incluant 467 millions au titre de la garantie jeunes, dont la création et la généralisation sont imputables à la précédente majorité.

Ensuite, le Gouvernement n'a pas fourni de perspective pluriannuelle sur l'évolution du nombre de contrats aidés. Or les bénéficiaires de ces contrats, comme les structures qui y recourent, ont besoin de visibilité pour adapter leurs comportements, surtout après le trouble suscité par les annonces gouvernementales cet été.

Enfin, les chômeurs âgés sont souvent démunis et peinent à retrouver un emploi. L'abrogation des contrats de génération était inéluctable, mais la question des mesures en faveur de cette population n'a toujours pas trouvé de réponse satisfaisante.

Bâtir un budget pertinent pour la mission « travail et emploi » en début de quinquennat n'est pas aisé . La plupart des dépenses sont contraintes , qu'il s'agisse des dépenses de personnel, des subventions versées aux opérateurs de l'État ou du financement des allocations de solidarité. Quand le Gouvernement souhaite créer un nouveau dispositif, les difficultés sont nombreuses. Toute nouvelle mesure peut s'avérer inutile en raison des effets d'aubaine (aide à l'embauche dans les PME précitée), de l'effet « saupoudrage » dû à son faible montant (prestation conseil en ressources humaines 1 ( * ) ), ou de ses rigidités juridiques (contrat de génération). Plus globalement, toute nouvelle mesure pour l'emploi devrait être précédée d'une évaluation de son coût d'opportunité pour les finances publiques, puis faire l'objet d'une simulation ex ante , d'une expérimentation territoriale ou dans le temps, d'un suivi et enfin d'une évaluation au bout de deux ans d'application environ.

C'est pourquoi votre rapporteur pour avis exprime ses doutes sur la pertinence des emplois francs, introduits en cours de discussion à l'Assemblée nationale par voie d'amendement du Gouvernement . S'il est évident que les quartiers prioritaires de la ville doivent bénéficier de toute l'attention des pouvoirs publics, encore faut-il que le dispositif proposé soit efficace et que son coût soit raisonnable. Or l'expérimentation menée entre 2013 et 2014 par la précédente majorité a montré l'échec de ce dispositif et le coût annoncé par le Gouvernement, uniquement pour l'expérimentation de sa nouvelle mouture, est excessif : pratiquement un demi-milliard d'euros en autorisation d'engagement, même si aucune généralisation n'est ensuite décidée.

Pour la deuxième année consécutive, votre rapporteur pour avis a fait le choix d'établir un questionnaire budgétaire commun avec les rapporteurs spéciaux de la commission des finances. Malgré la diminution du nombre de questions et leur rationalisation, force est de constater que les services ministériels ont manqué de diligence puisqu'au 10 octobre 2017, seulement 49 % des réponses avaient été communiquées au Sénat.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. À PÉRIMÈTRE CONSTANT, LES CRÉDITS DE PAIEMENT DE LA MISSION SERONT EN RECUL DE 1,5 MILLIARD

A. UN OBJECTIF DE LIMITATION DE L'ÉVOLUTION PLURIANNUELLE DES CREDITS DE LA MISSION, QUI NE RÈGLE PAS LA QUESTION DE LA DETTE DE L'UNÉDIC

1. La dette de l'Unédic ne cesse de s'alourdir

Les dernières prévisions financières de l'Unédic reposent sur les hypothèses suivantes 2 ( * ) :

- la croissance économique devrait atteindre 1,8 % en 2017 et 1,7 % l'an prochain ;

- l'inflation passerait de 1 % cette année à 1,1 % l'an prochain ;

- 117 000 emplois affiliés à l'assurance chômage devraient être créés l'an prochain, contre 250 000 cette année ;

- le taux de chômage au sens du Bureau international du travail, actuellement de 9,5 %, devrait être stable l'an prochain ;

- le nombre de demandeurs d'emploi inscrits en catégorie A à Pôle emploi en fin de mois diminuerait de 2 000 personnes l'an prochain, après avoir augmenté de 76 000 cette année ;

- en revanche, le nombre de chômeurs indemnisés augmenterait l'an prochain de 7 000 personnes, après une hausse de 56 000 en 2017.

En conséquence, la dette de l'assurance chômage passera de 30 milliards en 2016 à 34 milliards à la fin de l'année et devrait même dépasser 37 milliards fin 2018 à réglementation inchangée.

Votre rapporteur pour avis exhorte le Gouvernement et les partenaires sociaux à prendre la mesure de la gravité de la situation financière de l'assurance chômage et à adopter des mesures courageuses pour assurer sa pérennité. Certes, deux évolutions récentes vont dans le bon sens. Tout d'abord, la nouvelle convention d'assurance chômage du 14 avril 2017 permettra une économie de 500 millions d'euros en 2018 par rapport à l'ancienne réglementation, portée à 900 millions d'euros par an en régime de croisière. Ensuite, la négociation d'un nouveau règlement européen sur la coordination des systèmes d'assurance chômage 3 ( * ) permettra à l'Unédic d'économiser 480 millions par an sur l'indemnisation des travailleurs transfrontaliers.

Ces deux mesures permettront quasiment de supprimer le déficit structurel 4 ( * ) de l'Unédic, qui est estimé à 1,5 milliard par an en moyenne sur la période 2010-2016, hors charges d'intérêts. Reste que la suppression du déficit structurel ne permettra pas à elle seule de résorber la dette de l'Unédic, qui devrait atteindre son point haut en 2020 (environ 39 milliards), soit plus d'une année de recettes. En effet, ce n'est que sur la période complète d'un cycle économique que les excédents et les déficits de l'assurance chômage sont censés s'annuler en l'absence de déficit structurel. Lorsqu'une dette est constituée, il faut donc dégager des excédents structurels pour la rembourser , sauf à imaginer que l'État accepte d'en reprendre tout ou partie. Si les intérêts de la dette sont aujourd'hui limités à 1 % des recettes de l'assureur (405 millions en 2018) grâce à une stratégie financière pertinente, le fardeau de l'endettement risque de bloquer à l'avenir ses marges de manoeuvre et pénaliser les demandeurs d'emploi indemnisés en cas de nouvelle crise financière et d'augmentation des taux d'intérêts, aujourd'hui historiquement bas.

Plus globalement, le prochain projet de loi sur l'assurance chômage devra répondre à ces interrogations sur sa soutenabilité financière, tout en tranchant des questions essentielles comme l'ouverture du dispositif aux démissionnaires et aux travailleurs indépendants, l'instauration d'un bonus-malus sur les contrats de travail courts, ou encore le rôle de l'État dans la gouvernance de l'Unédic 5 ( * ) .

2. Les crédits de la mission « travail et emploi » seront en diminution dans les trois années à venir

Afin de respecter les objectifs maastrichtiens et de dégager des ressources pour financer les priorités du Gouvernement, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 fixe comme objectif, avant la fin du quinquennat, une baisse de 4 points du taux de prélèvements obligatoires et d'un point de la dépense publique.

En conséquence, plusieurs missions verront leurs crédits diminuer dans les années à venir.

En particulier, les crédits de paiement de la mission « travail et emploi » ne pourront pas dépasser le plafond 6 ( * ) de 15,2 milliards d'euros en 2018, 12,9 milliards en 2019 et 12,6 milliards en 2020.

B. LE MAINTIEN DES CRÉDITS DE PAIEMENT DE LA MISSION « TRAVAIL ET EMPLOI » MASQUE UNE CHUTE A PÉRIMÈTRE CONSTANT

1. Un maintien des crédits de paiement

La mission bénéficiera de 15,3 milliards d'euros en CP , soit un léger repli par rapport à la loi de finances initiale pour 2017 (- 91 millions d'euros).

Cette baisse s'explique par la diminution des crédits dédiés au programme 103 « accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » (285 millions) et au programme 155 « conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail » (51 millions), qui n'a pas été totalement compensée par la hausse des crédits affectés au programme 102 « accès et retour à l'emploi » (+ 236 millions) et au programme 111 « amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail » (+ 8 millions).

Tableau synthétique présentant l'évolution des crédits de paiement
de la mission « travail et emploi » dans le PLF 2017

(en milliards d'euros)

Programme

CP demandés pour 2018

CP ouverts
en LFI
pour 2017

Évolution
en valeur absolue

Évolution
en pourcentage

102 Accès et retour à l'emploi

7,845

7,609

+ 0,236

+ 3,1 %

103 Accompagnement des mutations économiques et développement
de l'emploi

6,752

7,037

- 0,285

- 4 %

111 Amélioration de la qualité
de l'emploi et des relations du travail

0,086

0,078

+ 0,008

+ 10,2 %

155 Conception, gestion
et évaluation des politiques
de l'emploi et du travail

0,682

0,733

- 0,051

- 7 %

TOTAL

15,366

15,457

- 0,091

- 0,5 %

Source : Commission des affaires sociales

2. Une chute des crédits de paiement de 1,5 milliard à périmètre constant, couplée à une contraction de 2,7 milliards des autorisations d'engagement

À périmètre constant, les crédits de paiement de la mission reculeront de 1,5 milliard . En effet, à compter du 1 er janvier 2018, le régime de solidarité d'indemnisation du chômage sera intégralement financé par la mission « travail et emploi » en raison de la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité , dont le produit s'était élevé à 1,4 milliard en 2017.

En outre, à périmètre courant , les autorisations d'engagement de la mission subiront une chute majeure l'an prochain, de l'ordre de 2,7 milliards , pour atteindre 13,7 milliards .

Cette chute s'explique essentiellement par la diminution d'environ 3 milliards des AE destinées au programme 103 « accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ». Plus précisément, les AE consacrés à l'action 1 relative à l'anticipation et à l'accompagnement des conséquences des mutations économiques sur l'emploi, passeront de 4 milliards en 2017 à 270 millions l'an prochain.

Tableau synthétique présentant l'évolution des autorisations d'engagement
de la mission « travail et emploi » dans le PLF 2018

(en milliards d'euros)

Programme

AE demandés pour 2018

AE ouverts en LFI
pour 2017

Évolution
en valeur absolue

Évolution en pourcentage

102 Accès et retour à l'emploi

7,166

7,06

+ 0,107

+ 1,5 %

103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi

5,7

8,62

- 2,918

- 33,8 %

111 Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail

0,155

0,041

+ 0,114

+ 279 %

155 Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

0,686

0,723

- 0,038

- 5,2 %

TOTAL

13,708

16,442

- 2,734

- 16,6 %

Source : Commission des affaires sociales

C. UNE PREMIÈRE TRADUCTION TIMIDE DU GRAND PLAN D'INVESTISSEMENT 2018-2022, QUI PREND LA SUITE DU PLAN 500 000 FORMATIONS

1. Une lente montée en puissance du plan d'investissement dans les compétences (PIC)

Le 25 septembre 2017, le Premier Ministre présentait le contenu du grand plan d'investissement (GPI), qui s'élèvera à 57 milliards d'euros pendant la durée du quinquennat.

Ce plan dégage quatre priorités : l'accélération de la transition écologique (20 milliards), l'édification d'une société de compétences (15 milliards), le développement de la compétitivité et de l'innovation (13 milliards) et la construction d'un État numérique (9 milliards).

Le financement du GPI repose d'abord sur de nouvelles économies budgétaires (24 milliards), une réorientation des crédits actuels (12 milliards), et des dispositifs sans conséquence sur le déficit public (prêt, fonds propres ou fonds de garantie).

La deuxième priorité du GPI, qui prend la forme du plan d'investissement dans les compétences (PIC) , devrait bénéficier de 14,6 milliards pendant le quinquennat. Il concerne essentiellement la mission « travail et emploi » 7 ( * ) , et comprend deux axes majeurs : la formation d'un million de personnes au chômage de plus de 25 ans (auxquelles s'ajouteront 250 000 actions de formation ouvertes à distance), et celle d' un million de jeunes décrocheurs (à travers la montée en charge de la garantie jeunes, 470 000 actions de formations et 330 000 actions de préparation aux dispositifs d'alternance).

Le Gouvernement indique que le PIC se distinguera des précédents plans nationaux exceptionnels mis en oeuvre en 2016 et 2017 sur trois points : son ampleur , qui entraînera une transformation qualitative de l'offre de formation professionnelle ; la priorité donnée aux formations longues et qualifiantes pour améliorer l'insertion professionnelle des bénéficiaires ; leur accompagnement avant, pendant et après leurs formations.

Le PLF pour 2018 met en oeuvre pour la première année le plan d'investissement dans les compétences (PIC), doté de seulement 1,12 milliard en CP pour le volet « travail et emploi » ainsi répartis :

- 467 millions alimenteront la garantie jeunes (action 3 du programme 102) ;

- 225 millions solderont les plans de formation mis en oeuvre en 2016 et 2017 (action 2 du programme 103) ;

- 428 millions en CP financeront les nouvelles actions de formation à l'attention des demandeurs d'emploi faiblement qualifiés et des jeunes décrocheurs (action 4 du programme 103).

Le plan bénéficiera également de crédits non budgétaires d'origine européenne (36 millions), ainsi que de fonds de concours à hauteur de 250 millions , qui devraient être versés par le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP).

Le Gouvernement a nommé Estelle Sauvat au poste de haut-commissaire à la transformation des compétences , afin qu'elle apporte son concours à la définition et à la mise en oeuvre des politiques conduites en vue de la transformation des compétences, liée notamment au développement du numérique, dans le domaine de la formation professionnelle tout au long de la vie 8 ( * ) .

2. Le PIC intègre le paiement du plan 500 000 formations supplémentaires pour les demandeurs d'emploi qui s'achève en 2017

L'action 2 du programme 103 consacrera de fait 225 millions au paiement du solde des plans de formation exceptionnels des demandeurs d'emploi mis en oeuvre en 2016 et 2017.

Dans la continuité du « plan 500 000 formations supplémentaires pour les demandeurs d'emploi », un nouveau plan de formation a été lancé au premier semestre 2017, puis prolongé par le nouveau Gouvernement sur le second semestre afin de ne pas briser la dynamique de formations initiée les mois précédents. Le Gouvernement s'est fixé un objectif global de l'ordre de 200 000 formations supplémentaires en 2018 , en maintenant la compensation financière versée aux régions à hauteur de 3 000 euros par action de formation.

Compte tenu des sommes en jeu (1 milliard de la part de l'État en 2016, 507 millions en 2017), le Gouvernement s'est engagé dès le 29 février 2016 à ce qu'une évaluation du plan soit réalisée. Il a désigné à cette fin le Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Cnefop), qui devra s'appuyer sur un comité technique d'évaluation. Une étude qualitative sur la mise en oeuvre du plan et ses effets sur les bénéficiaires a été confiée par appel à projet à une équipe de plusieurs experts et a démarré en juin 2017. Une note d'étape a déjà été élaborée et montre notamment que les objectifs quantitatifs ont été respectés, que Pôle emploi a supporté la majorité de l'effort de formation supplémentaire, que les stages financés par les régions duraient trois fois plus longtemps que ceux prescrits par Pôle emploi et que le taux de retour à l'emploi des personnes formées était identique à celui observé avant la mise en oeuvre du plan (51 %).

L'audition des représentants de Régions de France a toutefois mis en exergue des difficultés entre l'État et les régions pour calculer le coût des actions de formation supplémentaires et donc les compensations financières, en raison notamment du décalage qui existe entre la prescription d'une action, l'entrée en formation et sa réalisation.

II. LE PROGRAMME 102 « ACCÉS ET RETOUR À L'EMPLOI » : LE DÉCLIN DES CONTRATS AIDÉS

A. LES CONTRATS AIDÉS : UN OBJECTIF DE 200 000 CONTRATS ET UN TAUX DE SUBVENTION PUBLIQUE PLAFONNÉ À 50 % EN 2018

Le Gouvernement envisage en effet de financer l'an prochain seulement 200 000 nouveaux contrats aidés , uniquement dans le secteur non marchand (collectivités territoriales et associations), avec un taux de prise en charge de l'État de 50 % (contre 76 % en 2017). L'enveloppe prévue s'élève à 1,45 milliard en AE et 765 millions en CP.

Par ailleurs, le PLF pour 2018 inclut une enveloppe de 523 millions pour financer les emplois d'avenir conclus entre 2015 et 2017.

Le Gouvernement s'engage donc à ne signer aucun nouveau contrat aidé dans le secteur marchand (CUI-CIE) ou emploi d'avenir en 2018 .

Pour mémoire, le PLF pour 2017 avait prévu de financer 280 000 contrats aidés (200 000 dans le secteur non-marchand, 45 000 dans le secteur marchand et 35 000 emplois d'avenir), pour un coût de 2,4 milliards en AE et 1,78 milliard en CP. Ces objectifs étaient eux-mêmes en net repli par rapport aux 459 000 contrats aidés conclus en 2016.

Votre rapporteur pour avis émet plusieurs observations sur l'évolution des contrats aidés.

En premier lieu, il partage l'ambition du Gouvernement de privilégier la formation initiale ou continue plutôt que les contrats aidés, dont l'efficacité en termes d'insertion professionnelle à long terme n'est pas probante . Les formations qualifiantes comme l'apprentissage doivent être particulièrement développées en raison de leur efficacité. Ainsi, en février 2016, 65 % des jeunes ayant obtenu un diplôme par la voie de l'apprentissage (CAP ou BTS) sont en emploi sept mois après la fin de leur formation, la moitié d'entre eux ayant été embauchée en CDI 9 ( * ) . Une récente étude de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) souligne en revanche les effets contrastés sur l'emploi des contrats aidés selon le secteur visé (marchand ou non marchand) et la période considérée (court ou moyen terme) 10 ( * ) . Même si les statistiques doivent être maniées avec précaution, elles ont le mérite d'identifier de grandes tendances et d'éclairer le Gouvernement et le législateur sur les enjeux des contrats aidés.

Dans le secteur marchand, l'effet sur l'emploi des contrats aidés est faible . La Dares souligne en effet qu'une partie des recrutements en contrats aidés correspond à des effets d'aubaine : l'employeur qui bénéficie de l'aide aurait embauché même en l'absence de soutien public. Dès lors, un contrat aidé dans ce secteur (CUI-CIE) aboutirait à la création nette de 0,1 emploi. Des enquêtes menées auprès des employeurs de contrats aidés indiquent des performances plus élevées : la création nette s'élèverait à 0,16 emploi à l'issue d'une CUI-CIE et à 0,25 emploi au terme d'un emploi d'avenir marchand. Ainsi, en 2015, le nombre de bénéficiaires de CUI-CIE a augmenté de 32 000 sur une année, mais ils n'auraient permis de créer que 3 000 emplois selon les estimations de la Dares.

Dans le secteur non-marchand, l'effet sur l'emploi de ces contrats est très positif . Les acteurs publics ont de nombreux besoins en emploi mais ne les satisfont pas à cause de la contrainte financière qui leur est imposée et de la faible solvabilité des emplois concernés. Par conséquent, la conclusion d'un contrat aidé fortement subventionné (la prise en charge pour les CUI-CAE a pu atteindre 70 %, contre 35 % pour les CUI-CIE) débouche pratiquement sur la création d'un emploi à court terme. Les enquêtes menées auprès des employeurs tempèrent toutefois cette estimation, car un CUI-CAE aboutirait à la création de 0,67 emploi et un emploi d'avenir non marchand à 0,56 emploi.

En revanche, l'effet sur l'emploi des contrats aidés sur l'emploi à long terme est très faible, surtout pour les anciens bénéficiaires de contrats aidés dans le secteur non marchand . Ainsi, six mois après la fin de leurs contrats, seulement 26 % d'entre eux ont un emploi durable 11 ( * ) , contre 57 % pour les anciens bénéficiaires d'un CUI-CIE. Si l'on compare la trajectoire les bénéficiaires des contrats aidés avec celle de public témoin qui n'ont pas connu ces dispositifs (expérience contrefactuelle), on constate qu'un ancien bénéficiaire d'un CUI-CIE en 2005 avait, deux ans et demi après le début du dispositif, 31 points de chances de plus d'être en CDI non aidé qu'une personne présentant des caractéristiques proches mais n'ayant pas conclu ce type de contrat aidé. En revanche, un ancien bénéficiaire d'un CUI-CAE avait 8 points de chance en moins d'être en CDI non aidé. Cette situation s'explique par le profil initial des bénéficiaires de CUI-CAE, qui sont particulièrement éloignés de l'emploi et plus souvent allocataires de minima sociaux ou sans diplômes que les titulaires d'un CUI-CIE.

En deuxième lieu, votre rapporteur pour avis déplore le comportement du précédent gouvernement, qui a incité à la conclusion rapide et massive de contrats aidés au cours du premier semestre 2017, dépassant ainsi l'enveloppe budgétaire allouée par la LFI. Comme l'indique une instruction ministérielle du 6 septembre 2017 12 ( * ) , le dispositif des contrats aidés s'est caractérisé en 2017 par une « surconsommation » car « plus des deux tiers de l'enveloppe budgétaire annuelle avaient déjà été utilisés au premier semestre ». De fait, sur les 280 000 contrats aidés prévus en 2017, 194 000 ont été prescrits pendant le premier semestre, soit 69,2 %. Ce faisant, les préfets ont mis en oeuvre les consignes du gouvernement de l'époque de consommer 80 % des crédits pendant le premier semestre de l'année. C'est pourquoi le Gouvernement a augmenté cet été de 30 000 à 40 000 le nombre de contrats aidés par rapport à la LFI pour 2017, pour atteindre un volume global compris entre 310 000 et 320 000 contrats. Dès le mois d'août 2017, la prescription des CUI-CIE n'a plus été autorisée. Le Gouvernement avait alors ciblé cinq secteurs prioritaires : l'accompagnement des enfants handicapés en milieu scolaire, l'urgence sanitaire et sociale, l'outre-mer, les communes rurales ainsi que le recrutement des adjoints de sécurité (ADS) dans la police nationale. Les quatre premiers secteurs continueront d'être prioritaires en 2018, sans que l'on sache ce qu'il adviendra du recrutement des ADS. Le Gouvernement s'est d'ores-et-déjà engagé à dédier 30 500 contrats aidés pour l'accompagnement des élèves en situation de handicap pour l'année scolaire 2018-2019.

