II. UN EFFORT SOUS CONTRAINTES MAJEURES

A. LES RISQUES DE LA FIN DE L'EXÉCUTION 2017

La mesure véritable de l'effort porté pour la défense par le PLF 2018 ne pourra être prise qu'une fois levées toutes les incertitudes pesant sur la fin de l'exécution en cours, laquelle conditionnera l'entrée dans la gestion du budget prévu pour l'an prochain. Ainsi, le budget de la défense 2018 a partie liée avec la fin de gestion de l'exercice 2017 , desquelles dépend notamment, toutes choses égales par ailleurs, le montant du report de charges de la mission « Défense ».

À cet égard, les inquiétudes tiennent d'abord aux ressources :

- d'une part, au moment où le présent rapport est mis sous presse, encore 700 millions d'euros de crédits restent gelés , à titre de réserve de précaution , sur le programme 146 « Équipement des forces », indisponibles pour la direction générale de l'armement (DGA) ;

- d'autre part, il est fort probable que l' objectif de produits de cessions d'immeubles, fixé en LFI à hauteur de 200 millions d'euros, ne pourra pas être atteint . L'écart constaté, dans la réalisation, sur le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », privera d'autant les investissements du ministère des armées en ce domaine.

Les inquiétudes sont également liées aux dépenses :

- en premier lieu, plus de 365 millions d'euros de surcoûts nets d'opérations, extérieures et intérieures, restent à couvrir . Il convient de s'assurer qu'aucun ré-arbitrage de dernière minute ne vienne remettre en cause l' équilibre satisfaisant trouvé, pour leur financement, par le projet de loi de finances rectificative (PLFR) de fin d'année et le projet de décret d'avance qui lui est associé ;

- en second lieu, dans ce contexte, la maîtrise du niveau du report de charges de la mission « Défense » paraît singulièrement compliquée , alors que ce report, comme on l'a exposé ci-dessus, se trouve aggravé déjà, de façon certaine, à hauteur de 420 millions d'euros, du fait des mesures mises en oeuvre par le ministère des armées pour faire face à l'annulation de crédits intervenue en juillet dernier. Il pourrait atteindre, en fin d'année, un niveau historiquement élevé d'au moins 3,5 milliards d'euros .

Du moins, vos rapporteurs pour avis notent que, comme l'année dernière, aucun dérapage de la masse salariale ( dépenses de titre 2 ) n'a été constaté, cette année, hors OPEX , qui seraient imputables, notamment, aux dysfonctionnements du logiciel de paye « Louvois » - et que le ministère des armées aurait dû couvrir en vertu du principe d'« auto-assurance » retenu, en la matière, par la LPM 2014-2019 32 ( * ) . Au contraire, un excédent prévisionnel de crédits de titre 2, issu pour l'essentiel de la différence entre les versements d'indus et les récupérations effectués par le ministère, permet qu'une partie des surcoûts d'opérations soit payée (52,5 millions d'euros), dans le schéma de financement réalisé par le PLFR et le projet de décret d'avance de fin d'année ( cf . infra ).

De même, la hausse des cours du pétrole observée cette année reste sans incidence, à ce stade, sur le budget de la défense : les fluctuations de prix des carburants sont en pratique fortement lissées dans le temps par les modes d'achats mis en oeuvre pour les armées 33 ( * ) et elles ne justifient pas, pour le moment, la mise en oeuvre des clauses de garanties introduites dans la LPM, en 2015, par le Parlement 34 ( * ) .

Cependant, ces deux sujets - masse salariale du ministère de la défense, prix du pétrole et donc des carburants - appellent une constante vigilance de la part de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . En particulier, la hausse des cours du pétrole, toutes choses égales par ailleurs, est de nature à réduire les économies issues de l'évolution du « coût des facteurs » pris en compte dans les versions actualisées du référentiel (VAR) de la programmation militaire 35 ( * ) .

1. Des inquiétudes tenant aux ressources
a) Le dégel des crédits restant en réserve (700 millions d'euros)

Les crédits prévus en LFI 2017 pour la mission « Défense » se trouvaient affectés d'un « gel » initial à hauteur de 2,7 milliards d'euros , dont une réserve de précaution de 1,6 milliard d'euros - soit, au total, 8,3 % de ces crédits hors pensions (32,44 milliards d'euros). Compte tenu de l' annulation de 850 millions d'euros , comme ci-dessus rappelé, par le décret du 20 juillet dernier, restaient à débloquer 1,85 milliard d'euros - soit 5,8 % des crédits de la mission, hors pensions, subsistant pour l'année (31,59 milliards d'euros).

