B. LA POURSUITE DE LA MODERNISATION DE LA POLITIQUE TERRITORIALE

La majeure partie du budget de la Mildeca - 8,4 millions d'euros , soit 47,8 %, ou 54,8 % hors titre 2 - est consacrée à la mise en oeuvre territoriale de la politique de prévention et de lutte contre les drogues et les conduites addictives . En raison de son caractère interministériel, elle est confiée à des chefs de projets , fonction occupée par les directeurs de cabinet des préfets de département et de région. Grâce aux crédits qui leur sont délégués, ils participent au cofinancement d'actions locales de lutte contre les addictions, essentiellement en matière de prévention, au côté des collectivités territoriales, des ARS ou d'autres services déconcentrés de l'État.

Une importante modernisation de cet aspect de la politique pilotée par la Mildeca a été engagée ces dernières années, notamment dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP) 47 ( * ) . Sur la base des constats alors formulés, notamment la nécessité d'apporter, au niveau central, un appui aux chefs de projets, et le besoin d'optimiser l'utilisation des ressources disponibles, le pilotage du réseau territorial de la Mildeca, qui reposait alors sur l'échelon départemental, a évolué.

A partir de 2014, la régionalisation des financements a été instituée. Désormais, ce sont les chefs de projets régionaux, c'est-à-dire les directeurs de cabinet des préfets de région, qui perçoivent une dotation de la Mildeca puis la répartissent ensuite entre les départements de leur ressort géographique. Ils sont également chargés de coordonner les actions des chefs de projets départementaux et sont les garants de la cohérence territoriale de la politique régionale de lutte contre les addictions, arrêtée par un comité de pilotage régional rassemblant l'ensemble des responsables des administrations de l'État et des collectivités territoriales concernées.

De nouvelles orientations ont également été définies par la Mildeca, dans le respect du cadre fixé par le plan gouvernemental 2013-2017. L'importance de maximiser l'effet de levier des financements apportés par les chefs de projets a été rappelée, alors que leurs subventions ne peuvent prendre en charge plus de 80 % du coût d'une action ou couvrir des dépenses d'investissement. Selon la circulaire d'orientation 2017 adressée par la Mildeca aux chefs de projets, ceux-ci doivent avoir à l'esprit quatre priorités lorsqu'ils déterminent l'utilisation des fonds à leur disposition :

- prévenir les conduites addictives, y compris l'entrée dans le trafic ;

- renforcer la sécurité, la tranquillité publique et l'application de la loi ;

- réduire les risques et accompagner les populations les plus vulnérables ;

- renforcer les actions de formation des adultes encadrants et des professionnels au contact du public.

De plus, trois publics prioritaires ont été identifiés : les populations en errance, les consommatrices de drogues et les jeunes, en direction desquels une « vigilance particulière » est recommandée. Enfin, la nécessité d'établir, préalablement à l'élaboration d'appels à projets, un diagnostic local des conduites addictives a été soulignée.

Les critères de répartition
des dotations régionales de la Mildeca

La modulation de la dotation annuelle attribuée par la Mildeca aux chefs de projets régionaux est réalisée selon quatre critères :

- une enveloppe forfaitaire par région , pour prendre en compte la dimension régionale ;

- le nombre de départements couverts , pour prendre en compte la dimension départementale ;

- l' effectif de la population de moins de 20 ans , principale cible de la politique de prévention ;

- le nombre de jeunes âgés de 17 ans concernés par les usages quotidiens de tabac, réguliers de cannabis et par les ivresses répétées.

Dans l'hexagone, le montant de cette dotation a varié en 2016 de 321 473 euros en Centre-Val de Loire à 1 401 032 euros en Ile-de-France.

Source : Mildeca

En 2016, les 8,98 millions d'euros délégués par la Mildeca ont permis de financer 1 640 projets , pour 60 % d'entre eux consacrés à la prévention, 17 % à l'accompagnement des populations les plus vulnérables, 15 % à l'application de la loi et 4 % à la formation. Ils ont entrainé la mobilisation de 18,58 millions d'euros de crédits supplémentaires fournis par les partenaires locaux (+ 3,5 % par rapport à 2015), les deux principaux étant les collectivités territoriales (32 %) et les ARS (27 %). Les premiers bénéficiaires de ces fonds sont des associations (53 %) et des établissements scolaires (25 %).