En troisième lieu, votre rapporteur pour avis approuve la volonté du Gouvernement de s'en tenir en 2018 au nombre de contrats votés en loi de finances initiale, ce qui trancherait avec la pratique des différents gouvernements observée ces dernières années. De fait, depuis au moins 2007, le volume de contrats aidés signés a toujours été supérieur à celui voté en loi de finances initiale, quelle que soit l'orientation politique du gouvernement, comme le montre les deux exemples suivants. Une enveloppe de 962 millions d'euros avait été prévue dans la LFI pour 2007 pour financer les contrats aidés dans le secteur non marchand, alors que les dépenses réelles ont dépassé 1,5 milliard. Plus récemment, la LFI pour 2016 avait prévu de financer 295 000 contrats aidés, mais 459 000 ont finalement été conclus. La disparition de ces « rallonges budgétaires », ou du moins leur limitation, constituerait selon votre rapporteur pour avis une réaffirmation des prérogatives du Parlement.

Le projet de rénover dès 2018 la gestion des contrats aidés l'an prochain est donc bienvenu, et pourrait éviter le dépassement de l'enveloppe financière qui leur est allouée. Le bleu budgétaire indique à cet égard le souhait de remédier à « un fonctionnement de la chaîne de la dépense dérogatoire du droit commun », de mieux encadrer le taux de prise en charge des contrats aidés et d'étudier un système d'informations permettant de bloquer les prescriptions de contrats lorsque ceux-ci dépassent l'enveloppe financière 13 ( * ) .

En quatrième lieu, si votre rapporteur pour avis ne s'oppose pas à la suppression des emplois d'avenir, il déplore la disparition totale des contrats aidés dans le secteur marchand. En effet, une étude de la Dares d'octobre 2017 a rappelé qu'un jeune sur quatre en emploi d'avenir n'avait pas suivi de formation pendant la première année de son contrat, alors que les actions de formation sont obligatoires pour ce type de contrat 14 ( * ) . Dans son instruction précitée aux préfets du 6 septembre 2017, le Gouvernement a rappelé que les prescriptions d'emplois d'avenir devaient être réservées depuis juin aux seuls renouvellements nécessaires à la poursuite de parcours déjà engagés, dans la limite de l'enveloppe financière disponible, et à condition que les employeurs aient respecté leurs engagements en matière de formation. Comme l'indiquent les travaux mentionnés précédemment, les contrats aidés dans le secteur marchand, peu subventionnés par l'État, assurent une meilleure insertion dans l'emploi que les contrats aidés dans le secteur non marchand. Le Gouvernement a toutefois fait le choix de ne plus conclure de CUI-CIE en 2018 en raison de la reprise économique qui s'annonce et des forts effets d'aubaine de ces contrats.

En dernier lieu, votre rapporteur demande au Gouvernement de veiller à ce que les anciens bénéficiaires de contrats aidés ainsi que les structures qui recouraient à ce type de contrats ne soient pas lésés en attendant le déploiement du plan d'investissement dans les compétences. Pour qu'une réforme sociale ne se heurte pas à l'opposition de nos concitoyens, il convient de ménager une phase de transition acceptable, annoncée suffisamment en amont, pour permettre aux différentes parties prenantes de modifier leurs comportements. Les bénéfices à moyen et long terme d'une hausse de la formation continue de nos concitoyens ne doivent pas occulter les désagréments que subiront rapidement les anciens bénéficiaires des contrats aidés dans le secteur marchand. Les annonces du Gouvernement cet été ont été mal comprises par l'opinion publique, et sont même apparues aux yeux de certains comme « brutales ». Il est donc nécessaire que le Gouvernement fasse oeuvre de pédagogie et assure un accompagnement des « perdants » de la réforme.

C'est pourquoi votre rapporteur aurait souhaité que le Gouvernement annonce, ne serait-ce qu'à grands traits, ses objectifs en matière de contrats aidés pour les années à venir . Les contrats aidés dans le secteur non marchand ont-ils vocation à disparaître totalement, ou à se maintenir à un niveau de 200 000, 100 000 ou 50 000 par an ? Souhaite-il maintenir un plafond de prise en charge à 50 %, ou le réduire à 30 % afin de multiplier en contrepartie le nombre de contrats ? Ces questions essentielles demeurent pour l'instant sans réponse. Votre rapporteur pour avis constate par ailleurs avec stupéfaction que le Gouvernement n'a pas véritablement mesuré les effets indirects qu'entraînera la baisse substantielle des contrats aidés l'an prochain en distinguant les publics concernés (jeunes, seniors, handicapés par exemple). La baisse des contrats aidés pourrait en effet entraîner un report d'une partie des anciens bénéficiaires vers le secteur de l'insertion par l'activité économique (SIAE), et augmenter les dépenses consacrées à la solidarité nationale (allocation de solidarité spécifique notamment), aux travailleurs handicapés et aux demandeurs d'emploi âgés.

B. PÔLE EMPLOI ET LES MISSIONS LOCALES VOIENT LEURS CRÉDITS PRÉSERVÉS, CONTRAIREMENT AUX MAISONS POUR L'EMPLOI

Pôle emploi bénéficiera de 1,457 milliard d'euros en AE et CP en 2018, contre 1,507 milliard dans le PLF pour 2017.

Dans sa réponse au questionnaire budgétaire, le Gouvernement indique que la baisse de 50 millions de cette dotation s'inscrit dans le cadre de l'effort budgétaire demandé plus globalement aux opérateurs de l'État. Cet effort se traduira l'an prochain notamment par une baisse des effectifs sous plafond de 297 équivalent temps plein travaillé (ETPT), soit une réduction de 0,6 % par rapport à la LFI pour 2017. Au total, le volume d'ETPT sous plafond est fixé à 46 445 en PLF 2018. Le Gouvernement justifie cette mesure par le constat d'une sous-exécution budgétaire observée en 2016 dans le champ des ETPT sous plafond. La convention tripartite État-Unédic-Pôle emploi, en vigueur jusqu'à fin 2018, stipule pourtant que « sous réserve de l'absence de modification significative de la trajectoire des finances publiques, l'État assure à Pôle emploi une subvention effectivement disponible d'un montant de 1 507 millions » 15 ( * ) . Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi, a regretté cette diminution des crédits tout en considérant qu'elle n'empêchera pas l'opérateur public de réaliser ses missions.

Le Gouvernement estime pour sa part que la baisse de dotation sera plus que compensée par la hausse de 70 millions de la subvention versée par l'Unédic, égale à 10 % de ses recettes.

Le rapport conjoint IGF-IGAS sur la mise en oeuvre de la convention tripartite entre l'État, l'Unédic et Pôle emploi pour la période 2015-2018, réalisé en février 2017 16 ( * ) , a décerné un satisfecit général à l'opérateur public. Le suivi de cette convention est assuré par quatorze indicateurs stratégiques , déclinant les quatre objectifs stratégiques de Pôle emploi : le renforcement de la personnalisation de l'accompagnement des demandeurs d'emploi, le développement d'une offre de services aux employeurs, l'amélioration de la relation aux demandeurs d'emploi et aux entreprises, et la meilleure prise en compte des spécificités locales. En 2016, douze indicateurs ont atteint leur cible annuelle ; seuls deux n'ont pas été atteints, concernant la satisfaction des demandeurs d'emploi sur leur suivi (64,1 %, pour un objectif à 67 %) et celle sur les informations liées aux allocations (70,8 %, pour une cible fixée à 71,5 %). Le rapport des inspections générales pointe toutefois des situations plus problématiques. Ainsi, « plus de 50 % des demandeurs d'emploi en accompagnement renforcé n'ont pas encore eu d'entretien avec leur conseiller référent trois mois après leur inscription » 17 ( * ) . Par ailleurs, « les effectifs de demandeurs d'emploi suivis en accompagnement intensif peuvent être augmentés », car ils atteignent 40 000 demandeurs en septembre 2016 alors que la capacité théorique est de 65 000 18 ( * ) .

Une mission d'évaluation finale sera menée pendant le premier semestre 2018, avant la négociation de la prochaine convention.

Par ailleurs, la mission « travail et emploi » finance la moitié du budget des missions locales 19 ( * ) à travers une subvention de fonctionnement de 206 millions , en hausse d'un million par rapport à cette année. Cette subvention s'ajoute aux crédits d'accompagnement versés dans le cadre du déploiement de la garantie jeunes (voir infra ).

Votre rapporteur pour avis souscrit aux analyses de nos collègues François Patriat et Jean-François Requier, qui rappelaient récemment que les missions locales, qui accueillent plus de 1,4 million de jeunes chaque année, se sont imposées comme des « acteurs incontournables de l'insertion sociale et professionnelle des jeunes » et permettent l'accès à un emploi ou à une formation de près d'un jeune sur deux 20 ( * ) .

Il partage en particulier leurs propositions visant à mieux mesurer leurs activités, à moderniser le logiciel « I-milo », à moduler leurs crédits en fonction de leurs performances, à leur affecter en priorité les jeunes rencontrant des difficultés particulières d'insertion, à mieux coordonner leurs financeurs et à rationaliser leur maillage territorial.

Enfin, les maisons de l'emploi se verront attribuer une enveloppe de 10,5 millions d'euros en AE et CP en 2017, contre 21 millions dans le PLF pour 2017 et en LFI pour 2016.

Votre rapporteur pour avis soutient le Gouvernement dans sa volonté de diminuer son soutien financier aux maisons de l'emploi car la rationalisation des acteurs de la politique de l'emploi est indispensable . Par un arrêté du 18 décembre 2013 21 ( * ) , l'État a souhaité limiter son financement des maisons de l'emploi aux actions relevant de deux champs prioritaires : d'une part, l'anticipation des mutations économiques (à travers notamment la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences et l'ingénierie de développement de l'emploi), d'autre part, le développement local de l'emploi (via notamment le soutien à la création et au développement des entreprises). En 2016, l'attribution des crédits de l'État a été effectuée à partir d'une grille de critères nationale qui reprenait ces priorités afin de mesurer la performance de ces structures. À travers la réduction de sa dotation en 2018, le Gouvernement confirme son souhait d'accompagner le retrait progressif de l'État, selon un plan d'action à définir en lien avec les collectivités territoriales et les maisons de l'emploi.

En dépit de cette volonté du Gouvernement, l'article 10 de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et à la sécurisation des relations de travail, à travers la création dans le code du travail de l'article L. 1237-19-13, a reconnu la possibilité pour les maisons de l'emploi de participer à la mise en oeuvre des mesures de revitalisation des bassins d'emploi lorsqu'une entreprise recourt aux ruptures conventionnelles collectives.

Les crédits des maisons de l'emploi ont toutefois été majorés de 1,5 million d'euros grâce à l'adoption d'un amendement présenté par notre collègue Bruno Fuchs et plusieurs de ses collègues du Mouvement Démocrate et apparentés 22 ( * ) , afin que la réduction de la dotation de l'État soit limitée à 43 %. L'amendement propose en outre que le Gouvernement actualise la grille de notation utilisée en 2016 pour évaluer les performances des maisons de l'emploi et moduler la subvention de l'État.

C. L'INDEMNISATION DES DEMANDEURS D'EMPLOI CONNAÎTRA UNE HAUSSE APPARENTE DE 1,1 MILLIARD D'EUROS L'AN PROCHAIN EN RAISON DE LA SUPPRESSION DE LA CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE DE SOLIDARITÉ

Les crédits relatifs à l'indemnisation des demandeurs d'emploi atteindront 2,6 milliards d'euros en AE et CP l'an prochain, alors qu'ils ne s'élevaient qu'à 1,5 milliard dans le PLF pour 2017.

Cette explosion des crédits s'explique par l'évolution du financement du régime de solidarité d'indemnisation du chômage , qui passe de 1,33 milliard dans le PLF pour 2017 à 2,46 milliards dans le présent PLF.

Cette très forte hausse des crédits du régime de solidarité ne traduit pas une augmentation majeure des dépenses, mais un changement de la maquette budgétaire, due à la compensation par crédits budgétaires de la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité . Comme l'indique le Gouvernement dans ses réponses au questionnaire budgétaire, si l'on exclut cette mesure de périmètre , le programme 102 « présente une baisse de 1,4 milliard d'euros en AE (- 19 %) et 1,2 milliard en CP (- 16 %) ».

Comme les années précédentes, la quasi-intégralité du régime concerne l'allocation de solidarité spécifique, ASS, dont le coût est estimé à 2,3 milliards en 2018 23 ( * ) , contre 2,6 milliards dans le PLF pour 2017 24 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis craint toutefois que ces prévisions de dépenses de l'ASS soient trop optimistes et ne tiennent pas compte des conséquences de la diminution du nombre de contrats aidés.

Il constate par ailleurs que les autres crédits relatifs à l'indemnisation des demandeurs d'emploi connaissent certes des évolutions importantes en valeur relative, mais limitées en valeur absolue.

Évolution des crédits relatifs à l'indemnisation des demandeurs d'emploi,
hors régime de solidarité d'indemnisation du chômage

(en millions d'euros)

Dispositif

PLF pour 2018

PLF pour 2017

Rémunération de fin de formation

132

41

Allocation équivalent retraite

8,2

19

Allocation temporaire d'attente

6,3

45

Allocation complémentaire

0,26

8

Prime temporaire de solidarité

nc

46,2

Source : Commission des affaires sociales

D. LE MAINTIEN DES CRÉDITS DÉDIÉS AUX PUBLICS LES PLUS EN DIFFICULTÉ

Les crédits d'intervention destinés aux publics les plus en difficulté 25 ( * ) s'élèveront l'an prochain à 1,7 milliard d'euros , contre 2,1 milliards dans le PLF pour 2017, en raison d'un changement de la maquette budgétaire lié à la garantie jeunes . En effet, les crédits consacrés à l'accompagnement renforcé des jeunes vers l'emploi passeront de 757 millions dans le PLF pour 2017 à 245 millions l'an prochain car la garantie jeunes fait désormais l'objet d'une action spécifique au sein du programme 102 (voir infra ) 26 ( * ) .

Plus précisément, les crédits affectés aux mesures en faveur de l'insertion par l'activité économique seront en légère hausse (1 milliard contre 966 millions cette année). Il en va de même pour les crédits dédiés à l'emploi des personnes handicapées (377 millions contre 366 millions dans le PLF pour 2017), ceux consacrés à l'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée 27 ( * ) (18 millions contre 11,6 cette année) ou encore ceux affectés au soutien au secteur de l'aide sociale (12 millions contre 11,5).

L'examen de ces crédits appelle trois remarques de la part de votre rapporteur pour avis.

En premier lieu, les dépenses de la mission consacrées aux personnes handicapées seront en légère hausse de 11 millions par rapport au PLF pour 2017. Le PLF pour 2018 prévoit en effet une enveloppe de 377 millions ainsi répartis : 338,5 millions pour l'aide au poste dans les entreprises adaptées, soit 18 millions de crédits supplémentaires 28 ( * ) ; 33,3 millions pour la subvention spécifique versée aux entreprises adaptées, en baisse de 8 millions 29 ( * ) , et 5 millions pour les programmes régionaux pour l'insertion des travailleurs handicapés et aides individuelles, en baisse d'un million. Par rapport aux crédits ouverts en LFI pour 2017, la hausse des dépenses en faveur des personnes handicapées est plus limitée, de l'ordre de 4 millions d'euros 30 ( * ) . Le Gouvernement prévoit plus particulièrement de financer l'an prochain 1 000 aides au poste supplémentaires, soit un total de 24 036 aides . La ministre du travail a déclaré le 8 novembre dernier à l'Assemblée nationale que ces aides supplémentaires avaient été « prévues par la loi de finances initiale de 2017 mais n'avaient pas été budgétées ». Le Gouvernement envisage par ailleurs une réforme à compter du 1 er juillet 2018 des conditions de financement des entreprises adaptées (aides au poste et subventions spécifiques), jugées trop complexes, insuffisamment incitatives pour encourager la rotation du personnel et dépourvues de visibilité pluriannuelle, réforme qui généra une économie estimée à 8 millions d'euros sur la seconde moitié de l'année. Face aux inquiétudes des responsables des entreprises adaptées, la ministre du travail a annoncé le 8 novembre 2017 qu'elle les rencontrerait dans les quinze jours suivant pour réfléchir aux moyens de pérenniser le « modèle économique » de ces structures, et qu'elle pourrait le cas échéant déposer un amendement en ce sens lors de l'examen du PLF par le Sénat.

En deuxième lieu, l'État augmentera de 30 millions son soutien au secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) . Le financement direct par l'État des acteurs de l'insertion par l'activité économique passera de 810 à 840 millions. Les principaux bénéficiaires seront les ateliers et chantiers d'insertion (612 millions, en hausse de 19 millions) les entreprises d'insertion (140 millions, soit 7 millions de plus que cette année) ainsi que les associations intermédiaires (28 millions, en hausse de 5 millions).

Au final, près de 71 000 équivalents temps plein seront financés l'an prochain, soit 5 000 aides au poste de plus qu'en 2017 . D'autres dispositifs de soutien indirect à l'IAE connaîtront également une hausse de leurs crédits, comme les exonérations de cotisations sociales en faveur des associations intermédiaires (82,4 millions, en hausse de 13,3 millions) ou en faveur des ateliers et chantiers d'insertion (125 millions, en augmentation de 16,6 millions). À l'issue du conseil des ministres du 6 septembre 2017, le Gouvernement a annoncé avoir confié à M. Jean-Marc Borello , président du groupe SOS, une mission visant à mobiliser les acteurs de l'insertion autour de solutions innovantes. Votre rapporteur pour avis prendra connaissance avec intérêt de ses propositions, qui seront remises au Gouvernement d'ici à la fin de l'année, et des suites qui leur seront données.

En dernier lieu, votre rapporteur attache une grande importance aux dispositifs à l'attention des jeunes, comme les écoles de la deuxième chance (E2C), les établissements publics d'insertion par l'emploi (Épide) et la garantie jeunes.

Tout d'abord, les 51 écoles membres du réseau des E2C , créées à l'initiative des conseils régionaux et des acteurs de l'insertion professionnelle, disposeront l'an prochain de 24 millions , soit le même montant que celui accordé en 2017, étant rappelé qu'elles bénéficieront également de crédits du ministère de la ville, des collectivités territoriales, du Fonds social européen et de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé). En 2016, 62 % des personnes admises dans une E2C , soit 4 293 jeunes, ont trouvé un emploi ou une formation qualifiante : il s'agit du plus haut niveau observé depuis 2009. Parmi ces sorties positives, 24 % sont en formation qualifiante ou diplômante, 21 % en contrat de travail non aidé, 11 % en alternance et 6 % en contrat aidé, selon les réponses du Gouvernement au questionnaire budgétaire du Sénat. Ces performances en termes d'insertion professionnelle sont d'autant plus remarquables que le coût moyen annuel par place s'élève à 6 000 euros . Une nouvelle convention pluriannuelle d'objectifs devra être prochainement conclue pour renforcer le pilotage des E2C et décliner les objectifs du plan d'investissement dans les compétences (PIC).

Ensuite, les 19 Épide bénéficieront l'an prochain de 55 millions d'euros de la mission « travail et emploi », en baisse de 3 millions par rapport au PLF pour 2017 31 ( * ) , auxquels s'ajouteront 29 millions issus du programme 147 « politique de la ville ». En 2016, leur budget total était de 88,9 millions, reposant pour 87 % sur une subvention de l'État (77,3 millions) répartie entre le ministère du travail (deux tiers) et le ministère de la cohésion des territoires (un tiers).

Les Épide bénéficient par ailleurs de cofinancements du Fonds social européen (50 millions pour la durée de la programmation 2014-2020). Ils disposent actuellement de 2 715 places, tandis qu'un vingtième centre devrait ouvrir prochainement à Alès. Les résultats des Épide sont en progression avec 52 % de sorties positives en 2016 (soit 4 points supplémentaires par rapport à 2015), dont 59 % de jeunes en emploi et 41 % en formation. Le taux de jeunes ayant abandonné le dispositif ou l'ayant quitté sans solution reste toutefois élevé malgré une légère amélioration (42,6 % en 2016 contre 47 % en 2015).
Le coût moyen d'un volontaire intégré est de 24 500 euros fin 2016 selon le Gouvernement : il est plus élevé que celui observé dans une école de la deuxième chance en raison des frais de logement et de restauration. L'année prochaine verra la mise en oeuvre du nouveau contrat d'objectifs et de performances prévu pour la période 2018-2021. Il traduira l'objectif du plan d'investissement dans les compétences qui prévoit le financement de places supplémentaires dans les Épide.

Enfin, la garantie jeunes disposera l'an prochain d'une enveloppe de 479 millions d'euros en AE et 467 millions en CP, compte tenu du cofinancement communautaire de 36 millions d'euros 32 ( * ) .

Pour mémoire, le PLF pour 2017 avait prévu une enveloppe de 498 millions d'euros en AE et 420 millions en CP, en très forte hausse par rapport au PLF pour 2016 (respectivement 282 et 255 millions), compte tenu de la généralisation du dispositif fixée au 1 er janvier 2017. Au final, ce dispositif bénéficiera l'an prochain d'environ 514 millions en AE et 503 millions en CP, qui financeront l'allocation spécifique versée aux jeunes 33 ( * ) (354 millions 34 ( * ) ) et l'accompagnement délivré par les missions locales 35 ( * ) (160 millions 36 ( * ) ).

L'effectif moyen mensuel de jeunes qui ne sont ni étudiants, ni en emploi, ni en formation 37 ( * ) et qui bénéficieront du dispositif est estimé à 90 272 personnes en 2018. Pour mémoire, au 30 juin 2017, 151 771 jeunes ont intégré le dispositif depuis le début de son expérimentation.

En tant que co-rapporteur de la loi « Travail », votre rapporteur pour avis s'était opposé à la généralisation anticipée de la garantie jeunes, considérant qu'une telle mesure ne pouvait être prise qu'après une évaluation approfondie par un organisme indépendant et à l'issue d'une période d'expérimentation suffisamment longue 38 ( * ) . Les conclusions du rapport intermédiaire d'évaluation de la garantie jeunes 39 ( * ) , si elles dressent un tableau plutôt satisfaisant du dispositif 40 ( * ) , notamment en termes d'insertion professionnelle 41 ( * ) , n'ont été rendues qu'en novembre 2016, postérieurement à l'adoption de la loi « Travail » : une telle méthode pour légiférer est pour le moins déconcertante, alors que les sommes en jeu sont considérables (plus d'un milliard d'euros en cumulé entre 2017 et 2018).