Les réserve de précaution et autres formes de gel de crédits ne se voient habituellement levées, le cas échéant, qu'en fin d'exécution budgétaire. Toutefois, un « dégel » anticipé , à hauteur de 1,15 milliard d'euros , a été pratiqué, cet été, au bénéfice de la mission « Défense », concomitamment à l'annulation de crédits dont elle a fait l'objet. Cette mesure a rendu disponible la totalité des crédits inscrits sur les programmes de la mission à l'exception du programme 146 « Équipement des forces ». De la sorte, 700 millions d'euros sont restés « gelés » sur le programme 146 , à titre de réserve de précaution - soit 7,6 % des crédits subsistants sur ce programme (9,2 milliards d'euros) et 2,2 % des crédits de la mission restants pour l'année, hors pensions.

Cette situation implique de fortes tensions de trésorerie pour la DGA 36 ( * ) . Le dégel des crédits en cause reste en attente au moment où le présent rapport est mis sous presse. Devant cette situation, vos rapporteurs pour avis expriment leur vive préoccupation .

b) La réalisation des produits de cessions immobilières prévus (200 millions d'euros)

L'actualisation de la LPM par la loi du 28 juillet 2015 a permis de « re-budgétiser », et donc de sécuriser, l'essentiel des ressources du budget de la défense qui, dans la version initiale de la programmation, étaient attendues de recettes exceptionnelles (REX), de nature extrabudgétaire. En particulier, cette loi a substitué une prévision de crédits budgétaires à celle des produits de la cession de fréquences hertziennes - principalement la vente de la bande passante dite des 700 mégahertz (MHz) aux opérateurs de téléphonie mobile. Au titre de ressources extrabudgétaires, seuls demeurent actuellement, dans la programmation militaire, les produits de cessions d'immeubles et de matériels du ministère de la défense.

Cependant, par rapport à la prévision de recettes de cessions immobilières figurant dans la version initiale de la LPM (480 millions d'euros entre 2015 et 2019), la loi du 28 juillet 2015 a procédé à un quasi doublement , sur cinq ans , de ces « REX » subsistantes , les portant à 930 millions d'euros, ventes d'immeubles et de matériels confondues. Or la LFI 2017 a amplifié la tendance , en doublant l'objectif de produits de cessions d'immeubles retenu en 2015, fixé ainsi à hauteur de 200 millions d'euros ; et le PLF 2018 y contribue de même , bien que plus faiblement, en augmentant de 40 millions d'euros ( + 40 % ) la prévision de ces recettes immobilières arrêtée en 2015.

Ce faisant, la prévision de crédits de cessions immobilières et de matériels représente plus du double de celle que comportait la LPM, dans sa version initiale, pour la période 2015-2019, et même le quintuple pour ce qui concerne la seule année 2017. Certes, ces recettes extrabudgétaires ne représentent plus, désormais, qu'une fraction mineure du budget de la défense ; elle n'est cependant pas négligeable : 0,4 % du total des CP prévus, hors pensions, pour 2018, mais 7,8 % des CP dédiés à l'immobilier (1,78 milliard d'euros). La fiabilité de la prévision de ce budget s'en trouve fragilisée, compte tenu du caractère aléatoire que revêtent les calendriers et les montants des ventes .

Recettes de cessions affectées au budget de la défense

(CP, en milliards d'euros courants)

2015

2016

2017

2018

2019

Total 2015-2019

LPM initiale

0,23

0,20

0,05

0

0

0,48

Actualisation (loi du 28 juillet 2015, LFI 2017* et PLF 2018**)

Total

0,23

0,25

0,25

0,15

0,15

1,03

Immobilier

0,23

0,20

0,20

0,14

0,10

0,83

Matériels

0

0,05

0,05

0,05

0,05

0,20

Variation

en volume

0

+ 0,05

+ 0,20

+ 0,19

+ 0,15

+ 0,55

en proportion

0

+ 25 %

+ 500 %

-

-

+ 215 %

(*) : Majoration des recettes de cessions immobilières à hauteur de 100 millions d'euros.

(**) : Majoration des recettes de cessions immobilières à hauteur de 40 millions d'euros.