Cette modernisation de l'action territoriale de la Mildeca reste inachevée et se heurte à plusieurs obstacles bien identifiés. Paradoxalement, la régionalisation a pu avoir des effets contraires à ceux recherchés.

Les chefs de projets disposent auprès d'eux de moyens très limités pour les assister dans le pilotage de cette politique. Ainsi, s'ils sont 77 % à avoir un collaborateur direct, ce ne sont en général qu'entre 0,1 et 0,5 ETP que ce dernier consacre à la mise en oeuvre et à l'animation du dispositif. Dans le même temps, le renforcement des compétences des chefs de projets régionaux s'est accompagné d'une forte augmentation de leurs responsabilités et de la charge de travail de leurs équipes. En conséquence, comme le souligne la Mildeca, le circuit décisionnel s'est parfois allongé, en contradiction avec les objectifs de simplification et d'appui aux départements poursuivis par cette nouvelle organisation 48 ( * ) .

De plus, une grande hétérogénéité des pratiques entre régions a été constatée, s'agissant tout particulièrement de l'articulation entre le niveau régional et celui des départements. Plusieurs modèles différents cohabitent, selon qu'un seul appel à projets régional soit ensuite décliné dans les départements ou que des appels à projets départementaux soient lancés au côté d'un appel à projets régional destiné à subventionner des actions de plus grande ampleur. Ainsi, plus de deux ans après la réforme, la logique départementale l'emporte encore souvent sur la logique régionale, alors qu'il n'a pas été possible à ce jour de faire émerger une « culture régionale », en raison notamment de l'absence d'acteurs véritablement régionaux impliqués dans la lutte contre les addictions et des grandes différences qui peuvent exister entre les territoires d'une même région en matière de conduites addictives.

Plusieurs des faiblesses des politiques territoriales identifiées ces dernières années n'ont par ailleurs pas encore été corrigées. Ainsi, l'évaluation des projets financés doit être renforcée . L'an passé, seulement une région sur deux avait engagé une telle démarche pour l'une des actions soutenues. Qui plus est, celles qui sont effectivement réalisées sont essentiellement quantitatives et portent sur les effets d'une mesure à court terme. De plus, le taux de renouvellement des subventions reste élevé : en 2016, il s'élevait à 56 % , contre 52 % en 2015.

Enfin, force est de constater l' incapacité à réaliser une étude fine des spécificités et contraintes particulières de chaque territoire en matière d'addictions . Malgré l'appui de l'OFDT et l'implication croissante des ARS, 30 % seulement des territoires ont bénéficié en 2016 d'un diagnostic local qui a permis de bâtir des axes stratégiques adaptés . Dans tous les autres, l'élaboration d'une politique régionale s'est heurtée à l'absence de données sur les pratiques locales de consommation de stupéfiants et leur évolution récente, dont l'utilisation aurait permis de mieux cibler les appels à projets et d'améliorer ainsi l'efficacité des financements de la Mildeca.

Dans ce contexte, votre rapporteur pour avis estime nécessaire de prolonger cette dynamique de modernisation de la politique territoriale de lutte contre les conduites addictives et d'en corriger les lacunes . Si l'échelle régionale est bien la plus pertinente pour son pilotage et la répartition des crédits, il faut prendre garde à ne pas ignorer les disparités entre départements et les contraintes particulières pesant sur les plus petits d'entre eux, surtout à l'échelle des douze grandes régions issues de la réforme territoriale de 2015. Enfin, l'accent doit être mis sur l'observation locale des phénomènes addictifs , avec l'appui de l'OFDT, ce qui plaide pour un renforcement des moyens de ce dernier ou, à tout le moins, une coopération renforcé de celui-ci avec les observatoires régionaux de santé des ARS.


* 47 Marie Morel, Isabelle Yeni (Igas), Olivier Diederichs, Anne Tagand (IGA), Françoise Pieri-Gauthier, Catherine Mocko (IGSJ), « Evaluation du pilotage territorial de la politique de prévention et de lutte contre les drogues et la toxicomanie », mars 2014.

* 48 Source : Rapport d'activité des chefs de projets Mildeca en 2016, octobre 2017, p. 6.

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