III. LE PROGRAMME 103 « ACCOMPAGNEMENT DES MUTATIONS ÉCONOMIQUES ET DÉVELOPPEMENT DE L'EMPLOI » : DES MARGES DE MANoeUVRE TRÈS CONTRAINTES

A. VERS LA FIN DES AIDES À L'EMBAUCHE DANS LES PME ET LES TPE

Le précédent gouvernement a instauré une aide à l'embauche dans les PME par un décret du 25 janvier 2016 42 ( * ) . Cette aide consiste en une prime de 500 euros versés chaque trimestre pendant deux ans aux entreprises de moins de 250 salariés, pour toute embauche d'une personne dont la rémunération mensuelle est inférieure à 1,3 Smic. Initialement, seules étaient concernées les embauches effectuées entre le 18 janvier et le 31 décembre 2016, mais un décret du 28 décembre 2016 43 ( * ) est venu prolonger le dispositif pour l'étendre aux embauches prenant effet entre le 1 er janvier et le 1 er juillet 2017.

In fine , au 30 juin 2017, plus de 1,8 million de demandes ont été reçues par l'Agence de services et de paiement (ASP). Ce chiffre peut encore augmenter car les employeurs disposent d'un délai de six mois après le début du contrat de travail pour transmettre leurs demandes.

C'est pourquoi le PLF pour 2018 prévoit une dotation de 1,1 milliard d'euros , dont la moitié financera les aides pour les embauches réalisées en 2016, l'autre moitié pour celles effectuées cette année. Pour mémoire, le coût de cette aide était de 3,6 milliards dans le PLF pour 2017.

Par ailleurs, le précédent gouvernement a instauré, par un décret du 3 juillet 2015 44 ( * ) , une aide pour les TPE qui recrutent leurs premiers salariés . Elle est accordée si l'embauche a eu lieu entre le 9 juin 2015 et le 31 décembre 2016. Elle s'élève également à 500 euros par trimestre et est versée pendant deux ans.

Au 30 juin 2017, le nombre total de dossiers validés par l'ASP s'élève à seulement 29 000, d'où une dotation de 10,2 millions d'euros pour 2018 , contre 36 millions prévus dans le PLF pour 2017.

Votre rapporteur pour avis considère que ces deux aides ponctuelles, même prolongées, sont par nature insuffisantes pour restaurer la compétitivité des entreprises françaises et créer de l'emploi . Ces dernières attendent en effet un environnement juridique, fiscal et social simplifié et stable, et non des mesures temporaires.

En outre, les effets d'aubaine de ce type de dispositifs sont majeurs et bien documentés par de nombreuses études économiques, et ils réduisent fortement leur utilité. Aucune évaluation n'a été prévue par la loi pour mesurer l'efficacité des deux dispositifs précités, ce qui est peu compréhensible compte tenu des sommes en jeu. Une analyse de l'Insee en décembre 2016 45 ( * ) a conclu qu'il était prématuré d'évaluer le dispositif d'aide à l'embauche dans les PME, dont le coût avoisine 4 milliards d'euros sur la période 2016-2019. Ce faisant, cette analyse limite fortement les conclusions d'une étude de la direction générale du trésor, qui estimait que l'aide pouvait contribuer à la création de 60 000 emplois en 2016 46 ( * ) .

Enfin, votre rapporteur pour avis considère que le comportement du précédent gouvernement n'a pas été exemplaire car la prolongation de ces dispositifs, décidée en fin de quinquennat, vient obérer les marges de manoeuvre budgétaire du nouvel exécutif.

B. LA DISPARITION JUSTIFIÉE DES CONTRATS DE GÉNÉRATION

En application de l'article 9 de l'ordonnance n° 2017-1387 précitée, les entrées en contrat de génération sont arrêtées depuis le 24 septembre 2017 .

Toutefois, dans un souci de sécurité juridique , les demandes d'aides présentées postérieurement à cette date seront traitées par les services de l'État.

Au final, le PLF pour 2018 prévoit une enveloppe de 67,7 millions pour couvrir le coût des entrées en 2015 (11,9 millions), 2016 (27 millions) et 2017 (29 millions).

Votre rapporteur pour avis n'a eu de cesse ces dernières années de dénoncer l' échec de ce dispositif, dont la complexité avait rebuté un grand nombre d'entreprises, et qui avait fait l'objet d'un jugement sévère de la Cour des comptes 47 ( * ) : il ne peut donc qu'approuver sa suppression 48 ( * ) .

C. LE DÉVELOPPEMENT DE L'ALTERNANCE : UN STATU QUO DES CRÉDITS EN ATTENTE DE LA RÉFORME ATTENDUE DE L'APPRENTISSAGE L'AN PROCHAIN

Les crédits d'intervention relatifs au développement de l'alternance s'élèveront l'an prochain à 1,51 milliard d'euros en AE et 1,48 milliard en CP, contre respectivement 1,55 milliard et 1,51 milliard selon le PLF pour 2017.

En particulier, les exonérations de cotisations sociales en faveur des contrats d'apprentissage atteindront 1,275 milliard, compte tenu des 442 980 contrats attendus l'an prochain (416 480 dans le secteur privé et 26 500 dans le secteur public) 49 ( * ) .

Par ailleurs, le programme 103 financera à hauteur de 227 millions en AE et 195 millions en CP le dispositif « aide TPE jeunes apprentis » 50 ( * ) , instauré par un décret du 29 juin 2015 51 ( * ) , et qui vise à encourager l'embauche depuis le 1 er juin 2015, dans les entreprises de moins de onze salariés, d'apprentis mineurs de niveaux IV et V 52 ( * ) . En raison du montant de l'aide (plafonnée à 4 400 euros), 110 000 demandes ont été déposées par les employeurs, soit un taux de recours de 73 %.

Si ce dispositif a été reconduit en 2018, il n'en va pas de même de l'aide financière de 335 euros versée aux jeunes apprentis car celle-ci ne concernait que les contrats d'apprentissage conclus entre le 1 er juin 2016 et le 31 mai 2017 53 ( * ) et avait nécessité une enveloppe de 80 millions en LFI pour 2017.

Certes, la campagne d'apprentissage 2016/2017 a été marquée par une hausse de 2 % du nombre de contrats enregistrés par rapport à la campagne précédente. Mais l'objectif fixé par le précédent gouvernement d'atteindre 500 000 contrats d'apprentissage en 2017 n'a pas été tenu , confirmant les analyses de votre rapporteur pour avis formulées ces dernières années.

Votre rapporteur pour avis a par ailleurs souvent eu l'occasion d'exprimer ses doutes sur l'utilité des dispositifs de soutien financier à l'apprentissage . Les employeurs n'attendent pas tant de l'État un soutien financier que la suppression des nombreux freins juridiques qui entravent le développement de l'apprentissage, et qui avaient été en grande partie identifiés dans une récente proposition de loi sénatoriale 54 ( * ) cosignée par votre rapporteur pour avis. L'embauche d'un apprenti ne doit pas être perçue comme une charge pour l'employeur, mais comme une chance, un investissement, une action de long terme visant à garantir le développement de l'entreprise.

Votre rapporteur pour avis espère que la prochaine réforme de l'apprentissage promise par le Président de la République et attendue pour le printemps 2018 pourra enfin donner un nouveau souffle à cette formation en alternance . La méthode retenue pour l'élaboration du volet apprentissage du futur projet de loi est pour le moins originale car elle résultera de trois réflexions menées quasiment en même temps.

Tout d'abord, quatre groupes de travail réunissant les partenaires sociaux, les régions, les chambres consulaires, des experts et France Stratégie, et animés par Mme Sylvie Brunet et plusieurs personnalités qualifiées, se réunissent depuis vendredi 10 novembre 2017 et rendront leurs conclusions avant la fin de janvier 2018 sur la construction des diplômes, la carte des formations, le financement de l'apprentissage et le statut de l'apprenti et son accompagnement.

Ensuite, les partenaires sociaux, à la suite de l'envoi mi-novembre 2017 du document d'orientation prévu à l'article L.1 du code du travail, pourront ouvrir s'ils le souhaitent une négociation nationale interprofessionnelle 55 ( * ) .

Enfin, le Gouvernement organisera jusqu'à janvier 2018 des réunions bilatérales et multilatérales avec les autres parties prenantes de l'apprentissage, comme les régions.

D. L'AFPA : UNE DOTATION MAINTENUE MAIS DE NOMBREUX DÉFIS À RELEVER EN URGENCE

Issue de la transformation le 1 er janvier 2017 de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) en établissement public industriel et commercial 56 ( * ) , l' Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes bénéficiera l'an prochain de 110 millions d'euros , soit le même montant que celui prévu dans le PLF pour 2017.

En tant que rapporteur sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance qui a modifié le statut de l'Afpa, votre rapporteur pour avis avait considéré que les critères retenus par le ministère pour calculer les compensations afférentes à chaque service d'intérêt économique général (SIEG) devaient être « précis, objectifs et publics », car « si la dotation est trop faible, elle affaiblira l'agence, mais si elle est trop élevée, elle sera assimilée à une surcompensation et la Commission européenne pourrait alors exiger le remboursement du surplus » 57 ( * ) .

Afin d'éviter tout risque de requalification des subventions en aide d'État, l'ordonnance du 10 novembre 2016 interdit toute surcompensation des sujétions liées à l'exercice de missions de service public 58 ( * ) .

Cette dotation aura donc pour but exclusif de financer les missions de service public suivantes de l'agence 59 ( * ) :

- la formation et à la qualification des personnes les plus éloignées de l'emploi et leur insertion professionnelle ;

- l'ingénierie de certification professionnelle pour le compte de l'État (Ministère du travail et autres ministères);

- l'égal accès des femmes et des hommes à la formation professionnelle et la promotion de la mixité des métiers ;

- l'égal accès, sur l'ensemble du territoire, aux services publics de l'emploi et de la formation professionnelle ;

- l'émergence et l'organisation de nouveaux métiers et de nouvelles compétences ;

- l'expertise prospective sur l'évolution des compétences ;

- l'appui au conseil en évolution professionnelle à destination des publics les plus fragiles.

Selon votre rapporteur pour avis, les mois qui viennent seront décisifs pour l'avenir de l'agence en raison de ses difficultés financières. Son chiffre d'affaires devrait atteindre 758 millions d'euros, soit 20 millions de plus qu'en 2016, mais ses frais de fonctionnement et de personnel pourraient s'élever à 770 millions, soit 28 millions de plus que dans le budget prévisionnel. Par conséquent, l'excédent brut d'exploitation sera négatif en 2017 et s'établirait à - 34,8 millions. Par ailleurs, l'agence ploie sous le poids de trois dettes majeures : 82 millions de dette sociales (qui ont donné lieu à un accord pour un paiement échelonné sur dix ans), 110 millions de dettes fiscales liées à l'occupation du domaine public et 200 millions d'obligations associatives, accordées par l'État en 2007 et qui devront être remboursées dans vingt ans.

Votre rapporteur pour avis exprime sa plus vive inquiétude sur l'avenir de l'agence. La transformation de l'association en établissement public était justifiée mais elle est intervenue trop tardivement. Le changement de statut de l'Afpa ne constitue « qu'une condition nécessaire, mais non suffisante , pour assurer la pérennité de l'activité de formation de l'agence » car la nouvelle direction doit « mettre en place très rapidement une stratégie de développement ambitieuse pour répondre aux besoins des entreprises et des régions et rassurer ainsi un personnel échaudé par des années d'incertitude et de tentatives avortées de réforme » 60 ( * ) . A la suite de la démission récente et inattendue de son président Yves Barou, effective depuis le 17 novembre dernier, force est de constater que l'agence n'a toujours pas bâti un plan de développement convaincant . L'ancien président de l'agence considère que son principal désaccord stratégique avec le Gouvernement concerne son modèle économique 61 ( * ) , qui n'a pas encore été trouvé, et qui implique selon lui une remise à plat de l'ensemble des acteurs du service public. Il a également réclamé un investissement accru en matière d'équipement numérique ainsi que le maintien d'un maillage territorial homogène.

Votre rapporteur pour avis forme donc le voeu que la direction de l'agence mette en place un plan de développement ambitieux, en accord avec ses tutelles et après concertation avec les syndicats, afin d'assurer la pérennité de son activité. Pour mémoire, la dotation de l'État ne représente qu'une faible partie du chiffre d'affaires de l'agence : en 2016, pour un chiffre d'affaires de 737 millions, la commande publique passée par les collectivités territoriales et les organismes institutionnels s'est élevée à 447 millions, tandis que le marché des entreprises représentait 65 millions d'euros. Autrement dit, l'agence doit donner la priorité au marché de la formation professionnelle si elle ne souhaite pas être réduite à ses missions de service public.

Au 1 er janvier 2018, avec un semestre de retard, les deux filiales prévues par l'ordonnance du 10 novembre 2016 seront opérationnelles : 358 salariés seront transférés dans la filiale « accès à l'emploi », tandis que 223 seront transférés dans la filiale « entreprises et salariés », les formateurs restant au sein de l'agence. Début 2018, l'agence devra présenter en même temps son modèle de développement et son contrat de performances et d'objectifs, optimiser la comptabilité analytique de ses coûts et se prononcer sur l'avenir de certains de ses 165 centres. La direction devra veiller à convaincre ses ministères de tutelle de la pertinence de ses choix stratégiques puis à les expliquer à son personnel dans un climat social apaisé, pour mener à bien la mue de l'agence, qui est aujourd'hui à la croisée des chemins.

E. L'EXPÉRIMENTATION DES EMPLOIS FRANCS : UN COÛT EXORBITANT POUR UNE EFFICACITÉ DOUTEUSE

1. Le projet initial porté par les députés et adopté en commission a finalement été écarté

Le 30 octobre 2017, un amendement déposé par notre collègue Monique Iborra et plusieurs de ses collègues de la République en marche a été adopté en commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, contre l'avis du rapporteur pour avis Stéphane Viry. Cet amendement visait à lancer dès 2018 l'expérimentation de 20 000 emplois francs dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville 62 ( * ) . Un amendement identique a été déposé en séance publique par les mêmes auteurs 63 ( * ) .

A la demande du Gouvernement, ces deux amendements identiques ont été retirés par leurs auteurs en séance publique (voir infra ).

Traduisant un engagement de campagne du Président de la République, le dispositif proposé devait permettre à une entreprise, quelle que soit sa localisation, de bénéficier d'une prime pour l'embauche d'un habitant d'un quartier prioritaire de la politique de la ville. Pour une embauche en CDI , cette prime aurait été de 15 000 euros , versée en trois fois sur les trois premières années , ce qui équivaudrait à une exonération totale de charges. Pour une embauche en CDD , la prime se serait élevée à 5 000 euros et aurait été versée en deux fois pendant deux ans .

Le déploiement du dispositif était prévu à titre expérimental dans quelques zones pilotes, avant sa généralisation dès 2019, assortie le cas échéant d'adaptations juridiques.

Une circulaire de la ministre du travail était censée préciser les modalités de gestion du dispositif, et prévoir notamment un appel à projet national pour « impliquer des opérateurs publics et privés dans la mise en relation des entreprises, des demandeurs d'emploi et des administrations » 64 ( * ) .

L'enveloppe financière du dispositif était estimée à 60 millions d'euros en dépenses d'intervention et à 4 millions en dépenses de fonctionnement, afin de financer 10 heures de suivi par emploi franc.

Ce financement était gagé par une diminution des crédits en AE et CP de tous les autres programmes de la mission « travail et emploi » 65 ( * ) .

2. Le projet du Gouvernement retenu à l'Assemblée nationale est moins ambitieux mais reste flou tandis que son efficacité n'est pas garantie

Deux amendements du Gouvernement ont été adoptés mercredi 8 novembre 2017 en séance publique.

Le premier 66 ( * ) , qui crée un article 66  dans la seconde partie du PLF, prévoit le déploiement des emplois francs à titre expérimental entre le 1 er avril 2018 et le 31 décembre 2019 . Ils bénéficieront aux entreprises disposant d'un établissement en France qui embauchent, en CDI ou en CDD d'au moins six mois , un demandeur d'emploi résidant dans l'un des quartiers prioritaires de la politique de la ville retenu dans l'expérimentation. L'article renvoie à un décret le soin de préciser les conditions de mise en oeuvre des emplois francs. Le Gouvernement devra par ailleurs remettre au Parlement un rapport d'évaluation de l'expérimentation au plus tard le 15 septembre 2019 .

Selon votre rapporteur pour avis, il n'était vraisemblablement pas nécessaire de prévoir une disposition législative pour autoriser l'expérimentation des emplois francs, car les autres dispositifs d'aides à l'embauche ont tous été mis en place par décret . En revanche, la voie législative permet de clarifier les intentions du Gouvernement, même si plusieurs éléments essentiels du dispositif, comme le montant des aides, seront définis par règlements.

Outre deux amendements rédactionnels du rapporteur pour avis, un troisième amendement de clarification juridique du même auteur a été adopté pour préciser que les quartiers prioritaires de la politique de la ville devaient être les mêmes que ceux définis à l'article 5 de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

L'exposé des motifs de l'amendement du Gouvernement reprend les mêmes niveaux d'aide que ceux évoqués par les députés : 15 000 euros pour un CDI versés en trois fois et de 5 000 euros pour un CDD de plus de six mois versés en deux fois.

Afin de tirer les conséquences budgétaires de cet amendement, un second amendement 67 ( * ) du Gouvernement a été adopté pour préciser que l'expérimentation nécessite une enveloppe de 11,7 millions d'euros en CP mais 180 millions en AE , uniquement pour l'année 2018 . Contrairement à l'amendement adopté en commission, celui du Gouvernement ne prévoit pas de diminution à due concurrence des crédits pour les autres dispositifs de la mission.

Le Gouvernement précise par ailleurs que le coût global de l'expérimentation « est évalué à ce stade à 458 millions d'euros en AE et 307 millions en CP sur la période 2018-2022 » 68 ( * ) . En effet, même si l'expérimentation ne débouche pas sur une généralisation, toutes les demandes acceptées engagent l'État pendant deux voire trois ans selon la nature du contrat de travail concernée 69 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis regrette les hésitations de la majorité présidentielle , qui a souhaité précipiter la mise en oeuvre de l'expérimentation des emplois francs dès 2019, au lieu de 2020 comme s'y était engagé le Président de la République lors de la campagne électorale. Ce faisant, la période d'expérimentation initialement défendue par les députés apparaissait bien trop courte, moins d'un an, pour procéder à une véritable évaluation avant sa généralisation. La période finalement retenue d'un an et demi apparaît un peu plus raisonnable, même si elle est également trop restreinte, compte tenu de la durée de versement des aides (3 ans pour un CDI).

Votre rapporteur pour avis prend acte de la volonté du Gouvernement de tirer les conséquences de l'échec des emplois francs expérimentés par le précédent exécutif. L'expérimentation lancée en 2013 avait été interrompue précipitamment dès octobre 2014 car elle avait abouti à la signature de seulement 280 contrats, alors que l'objectif était la conclusion de 2 000 contrats en 2013 et de 10 000 pendant trois ans. Le dispositif consistait à l'époque à verser en deux fois une aide financière d'un montant de 5 000 euros : la moitié était versée à la fin de la période d'essai,
l'autre moitié après 10 mois de CDI. L'aide était accordée à toute entreprise embauchant en CDI un jeune âgé de 15 à 30 ans, résidant en zone urbaine sensible (ZUS) depuis plus de six mois et cumulant plus d'un an de chômage au cours des 18 derniers mois. La ministre du travail a annoncé mercredi 8 novembre dernier en séance publique à l'Assemblée nationale que la nouvelle aide « sera plus importante pour les CDI » que pour les CDD, que « l'accompagnement sera renforcé », que l'« insertion dans les contrats de droit commun avec un engagement durable » sera une priorité, et que l'expérimentation concernera « quatre ou cinq groupes de quartiers ».

Votre rapporteur craint toutefois que le dispositif, dont le coût est exorbitant, n'entraîne un effet d'aubaine majeur, et soit contradictoire avec le souhait du Gouvernement de supprimer les contrats aidés dans le secteur marchand. De fait, aucune condition de diplôme ou d'âge n'est exigée pour bénéficier d'un emploi franc, de même qu'aucun secteur d'activité n'est ciblé : seul compte le lieu de résidence du salarié . Lors des débats budgétaires le 8 novembre dernier, la ministre du travail a indiqué que « l'aide sera ciblée sur le quartier et non sur l'emploi, qui pourra être proposé ailleurs afin que nul ne soit assigné à résidence dans son quartier pour ainsi dire ». La future expérimentation risque donc d'avoir l'effet pervers inverse de celle réalisée en 2013, qui était trop ciblée 70 ( * ) .

En somme, si le dispositif est utilisé massivement, le risque est grand que l'effet d'aubaine soit majeur, comme pour les aides à l'embauche dans les PME, avec des conséquences néfastes pour les finances publiques (un demi-milliard d'euros uniquement pour l'expérimentation), compte tenu de la durée des aides (entre deux et trois ans) et de leur montant (jusqu'à trois fois le niveau de l'aide à l'embauche dans les PME). A l'inverse, si le dispositif ne séduit pas les entreprises, le dispositif périclitera et connaîtra le sort peu enviable des contrats de génération. Compte tenu de l'absence de critères restrictifs décidée par le Gouvernement pour cette nouvelle mouture des emplois francs, c'est plutôt la première branche de l'alternative qui est la plus probable. En tout état de cause, votre rapporteur pour avis exprime ses doutes sérieux sur la pertinence d'expérimenter les emplois francs compte tenu des lignes directrices retenues par le Gouvernement.

C'est pourquoi votre commission a adopté l'amendement n° II-270 de votre rapporteur pour avis tendant à diviser par deux les crédits de paiement et les autorisations d'engagement dédiés à l'expérimentation l'an prochain.

IV. LES AUTRES PROGRAMMES DE LA MISSION ET LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « APPRENTISSAGE » : UN BUDGET DE TRANSITION

A. LE PROGRAMME 111 « AMÉLIORATION DE LA QUALITÉ DE L'EMPLOI ET DES RELATIONS DU TRAVAIL » : DES CRÉDITS EN HAUSSE POUR FINANCER LA FORMATION DES CONSEILLERS PRUD'HOMMES ET DES DÉFENSEURS SYNDICAUX

Les crédits de paiement de ce programme s'élèveront à 86,5 millions l'an prochain, en hausse de 6 millions par rapport à cette année.