Source : documentation budgétaire

Un élément particulier de fragilité, en ce domaine, tient à l' absence de plafonnement de la décote dite « Duflot » praticable 37 ( * ) , en faveur du logement social et jusqu'à 100 %, sur la valeur vénale des immeubles vendus par le ministère de la défense, depuis que le plafonnement à 30 %, introduit dans la loi du 28 juillet 2015 à l'initiative conjointe de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et de la commission des finances du Sénat, a été abrogée, à l'initiative de l'Assemblée nationale, dans la LFI 2016. Cette décote a ainsi entraîné une forte baisse du prix de la cession d'une première partie de l'îlot dit « Saint-Germain », à Paris : alors que ce bien aurait pu être vendu pour plus de 80 millions d'euros, il ne devrait finalement l'être qu'au prix de 29 millions d'euros, sur lesquels le ministère des armées s'est en outre engagé à payer des dépenses de désamiantage pour 2 millions d'euros 38 ( * ) .

Dans ces conditions, il apparaît à ce jour fort probable que l'objectif susmentionné de produits de cessions d'immeubles fixé, dans la LFI 2017, à hauteur de 200 millions d'euros, ne pourra pas être atteint . L'écart constaté, dans la réalisation, sur le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », privera d'autant les investissements immobiliers du ministère des armées . Ce contexte rend évidemment regrettable, aux yeux de vos rapporteurs pour avis, la nouvelle révision à la hausse de l'objectif en la matière à laquelle procède le PLF 2018, comme signalé ci-dessus ; il confirme, s'il était besoin, les risques inhérents aux prévisions de ressources extrabudgétaires et la pertinence du principe déjà exprimé par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées selon lequel la défense , en tant que mission régalienne , « exige des crédits dont l'État détienne la pleine maîtrise, c'est-à-dire budgétaires 39 ( * ) » .

Au demeurant, il convient de rappeler la clause de garantie introduite en 2015, à l'initiative de la commission, dans la LPM 40 ( * ) : « dans l'hypothèse où le montant des ressources issues de cessions ou le calendrier selon lequel les crédits correspondants sont affectés au budget de la défense ne seraient pas réalisés conformément à la [...] loi de programmation, ces ressources seraient intégralement compensées par des crédits budgétaires sur la base d'un financement interministériel ».

2. Des inquiétudes tenant aux dépenses
a) Le financement des surcoûts d'opérations encore à couvrir (365 millions d'euros)

À la fin de l'année en cours, d'après les prévisions du Gouvernement, les surcoûts nets d'opérations extérieures et intérieures restant à financer doivent s'élever, au total, à 365,3 millions d'euros .

Pour ce qui concerne les OPEX , 191,6 millions d'euros sont encore à couvrir compte tenu de : 1° la provision inscrite à ce titre en LFI à hauteur de 450 millions d'euros, conformément aux dispositions de la LPM 41 ( * ) ; 2° l'ouverture de 643 millions d'euros de crédits supplémentaires par le décret précité du 20 juillet dernier ; 3° des remboursements attendus, pour l'essentiel, des Nations Unies et d'autres organismes internationaux ou de pays tiers, à hauteur de 42,8 millions d'euros. Les surcoûts bruts d'OPEX, c'est-à-dire avant déductions des éléments précités, se seront élevés au total, cette année, à plus de 1,327 milliard d'euros, suivant la répartition par théâtre que fait apparaître le tableau ci-dessous.

Surcoût brut prévisionnel des OPEX pour 2017

(en millions d'euros)

Pays/zones

Forces/opérations

RCA

ESN RCA, EUTM RCA

35,8

Bande sahélo-saharienne

BARKHANE, EUTM

679,0

Océan Indien

ATALANTE

1,5

HERACLES MER

22,0

Liban

FINUL DAMAN

51,5

Golfe de Guinée, Côte d'Ivoire

CORYMBE CALAO ONUCI

10,5

Levant

CHAMMAL

461,9

Méditerranée

EUNAVFOR SOPHIA

6,8

Autres

58,2

Total

1 327,4

Source : ministère des armées

Pour ce qui concerne les OPINT, 173,7 millions d'euros sont encore à couvrir, compte tenu de la provision inscrite en LFI, à ce titre, à hauteur de 41 millions d'euros. Ce montant comprend les surcoûts entraînés par l'opération « Sentinelle » et par les interventions militaires aux Antilles à la suite des ouragans Irma et Maria survenus en septembre dernier (à hauteur de 8,3 millions d'euros pour ces dernières).

