AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le premier budget du quinquennat, et plus particulièrement la mission « travail et emploi » et le compte d'affectation spéciale relatif à l'apprentissage, sont placés à la fois sous le signe de la transition et de la rupture .

Transition , parce que le Gouvernement ne présentera son projet de loi pour réformer l'assurance chômage, la formation professionnelle et l'apprentissage qu'au printemps 2018. Transition aussi, car le Gouvernement doit honorer le financement de dispositifs forts coûteux, comme l'aide à l'embauche dans les PME (1,1 milliard d'euros) , mis en place et prolongés par le précédent exécutif, sans que leur efficacité soit démontrée. Transition enfin, car de nombreuses mesures sont reconduites sans changement majeur par rapport au précédent budget, que l'on songe à la subvention versée à Pôle emploi, aux missions locales et à l'Afpa, ou aux crédits dédiés à la garantie jeunes, généralisée sur le territoire depuis le 1 er janvier 2017.

Rupture , car les contrats aidés , pour la première fois depuis trente ans, connaissent un coup de frein majeur, le secteur marchand ne pouvant plus désormais y recourir. Rupture aussi, puisque le Gouvernement se résout, après les hésitations de la précédente majorité, à lancer dès le début du quinquennat un grand plan d'investissement en matière de compétences , convaincu que seule la formation continue des salariés et des demandeurs d'emploi pourra à long terme lutter contre le fléau du chômage de masse. Rupture enfin, car les contrats de génération , dont l'échec a été constaté depuis plusieurs années par votre rapporteur pour avis puis par la Cour des comptes, viennent enfin d'être abrogés par une ordonnance du 22 septembre 2017.

Si votre rapporteur soutient globalement la philosophie sous-jacente à la mission « travail et emploi » et au compte d'affectation spéciale relatif à l'apprentissage, plusieurs interrogations demeurent sur la portée des ruptures proposées par le Gouvernement.

Tout d'abord, le financement du plan d'investissement dans les compétences (PIC), qui devrait s'élever à 14,6 milliards pendant le quinquennat, n'est pas connu. Seulement 1,1 milliard seront mobilisés en 2018 par la mission, incluant 467 millions au titre de la garantie jeunes, dont la création et la généralisation sont imputables à la précédente majorité.

Ensuite, le Gouvernement n'a pas fourni de perspective pluriannuelle sur l'évolution du nombre de contrats aidés. Or les bénéficiaires de ces contrats, comme les structures qui y recourent, ont besoin de visibilité pour adapter leurs comportements, surtout après le trouble suscité par les annonces gouvernementales cet été.

Enfin, les chômeurs âgés sont souvent démunis et peinent à retrouver un emploi. L'abrogation des contrats de génération était inéluctable, mais la question des mesures en faveur de cette population n'a toujours pas trouvé de réponse satisfaisante.

Bâtir un budget pertinent pour la mission « travail et emploi » en début de quinquennat n'est pas aisé . La plupart des dépenses sont contraintes , qu'il s'agisse des dépenses de personnel, des subventions versées aux opérateurs de l'État ou du financement des allocations de solidarité. Quand le Gouvernement souhaite créer un nouveau dispositif, les difficultés sont nombreuses. Toute nouvelle mesure peut s'avérer inutile en raison des effets d'aubaine (aide à l'embauche dans les PME précitée), de l'effet « saupoudrage » dû à son faible montant (prestation conseil en ressources humaines 1 ( * ) ), ou de ses rigidités juridiques (contrat de génération). Plus globalement, toute nouvelle mesure pour l'emploi devrait être précédée d'une évaluation de son coût d'opportunité pour les finances publiques, puis faire l'objet d'une simulation ex ante , d'une expérimentation territoriale ou dans le temps, d'un suivi et enfin d'une évaluation au bout de deux ans d'application environ.

C'est pourquoi votre rapporteur pour avis exprime ses doutes sur la pertinence des emplois francs, introduits en cours de discussion à l'Assemblée nationale par voie d'amendement du Gouvernement . S'il est évident que les quartiers prioritaires de la ville doivent bénéficier de toute l'attention des pouvoirs publics, encore faut-il que le dispositif proposé soit efficace et que son coût soit raisonnable. Or l'expérimentation menée entre 2013 et 2014 par la précédente majorité a montré l'échec de ce dispositif et le coût annoncé par le Gouvernement, uniquement pour l'expérimentation de sa nouvelle mouture, est excessif : pratiquement un demi-milliard d'euros en autorisation d'engagement, même si aucune généralisation n'est ensuite décidée.

Pour la deuxième année consécutive, votre rapporteur pour avis a fait le choix d'établir un questionnaire budgétaire commun avec les rapporteurs spéciaux de la commission des finances. Malgré la diminution du nombre de questions et leur rationalisation, force est de constater que les services ministériels ont manqué de diligence puisqu'au 10 octobre 2017, seulement 49 % des réponses avaient été communiquées au Sénat.


* 1 9 millions d'euros dans le PLF pour 2017.

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