Si les crédits dédiés à la santé et à la sécurité au travail resteront stables (24 millions), ceux consacrés à la qualité et à l'effectivité du droit doubleront (24 millions contre 11,4 millions). Cette hausse s'explique par deux raisons. D'une part, le déploiement des défenseurs syndicaux 71 ( * ) , chargés depuis la promulgation de la loi « croissance et activité » du 6 août 2015 72 ( * ) d'assister et de représenter les parties devant les conseils de prud'hommes et les cours d'appel, nécessite une nouvelle enveloppe budgétaire de 7,8 millions d'euros. Cette enveloppe financera le maintien de leurs salaires pendant l'exercice de leurs mandats ainsi que leurs formations. D'autre part, le PLF pour 2018 prévoit un effort supplémentaire de 6 millions (soit 13,7 millions au total) pour assurer la formation des conseillers prud'hommes , compte tenu du renouvellement des 14 512 sièges prévus en décembre prochain.

Ce renouvellement apparaît plus compliqué que prévu car 833 sièges pourraient rester vacants (dont 549 du côté patronal), soit 6 % du nombre de sièges à pourvoir. Selon un décompte effectué par le ministère de la justice, au 24 octobre 2017, 77 sections, réparties sur 59 conseils de prud'hommes (sur un total de 210 conseils en France), ne pourront pas être en état de fonctionner car le nombre de 3 conseillers par section et par collège ne serait pas atteint. Il existe néanmoins trois voies pour assurer la continuité du service public de la justice prud'homale. Tout d'abord, en cas de difficultés provisoires de fonctionnement d'une section, des conseillers d'autres sections peuvent lui être affectés par le président du conseil 73 ( * ) . Ensuite, en cas d'impossibilité de constituer ou de faire fonctionner une section, le président de la cour d'appel peut désigner les sections chargées de traiter ses affaires 74 ( * ) .

Enfin, en cas de graves difficultés de fonctionnement dans un conseil de prud'hommes, le Premier président de la cour d'appel peut désigner un ou plusieurs juges professionnels pour connaître des affaires inscrites à son rôle 75 ( * ) . Les difficultés rencontrées dans la constitution de certaines sections s'expliquent notamment par l'existence de règles surannées sur le découpage des conseils en sections (celles compétentes pour l'agriculture sont moins chargées que celles portant sur l'industrie), aux difficultés rencontrées par le ministère du travail pour calculer la représentativité patronale au niveau départemental et enfin au manque d'anticipation des partenaires sociaux, qui ont peiné à proposer des candidates en vertu du principe de parité 76 ( * ) .

En revanche, les crédits de paiement affectés au dialogue social et à la démocratie sociale passeront de 42,4 à 38,4 millions. Cette diminution des crédits s'explique exclusivement par la fin de la première mesure de la représentativité patronale et de la troisième mesure de l'audience syndicale (2016-2020), qui ont toutes les deux eu lieu en 2017. Les dépenses d'intervention visant à financer le paritarisme et les formations syndicales, ainsi que le développement de la négociation collective, resteront stables. En revanche, les autorisations d'engagement consacrées au dialogue social passeront logiquement de 5,5 à 106,5 millions en raison de l'engagement du nouveau cycle des conventions triennales liées au paritarisme et à la formation syndicale.

B. LE PROGRAMME 155 « CONCEPTION, GESTION ET ÉVALUATION DES POLITIQUES DE L'EMPLOI ET DU TRAVAIL » : LA POURSUITE DE LA DIMINUTION DES EFFECTIFS

Les crédits de paiement de ce programme s'élèveront à 682 millions l'an prochain, en contraction de 51 millions , en raison notamment de la diminution des crédits dédiés :

- aux affaires immobilières (- 21 millions) ;

- aux personnels transversaux et de soutien (- 19 millions) ;

- aux systèmes d'information (- 10 millions).

Le nombre d'emplois rémunérés par le programme passera de 9 523 équivalents temps plein travaillé (ETPT) cette année à 9 251 l'an prochain, soit une baisse de 272 ETPT . À périmètre constant, les effectifs poursuivront leur décrue dans les années à venir, pour atteindre 9 015 ETPT en 2019 et 8 785 en 2020.

Cette baisse s'explique essentiellement par la diminution drastique du nombre d'agents de catégorie B techniques (- 593 en un an, soit 1 835 l'an prochain), qui efface l'augmentation du nombre d'agents de catégorie A techniques (+ 406, soit 2 639 en 2018).

Au total, l'administration centrale devrait accueillir l'an prochain 1 078 agents, tandis que les services déconcentrés regrouperaient tous les autres agents, soit plus de 8 000.

Par ailleurs, votre rapporteur pour avis constate que le plan de transformation des emplois de contrôleurs du travail en inspecteurs , issu du projet « Ministère fort », poursuit son déploiement depuis 2014 et a produit des effets contrastés .

Le plan a conduit à la promotion de 540 contrôleurs du travail sur la période 2013-2015, et il concernera 750 agents sur la période 2016-2019, pour un coût global estimé à 3 millions d'euros sur la période 2013-2019.

Selon les réponses du Gouvernement au questionnaire budgétaire, en 2012, on comptait 4 915 agents de contrôle, dont 1 713 inspecteurs et 3 202 contrôleurs. En 2016, on compte 4 280 agents, dont 2 374 inspecteurs et 1 906 contrôleurs.

Si l'on considère maintenant les agents chargés effectivement du contrôle des entreprises (en unité de contrôle le plus souvent), on en comptait 2 211 en 2012 (783 inspecteurs et 1 428 contrôleurs). Quatre ans plus tard, ils sont 2 461 (1 716 inspecteurs et 745 contrôleurs).

La réforme s'est donc traduite, entre 2012 et 2016, par une baisse du nombre total d'inspecteurs et de contrôleurs du travail (- 13 %) assortie d'une hausse du nombre d'agents affectés au contrôle des entreprises (+ 11,3 %) .

C. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « APPRENTISSAGE » : UNE LÉGÈRE HAUSSE DE SES RESSOURCES

Si le compte d'affection spéciale relatif au financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage pour 2018 s'inscrit dans la continuité des précédents exercices budgétaires, et devrait être remanié l'an prochain à la suite de la réforme de l'apprentissage attendue au printemps 2018.

Le compte bénéficiera de 1,63 milliard l'an prochain de recettes, soit 59 millions de plus qu'en 2017.

Ces recettes sont constituées exclusivement de la fraction régionale pour l'apprentissage, qui s'élève à 51 % du produit de la taxe d'apprentissage 77 ( * ) .

Les dépenses du compte comprennent deux volets . Le premier vise à subventionner l'apprentissage dans les différentes régions, en fonction d'une clef de répartition fixée par la loi. Cette répartition régionale de la ressource consacrée au développement de l'apprentissage représente 86 % des dépenses du compte (1,39 milliard, en baisse de 4 millions) 78 ( * ) . Le second volet vise à corriger financièrement les disparités régionales de la taxe d'apprentissage et à donner des incitations au développement de l'apprentissage (243 millions, en augmentation de 63 millions). Cette correction consiste à répartir entre régions le solde de la fraction régionale pour l'apprentissage après versement de la part fixe 79 ( * ) .

Soucieux de faire de l'apprentissage une voie de réussite et de lutter contre le chômage des jeunes, votre rapporteur pour avis veillera à ce que la prochaine réforme annoncée par le Gouvernement pour le printemps prochain accorde plus de place aux branches professionnelles dans l'élaboration des référentiels des diplômes sans remettre en cause les prérogatives des régions. Les branches professionnelles ne peuvent pas piloter seules cette formation initiale, compte tenu de leur grand nombre, de leurs faibles ressources humaines et du peu d'appétence pour l'apprentissage des partenaires sociaux dans certains secteurs d'activité. La restructuration du paysage conventionnel, que votre rapporteur pour avis soutient, prendra encore plusieurs années, tandis que les exécutifs régionaux viennent à peine de se mettre en ordre de marche après la réforme territoriale. Un pilotage national de l'apprentissage doit donc être instauré, associant les partenaires sociaux, les ministères concernés et les régions, sur le modèle allemand.

Par ailleurs, même si l'article 19 du présent PLF n'est pas rattaché à la mission « travail et emploi », ses implications sur l'apprentissage ne sont pas neutres selon votre rapporteur pour avis, compte tenu de la baisse des ressources des chambres consulaires qu'elle entraîne 80 ( * ) .
En particulier, cet article prévoit de plafonner à 226 millions le produit de la taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (TA-CVAE) qui sera affectée en 2018 aux chambres de commerce et de l'industrie (CCI), alors que ce plafond était de 376 millions en 2016 et 2017 et même de 819 millions en 2013. Cette nouvelle baisse de 150 millions des ressources des CCI fait suite à des prélèvements ponctuels de 500 millions en 2015 et 170 millions en 2014, qui ont fortement perturbé la gestion des chambres. Tout en confirmant la volonté du Gouvernement de faire participer les chambres à l'effort budgétaire de l'État, le rapporteur général de l'Assemblée nationale a souhaité que « la baisse de plafond puisse se faire en distinguant les situations financières des différentes chambres » 81 ( * ) , à travers une hausse de 20 millions de la dotation du fonds de péréquation des CCI 82 ( * ) . Votre rapporteur pour avis partage cette volonté et souligne également l'engagement du Gouvernement de ne plus abaisser le plafond de la TA-CVAE dans les années à venir. Votre rapporteur pour avis rappelle à cet égard que les CCI sont responsables d'un tiers des centres de formations d'apprentis en France, et que la réduction de leurs ressources pourrait avoir in fine des conséquences néfastes sur le développement de l'apprentissage. Enfin, dans l'intérêt des entreprises et des apprentis, votre rapporteur pour avis serait favorable à un rapprochement voire à une fusion du réseau des CCI et de celui des chambres des métiers et de l'artisanat (CMA) 83 ( * ) , à condition d'une réflexion préalable approfondie, transparente et équitable associant les différentes parties prenantes.

Lors de sa réunion du 29 novembre 2017, suivant la proposition de son rapporteur pour avis, la commission des affaires sociales a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « travail et emploi », sous réserve de l'adoption de l'amendement divisant par deux les crédits de paiement et les autorisations d'engagement consacrés l'an prochain à l'expérimentation des emplois francs , et un avis favorable à l'adoption du compte d'affectation spéciale « apprentissage ».

TRAVAUX DE LA COMMISSION

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AUDITION DE MME MURIEL PÉNICAUD, MINISTRE DU TRAVAIL

M. Alain Milon , président . - Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail, a bien voulu venir nous présenter les crédits de la mission « travail et emploi » tels qu'ils figurent au projet de loi de finances pour 2018. Cette mission représente quelque 15 milliards d'euros, auxquels s'ajoute plus de 1,5 milliard au titre du compte d'affectation spéciale « financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage ». Le projet de budget traduit plusieurs inflexions de la politique de l'emploi, avec la diminution du nombre de contrats aidés et la non-reconduction de certains dispositifs. Au-delà de l'évolution des dotations, nous souhaiterions que vous puissiez préciser les orientations qui ont inspiré le Gouvernement, et que vous entendez mettre en oeuvre en 2018 et les années ultérieures. Notre rapporteur pour avis, Michel Forissier, et les membres de la commission vous poseront ensuite leurs questions.

Mme Muriel Pénicaud, ministre . - L'année 2018 constitue indéniablement un tournant important pour la mission « travail et emploi », car elle traduira de manière cohérente sur le plan budgétaire notre volonté de rénover en profondeur le modèle social français. Elle comprend des inflexions fortes, avec pour objectif de libérer les énergies des entreprises afin qu'elles investissent et créent de l'emploi.

La mission reflète ainsi l'ambition des chantiers que nous avons engagés. Une première étape a été franchie avec la publication des ordonnances le 22 septembre dernier. Elles seront soumises prochainement à votre ratification. En sillonnant la France depuis leur publication, j'ai rencontré plus de 3 000 chefs d'entreprise et constaté l'effet psychologique réel qu'elles produisaient dans les PME. Le regain de confiance est en train de vaincre la peur d'embaucher.

Ce climat sera consolidé par la réforme de l'assurance chômage, de la formation professionnelle et de l'apprentissage que je défendrai devant vous au printemps prochain.

C'est dans ce contexte que se situe le budget de la mission « travail et emploi », stable par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, autour de 15,2 milliards d'euros.

Il s'agit d'un budget de transformation car il rompt clairement avec la logique de traitement statistique du chômage pour basculer vers une politique d'insertion durable dans l'emploi des publics qui en sont le plus éloignés, notamment les jeunes.

Ce changement majeur se traduit par des choix assumés de réallocation de moyens.

Premièrement, nous consentirons un effort financier d'une ampleur sans précédent dans la transformation des compétences, incluant les formations qualifiantes et les compétences numériques, via le plan d'investissement dans les compétences (PIC) doté de 15 milliards d'euros sur cinq ans pour former et accompagner un million de demandeurs d'emploi peu qualifiés et un million de jeunes décrocheurs à l'horizon de 2022.

Au moment où la croissance repart, la pire des situations serait que, d'un côté, les entreprises n'arrivent pas à profiter de la croissance, faute de compétences, et que, de l'autre, les demandeurs d'emploi et les jeunes, par manque de qualification, ne puissent trouver un emploi. D'où la nécessité d'investir dans des réformes structurelles. Dès l'an prochain, nous engagerons un effort majeur en matière de formation avec 1,25 milliard d'euros en autorisations d'engagement et un triplement des crédits de paiement dédiés à cette politique. En outre, nous viserons le seuil de 100 000 bénéficiaires de la garantie jeunes, dispositif qui a bien démarré et que nous souhaitons amplifier.

Deuxièmement, nous mettrons l'innovation sociale au service de la lutte contre l'exclusion du marché du travail. C'est le sens de la mission que j'ai confiée à Jean-Marc  Borello, président du groupe SOS, qui me rendra ses conclusions d'ici à la fin de l'année.

Dans ce contexte, les dispositifs d'insertion efficaces seront soutenus et leur ciblage renforcé.

Ainsi, le Gouvernement a décidé d'accélérer très nettement la création des emplois francs, mettant en oeuvre un engagement de campagne du Président de la République. Ce dispositif permettra d'aider les personnes plutôt que les territoires, pour lutter contre les discriminations à l'embauche et l'assignation à résidence. Vous le savez, on a moins de chance d'accéder à l'emploi quand on habite certains quartiers. Nous devons donc lutter contre cette discrimination négative.

Concrètement, toute entreprise ou toute association, où qu'elle soit située, bénéficiera d'une prime de 15 000 euros sur trois ans pour l'embauche en CDI ou de 5 000 euros pendant deux ans pour une embauche en CDD d'un habitant d'un des quartiers prioritaires de la politique de la ville choisis, soit l'équivalent de neuf mois de salaires et de charges pour un emploi au SMIC.

Nous avons ciblé cette mesure sur les territoires où elle est destinée à provoquer les changements les plus rapides et les plus puissants : la Seine-Saint-Denis ; l'agglomération d'Angers ; la communauté d'agglomération Val de France et celle de Cergy-Pontoise dans le Val-d'Oise ; le territoire Grand Paris Sud, englobant Grigny et Évry ; et une partie des métropoles de Marseille et de Lille. Près du quart des demandeurs d'emploi de l'ensemble des quartiers prioritaires seront ainsi éligibles au dispositif dès 2018.

À cette fin, 180 millions d'euros en autorisations d'engagement supplémentaires ont été imputés pour 2018 sur le programme 103 « accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », via l'adoption de deux amendements du Gouvernement en séance à l'Assemblée nationale.

Nous arrêterons les contrats aidés dans le secteur marchand : avec la reprise de la croissance, le dispositif pourrait créer un effet d'aubaine. En revanche, les 200 000 contrats aidés non marchands, programmés en 2018 pour un montant de 1,45 milliard d'euros, seront réservés aux employeurs qui mèneront une véritable politique d'accompagnement et de formation, permettant de sortir durablement leurs bénéficiaires de la précarité. De telles exigences n'existaient pas jusqu'à présent pour les emplois aidés. Nous étions donc confrontés à une diversité de situations. Certaines associations et communes réalisaient un véritable travail d'accompagnement, avec des résultats positifs pouvant atteindre 60 %, alors que sur certains territoires l'insertion était proche de zéro.

En outre, en 2017, l'effort exceptionnel en faveur du financement de près de 71 000 aides au poste pour le secteur de l'insertion par l'activité économique sera consolidé et s'élèvera à 822 millions d'euros en 2018.

Si l'on compte également les exonérations spécifiques dont bénéficient les associations intermédiaires et les chantiers d'insertion, l'effort de l'État sera supérieur à 1 milliard d'euros et permettra à environ 140 000 personnes d'être accompagnées dans leur parcours vers l'emploi.

Les dispositifs spécifiques aux travailleurs en situation de handicap s'établissent à ce stade à 377 millions d'euros, en légère hausse par rapport à la LFI 2017. À l'occasion du débat budgétaire à l'Assemblée nationale, j'ai bien noté que les représentants du secteur s'inquiètent du projet de loi de finances qui prévoit la création de 1 000 aides au poste ainsi qu'une révision du mode de financement des entreprises adaptées à compter du 1 er juillet.

Mon cabinet échange actuellement avec les représentants du secteur sur les évolutions nécessaires. À l'heure actuelle, il existe trois lignes budgétaires différentes pour le même objet, ce qui nuit à la visibilité de l'action de l'État. Nous voulons réviser et simplifier le mode de financement par l'État des entreprises adaptées par l'État, définir des règles pour inciter les travailleurs handicapés à rendre plus dynamique leurs parcours professionnels comme la valorisation des compétences, leur promotion en interne, ou encore la mobilité au sein de la structure elle-même ou vers d'autres entreprises.

Les entreprises adaptées sont un modèle original d'entreprises ordinaires « inclusives ». Pour elles plus que pour d'autres, le principal enjeu est de concilier progrès social lié à l'insertion sociale des personnes en situation de handicap et performance économique. Ces entreprises peuvent être un tremplin vers l'emploi durable. Des effets sont attendus en 2019 ; en 2018, nous visons plutôt la stabilisation.

Enfin, les budgets de fonctionnement des missions locales des établissements pour l'insertion dans l'emploi (Épide) ou encore des écoles de la deuxième chance, qui obtiennent de bons résultats, sont stabilisés à 285 millions d'euros.

En ce qui concerne l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), la subvention est stable à 110 millions d'euros. Nous avons dû accorder des crédits supplémentaires pour la fin de l'année. Nous travaillerons dans les prochains mois à un plan stratégique sur le moyen et le long terme car l'Afpa a besoin de davantage de visibilité.

En ce qui concerne les maisons de l'emploi, leur financement a été légèrement réévalué à l'Assemblée nationale pour atteindre 12 millions d'euros en 2018, de façon à accompagner le retrait de l'État. Ce dispositif n'est en effet pas une priorité nationale, même s'il n'est pas inutile. De ce point de vue, nous nous inscrivons, chose rare, dans la continuité du gouvernement précédent.

Cette mission participe pleinement à l'action du Gouvernement en faveur du pouvoir d'achat et de la baisse du coût du travail. Elle compense ainsi plus de 4,5 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales qui bénéficient à des secteurs d'activité nécessitant un effort particulier de l'État.

Ce budget de transformation se traduit aussi par des ajustements. En termes de périmètre, d'abord, puisque la mission « travail et emploi » accueillera en 2018 l'allocation de solidarité spécifique (ASS) dotée de 2,4 milliards d'euros. Son financement sera désormais pleinement assuré par le budget de l'État, sans perte pour les bénéficiaires.

De même, bien que la dotation de l'État à Pôle emploi -10 % des programmes 102 et 103- évolue à la baisse, elle sera plus que compensée par les ressources dynamiques assises sur la masse salariale, versées par l'Unédic.

Nous engagerons dans les prochains mois avec l'Unédic et Pôle emploi des discussions pour fixer le cadre d'une nouvelle convention tripartite et pluriannuelle pour Pôle emploi. Les objectifs et moyens de Pôle emploi seront ainsi examinés à l'aune des réformes que je souhaite défendre d'ici à la fin de l'année 2018.

Ce budget est en phase avec notre volonté d'apporter une attention particulière au dialogue social et à la situation des entreprises : 112 millions d'euros seront notamment provisionnés pour le dispositif d'activité partielle.

Les services déconcentrés de l'État bénéficieront de 52 millions d'euros pour leurs interventions en matière d'appui aux filières, aux branches et aux entreprises.

En outre, le fonds de financement des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d'employeurs sera abondé par une subvention stable de l'État, à hauteur de 97,8 millions d'euros.

Avec 13,7 millions d'euros, le financement de la formation des conseillers prud'hommes est doublé afin d'appuyer le renouvellement des 14 512 conseillers prud'hommes. Les crédits dédiés à la santé et à la sécurité au travail s'élèvent à 24,1 millions d'euros.

Enfin, mon département ministériel comptera l'an prochain 9 250 emplois en administration centrale et dans les services déconcentrés, soit une légère réduction des effectifs. Je salue à cette occasion le travail au quotidien de ces femmes et de ces hommes ; l'évolution de leurs missions sera au coeur du chantier interministériel « Action Publique 2022 ».

La mission « travail et emploi » s'inscrit donc dans le triptyque « protéger, libérer, investir ». L'objectif est d'accompagner les réformes profondes et nécessaires en cours. Ce budget nous permettra de saisir pleinement les opportunités offertes par le retour de la croissance en mettant le pied à l'étrier à de très nombreux jeunes, aux demandeurs d'emploi et aux personnes les plus fragiles, tout en répondant aux besoins de recherche de compétences et donc de développement des entreprises françaises.

M. Alain Milon , président . - Avant de passer la parole au rapporteur pour avis, je vous informe que nous entendrons mardi prochain, à quatorze heures trente, Jean  Bassères, directeur général de Pôle emploi, en vue de sa reconduction à ses fonctions.

M. Michel Forissier , rapporteur pour avis. - Votre exposé, madame la ministre, apporte des éclaircissements sur certains points que je souhaitais aborder.