Surcoûts nets d'OPEX et d'OPINT restant à couvrir fin 2017

(en millions d'euros)

Dépenses de titre 2

(programme 212 « Soutien de la politique de la défense »)

203,6

Dépenses hors titre 2

161,7

- Programme 178 « Préparation et emploi des forces »

144,6

- Programme 212 « Soutien de la politique de la défense »

17,1

Total

365,3

Source : ministère des armées

Chaque année, il s'agit là d'un enjeu essentiel de la négociation interministérielle visant la régulation budgétaire de fin d'exercice : une véritable « épée de Damoclès » pesant sur l'exécution du budget de l'année et, partant, sur l'entrée dans la gestion du budget de l'année suivante .

S'agissant des OPEX , les dispositions susmentionnées de la LPM fondent la demande du ministère de la défense tendant à faire prendre en charge les surcoûts nets constatés, hors investissements, par un financement interministériel . Cependant, l'absence de clé de répartition officielle entre missions du budget général laisse toujours planer un doute sur l'éventuelle part du financement qui pourrait être laissée à la charge de la défense.

S'agissant des OPINT , la LPM ne comporte pas de dispositions équivalentes à celles qui visent le financement des OPEX , malgré l'initiative prise en ce sens, en 2015, par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées 42 ( * ) . Les régulations budgétaires de fin d'année 2015 et 2016 ont établi un précédent favorable pour le ministère de la défense, en assurant une couverture intégrale du surcoût en cause par la voie interministérielle ; mais, hors cette pratique répétée, aucune règle n'existe.

C'est donc avec soulagement que vos rapporteurs pour avis constatent que, comme l'année dernière, un équilibre satisfaisant a été trouvé par le PLFR) de fin d'année et le projet de décret d'avance qui lui est associé 43 ( * ) : le financement des surcoûts d'OPEX et d'OPINT restant à couvrir à ce jour sera réalisé par la solidarité ministérielle à hauteur de 312,8 millions d'euros, et la couverture du solde ( 52,5 millions d'euros) grâce à l'excédent prévisionnel de crédits de masse salariale du ministère des armées , issu pour l'essentiel de la différence entre les versements d'indus et les récupérations effectués par le ministère.

Mesures de fin de gestion 2017 pour la mission « Défense »

(CP, en millions d'euros)

Décret d'avance

PLFR

Totaux

Ouvertures de crédits

Titre 2

+ 151,0*

0

+ 151,0

+ 312,8

Hors titre 2

+ 86,8**

+ 75,0***

+ 161,8

Annulations de crédits

0

0

0

Solde

+ 237,8

+ 75,0

+312,8

(*) : Programme 212 « Soutien de la politique de la défense »

(**) : Le détail par programme figurera dans le décret d'avance : 69,7 millions d'euros sur le programme 178 et 17,1 millions d'euros sur le programme 212.

(***) : Programme 178 « Préparation et emploi des forces »

Source : ministère des armées

Ce faisant, aucune nouvelle annulation n'est prévue, cette année, sur les crédits de la mission « Défense » . La contribution du ministère des armées à la solidarité interministérielle devant permettre de financer les autres mesures de régulation budgétaire requises par la fin de l'exercice se limite à une ponction hors périmètre « LPM », à hauteur de 4 millions d'euros, inscrite dans le projet de décret d'avance 44 ( * ) .

Il conviendra toutefois de s'assurer que nul ré-arbitrage de dernière minute ne vienne remettre en cause cet équilibre , alors notamment que, comme on l'a signalé, 700 millions d'euros se trouvent toujours « gelés » sur le programme 146 .

b) La maîtrise du report de charges (au moins 3,5 milliards d'euros)

Le budget prévu pour la mission « Défense » l'année prochaine sera grevé dès l'entrée en gestion, comme chaque année, de la somme des dépenses obligatoires nées du report de charges de la gestion de l'exercice en cours . Le report de charges concernant le programme 146 « Équipement des forces », habituellement, représente à lui seul environ les deux tiers du report global affectant la mission.

La notion de report de charges

Le report de charges est une notion budgétaire. Établi de manière prévisionnelle, il correspond à l'estimation de l'insuffisance de ressources pour couvrir le montant de l'ensemble des services faits, envisagés comme devant être prononcés avant la fin de la gestion. Il prend également en compte les avances prévues sur contrats qui seront signés au 31 décembre.

Une fois la gestion terminée, la notion budgétaire prévisionnelle de report de charges laisse place à la notion comptable des « dépenses obligatoires », qui correspond aux « dépenses pour lesquelles le service fait a été certifié au cours de l'exercice précédent et dont le paiement n'est pas intervenu » (article 95 du décret relatif à la gestion budgétaire et comptable publique du 7 novembre 2012). Cette notion de dépenses obligatoires ne tient pas compte du fait que les factures aient été reçues ou non, ni que leur date d'échéance intervienne au plus tard le 31 décembre de l'année de la gestion n ou en gestion n+1. Elle n'est définitivement établie qu'en fin de premier trimestre n+1, certains services faits en année n n'étant rattachés au niveau comptable qu'en début de gestion n+1.

Les dépenses obligatoires sont composées des éléments suivants :

- les « dettes fournisseurs », c'est-à-dire les demandes de paiement déjà visées par le comptable avant le 31 décembre, mais qui n'ont pas été payées ;

- les « charges à payer », c'est-à-dire les charges qui ont donné lieu à un service fait au titre d'un exercice, mais qui n'ont pas été comptabilisées avant la clôture de celui-ci, que les factures soient parvenues ou non ;

- les avances dues au titre des contrats signés dans l'année, mais non payées au 31 décembre.

Les dépenses obligatoires comprennent une part structurelle incontournable, qu'on peut estimer à environ un mois de paiement, cohérent avec le délai global de paiement légal - les factures de décembre n'étant payées que l'année suivante - et avec la date limite pour émettre des demandes de paiements vers les comptables, qui se situe habituellement autour du 10 décembre.

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire établi en application de l'article 49 de la LOLF

Ce report, cette année, a été d'ores et déjà aggravé de 420 millions d'euros sur le programme 146 , comme on l'a indiqué ci-dessus, du fait des mesures mises en oeuvre par le ministère des armées à la suite de l'annulation de crédits intervenue en juillet dernier. Pour le reste, son niveau pour l'ensemble de la mission « Défense » sera fonction, en synthèse :

- d'une part, de la réalisation effective du financement, tel qu'il est prévu dans le PLFR de fin d'année, des surcoûts nets d'opérations ( OPEX et OPINT ), soit 365 millions d'euros ;

- d'une part, du dégel total ou partiel, ou de l'absence de dégel, des 700 millions d'euros de crédits à ce jour restés bloqués sur le programme 146 , à titre réserve de précaution ;

- enfin, de l'impact d' éventuels autres arbitrages interministériels requis pour l'achèvement de la gestion budgétaire en cours, étant rappelé ici que, du moins, aucun dérapage de la masse salariale n'a été constaté, que le ministère des armées aurait dû assumer au titre du principe d'« auto-assurance » en la matière.

Sous les hypothèses les plus favorables (déblocage intégral des crédits actuellement gelés et conservation à la mission « Défense », en fin de gestion, de l'ensemble des crédits prévus en LFI 2017, déduction faite de l'annulation de 850 millions d'euros intervenue en juillet dernier), le report de charges de la mission « Défense », de 2017 sur 2018, pourrait être au moins égal au report de 2016 sur 2017 majoré des 420 millions d'euros susmentionnés, liés à l'annulation de crédits de juillet dernier - soit, au moins, 3,5 milliards d'euros . Il s'agirait ainsi du plus haut montant de report de charges de la mission constaté historiquement .

Évolution du report de charges de la mission « Défense »

(en millions d'euros)

Composantes du report de charges

Fin 2011

Fin 2012

Fin 2013

Fin 2014

Fin 2015

Fin 2016 (prévision)

Dettes fournisseurs

1 489,1

1 896,4

1 735,0

2 293,9

1764,4

-*

Charges à payer

1 245,4

1 254,4

1 683,8

1 068,6

103

-*

Avances dues

n.c.

8,6

33,0

135,6

1221,6

-*

Total

(Évolution)

2 734,5

3 159,5

(+ 15,5 %)

3 451,8

(+ 9,2 %)

3 498,1

(+1,3 %)

3 088,9

(- 11,7 %)

3 120

(+ 1 %)

(*) : Il n'est pas possible d'anticiper la structure du report de charges, laquelle dépend, au jour près, des dates comptables d'enregistrement des actes de paiement.

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire établi en application de l'article 49 de la LOLF

En tout état de cause, tout dépassement de ce montant entraverait d'autant la mise en oeuvre des actions prévues pour l'année prochaine, singulièrement sur le programme 146, en risquant de conduire au décalage de certains programmes d'équipement. Il impacterait en outre, au-delà de l'exercice 2018, l'entrée dans la future programmation militaire prévue à partir de 2019.