S'agissant des contrats aidés, les acteurs du monde associatif ont besoin de pédagogie et de vision à moyen terme pour adapter leurs comportements. Combien de contrats le Gouvernement souhaite-t-il financer chaque année pendant le quinquennat ? La cible de 200 000 contrats sera-t-elle maintenue l'an prochain ?

Le Gouvernement a choisi de fixer aux préfets quatre priorités pour prescrire des contrats aidés : l'accompagnement des enfants handicapés en milieu scolaire, l'urgence sanitaire et sociale, l'outre-mer et les communes rurales. Or les responsables d'Emmaüs, que j'ai rencontrés hier, sont très inquiets sur la pérennité de leurs quatre-vingts comités d'amis qui emploient encore aujourd'hui 600 contrats aidés. Pourquoi ne pas fixer comme cinquième priorité la qualité de l'accompagnement offert aux personnes les plus éloignées de l'emploi ? Le Gouvernement pourrait ainsi encourager les associations qui ont des résultats sur le terrain.

Les préfets ont déjà fait connaître leurs intentions. Dans certains secteurs, ils accordent davantage de contrats que ce qui est demandé alors qu'ils n'en offrent aucun aux associations dans d'autres. Le Gouvernement devrait donner des instructions pour mettre l'accent sur cette priorité.

J'ai eu l'honneur d'être rapporteur de la loi ratifiant l'ordonnance qui modifiait le statut de l'Afpa. Les différents groupes du Sénat avaient bien souligné que le changement de statut ne suffirait pas à résoudre ses problèmes. Nous avons une difficulté en ce qui concerne la pyramide des âges mais il y a aussi un problème culturel : il n'est pas évident pour le personnel de passer du statut associatif à celui d'établissement public. Suite à la vacance du poste de président de l'Afpa, quel sera le profil du nouveau président de l'agence ?

Le Gouvernement souhaite développer les emplois francs. Il semble tirer les leçons de l'échec de 2013 en ouvrant davantage le dispositif et en retenant très peu de critères. L'aide sera en effet accordée à toute entreprise qui embauche en CDI ou en CDD de plus de six mois un demandeur d'emploi qui réside dans un quartier prioritaire de la politique de la ville. Aucune condition de diplôme ni d'âge n'est exigée et aucun secteur d'activité n'est ciblé. Ne trouvez-vous pas excessif le coût global de cette expérimentation, évalué par vos services à 458 millions d'euros en autorisations d'engagement et à 307 millions d'euros en crédits de paiement ?

Concernant la réforme de l'apprentissage, quelle place faut-il accorder aux régions et aux branches professionnelles ? Les régions n'ont-elles pas un rôle essentiel de pilotage à jouer afin d'assurer une égalité de traitement entre les citoyens à travers une forme de péréquation entre branches ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre . - Il existe des priorités géographiques et thématiques en ce qui concerne les contrats aidés. Les priorités géographiques sont l'outre-mer, les communes rurales et les quartiers prioritaires de la politique de la vile. Parmi les priorités thématiques, figure l'accompagnement des élèves handicapés. Nous avons voulu assurer la rentrée scolaire, mais un plan d'intégration est mis en place au sein de l'Éducation nationale où la logique est un peu différente : ce ne sont pas les personnes en difficulté qui ont vocation à accompagner les élèves handicapés.

Il existe une priorité dans le secteur social et sanitaire, notamment pour accompagner l'insertion, l'apprentissage des codes sociaux, la formation. Le secteur associatif, très mobilisé sur les publics les plus en difficulté, possède une expertise qu'il faut valoriser. Il est choquant de constater que certaines structures recourent systématiquement aux contrats aidés, qui sont par nature des contrats précaires, pour répondre à des besoins durables. Les préfets, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) et Pôle emploi devront se livrer à une appréciation qualitative pour identifier les secteurs où des contrats aidés doivent être prescrits. Une circulaire sera adressée très prochainement en ce sens aux différents services.

Nous privilégions désormais une approche qualitative nous ne supprimons que les contrats aidés dans le secteur marchand. L'investissement doit être efficace pour les personnes concernées. Le pire serait d'engendrer de faux espoirs en ne créant que des emplois précaires alors que les personnes sont désireuses de réintégrer le marché du travail. Le contrat aidé est un sas et non une fin en soi : il doit être efficace et déboucher sur un emploi durable. L'année 2018 nous permettra de mieux calibrer le volume des contrats aidés les années suivantes.

Les investissements massifs en matière de qualification et d'apprentissage doivent permettre notamment aux jeunes non diplômés de s'orienter vers une formation qualifiante, préférable aux contrats aidés : la meilleure protection contre le chômage, c'est la compétence.

Le marché du travail va mieux mais nous devons veiller à ne pas substituer de l'emploi aidé à de l'emploi réel.

Les associations bénéficieront l'an prochain d'aides financières importantes via le crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires, soit environ 500 millions d'euros en 2018. En 2019, elles bénéficieront de la transformation en baisse de charges du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), soit près de 1,5 milliard d'euros. Quoi qu'il en soit, il faut bien distinguer la problématique du financement des associations de celle de l'accès à l'emploi pour les personnes en difficulté.

La transformation de l'Afpa en établissement public au 1 er janvier 2018 constitue un changement culturel majeur. Vous avez évoqué la pyramide des âges ; mais les missions de l'Afpa ont aussi évolué car le monde de la formation et les besoins ont changé.

L'Afpa n'exerce pas que des missions de service public mais elle est aujourd'hui trés concurrencée par des organismes privés. Vous m'avez interrogée sur le profil du nouveau président. Celui-ci sera nommé prochainement ; il ne devra pas s'occuper de l'opérationnel mais devra animer la réflexion stratégique du conseil d'administration.

En ce qui concerne les emplois francs, l'expérimentation coûte assez cher, sauf si elle fonctionne ! L'idée est de toucher 25 % de ces quartiers et d'obtenir un effet de masse. Il est important de démontrer que ce n'est pas parce qu'on habite tel ou tel quartier qu'on a moins de chance d'avoir un emploi. Il faut créer une dynamique pour prouver que la vision a changé. Aujourd'hui, le taux de chômage est deux fois plus important dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville qu'ailleurs. Nous devons donc engager une action assez vigoureuse si nous voulons des résultats. Avant de généraliser le dispositif en 2020, le Gouvernement remettra un rapport au Parlement.

Effectivement, les critères retenus sont peu restrictifs, preuve qu'il est possible d'apprendre des erreurs des autres. De trop nombreux critères avaient été retenus en 2013. Du coup, moins de 300 personnes ont pu bénéficier du dispositif sur la France entière ! Nous souhaitons pour notre part produire un effet de masse. Il n'y a aucune raison notamment de prévoir des discriminations selon l'âge.

En ce qui concerne la réforme de l'apprentissage, vous m'avez demandé quelle place il fallait accorder aux régions et aux branches. À l'heure actuelle, notre pays compte seulement 7 % d'apprentis parmi les 16-26 ans. Pourtant, même si son image est négative auprès de certains de nos concitoyens, l'apprentissage est une voie de réussite : 69 % des apprentis ont un contrat de travail après six mois de recherche. De plus, les pays européens les moins frappés par le chômage de masse des jeunes ont tous développé l'apprentissage. En Suisse, par exemple, 65 % des jeunes passent par l'apprentissage, les passerelles étant nombreuses avec les autres modes de formation. Cette idée de passerelle sera inscrite au coeur de notre réforme car il ne paraît pas raisonnable de demander à des individus si jeunes de choisir définitivement une option, d'autant que nombre d'entre eux devront changer plusieurs fois de métier au cours de leur vie professionnelle.

Aujourd'hui, 1,3 million de jeunes n'entrent dans aucune case : ils n'ont pas d'emploi mais ne sont inscrits ni à l'école, ni à l'université, ni en formation. C'est un gâchis humain énorme, une perte de compétitivité pour l'économie et un risque pour la cohésion sociale.

Voilà pourquoi nous appelons à une révolution copernicienne sur l'apprentissage car il ne se passera rien si les lignes ne bougent qu'à la marge. Des concertations ont été ouvertes en ce sens il y a quelques semaines et dureront jusqu'à la fin du mois de janvier. Nous élaborerons ensuite un projet de réforme que nous présenterons au mois d'avril.

Rien n'est encore décidé mais, dans les pays où l'apprentissage est développé, les entreprises et les branches jouent un rôle beaucoup plus important que chez nous. En France, elles ont à l'heure actuelle un rôle secondaire. On pourrait même dire qu'elles sont assises sur un strapontin !

Certes, elles sont consultées mais elles sont peu responsabilisées. Or un contrat de travail est un engagement. Nous devons donc modifier notre façon d'envisager les choses, tout en respectant la compétence décentralisée des régions afin que les stratégies des différents acteurs déployées ne se nuisent pas.

M. Yves Daudigny . - Je ferai entendre une voix différente de celle exprimée par le rapporteur pour avis. Nous sommes totalement opposés à votre approche en matière de contrats aidés. Pour des territoires ruraux comme le mien, qui connaissent un taux de chômage très élevé, ainsi que des situations de détresse et de grande précarité, la décision brutale prise l'été dernier de supprimer ces emplois est un véritable coup de poignard en direction des collectivités, qui déploient beaucoup d'énergie pour organiser des services à l'attention du public, en particulier dans le secteur de la solidarité, de l'éducation et de la culture. C'est aussi un coup de poignard pour les personnes qui bénéficiaient de ces emplois.

Vous avez dressé un portrait favorable de la garantie jeunes. Une hausse de 18 % de ses bénéficiaires apparaît pour 2018 mais je note dans le même temps une baisse de 9 % des crédits. N'y a-t-il pas là une contradiction ?

Concernant l'insertion des travailleurs handicapés, le nombre d'aides au poste dans les entreprises adaptées a fortement augmenté ces dernières années. Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit de nouvelles hausses. Néanmoins, il introduit également la dégressivité de l'aide au poste après les premiers mois de travail : il manque donc 8 millions d'euros pour que le dispositif puisse être réellement opérationnel. La volonté affichée par le Gouvernement n'entre-t-elle pas en contradiction avec les moyens mis en place ?

Pour finir, les emplois francs ne sont-ils pas une forme de contrats aidés dans le secteur marchand en ville ? Des emplois spécifiquement destinés à ces quartiers ont déjà été mis en place. La dernière tentative en date remonte à 2013, avec pour seul résultat un effet d'aubaine, accompagné il est vrai d'une forte médiatisation ! Comment pouvez-vous être certaine que ces emplois francs rempliront cette fois leurs objectifs ?

M. René-Paul Savary . -Vous supprimez les contrats aidés du secteur marchand. Or les emplois francs dans les villes ne sont ni plus ni moins qu'une nouvelle forme de contrats aidés dans le secteur marchand ! On connaît les fractures qui existent dans certains quartiers. Mais il existe aussi des fractures entre le monde rural et le monde urbain. Le taux de chômage est très élevé dans les campagnes, sans parler des problèmes de transport. Pourquoi ne faites-vous rien pour l'emploi en milieu rural ?

M. Jean-Marie Morisset . -Nous ne partageons pas toutes vos approches madame la ministre notamment sur les contrats aidés. Depuis quelques décennies, les départements sont animés par de nombreuses structures : missions locales, maisons de l'emploi, associations, etc. Or, les mesures annoncées cet été sur les contrats aidés en ont perturbé beaucoup, à la veille de la rentrée scolaire. Vous dites que les 200 000 contrats maintenus le seront prioritairement dans le monde scolaire et les communes rurales ; mais selon quels critères ? Vous nous devez des précisions.

La suppression progressive des subventions aux maisons de l'emploi n'est pas une bonne chose. Elles sont maltraitées tous les ans ! Tous les gouvernements successifs y ont contribué, dites-vous ; mais les parlementaires s'y opposent chaque année et le ministre finit par abonder leur budget. Ces maisons de l'emploi sont indispensables dans nos départements.

Il est bon d'augmenter les aides au poste pour les travailleurs handicapés mais il l'est moins de supprimer les prises en charge car les entreprises adaptées ne peuvent pas forcément financer ces postes.

Où en est l'expérimentation du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » dans les dix territoires retenus ? Allez-vous l'élargir aux autres villes qui étaient candidates ?

M. Martin Lévrier . - On parle beaucoup de formation mais peu des centres de formation susceptibles d'accueillir tous ces jeunes. Y a-t-il suffisamment de centres de formation, quel que soit le diplôme préparé ? Leur financement restera-t-il fondé sur la taxe d'apprentissage ? Cette logique fiscale a ses défauts : les formations de niveau IV et V, très utiles pour les jeunes en difficulté, ont généralement lieu dans des petites entreprises, exonérées de taxe d'apprentissage, ce qui réduit d'autant le financement des centres de formation. Sans compter que les grandes entreprises monopolisent les financements pour les redistribuer dans leur réseau plutôt que de les affecter aux véritables besoins.

M. Daniel Chasseing . - Je me réjouis de l'effort sans précédent consenti en faveur de la formation professionnelle et de l'apprentissage. Qu'une formation soit nécessaire pour renforcer l'utilité des contrats aidés, soit ; mais ils ont aussi un rôle social très important, qui ne doit pas être abandonné, notamment en zone rurale. Je rejoins notre collègue René-Paul Savary sur les emplois francs. Dans certains secteurs, et dans les territoires ruraux, menacés de désertification et où les TPE sont peu implantées, il serait utile de les expérimenter.

Mme Patricia Schillinger . - Je me réjouis d'entendre citer l'exemple suisse, pays dans lequel j'ai travaillé dix-neuf ans. L'apprentissage me tient à coeur -j'ai d'ailleurs rédigé en 2012 un rapport sur les collectivités territoriales et l'emploi. Si tous les parlementaires avaient un enfant passé par l'apprentissage, nos débats seraient plus éclairés... En Allemagne et en Suisse, l'apprentissage est développé grâce à une meilleure orientation au collège et à la possibilité d'y entrer à tout moment de la vie -y compris après des études de médecine, par exemple ! Leur système peut nous inspirer. L'apprentissage est en outre impossible sans le soutien des parents, il faudra donc trouver une forme d'accompagnement des enfants au collège.

Mme Sabine Van Heghe . - La baisse drastique des crédits consacrés en 2018 aux contrats aidés est regrettable car c'est un outil important pour rendre efficace la politique de l'emploi. Il est sans doute perfectible mais il permet aux personnes qui en bénéficient de remettre le pied à l'étrier en les obligeant à se lever le matin, en leur offrant un cadre, en leur rendant leur dignité, et il débouche parfois sur un contrat pérenne. Il permet en outre aux communes petites et moyennes, qui subissent de plein fouet les baisses de dotations de l'État, d'offrir un service public de qualité.

Les associations de mon département souffriront gravement de la diminution des contrats aidés, comme la Ligue de l'enseignement dont les activités d'éducation, de formation et d'accès à la culture seront réduites, ou les banques alimentaires qui luttent au quotidien contre la précarité. « Mieux vaut un contrat aidé que le chômage », voilà ce que j'entends sur le terrain. Non madame la ministre, il n'y a pas de profiteurs du système, personne ne part en vacances avec les allocations chômage, on survit, madame la ministre. Je demande donc au Gouvernement de revenir sur sa réforme des contrats aidés.

Mme Corinne Imbert . - Aucune réforme de l'apprentissage ne sera efficace sans les entreprises ni les employeurs. Que pensez-vous du mode de rémunération actuel des apprentis, qui varie en fonction de l'âge et non du niveau de formation ? N'est-ce pas un frein à l'embauche, notamment chez les artisans et dans les petites entreprises ?

Mme Pascale Gruny . - Je partage l'avis de notre collègue Yves Daudigny sur les contrats aidés. La brutalité de la décision de l'été est insupportable. Les communes n'embauchent pas en contrat aidé par plaisir : elles n'ont plus les moyens d'agir autrement ! Le développement de l'intelligence artificielle va raréfier certains emplois, surtout ceux des personnes en contrat aidé qui ne trouvent pas d'emploi classique dans le secteur concurrentiel -il en va ainsi de certains saisonniers dans l'agriculture. Mieux vaut être en contrat aidé qu'à la maison à toucher le RSA ! Surtout, n'oublions pas la dignité de la personne humaine.

Le cadre juridique de l'apprentissage change à chaque gouvernement, voire à chaque budget. Je connais de nombreuses entreprises qui renoncent à recourir à l'apprentissage après une mauvaise expérience car les jeunes manquent aussi de savoir-être. Leur formation peut être bonne mais s'ils ne savent pas se conduire correctement lors d'un entretien ou respecter la hiérarchie, ils ne s'inséreront jamais dans l'emploi.

Certaines maisons de l'emploi ne fonctionnent pas, c'est vrai. Mais celles qui fonctionnent fournissent une aide essentielle en matière de formation. Cessons de supprimer sans discernement leurs crédits et laissons les collectivités adapter les dispositifs aux réalités du terrain.

Le mal-être en entreprise augmente. Or les crédits de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) et de la médecine du travail, deux outils essentiels, sont réduits. Ce n'est pas cohérent.

Mme Laurence Rossignol . - Je partage les observations de tous mes collègues sur les emplois aidés. Où est la cohérence quand le Gouvernement supprime des contrats aidés pour lutter contre la précarité, tout en modifiant le code du travail pour accroître la flexibilité des salariés... Les contrats aidés entraînent parfois de la précarité mais tout le monde n'est pas éligible à une formation. Certaines personnes ne trouveraient pas d'emploi si seules les compétences étaient prises en compte ; elles n'en ont pas moins besoin de vivre et nous devons leur assurer la dignité en aidant à leur embauche.

Le Président de la République a fait de l'égalité entre les femmes et les hommes une grande cause du quinquennat. Le chantier de la lutte contre les violences faites aux femmes est très bien engagé ; le prochain chantier sera celui de l'égalité salariale. Or, sur ce sujet, la position du monde patronal est contradictoire : on ne peut vouloir à la fois l'égalité salariale et la baisse du coût du travail... Quelles sont vos pistes de travail ? Et où en est la refonte des grilles de classification, qui est une des causes de l'inégalité salariale entre les femmes et les hommes ?

Mme Monique Lubin . - Je partage les remarques de Yves Daudigny. Ancienne présidente, pendant douze ans, d'une mission locale départementale, je sais que la garantie jeunes est l'un des outils les plus efficaces pour l'insertion des jeunes dans l'emploi. Mais en zone rurale, les objectifs assignés à chaque département semblent difficiles à atteindre. Le cahier des charges est lourd en termes d'investissements, de locaux, de personnel... Que se passera-t-il si les crédits de fonctionnement diminuent ? Les conditions d'accès au dispositif, draconiennes - il ne s'adresse en effet qu'aux jeunes les plus en difficulté - devraient en outre être assouplies.

Mme Nassimah Dindar . - Madame la ministre, vous avez parlé de révolution copernicienne pour l'apprentissage. Il faut travailler avec l'Éducation nationale pour orienter dès la fin du collège les élèves qui ne peuvent faire un cycle long et encourager les secteurs pilotes dans les territoires d'outre-mer.

Les départements d'outre-mer sont-ils aussi concernés par l'expérimentation sur les emplois francs ?

Une association réunionnaise, le Comité national d'accueil et d'action pour les Réunionnais en métropole, qui bénéficie notamment du Fonds social européen et du soutien des collectivités, encourage la mobilité des Réunionnais vers le territoire métropolitain. Elle fonctionne très bien, à telle enseigne que les entreprises de métropole lui ont confié 1 845 offres d'emploi en 2017, contre 1 326 en 2016. La majorité de ces entreprises sont prêtes à continuer de lui confier des offres, y compris en CDI, à condition que les salariés bénéficient d'une formation. Ces employeurs appréciant le savoir-être des Réunionnais, ne pourrions-nous mettre en place de telles formations de courte durée, sous forme de préparation opérationnelle à l'emploi, financées par Pôle emploi ?

Mme Victoire Jasmin . - Les départements d'outre-mer, la Guadeloupe au premier chef, comptent parmi les territoires les plus vieillissants du pays et ils n'ont pas suffisamment d'entreprises pour permettre aux jeunes de trouver un emploi. Les formations existent mais les entreprises ne sont pas toujours en mesure de verser une gratification. En conséquence, les jeunes abandonnent trop souvent leur formation en alternance. Il faudrait aider les entreprises qui accueillent des personnes en alternance car trop de jeunes partent en métropole pour ne plus revenir, ce qui accroît le vieillissement de nos territoires. Autre piste : les services académiques devraient prendre en compte très tôt, dès le CM2, les résultats des jeunes pour anticiper leurs orientations, en fonction de leurs capacités.

Mme Corinne Féret . - La fin des contrats aidés entraîne de lourdes conséquences dans les territoires. Une commune de mon département a même dû reporter sa rentrée scolaire de quelques jours pour y faire face et je ne dis rien de l'inquiétude de certaines associations sur la pérennité de leur activité. Les emplois d'avenir comportent des actions de formation obligatoires et offrent un accompagnement de trois ans avec l'aide des missions locales : c'était une bouffée d'oxygène pour de nombreux jeunes à même de concevoir de nouveaux projets. Ces contrats permettent aussi aux collectivités d'organiser le passage de témoin d'agents titulaires partant à la retraite. Dans le secteur non marchand, certaines personnes n'ont pas le niveau pour entrer en formation ; elles ont besoin d'une étape d'accompagnement au retour vers l'emploi, que constituent les contrats aidés.

Les recettes du Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) diminuent compte tenu de l'augmentation du taux d'emploi des personnes handicapées. C'est une bonne chose car on se rapproche de l'obligation d'employer 6 % de travailleurs handicapés mais les dépenses du fonds augmentent également pour financer les adaptations des postes de travail. Où en est la réflexion du Gouvernement sur l'avenir du Fonds ?

L'apprentissage ne doit pas être un choix par défaut ; il doit être rendu accessible à tous les niveaux de qualification, du CAP à l'enseignement supérieur, à tout moment du parcours de formation. Il doit aussi contribuer à l'élévation du niveau de formation : nous l'avons conçu ainsi en Normandie. Cela suppose de changer l'image, souvent négative, de l'apprentissage dans notre pays.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Je crois dans les emplois aidés, à condition que leur évaluation soit faite et qu'ils servent à atteindre les objectifs fixés. Ils sont utiles dans certaines communes, dans le périscolaire par exemple, notamment dans les communes rurales, mais aussi dans les associations d'insertion ou humanitaires, à la condition qu'ils permettent d'obtenir un CDI.

Je crois aussi dans le service public. Je préside une mission locale et une maison de l'emploi dont j'ai engagé la fusion car j'y vois une source d'efficacité et d'efficience - je ne suis d'ailleurs pas le seul puisque dans les Hauts-de-France, une telle fusion a été engagée dans de nombreuses villes. Ne faut-il pas simplifier le paysage actuel des acteurs de la politique de l'emploi ? Il repose sur les maisons de l'emploi qui portent la coordination avec Pôle emploi. Chez moi, la maison de l'emploi fait office de plateforme. Alors que les chambres de commerce ont presque disparu, les entreprises n'ont plus comme interlocuteurs que les conseillers que nous avons formés, chez Pôle emploi, dans les maisons de l'emploi ou dans les départements. Il faut, je crois, revoir l'architecture d'ensemble.

Mme Martine Berthet . - Faire de la formation des jeunes décrocheurs et des jeunes sans qualifications une priorité est une très bonne chose. Comment mettre en adéquation ces formations avec les besoins des entreprises dans les territoires ? Certains secteurs - la filière bois par exemple - ont des attentes spécifiques.

Pourquoi ne pas étendre les emplois francs à tous les quartiers prioritaires au sens de la politique de la ville ?

Mme Élisabeth Doineau . - J'ai rédigé avec Jean-Pierre Godefroy un rapport d'information sur les mineurs non accompagnés. Ils sont souvent incités à signer un contrat d'apprentissage car c'est la voie de formation la plus rapide mais selon les départements, il n'est pas fait la même lecture de l'obligation de formation de six mois que prévoit la circulaire Valls, d'où des disparités dans la politique de délivrance des autorisations de travail. Comment y remédier ?

Mme Muriel Pénicaud, ministre . - Je vous dirai les choses comme je les vois, sans polémique, par respect pour le débat public.

Les contrats aidés doivent d'abord être analysés à l'aune de leurs résultats en matière d'insertion professionnelle car nous devons aux personnes éloignées de l'emploi de l'efficacité, et non des dispositifs en trompe-l'oeil, qui peuvent parfois entraîner des pertes de chances et des faux espoirs. Dans le secteur marchand, ils génèrent des effets d'aubaine ; dans le secteur non marchand, ils affichent le taux d'insertion le plus bas de tous les dispositifs existants parmi les outils de la politique pour l'emploi : 26 %. Ceux qui fonctionnent mêlent trois ingrédients : l'accompagnement, la formation et l'expérience professionnelle. Les dosages varient : l'insertion économique privilégie le travail, la formation qualifiante mise davantage sur la formation. La majeure partie des contrats aidés n'offre pas ces trois composants. Le taux de 26 % est une moyenne : selon les cas, le taux d'insertion est plus proche de zéro ou de 60% : il faut donc accompagner et former les personnes, et évaluer la qualité des dispositifs -ceux qui fonctionnent seront maintenus.

J'ai déjà répondu sur l'aide aux collectivités territoriales et aux associations : 1,5 milliard d'euros d'aide leur sera mécaniquement attribué via le crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires et la transformation du CICE en baisse de charges, ce qui représente un peu plus que ce qu'elles percevaient pour les contrats aidés. Je ne suis pas certaine qu'il soit sain que certaines grandes villes -je dis bien certaines seulement- embauchent plus de mille personnes en contrat aidé pour les cantines scolaires et privilégient la rotation du personnel au renouvellement des contrats... Résultat : on entretient l'espoir de ces personnes pour mieux les décevoir ! J'en ai rencontrées qui étaient persuadées de garder leurs postes... Ce n'est pas responsable. Bref, les contrats aidés ne sont qu'un outil parmi d'autres dans la palette dont nous disposons ; 200 000 d'entre eux seront maintenus.

Brutalité, dites-vous ? Je voudrais rappeler la responsabilité du gouvernement précédent. Je n'aime pas tenir ce genre de propos mais vous m'y poussez. En 2016, 460 000 contrats aidés étaient prévus -au passage, depuis vingt ans, le chiffre gonfle toujours avant les élections mais ce doit être une coïncidence...- mais seulement 280 000 figuraient en loi de finances initiale pour 2017 : la brutalité était donc programmée. Les préfets avaient en outre reçu instruction d'en consommer 80 % au premier semestre 2017, en sorte que fin mai, il n'en restait presque plus. Nous en avons précisément ajouté 40 000 cette année pour amortir la brutalité de cette méthode...

De nombreuses entreprises ne trouvent pas les compétences qu'elles recherchent car nous avons vécu très longtemps avec un chômage de masse qui a durablement éloigné de l'emploi certaines personnes.

L'emploi aidé qualitatif, ciblé, exigeant, permet d'y faire face, de même que les entreprises et chantiers d'insertion. Mais on ne peut pas dire aux jeunes que l'emploi aidé est la solution à tout ! On ne doit pas accepter de leur promettre, à vingt ans, que des petits boulots précaires et subventionnés, ce n'est pas ce qu'ils veulent. Il faut investir dans le social, dans l'accompagnement, dans les compétences, dans ce qui a du sens. Le taux de chômage des jeunes à Bac + 2 est de 5,6 % et continue de baisser ; celui des jeunes sans qualification est de 18,6 % : la compétence reconnue sur le marché du travail reste la meilleure arme contre le chômage.

Sur la garantie jeunes, on vous aura mal renseigné : elle concernait 87 000 personnes en 2017, pour 420 millions d'euros ; elle devrait concerner 100 000 personnes en 2018, pour 467 millions d'euros. S'il faut aller plus loin, nous le ferons : le dispositif n'est pas contingenté. Les critères sont larges : il faut avoir entre 18 et 25 ans pour en bénéficier, n'être ni étudiant, ni en formation ni en emploi, et disposer d'un revenu mensuel inférieur à 480 euros. Il cible donc les jeunes en difficulté sociale et prêts à se mettre dans une dynamique de projet. C'est un bon dispositif que nous entendons amplifier. Il est en tout cas préférable à un contrat aidé, contrairement au discours que tiennent certaines missions locales, car il projette les jeunes vers l'avenir.

Le budget des missions locales est maintenu. Elles gagneraient à s'organiser en réseau. J'ai été l'une des trois premières directrices de mission locale en France, il y a fort longtemps, je connais donc bien ces structures. Elles sont censées être des plateformes réunissant tous les acteurs économiques et sociaux de l'insertion des jeunes. Elles gèrent la garantie jeunes, ce qui est une bonne chose à condition qu'elles ne se referment pas sur elles-mêmes.

Les entreprises adaptées bénéficieront de plus de 1 000 aides au poste supplémentaires. Le montant de ces aides passe de 314 à 338 millions d'euros. C'est la subvention spécifique qui diminue, passant de 41 à 33 millions d'euros. Le total est néanmoins en hausse de 4 millions d'euros. Nous travaillons pour transformer le modèle de financement des entreprises en 2019 - car les trois subventions calculées différemment nuisent à la visibilité des établissements - et pour augmenter le niveau de subvention par poste - j'en dirai davantage en séance la semaine prochaine.

Les maisons de l'emploi ont été créées par Jean-Louis Borloo, peu de temps avant Pôle emploi. Les collectivités territoriales se sont alors demandé à quoi elles serviraient et la labellisation a été interrompue dès 2009. Le nombre de maisons de l'emploi a alors beaucoup diminué, les collectivités se recentrant sur la coordination de tous les acteurs.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Beaucoup ont compris en effet qu'elles seraient un Pôle emploi bis, ce qui était une grave erreur.

Mme Muriel Pénicaud, ministre . - Certaines collectivités ont craint en effet de devoir coordonner l'action de cette nouvelle structure avec les structures existantes... La maison de l'emploi de Haguenau, où j'étais il y a quelques jours, a été comprise au sens physique du terme : le centre d'information et d'orientation et la mission locale sont dans le même bâtiment, Pôle emploi et l'internat pour les apprentis sont à proximité...

Mais il y a de nombreuses manières de procéder. Pour cette raison, les gouvernements, de droite comme de gauche, ont tous réduit leurs financements : 120 millions d'euros en 2005, 90 millions d'euros en 2009, 21 millions d'euros en 2017 ; nous avons prévu 12 millions d'euros en 2018. Nous travaillons avec les collectivités territoriales pour assurer que des synergies soient créées entre tous les acteurs. Nous ne croyons pas utile que l'État finance des dispositifs ad hoc supplémentaires. La coordination locale, elle, a du sens.

L'expérimentation du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée » se poursuit. Elle est appréciée localement. En 2018, 1 100 ETP supplémentaires y seront affectés, soit 700 de plus qu'en 2017, pour un montant de 18 millions d'euros. Pour aller plus loin, une évaluation sera nécessaire.

Faut-il privilégier les emplois francs en milieu rural ? Nous préférons y concentrer les contrats aidés. Le problème auquel les emplois francs tentent de répondre est celui de la discrimination -au faciès ou à l'adresse- et non seulement celui des difficultés objectives d'accès à l'emploi. Nous travaillons également sur l'aide à la mobilité et à l'accès au logement car d'un bassin d'emploi à un autre, le taux de chômage oscille entre 5 % -le niveau du chômage frictionnel- et 40 %, en raison de la difficulté à se loger ou à se déplacer. Nous en discutons avec les collectivités territoriales.

La réforme de l'apprentissage suscite, je m'en réjouis, beaucoup de questions ! Nous en reparlerons en avril. L'orientation sera une question clé. Je mène actuellement les concertations avec Frédérique Vidal et Jean-Michel Blanquer : que les vues des ministres du travail, de l'enseignement supérieur et de l'éducation nationale convergent, c'est inédit.

Mme Patricia Schillinger . - Bravo !

Mme Muriel Pénicaud, ministre . - L'apprentissage est une voie de réussite. Son image a beaucoup évolué en France, les sondages le montrent mais il reste encore des freins à lever.

Le budget de l'Anact passera de 10,26 millions d'euros en 2017 à 10,05 millions d'euros en 2018, en raison de la hausse de sa productivité -l'agence est bien gérée. Sa mission est très importante. Agnès Buzyn et moi-même avons confié à Jean-François Naton, de la CGT, au consultant Bruno Dupuis, et à la députée Charlotte Lecoq une mission sur la santé au travail dont les conclusions sont attendues pour mars 2018. Ce sujet, comme celui de la médecine du travail, constitue une préoccupation forte pour le Gouvernement.

Le contrôle de la recherche d'emploi n'a rien de choquant en soi : personne n'imaginerait que l'on puisse se passer de contrôle en matière d'impôts ou de cotisations sociales. Le contrôle mené par Pôle emploi sur 300 000 demandeurs d'emplois a révélé que 14 % n'effectuaient pas de recherche effective d'emploi. Le contrôle n'a de sens que si l'on accompagne fortement ces personnes. Certaines sont tout simplement découragées. La très grande majorité des demandeurs d'emploi veulent vraiment en trouver un, je n'ai aucun doute à ce sujet. Mais là comme ailleurs -ni plus ni moins-, il y a des exceptions.

Le savoir-être est en effet un aspect très important de la formation. L'absence de maîtrise des codes sociaux de base -respect des horaires, compréhension des relations de travail, etc.- est souvent un frein à l'embauche. Le plan d'investissement dans les compétences mettra l'accent sur cet aspect.

L'égalité salariale entre les femmes et les hommes exige une mobilisation collective car l'inégalité est un véritable fait de société. J'ai saisi les partenaires sociaux il y a dix jours sur les violences sexistes et sexuelles et le harcèlement au travail, dans le secteur public comme privé. L'arsenal législatif existant suffit. Les difficultés actuelles sont la charge de la preuve et la prévention. J'attends les propositions des partenaires sociaux pour le 15 décembre. Je vais m'investir beaucoup sur ce sujet, car voilà trente ans que les obligations législatives ne sont pas remplies. A qualification et travail égal, l'écart de rémunération atteint 9% ; compte tenu des différences de carrières, l'écart atteint 20 %, voire 25 %. La loi sur le renforcement du dialogue social en a fait un sujet prioritaire. Les ordonnances portant réforme du code du travail renforcent le rôle des branches dans les négociations sur l'égalité hommes-femmes et exigent l'avis conforme du conseil d'entreprise sur deux sujets : la politique de formation professionnelle et l'égalité entre les hommes et les femmes. Il n'y a pas pléthore de solutions pour parvenir à l'égalité salariale : les augmentations de salaires devront profiter davantage aux femmes qu'aux hommes.

L'expérience de La Réunion est intéressante : nous touchons du doigt justement ce que nous voulons développer. Nous en discuterons avec la Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle et Pôle emploi. Je me rendrai en Guadeloupe mi-décembre. Réfléchissons ensemble sur les moyens de susciter la création d'activités dans les territoires d'outre-mer, notamment dans l'économie sociale et solidaire mais aussi dans le bâtiment, l'hôtellerie et la restauration, secteurs qui recourent à la main d'oeuvre extérieure, ce qui est un comble ! Nous veillerons aussi à renforcer les filières de formation dans ces secteurs. Un plan d'action spécifique sera mis en oeuvre.

Le problème des jeunes décrocheurs doit être traité avec celui des besoins des entreprises. La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences par secteur et par territoire sera une composante majeure de la réforme de la formation professionnelle. Certes, on ne peut prévoir l'avenir mais certains pays parviennent à avoir une vision claire de leurs besoins. Ce sera une priorité du plan d'investissement dans les compétences. Nous accompagnerons la transformation numérique, la transition écologique, les priorités identifiées par les schémas régionaux de développement économique, d'innovation et d'internationalisation, et prendrons en compte la vision qu'ont les branches de l'avenir des métiers. Nous commençons à bénéficier d'une analyse des big data sur les mouvements de personnel, que nous mettrons à la disposition des branches et des collectivités.

À la suite des travaux d'Élisabeth Doineau et Jean-Pierre Godefroy, un rapport a été confié, en septembre, à Aurélien Taché sur la refonte de la politique d'intégration, qui abordera le sujet des mineurs non accompagnés et leur accès à la formation et l'emploi

M. Alain Milon , président . - Madame la ministre, merci.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 29 novembre 2017, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Michel Forissier sur la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances pour 2018.

M. Alain Milon , président . - Nous devons examiner ce matin cinq rapports sur avis sur le PLF pour 2018. C'est pourquoi je donne sans tarder la parole à notre collègue Michel Forissier pour présenter la mission « travail et emploi » et le compte d'affectation spéciale relatif à l'apprentissage.

M. Michel Forissier . - rapporteur pour avis. - Nous examinons aujourd'hui le premier budget du quinquennat consacré à l'emploi, au travail et à l'apprentissage.

Au préalable, je voudrais comme les années précédentes souligner l'endettement préoccupant de l'Unédic, qui devrait atteindre 34 milliards d'euros en fin d'année et dépasser 37 milliards fin 2018 à réglementation inchangée, soit une année de ses recettes. Certes, la croissance économique devrait atteindre 1,7 % l'an prochain et le taux de chômage, au sens du Bureau international du travail, se maintenir à 9,5 %, mais ces prévisions relativement optimistes ne règleront aucunement la question de la dette de l'assurance chômage.

Pour commencer à se désendetter, il faudrait que celle-ci dégage un excédent structurel, alors qu'il n'est même pas certain qu'elle puisse résorber son déficit structurel dans les années à venir. Peut-on accepter que l'Unédic verse 405 millions d'euros en 2017 uniquement pour payer les intérêts de sa dette ? Si les taux d'intérêt remontent soudainement, les demandeurs d'emploi risquent d'être les premières victimes d'une baisse des prestations de l'Unédic et le fardeau de sa dette deviendra un épineux sujet politique : la question se posera alors de sa reprise partielle par l'État. Je souhaite donc que le Gouvernement et les partenaires sociaux intègrent véritablement les enjeux liés à la dette lors des négociations sur la prochaine réforme de l'assurance chômage, lancées pour mettre en oeuvre les engagements présidentiels.

Venons-en à la présentation de la mission « travail et emploi ». Elle bénéficiera l'an prochain de 15,3 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit un léger repli par rapport à la loi de finances initiale pour 2017 (- 91 millions). En revanche, ses autorisations d'engagement (AE) subiront une chute majeure, en recul de 2,7 milliards, pour atteindre 13,7 milliards.

À périmètre constant, la diminution des crédits de la mission est sensible et s'élève à 1,5 milliard en CP, en raison de la compensation par crédits budgétaires de la suppression de la contribution exceptionnelle de solidarité (1,4 milliard), qui finançait notamment jusqu'à cette année l'allocation spécifique de solidarité (ASS).

Selon le projet de loi de programmation des finances publiques pour la période 2018-2022, la diminution des crédits de la mission devrait se poursuivre, avec un plafond de la mission fixé à 12,9 milliards en 2019 et 12,6 milliards en 2020.

Je centrerai mon analyse des programmes 102 et 103 de la mission sur cinq sujets principaux : le plan d'investissement dans les compétences (PIC), les opérateurs de la politique de l'emploi, les contrats aidés, les personnes éloignées de l'emploi et les aides à l'embauche.

En premier lieu, la mission se caractérise par une première traduction timide du plan d'investissement dans les compétences (PIC), qui constitue pourtant une priorité du programme d'investissement annoncé par le premier ministre le 25 septembre 2017.

Ce plan devrait bénéficier de 14,6 milliards pendant le quinquennat, mais les modalités de son financement n'ont pas été arrêtées. La mission n'y consacrera que 1,1 milliard en CP, à travers deux volets. D'une part, 467 millions seront dédiés à la garantie jeunes, en hausse de 47 millions, étant rappelé que ce dispositif, initié par le précédent gouvernement, a été généralisé sur le territoire depuis le 1er janvier 2017. D'autre part, 225 millions solderont les plans de formation exceptionnels des demandeurs d'emploi mis en oeuvre en 2016 et 2017. Autrement dit, l'effort net supplémentaire de l'État dans le cadre du PIC s'élèvera à 428 millions l'an prochain, afin de former des demandeurs d'emploi faiblement qualifiés et des jeunes décrocheurs. Le plan bénéficiera également de crédits non budgétaires d'origine européenne (36 millions), ainsi que de fonds de concours à hauteur de 250 millions, qui devraient être versés par le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP).

En deuxième lieu, la majorité des opérateurs de la politique de l'emploi voient leurs crédits préservés.

La subvention de Pôle emploi connaîtra une légère baisse de 50 millions pour atteindre 1,45 milliard, mais son directeur général nous a indiqué qu'elle n'empêchera pas l'opérateur public de remplir ses missions. Les missions locales bénéficieront de 206 millions l'an prochain, en hausse d'un million, sans compter la dotation de 149 millions pour l'accompagnement des bénéficiaires de la garantie jeunes.

Le PLF pour 2018 prévoyait initialement une dotation de 10,5 millions aux maisons de l'emploi, soit la moitié de celle versée cette année. Le Gouvernement poursuit un désengagement de l'État initié en 2013 et qui vise à rationaliser le paysage des acteurs de la politique de l'emploi. L'Assemblée nationale a toutefois adopté un amendement des députés Modem majorant leurs crédits de 1,5 million.

Quant à l'Afpa, sa dotation est maintenue à 110 millions d'euros mais sa transformation en établissement public depuis le 1er janvier 2017 ne s'est toujours pas accompagnée d'un modèle de développement ambitieux et crédible, comme l'a souligné son ancien président pour justifier sa démission le 19 octobre dernier.

La situation financière de la nouvelle agence demeure très préoccupante, tant au niveau de sa trésorerie, de ses dettes fiscales et sociales que de ses engagements passés contractés auprès de l'État. La directrice générale devrait annoncer prochainement, après une concertation approfondie avec les syndicats et des échanges continus avec ses autorités de tutelle, les grandes lignes du développement de l'agence et de ses deux filiales, qui pourront dès le 1 er janvier prochain former des demandeurs d'emploi et des salariés.

En troisième lieu, la réforme des contrats aidés, même si elle trouve des justifications économiques solides, manque de pédagogie, d'accompagnement et de vision à long terme.

Vous le savez, le Gouvernement envisage de financer l'an prochain seulement 200 000 contrats aidés dans le secteur non marchand (CUI-CAE). Ils ne concerneront que les collectivités publiques et les associations, avec un taux de prise en charge par l'État plafonné à 50 %, contre 76 % cette année, soit un coût global de 765 millions en CP. S'y ajoute une enveloppe de 523 millions pour honorer les engagements portant sur les emplois d'avenir conclus avant 2017.

Le Gouvernement s'engage à ne signer aucun nouveau contrat aidé dans le secteur marchand (CUI-CIE) en 2018, ni aucun nouveau contrat en emploi d'avenir.

Pour mémoire, le PLF pour 2017 avait prévu de financer 280 000 contrats aidés (200 000 dans le secteur non-marchand, 45 000 dans le secteur marchand et 35 000 emplois d'avenir). Ces objectifs étaient eux-mêmes en net repli par rapport aux 459 000 contrats aidés conclus en 2016.

Compte tenu des enseignements tirés des études économiques, je partage l'ambition du Gouvernement de donner la priorité à la formation professionnelle plutôt qu'aux emplois aidés.

En revanche, la méthode suivie me paraît perfectible sur de nombreux points. Force est de constater qu'elle a parfois été jugée brutale et n'a pas toujours été bien comprise par nos concitoyens. A la décharge du Gouvernement actuel, il convient de rappeler que le précédent exécutif avait donné comme consigne aux préfets de consommer 80 % des crédits dès le premier semestre 2017. C'est pourquoi le Gouvernement a augmenté en urgence cet été de 30 000 à 40 000 le nombre de contrats par rapport à ce qu'avait prévu la LFI pour 2017. Finalement, le volume global de contrats aidés se situera entre 310 000 et 320 000 contrats cette année.

Mais il s'est refusé à fixer des perspectives pluriannuelles sur le volume des contrats aidés et le taux de prise en charge, contrairement aux attentes des anciens bénéficiaires et des structures concernées. En outre, un faible volant de contrats aidés dans le secteur marchand aurait pu être justifié l'an prochain, malgré les signes de reprise de la croissance économique. Enfin, le Gouvernement n'a pas tenté de mesurer les conséquences indirectes de cette réforme sur les autres dispositifs de la mission.

En quatrième lieu, les crédits destinés aux personnes éloignées de l'emploi sont en légère augmentation.

Les dépenses consacrées aux personnes handicapées atteindront 377 millions, en hausse de 4 millions, et financeront notamment 24 000 aides au poste, soit 1 000 supplémentaires. Face aux inquiétudes des responsables des entreprises adaptées, la ministre du travail a annoncé, le 8 novembre à l'Assemblée nationale, qu'elle les rencontrerait prochainement pour réfléchir aux moyens de pérenniser leur « modèle économique », et qu'elle pourrait, le cas échéant, déposer un amendement en ce sens lors de l'examen du budget au Sénat.

S'agissant du soutien au secteur de l'insertion par l'activité économique, il atteindra 840 millions, en hausse de 30 millions : 71 000 aides au poste seront financées, soit 5 000 de plus que cette année. Le Gouvernement attend beaucoup du rapport qui lui sera remis d'ici la fin d'année par Jean-Marc Borello sur la mobilisation des acteurs de l'insertion autour de solutions innovantes.

Enfin, concernant les jeunes en difficulté, les écoles de la deuxième chance disposeront l'an prochain de 24 millions, comme cette année, tandis que la dotation aux établissements pour l'insertion par l'emploi est maintenue à 55 millions.

En dernier lieu, la mission hérite de dispositifs d'aide à l'embauche coûteux, elle tire les conséquences de l'abrogation des contrats de génération, mais elle lance dans le même temps l'expérimentation des emplois francs.

De fait, la mission consacrera 1,1 milliard à l'aide à l'embauche dans les PME (contre 3,6 milliards en 2017). Elle consiste à verser 500 euros par trimestre pendant deux ans à toute PME qui a embauché entre le 18 janvier 2016 et le 1 er juillet 2017 un salarié faiblement rémunéré. De même, une dotation de 10 millions est nécessaire pour l'aide à l'embauche d'un premier salarié dans les TPE. Même si le Gouvernement s'est refusé à prolonger ces dispositifs, il doit respecter les engagements pris par la précédente majorité. En outre, l'efficacité de ces dispositifs est douteuse compte tenu des effets d'aubaine et aucune évaluation indépendante n'a été prévue par la loi alors que les sommes en jeu sont très importantes.

Bien qu'abrogés par l'une des cinq ordonnances « travail » du 22 septembre 2017, les contrats de génération nécessiteront l'année prochaine une dotation de 68 millions pour payer les aides accordées aux entreprises depuis 2015. Je n'ai eu de cesse de dénoncer ces dernières années l'échec des contrats de génération, dont l'intention était louable mais qui ont été pénalisés par des contraintes juridiques trop nombreuses : je ne peux donc qu'approuver leur suppression.

Enfin, sous la pression d'une partie de la majorité présidentielle, le Gouvernement a fait adopter précipitamment à l'Assemblée nationale un amendement visant à expérimenter les emplois francs dès l'an prochain. Prévue entre le 1 er avril 2018 et le 31 décembre 2019, cette expérimentation consistera à verser 5 000 euros par an pendant trois ans à tout employeur qui embauchera en CDI un demandeur d'emploi habitant un quartier prioritaire de la politique de la ville. La prime sera limitée à 2 500 euros par an pendant deux ans pour une embauche en CDD de plus de six mois. Aucune condition d'âge ou de diplôme ne sera exigée, de même qu'aucun secteur d'activité ne sera ciblé.

Ce faisant, le Gouvernement entend tirer les enseignements de l'échec de la précédente expérimentation des emplois francs en 2013 et 2014. Je souhaite évidemment, comme chacun d'entre vous, que les pouvoirs publics se mobilisent pour aider les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Mais le coût de l'expérimentation m'apparaît exorbitant, alors même que son efficacité est douteuse en raison là aussi des effets d'aubaine qui ne manqueront pas d'apparaître. Selon le Gouvernement, ce coût pourrait atteindre 458 millions d'euros en AE et 307 millions en CP sur la période 2018 2022. C'est pourquoi je vous présenterai tout à l'heure un amendement pour diviser par deux ces crédits en 2018.

Je voudrais maintenant rapidement rappeler les trois points saillants des autres programmes de la mission.

Tout d'abord, le nombre d'emplois rémunérés par la mission atteindra 9 251 équivalent temps plein travaillé (ETPT) l'an prochain, soit une baisse de 272 ETPT. À périmètre constant, les effectifs poursuivront leur décrue dans les années à venir, pour atteindre 8 785 ETPT en 2020. Le plan de transformation des contrôleurs en inspecteurs du travail continue son déploiement, et il a permis d'augmenter le nombre d'agents chargés de contrôler les entreprises en unité de contrôle.

Ensuite, 7,8 millions d'euros seront consacrés à la formation et au maintien de salaire des défenseurs syndicaux lorsqu'ils exercent leurs fonctions. Instaurés par la loi « croissance et activité » du 6 août 2015, ils auront pour mission d'assister et de représenter les parties devant les conseils de prud'hommes.

Enfin, le Gouvernement prévoit une dotation de 13,7 millions, en hausse de 6 millions, pour assurer la formation des conseillers prud'hommes, compte tenu du renouvellement des 14 512 sièges prévu en décembre prochain.

Je souhaiterais avant de conclure évoquer l'apprentissage à travers le compte d'affectation spéciale (CAS) qui lui est consacré. Ses recettes atteindront 1,63 milliard l'an prochain, soit 59 millions de plus qu'en 2017. Le compte devrait être remanié l'an prochain dans le prolongement du prochain projet de loi réformant l'apprentissage.

Je voudrais à cette occasion faire trois remarques.

La première concerne l'article 19 du PLF et le plafonnement de certaines ressources des chambres consulaires. Même si cet article n'est pas rattaché à notre mission ni au CAS, le Gouvernement doit veiller à ce que la réduction de ces ressources ne porte pas atteinte au bon fonctionnement des centre de formations d'apprentis qui relèvent des chambres consulaires.

La deuxième remarque porte sur les aides aux apprentis. L'aide au recrutement d'un jeune apprenti dans les TPE est maintenue pour un coût de 195 millions, tandis que la prime spéciale de 335 euros versée aux apprentis en 2017 ne sera pas reconduite l'an prochain. Vous le savez, je suis très réservé sur l'utilité des aides financières pour développer l'apprentissage, mais il est clair que les employeurs et les apprentis ont besoin d'un cadre juridique stabilisé.

Ma dernière remarque concerne le rôle des régions dans la future réforme de l'apprentissage. Si je partage l'objectif du Gouvernement de donner plus de place aux branches professionnelles dans l'élaboration des référentiels de formation, il ne faudrait pas que les régions soient écartées du pilotage de l'apprentissage, alors qu'elles ont aujourd'hui un rôle de chef de file reconnu par la loi.

En définitive, compte tenu de mes observations, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « travail et emploi » sous réserve de l'adoption de mon amendement sur les emplois francs, et un avis favorable à l'adoption du compte d'affectation spéciale relatif à l'apprentissage.

M. Michel Amiel . - Si la réforme des contrats aidés a pu paraître brutale aux yeux de certains, je me félicite de constater que nous sommes nombreux désormais à considérer que ces contrats sont de faux emplois pour ainsi dire. Maire pendant de nombreuses années, j'ai souvent reçu des appels du préfet qui m'incitait à conclure des contrats aidés. Sur 450 équivalents temps plein dans ma mairie, je ne comptais que trois contrats aidés. J'ai constaté en effet que le recours à ces contrats s'accompagnait d'importants effets d'aubaine, tandis que les actions de formation et les débouchés manquaient.

C'est pourquoi j'ai des doutes sur l'utilité des emplois francs, même si je partage la volonté du Président de la République de relancer la politique de la ville. Sans sombrer dans le pessimisme, force est de constater que les différentes orientations de la politique de la ville, de gauche comme de droite, ont échoué ces dernières années. J'ai moi-même constaté dans certains quartiers que les dispositifs d'aide étaient repoussés par certains jeunes, qui gagnent parfois jusqu'à cent euros par jour grâce à des trafics en tout genre. Je me réjouis en tout cas de l'avis favorable proposé par le rapporteur pour avis sur la mission.

M. Alain Milon , président . - Sous réserve de l'adoption de l'amendement sur les emplois francs !

M. Yves Daudigny . - Vous connaissez ma position sur ce budget à travers mon intervention hier lors de l'audition de la ministre du travail. Malgré quelques désaccords, l'analyse du rapporteur est équilibrée et je partage ses observations sur les emplois francs.

Il est paradoxal que les crédits de la mission, à périmètre constant, baissent de 1,5 milliard d'euros alors que le chômage reste encore à un niveau élevé.

Certaines évolutions de crédits sont en trompe-l'oeil, je pense notamment aux dispositifs en faveur des travailleurs handicapés.

Enfin, je suis en totale opposition avec la réforme des contrats aidés. L'argument tiré du comportement de l'exécutif précédent est de peu de valeur puisque le Gouvernement a décidé, pour des raisons politiques parfaitement assumées, de réduire l'année prochaine le volume des contrats aidés. Cette réforme met à mal des structures comme la banque alimentaire, dont l'utilité n'est pas à démontrer et qui ne recourt pas à de « faux emplois ».

M. René-Paul Savary . - Suite aux échanges que nous avons eus avec la ministre du travail hier, je pense qu'il serait souhaitable de consacrer les 90 millions d'euros en AE économisés par l'amendement du rapporteur à l'expérimentation des emplois francs en zone rurale. La fracture sociale existe entre quartiers, mais aussi entre zones urbaines et zones rurales. Quel est l'avis du rapporteur sur cette proposition, que je ne manquerai pas de présenter en séance publique avec ma collègue Corine Imbert ?

M. Martin Lévrier . - Monsieur le rapporteur pour avis, quels sont les avantages d'un pilotage de l'apprentissage par les régions ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Pourquoi doutez-vous de l'efficacité des emplois francs ? J'imagine que les crédits ont été calibrés avec précision. Par ailleurs, je regrette la disparition programmée de la subvention de l'État aux maisons de l'emploi. Je déposerai donc un amendement pour augmenter leurs crédits, car la plupart ont montré leur utilité et je souhaite que les collègues de la commission soutiennent mon initiative.

M. Dominique Watrin . - Ce budget traduit la politique de rigueur du Gouvernement, alors que notre pays compte encore six millions de chômeurs. La diminution des crédits s'accompagne d'une timide mise en oeuvre du plan d'investissement dans les compétences. Pôle emploi verra sa subvention d'équilibre amputée de 50 millions, tandis que la dotation versée aux maisons de l'emploi sera également réduite. Les missions locales devront accueillir l'an prochain quinze mille jeunes de plus bénéficiant de la garantie jeunes. La baisse de la subvention versée à l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) nous inquiète, tout comme la réduction des effectifs de l'inspection du travail. Ce budget traduisant l'orientation libérale du Gouvernement, nous voterons contre l'avis proposé par le rapporteur, et nous ne voterons pas son amendement qui réduit encore les crédits de la mission. La réforme des contrats aidés procure au Gouvernement une économie de l'ordre d'un milliard d'euros. Le milieu associatif s'en trouvera fragilisé. J'aurais souhaité que le Gouvernement mette en place un dispositif concerté et pertinent alternatif aux contrats aidés plutôt que de décider leur suppression pure et simple dans le secteur marchand et leur réduction dans le secteur non-marchand. Le Président de la République, au congrès des maires, a reconnu une forme de brutalité de la réforme et a annoncé qu'il en serait autrement à l'avenir, mais je ne vois pas la traduction de ces propos dans le budget.

M. Olivier Henno . - Si la réforme des contrats aidés a manqué de pédagogie, les positions des groupes politiques ont beaucoup varié ces dernières années sur leur utilité et doivent nous inciter à la prudence.

On parle souvent du millefeuille territorial, mais la multiplication des opérateurs de la politique de l'emploi est tout aussi néfaste pour l'action publique. À travers la réduction de la subvention aux maisons de l'emploi, l'État fait le choix de supprimer un acteur. Mais leur disparition n'est pas certaine : les collectivités territoriales se substitueront peut-être à l'État, comme on l'observe déjà un peu aujourd'hui. Je crois qu'une loi est nécessaire pour déterminer les compétences des différents opérateurs de la politique de l'emploi et éviter l'enchevêtrement de leurs compétences.

Le développement de l'apprentissage ne règlera pas le problème fondamental de la formation professionnelle en France, à savoir que seulement 15% de ses crédits bénéficient aux chômeurs de longue durée et aux bénéficiaires du RSA. Ce sont ces personnes qui ont pourtant le plus besoin de formation.

M. Daniel Chasseing . - Je partage les propositions de notre collègue René-Paul Savary. J'avais d'ailleurs déposé un amendement au PLFSS pour favoriser l'emploi en zone rurale. Comme la ministre du travail, je pense qu'il faut rendre obligatoires les formations pour les bénéficiaires des emplois aidés. Ne négligeons pas cependant le rôle social d'un retour à l'emploi pour les personnes qui ont été longtemps écartées du monde du travail.

Les régions doivent être mieux associées à la politique d'apprentissage et veiller à ce que les formations proposés correspondent aux besoins des entreprises.

Mme Christine Bonfanti-Dossat . - Pouvez-vous rappeler les quartiers qui seront retenus dans le cadre de l'expérimentation des emplois francs ? Sur quels critères ont-ils été choisis ? Il aurait effectivement été judicieux d'étendre l'expérimentation aux territoires ruraux en difficulté. Pourquoi ne pas prévoir une évaluation de l'expérimentation avant le 31 décembre 2019, afin de ne pas réitérer les erreurs du contrat de génération ?

M. Philippe Mouiller . - La diminution à périmètre constant de 1,5 milliard des crédits de la mission interroge sur les choix politiques du Gouvernement. Je déposerai également un amendement pour relever les crédits des maisons de l'emploi. Les collectivités locales vont prendre le relais de l'État pour financer celles qui ont de bons résultats. L'État se désengage ainsi à bon compte de certains dispositifs. S'agissant des aides au poste pour les travailleurs handicapés, il semble que quelques millions d'euros manquent cette année, c'est pourquoi je présenterai là aussi un amendement en séance publique. Enfin, l'Afpa a-t-elle pu réaliser ses projets d'investissements, notamment ses travaux de rénovation des centres ?

Mme Nadine Grelet-Certenais . - La brutalité de la réforme des contrats aidés a suscité le désarroi de nombreux bénéficiaires et des structures qui y recouraient.

S'agissant des entreprises adaptées, je note qu'une dégressivité de l'aide est prévue par le Gouvernement, sans doute pour les inciter à diriger les bénéficiaires vers le milieu ordinaire. Or ces salariés rencontrent parfois de graves difficultés et ont besoin d'un accompagnement important. Je serai donc attentive à la mise en oeuvre de cette réforme.

J'attends avec intérêt le rapport de Jean-Marc Borello sur l'insertion par l'activité économique : les solutions innovantes devront respecter les règles européennes de concurrence et de transparence en matière de marchés publics.

Mme Catherine Fournier . - Les dotations pour le secteur de l'insertion par l'activité économique et les écoles de la deuxième chance sont heureusement préservées, et permettront à certaines personnes de retrouver une utilité sociale.

Les maisons de l'emploi sont légitimes si leurs missions sont complémentaires à celles de Pôle emploi et des missions locales.

Dès lors que les régions ont la compétence en matière de développement économique, elles doivent avoir celle du soutien aux entreprises, qui inclut la formation professionnelle et l'apprentissage. En Haut-de-France, nous avons constaté que l'apprentissage coûtait cher aux TPE et que les employeurs avaient beaucoup de difficulté à se séparer d'un apprenti qui ne correspondait pas à leurs attentes. C'est pourquoi la région s'est substituée à eux, à titre expérimental, pour rompre dans de bonnes conditions le contrat de l'apprenti. Cette expérimentation pourrait utilement être généralisée. En tout état de cause, le rôle des régions en matière d'apprentissage m'apparaît incontournable.

M. Jean-Marie Morisset . - Les maisons de l'emploi ont été l'occasion dans certains territoires de mieux coordonner les acteurs de la politique de l'emploi. Mais aujourd'hui, leur disparition est programmée, ce que je déplore. Les services du ministère du travail devraient venir dans nos territoires examiner l'efficacité des maisons de l'emploi...

Je partage l'appréciation du rapporteur sur la réforme des contrats aidés, j'ajouterai seulement qu'elle répond aussi à des considérations budgétaires, en permettant de faire des économies substantielles.

Mme Véronique Guillotin . - Je regrette que chaque nouveau gouvernement supprime les dispositifs mis en place par son prédécesseur au profit de nouveaux dispositifs. Les contrats aidés ne sont pas la panacée, mais ils sont très utiles pour certaines personnes éloignées du marché du travail, qui ne doivent pas être oubliées.

A l'instar du rapporteur, je souhaite que les régions, proches des préoccupations des entreprises, conservent leur rôle de pilotage en matière d'apprentissage. Leurs compétences en matière formation et de développement économique, via le schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation, sont complémentaires. Les régions ne doivent pas être cantonnées à la gestion du parc immobilier des lieux de formation, il faut au contraire leur donner plus de compétences, plus d'autonomie pour expérimenter.

Mon groupe va également déposer un amendement pour abonder les crédits des maisons de l'emploi, pour ne pas pénaliser les territoires les plus touchés par le chômage.

M. Jean Sol . - Je regrette la disparition brutale des contrats aidés dans la sphère marchande, car les bénéficiaires de contrats aidés dans le secteur non marchand ne s'insèrent pas facilement dans le monde du travail à l'issue de leurs contrats, en raison du manque de formation qualifiante.

Je constate avec satisfaction la hausse de 30 millions des crédits de l'insertion par l'activité économique, mais elle sera insuffisante dans les départements connaissant un fort taux de chômage.

Je ne vois pas raison de limiter les emplois francs aux quartiers prioritaires de la politique de la ville : pourquoi ne pas les expérimenter partout et pour tous ?

Quelles sont les pistes envisagées pour résorber la dette de l'Unédic ?

M. Alain Milon , président . - La suppression de l'argent liquide au profit de l'utilisation exclusive des cartes bancaires comme moyen de paiement, déjà en vigueur en Suède, serait un moyen de lutter contre le développement de l'économie souterraine évoqué par notre collègue Michel Amiel.

M. Michel Forissier , rapporteur pour avis . - S'agissant de l'apprentissage, je n'ai jamais pensé que son développement suffirait à résoudre tous les problèmes de la formation en France. Je souhaite en revanche que cette formation en alternance soit ouverte à tous les diplômes, sans condition d'âge.

À la suite de l'ouverture de la concertation sur la réforme de l'apprentissage, des rumeurs ont circulé sur le remplacement des régions par les branches professionnelles pour assurer le pilotage de cette politique de formation. Or toutes les branches ne fonctionnement pas correctement. À mes yeux, il incombe à la collectivité publique, dirigée par des élus du peuple, de piloter l'apprentissage, tout en donnant plus de poids aux branches pour élaborer les référentiels de formation, car l'on ne saurait revenir à la vision patronale de la formation du XIX ème siècle.

Lorsque j'avais présenté mon rapport sur le projet de loi de ratification de l'ordonnance du 10 novembre 2016 transformant l'Afpa en établissement public, j'avais souligné que ce changement de statut ne suffirait pas à assurer son développement pérenne. Une partie de ses salariés n'ont pas encore pris pleinement conscience des défis que doit relever l'Agence, confrontée à la concurrence des acteurs privés du marché de la formation. Au-delà de la question de l'investissement, c'est surtout la capacité pour l'Agence de rendre opérationnelles ses deux filiales de formation qui importe. La directrice générale que nous avons rencontrée, esseulée depuis la démission du président, devrait présenter en janvier prochain le nouveau modèle de développement de l'Afpa.

Si certaines maisons de l'emploi sont efficaces, d'autres peinent à trouver leur utilité et peuvent parfois entraver l'action de Pôle emploi. Les maisons de l'emploi sont un cas d'école : les parlementaires rechignent à réduire les subventions publiques versées à des opérateurs peu efficaces, surtout s'ils ont participé localement à leur création, alors même qu'ils veulent réduire la dette publique. Je considère qu'il incombe à Pôle emploi d'assurer la coordination entre les acteurs de la politique de l'emploi, sans interdire bien entendu des aménagements pour prendre en compte les spécificités locales. C'est cette arborescence qu'il nous faut défendre et éviter la dispersion des efforts et des crédits. Il faut donc examiner les performances des maisons de l'emploi au cas par cas à partir d'un cahier des charges, soutenir par des crédits de l'État celles qui sont efficaces, et autoriser les collectivités territoriales volontaires à leur verser des subventions.

Beaucoup de contrats aidés s'apparentent à une mise sous perfusion de leurs bénéficiaires. Je regrette que chaque nouveau Gouvernement souhaite créer un dispositif d'aide à l'emploi, sans évaluation préalable et sans démontrer son efficacité. Je partage néanmoins la volonté du Gouvernement de mettre la priorité sur le préventif -le renforcement de la formation continue-, plutôt que sur les mesures correctrices comme les contrats aidés, qui restent utiles dans certaines situations mais doivent être utilisés avec discernement.

La ministre du travail nous a indiqué hier que l'expérimentation des emplois francs devrait concerner certains quartiers prioritaires de la politique de la ville situés en région parisienne, à Lille et Marseille. Mais nous ne disposons pas de l'évaluation du nombre de bénéficiaires en CDD et en CDI. Le dispositif proposé ressemble à une nouvelle catégorie de contrats aidés spécifiques aux quartiers en difficulté. L'amendement ne condamne pas l'organisation de l'expérimentation, il permet au Gouvernement de faire une économie substantielle. Il reste libre d'étendre par voie réglementaire cette expérimentation aux zones rurales, mais comme j'ai des doutes sur l'efficacité même des emplois francs, je ne souhaite pas prendre l'initiative de les étendre aux zones rurales. Ce n'est pas notre commission qui est chargée de donner des avis sur les amendements portant sur le PLF, mais il pourrait être utile d'interroger en séance publique la ministre sur le champ d'application de l'expérimentation.

Concernant les entreprises adaptées, la ministre du travail a confirmé hier devant notre commission son ambition de clarifier leur financement par un amendement qui sera examiné lundi prochain en séance publique dans notre assemblée. Vous pourrez donc l'interroger sur les crédits dédiés aux travailleurs handicapés.

M. Alain Milon , président . - Nous passons maintenant à la présentation de l'amendement n° II-270 du rapporteur pour avis sur les emplois francs.

M. Michel Forissier . - L'amendement que je vous propose vise à diviser par deux les crédits de l'expérimentation des emplois francs, afin de les ramener à 90 millions en autorisations d'engagement et 5,8 millions en crédits de paiement.

Trois raisons justifient cet amendement. La première est le coût excessif du dispositif proposé par le Gouvernement : quasiment un demi-milliard d'euros en AE pour une expérimentation d'un an et demi. À titre de comparaison, l'expérimentation « zéro chômage de longue durée », qui durera cinq ans, coûtera seulement 18 millions d'euros en 2018.

La deuxième raison est que j'ai des doutes sérieux sur l'efficacité des emplois francs. Le Gouvernement, échaudé par l'échec de l'expérimentation en 2013 et 2014, a refusé de prévoir des critères d'âge ou de diplôme pour verser l'aide, et il n'a pas ciblé de secteurs d'activité prioritaires. En agissant ainsi, le risque est grand de faire apparaître des effets d'aubaine. Or je vous rappelle que c'est ce risque qui a justifié la suppression par le Gouvernement des emplois aidés dans le secteur marchand ! Il n'est pas raisonnable de dépenser un demi-milliard pour soutenir des embauches qui auraient eu lieu de toute façon dans la majorité des cas sans la création des emplois francs.

La troisième raison de cet amendement, c'est l'absence d'information sur des paramètres décisifs de l'expérimentation, comme le nombre prévisionnel d'embauches en CDI et en CDD. On a l'impression d'un dispositif conçu tardivement, dans la précipitation, qui ne permet pas au Parlement de se prononcer en toute connaissance de cause.

Au final, l'amendement que je vous propose ne supprime pas l'expérimentation, mais il vise à encadrer strictement l'enveloppe budgétaire qui lui est allouée.

Le Gouvernement restera en tout état de cause libre de fixer par voie réglementaires les paramètres de l'expérimentation (choix des quartiers, montant et durée de l'aide), tout en respectant l'enveloppe fixée par le Parlement. Nous souhaitons tous nous mobiliser pour défendre les quartiers prioritaires de la politique de la ville, mais dans le contexte budgétaire actuel, nous devons agir avec prudence et responsabilité quand il s'agit des deniers publics, sans créer de faux espoirs chez nos concitoyens.

M. René-Paul Savary . - Le coût de l'expérimentation évoqué dans l'amendement du rapporteur pour avis ne me semble pas cohérent avec celui de 64 millions d'euros mentionné dans l'amendement adopté à l'Assemblée nationale. En outre, dès lors que l'on accepte le principe des emplois francs, pourquoi ne pas d'emblée les étendre aux zones rurales ?

M. Michel Amiel . - À combien s'élèvera le coût de l'expérimentation des emplois francs si votre amendement est adopté ?

M. Michel Forissier , rapporteur pour avis . - Un amendement présenté par notre collègue Monique Iborra et plusieurs membres de la République en marche et instituant l'expérimentation des emplois francs pour un coût de 64 millions a effectivement été adopté en commission des affaires sociales. Mais il a ensuite été retiré en séance publique à la demande du Gouvernement, dont deux amendements sur ce sujet ont été adoptés. C'est pour cette raison que je disais que ce dispositif avait été préparé dans la précipitation. Je vous rappelle que le Gouvernement devra remettre en septembre 2019 un rapport au Parlement sur le bilan de l'expérimentation avant son éventuelle généralisation.

La commission adopte l'amendement n° II-270.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », sous réserve de l'adoption de l'amendement n° II-270 portant sur les emplois francs, et un avis favorable sur le compte d'affectation spéciale « financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » du projet de loi de finances pour 2018.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

___________

• Association des régions de France (ARF)

David Margueritte , président de la commission apprentissage

Marie-Reine du Bourg , conseillère aux relations parlementaires

Philippe Brivet, conseiller emploi, formation professionnelle

Denis Leboucher , directeur de la formation professionnelle au Conseil régional Normandie

• Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Unédic)

Vincent Destival, directeur général

• CCI France

Jérôme Pardigon, directeur des relations institutionnelles

Patrick Guézou , directeur formation-compétences

• Pôle emploi

Jean Bassères , directeur général

• Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)

Carine Chevrier, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle

Nicolas Thiersé, chef de la mission des affaires financières

• Assemblée permanente des Chambres de métiers et de l'artisanat (APCMA)

Jacques Garau , directeur général

François-Xavier Huard, responsable du service compétitivité des entreprises

Valérie Chaumanet , directrice des relations institutionnelles

• Association nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes (AFPA)

Pascale d'Artois, directrice générale

• Direction générale du travail (DGT)

Régis Bac, chef de service

Denis Hennequin, chef du bureau budget

Nathalie Cours, adjointe au chef du département du pilotage du système d'inspection du travail (DPSIT)


* 1 9 millions d'euros dans le PLF pour 2017.

* 2 Situation financière de l'Assurance chômage, prévisions pour les années 2017 et 2018, 25 octobre 2017, Unédic.

* 3 Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.

* 4 On appelle déficit structurel la partie du déficit due à des mesures qui ne sont pas directement liées aux fluctuations de la conjoncture économique.

* 5 Pour mémoire, le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018 prévoit la suppression l'an prochain des cotisations salariales d'assurance maladie et d'assurance chômage, en contrepartie d'une augmentation de 1,7 point de la contribution sociale généralisée (CSG).

* 6 Ce plafond ne s'applique pas à la contribution du budget général au compte d'affectation spéciale « Pensions », à la charge de la dette, aux remboursements et aux dégrèvements.

* 7 Cette deuxième priorité du grand plan d'investissement concerne dans une moindre mesure le ministère de l'éducation nationale puisqu'il devra financer des expérimentations dans le premier cycle universitaire, afin d'améliorer la formation initiale des jeunes, leur orientation au lycée comme à l'université et leur insertion professionnelle.

* 8 Décret n° 2017-1529 du 3 novembre 2017 instituant un haut-commissaire à la transformation des compétences.

* 9 « Le niveau de formation et de diplôme demeure toujours déterminant dans l'insertion des apprentis », Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance du ministère de l'éducation nationale (DEPP), note d'information n° 17-11, juin 2017.

* 10 Dares analyses, « Les contrats aidés : quels objectifs, quel bilan ? », mars 2017, n° 21.

* 11 L'emploi durable, selon la Dares, désigne les CDI, les CDD de plus de six mois, les titularisations dans la fonction publique et les emplois de travailleurs indépendants, et exclut par conséquent les emplois aidés.

* 12 Courrier du ministère de la cohésion des territoires, du ministère du travail et du ministère de l'éducation nationale, adressé aux préfets, 6 septembre 2017.

* 13 Projet annuel de performances, annexe au projet de loi de finances pour 2018, p. 56.

* 14 Étude de la Dares n° 56 d'octobre 2016 « Les jeunes en emploi d'avenir : quel accès la formation, pour quels bénéficiaires ? ».

* 15 Cette convention stipule toutefois que la subvention de l'État peut être revue à la baisse, après avis du comité de suivi, si une diminution pérenne, pendant au moins six mois consécutifs, s'applique à deux indicateurs centraux : d'une part, le nombre de demandeurs d'emploi en fin de mois des catégories A et B doit passer sous le seuil de 4 millions ; d'autre part, le nombre de demandeurs d'emploi de longue durée de ces deux catégories doit être inférieur à 1 180 000. Or aucune de ces conditions n'a été remplie selon les services de Pôle emploi.

* 16 Evaluation à mi-parcours de la convention tripartite Pôle emploi/État/Unédic, Inspection générale des finances, Inspection générale des affaires sociales, Michel Fuzeau, David Genet, Hervé Gosselin, François Schechter, février 2017.

* 17 Op. cit., p. 3.

* 18 Op. cit., p. 4.

* 19 En 2016, elles bénéficiaient d'un budget total de 642,56 millions d'euros (subventions brutes et contributions volontaires en nature) pour financer l'intégralité des missions mentionnées à l'article L.5314-2 du code du travail. Les régions, tout comme les communes (ou structures intercommunales) participent chacune à hauteur de 16 % au budget des missions locales, loin devant les départements, les fonds européens ou Pôle emploi.

* 20 Les missions locales : du rapport Schwartz à la garantie jeunes, trente années d'accompagnement des jeunes en difficulté, rapport de François Patriat et Jean-François Requier, fait au nom de la commission des finances, déposé le 7 juin 2017, p. 7.

* 21 Arrêté du 18 décembre 2013 portant avenant au cahier des charges des maisons de l'emploi.

* 22 Cet amendement prévoit en contrepartie une diminution des crédits de l'action 2 « amélioration de l'insertion dans l'emploi par l'adaptation des qualifications et la reconnaissance des compétences » portée par le programme 103 « accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».

* 23 Les autres dispositifs disposent de crédits bien moindres, qu'il s'agisse de l'aide au chômeur créant ou reprenant une entreprise (ACCRE) dotée de 37,1 millions, de l'allocation de solidarité spécifique formation (25,6 millions), de l'intéressement-ASS (11 millions) ou de l'allocation équivalent retraite (7,8 millions).

* 24 Selon le PLF pour 2018, 424 500 personnes devraient bénéficier l'an prochain de l'ASS pendant une période de 364 jours en moyenne, contre 479 320 personnes en 2017 pendant une période moyenne de 352 jours. Pour mémoire, depuis janvier 2017, il n'est plus possible de cumuler l'ASS et l'allocation aux adultes handicapés (AAH).

* 25 Sous-action 2 de l'action 2 du programme 102.

* 26 Ce dispositif relève désormais de l'action 3 « plan d'investissement des compétences du programme 102 « accès et retour à l'emploi », et non plus de son action 2 comme les années précédentes.

* 27 Lancé dans dix territoires volontaires en application de la loi n° 2016-231 du 29 février 2016 d'expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée, ce projet autorise des entreprises à but d'emploi relevant de l'économie sociale et solidaire (ESS), conventionnées par un fonds national spécifique, à embaucher en CDI des demandeurs d'emploi de longue durée rémunérés au moins au Smic, pour effectuer des prestations répondant à des besoins sociaux locaux, avec pour objectif final de les rendre solvables grâce à une réallocation à budget constant des dépenses publiques existantes.

* 28 Le PLF pour 2017 prévoyait seulement une dotation de 320 millions.

* 29 Le PLF pour 2017 consacrait en effet 41 millions à cette mesure.

* 30 Lors de l'examen de la mission à l'Assemblée nationale le 8 novembre 2017, la Ministre du travail a indiqué qu'au total l'an prochain, « ce sont 4 millions d'euros supplémentaires qui seront versés aux entreprises adaptées. Pour ce qui est de l'aide au poste dans ces entreprises, on passe de 326 millions à 338 millions d'euros, soit 12 millions de crédits supplémentaires. Pour ce qui est de la subvention dite « spécifique » dans les entreprises adaptées, qui demande de justifier dix critères, il y a effectivement une baisse de 8 millions d'euros ».

* 31 La dotation de 57,7 millions en PLF pour 2017 avait toutefois été ramenée à 54,6 millions en LFI.

* 32 Les crédits européens, issus du fonds social européen (FSE) et de l'Initiative pour l'emploi des jeunes (IEJ), concernent uniquement les régions dont le taux de chômage des jeunes dépassait 25 % au 31 décembre 2012.

* 33 Les jeunes bénéficieront d'une allocation dégressive dont le montant ne peut dépasser celui du revenu de solidarité active, hors forfait logement, en contrepartie de leur engagement de suivre un parcours intensif d'accès à des expériences professionnelles ou à des formations. Au 1 er septembre 2017, le plafond de l'allocation était de 480 euros. Elle est cumulable avec les revenus d'activités jusqu'à 300 euros et dégressive ensuite jusqu'à un niveau équivalent à 80 % du montant mensuel brut du Smic.

* 34 Contre 313 millions selon le PLF pour 2017.

* 35 Le coût unitaire est de 1 600 euros par jeune entrant dans le dispositif pendant douze mois.

* 36 Contre 161 millions selon le PLF pour 2017.

* 37 Les autorités françaises utilisent également l'expression anglo-saxonne « Not in Education, Employment or Training », ou NEET, pour désigner ce public.

* 38 Rapport sur le projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s, de MM. Jean-Baptiste Lemoyne, Jean-Marc Gabouty et Michel Forissier, 1 er juin 2016, tome 1, pp. 284-288.

* 39 Comité scientifique en charge de l'évaluation de la Garantie Jeunes, rapport intermédiaire, novembre 2016.

* 40 « Même si la mobilisation des acteurs locaux pour la recension des jeunes éligibles et leur orientation vers la Garantie Jeunes a été inégale selon les territoires, celle-ci semble bien avoir atteint sa cible ». En outre, « l'évaluation n'a pas mis en lumière de défaut important de conception du dispositif ». Enfin, « l'allocation s'est révélée primordiale pour la plupart des bénéficiaires » car « la logique de contrepartie associée à l'allocation semble bien comprise ». Op. cit., pp. 2-4.

* 41 « La part des jeunes pré-identifiés dans les territoires pilotes qui sont en emploi est de 40,4 %, au lieu de 34,1 % si la Garantie Jeunes n'avait pas été introduite. De même, leur part en emploi durable est de 20,5 %, au lieu des 15,9 % que l'on aurait constatés sans la Garantie Jeunes ». Op. cit., p. 4.

* 42 Décret n° 2016-40 du 25 janvier 2016 instituant une aide à l'embauche dans les petites et moyennes entreprises.

* 43 Décret n° 2016-1952 du 28 décembre 2016 modifiant le décret n° 2016-40 du 25 janvier 2016 instituant une aide à l'embauche dans les petites et moyennes entreprises.

* 44 Décret n° 2015-806 du 3 juillet 2015 instituant une aide à l'embauche d'un premier salarié.

* 45 « Prime à l'embauche dans les petites et moyennes entreprises : une première évaluation à partir des déclarations d'embauche », Insee Analyses, n°29, décembre 2016.

* 46 Direction générale du Trésor, « Les aides à l'embauche : un outil efficace de soutien à l'emploi ? », Trésor-éco, n° 177, août 2016.

* 47 Rapport public annuel 2016 de la Cour des comptes, tome I, février 2016, p. 59.

* 48 Alors que le Gouvernement nourrissait de fortes ambitions en 2013 lors de l'examen du projet de loi portant création de ce dispositif, en se fixant comme objectif 85 000 binômes formés en 2013 et 100 000 en année pleine, seulement 14 825 nouvelles aides ont été effectivement versées en 2013, 18 109 en 2014, 20 000 étant attendues en 2015 tout comme en 2016. Entre le 1 er janvier 2017 et le 31 juillet 2017, seulement 5 076 demandes d'aide ont été acceptées.

* 49 Les contrats de professionnalisation bénéficient également d'exonérations sociales compensées par l'État, pour un coût beaucoup plus faible : 11,6 millions selon le PLF pour 2018.

* 50 La LFI pour 2017 avait prévu 194 millions en AE et 136 millions en CP.

* 51 Décret n° 2015-773 du 29 juin 2015 portant création d'une aide en faveur des très petites entreprises embauchant des jeunes apprentis.

* 52 Le niveau IV correspond aux formations de niveau du bac (général, technologique ou professionnel), du brevet de technicien (BT) ou du brevet professionnel, tandis que le niveau V désigne les formations de niveau CAP (certificat d'aptitude professionnelle), BEP (brevet d'études professionnelles) ou le diplôme national du brevet.

* 53 Décret n° 2017-267 du 28 février 2017 instituant une aide financière en faveur des jeunes apprentis.

* 54 Proposition de loi n° 394 visant à développer l'apprentissage comme voie de réussite, de Mme Elisabeth Lamure et plusieurs de ses collègues, déposée le 10 février 2016.

* 55 L'article L.1 du code du travail dispose en effet que « Tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l'objet d'une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l'ouverture éventuelle d'une telle négociation. À cet effet, le Gouvernement leur communique un document d'orientation présentant des éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et les principales options. »

* 56 Ordonnance n° 2016-1519 du 10 novembre 2016 portant création au sein du service public de l'emploi de l'établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes.

* 57 Rapport sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-1519 du 10 novembre 2016 portant création au sein du service public de l'emploi de l'établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes, de Michel Forissier, au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, 1 er février 2016, p. 58.

* 58 Art. L. 5315-5 du code du travail.

* 59 L'article L. 5315-5 du code du travail dispose que les dotations de l'État à l'agence « sont calculées pour compenser au plus la charge financière des missions et sujétions de service public résultant de l'application de l'article L. 5315-1 et des 1° à 3° et du a du 4° de l'article L. 5315-2 » du même code.

* 60 Op. cit., p. 60.

* 61 Pour mémoire, les pertes de l'Afpa en 2016 s'élevaient à 63 millions d'euros.

* 62 Amendement n° II-505.

* 63 Amendement n° II-1083.

* 64 Exposé des motifs de l'amendement n° II-AS51, PLF 2018, Assemblée nationale.

* 65 La diminution des crédits était ainsi répartie :

- l'action 1 du programme 102, relatif à l'amélioration de l'efficacité du service public de l'emploi, à hauteur de 18 millions ;

- l'action 2 du même programme, portant sur l'amélioration des dispositifs en faveur de l'emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail, pour 12 millions ;

- l'action 2 du programme 103, qui traite de l'amélioration de l'insertion dans l'emploi par l'adaptation des qualifications et la reconnaissance des compétences, à raison de 10 millions;

- l'action 3 du même programme, portant sur le développement de l'emploi, à hauteur de 16 millions ;

- l'action 3 du programme 111, relative au dialogue social et à la démocratie sociale, à concurrence de 3 millions ;

- l'action 16 du programme 155, qui traite des personnels mettant en oeuvre les politiques d'amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail, à hauteur de 5 millions.

* 66 Amendement n° II-1033.

* 67 Amendement n° II-1034.

* 68 Exposé des motifs de l'amendement n° II-1033.

* 69 Si une entreprise embauche en CDI le 30 décembre 2019 une personne résidant dans l'un des quartiers prioritaires de la ville visée par l'expérimentation, même si celle-ci ne débouche pas sur une généralisation et que les emplois francs sont abandonnés, l'État devra malgré tout honorer son engagement de verser sur trois ans la prime de 15 000, soit un engagement financier sur les années 2020, 2021 et 2022. Si l'administration accorde un délai de six mois pour déposer une demande, comme c'est le cas aujourd'hui pour les primes à l'embauche dans les PME, l'engagement financier de l'État pourrait même concerner l'année 2023.

* 70 Deux économistes de l'OFCE, Paul Bauchet et Pierre Madec, rappellent que l'enquête Emploi en continu de l'INSEE du quatrième trimestre 2014 avait estimé que 38 000 jeunes sur 366 000 chômeurs dans les ZUS étaient éligibles à l'expérimentation des emplois francs. https://www.ofce.sciences-po.fr/blog/emplois-francs-que-faut-il-en-attendre/

* 71 Au 1 er avril 2017, on comptait 4 605 défenseurs syndicaux dont 59 chargés de représenter les intérêts des employeurs.

* 72 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, art. 258.

* 73 L. 1423-10 du code du travail.

* 74 R. 1423-33 du code du travail.

* 75 L. 1423-10-1 du code du travail.

* 76 L'article 1 er de la loi n° 2014-1528 du 18 décembre 2014 relative à la désignation des conseillers prud'hommes oblige les partenaires sociaux à présenter une liste de candidats, pour chaque conseil, qui comporte un nombre égal de femmes et d'hommes, présentés alternativement.

* 77 L'article L. 6241-2 du code du travail prévoit que les régions bénéficient, en plus de cette fraction de la taxe d'apprentissage, d'une part du produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). L'ensemble, défini comme la ressource régionale pour l'apprentissage, doit au moins être égal à 1,544 milliard d'euros. Cette ressource est ensuite répartie entre les régions selon une clef de répartition qui constitue un instantané de la situation financière en valeur absolue constatée en 2015.

* 78 La part fixe de la ressource régionale est fixée par le même article L. 6241-2 à 1,544 milliard d'euros. Comme la fraction de la TICPE est estimée à 154 millions, la part fixe finalement versée aux régions s'élèvera à seulement 1,39 milliard.

* 79 En application de l'article L. 6241-2 du code du travail, cette part variable est répartie selon des critères spécifiques ayant trait à la proportion de la taxe d'apprentissage au niveau national redistribuée à l'échelon régional (60 %), au nombre d'apprentis préparant un diplôme inférieur au bac (26 %) et supérieur à ce niveau (14 %).

* 80 En outre, cet article prévoyait initialement un rétablissement du plafond des contributions à la formation professionnelle (CFP) des artisans, qui devait aboutir, dans la version initiale du PLF pour 2018, à un reversement de 6,8 millions au budget général de l'État. Le Gouvernement justifiait cette mesure par le fait que l'article 41 de la loi « Travail » avait par erreur supprimé les plafonds en vigueur, qui étaient pourtant rendus obligatoires à la fois par l'article 16 de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, et par l'article 15 de la loi de programmation applicable aux années 2018 à 2022. Toutefois, un amendement du rapporteur général (I-602) a été adopté en séance publique à l'Assemblée nationale afin de garantir que l'intégralité des contributions à la formation professionnelle sera reversée l'an prochain au Fonds d'assurance formation des chefs d'entreprise artisanale (FAFCEA), écartant par conséquent tout reversement au budget général de l'État. Toutefois, le principe du plafonnement de cette ressource demeure maintenu.

* 81 Rapport fait au nom de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2018 (n° 235), Assemblée nationale, tome II, examen de la première partie, par M. Joël Giraud, rapporteur général, 12 octobre 2017, p. 638.

* 82 Voir les amendements identiques du rapporteur général (I-605), du groupe La République en marche (I-1115) et de notre collègue Philippe Chalumeau (I-118).

* 83 Suite à l'adoption de l'amendement I-606 du rapporteur général, un rapport sur ce thème devra être remis par le Gouvernement au Parlement avant le 1 er février 2018.

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