* 32 Pour mémoire, la mise en place, depuis 2014, d'un nouveau pilotage des ressources humaines et de la masse salariale du ministère de la défense (regroupement des crédits de titre 2 du ministère au sein du seul programme 212, placé sous la responsabilité du secrétaire général pour l'administration, et reconnaissance d'une autorité fonctionnelle renforcée au directeur des ressources humaines du ministère sur les directions des ressources humaines des armées et des services) a contribué à une meilleure maîtrise des crédits en cause et à un resserrement des écarts entre prévision et exécution. Ces écarts demeurent cependant possibles, du fait soit de causes exogènes au ministère (dynamisme des pensions, augmentation mécanique de certaines autres dépenses dites « hors socle », OPEX), soit de causes endogènes (mesures statutaires et catégorielles, glissement vieillesse-technicité [GVT], dysfonctionnements de « Louvois »...). Le principe d'« auto-assurance » du ministère en la matière, hors dépenses d'OPEX, retenu par la LPM 2014-2019, implique que tout autre dépassement des besoins de crédits de titre 2 par rapport aux prévisions de la LFI soit assorti de mesures correctives, permettant le retour à l'équilibre dans le cadre de la gestion annuelle. En 2016, aucune régulation n'a été requise à cet égard, dans la mesure notamment où les dysfonctionnements de « Louvois » - restant, en eux-mêmes, insatisfaisants - s'étaient alors « auto-compensés » : les trop-versés s'étaient avérés moindres que les trop-perçus.

* 33 Facturation par le service des essences des armées sur la base d'un coût pondéré (la moyenne du prix du baril de pétrole des douze derniers mois) et recours, en lien avec l'agence des participations de l'État (APE), à des échanges de flux financiers ( swaps ) sur les contrats de fourniture concernés.

* 34 Introduit par l'Assemblée nationale dans la loi d'actualisation du 28 juillet 2015, l'article 3-II de la LPM 2014-2019 prévoit qu'« en cas de hausse du prix constaté des carburants opérationnels, la mission "Défense" bénéficie de mesures financières de gestion et, si la hausse est durable, des crédits supplémentaires sont ouverts en construction budgétaire, pour couvrir les volumes nécessaires à la préparation et à l'activité opérationnelle des forces ». Introduit à la suite par le Sénat, à l'initiative de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et de la commission des finances, dans la même loi d'actualisation du 28 juillet 2015, l'article 3-III de la LPM prévoit plus largement que, « dans l'hypothèse où l'évolution des indices économiques ne permettrait pas de dégager les ressources financières permettant d'assurer la soutenabilité financière de la trajectoire d'équipement des forces fixée par la [...] loi de programmation, la compensation nécessaire au respect de celle-ci serait assurée au moyen de crédits budgétaires ».

* 35 Rappelons que la trajectoire financière de la LPM 2014-2019 ayant été construite en euros courants, des écarts sont en effet constatés entre l'inflation prévue et l'inflation réelle des prix du pétrole, mais aussi de certains marchés de fourniture et des cours monétaires. La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a régulièrement attiré l'attention sur la prudence qu'il convenait d'observer à cet égard (cf. en dernier lieu le rapport d'information susmentionné, « 2 % du PIB : les moyens de la défense nationale »).

* 36 Auditionné par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, dans le cadre de l'examen du PLF 2018, le 18 octobre 2017, M. Joël Barre, délégué général pour l'armement, a confirmé que « sans dégel de tout ou partie de ces crédits, nous sommes à la veille de la cessation de paiement, sensiblement à la même période que l'an passé ». L'année dernière, en effet, le gel de crédits a été la source de tensions de trésorerie importantes et précoces sur le programme 146 : la DGA ne pouvait plus honorer ses factures dès le 12 octobre 2016, comme l'avait indiqué à la commission M. Laurent Collet-Billon, délégué général pour l'armement, auditionné dans le cadre de l'examen du PLF 2017 le 26 octobre 2016.

* 37 Disposition inscrite à l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques, issue de la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.

* 38 Indication donnée par M. Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration du ministère des armées, lors de son audition par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, le 11 octobre 2017, dans le cadre de l'examen du PLF 2018. Il a précisé que 50 logements, sur un programme de 250 logements, seraient réservés au personnel militaire. Restent à céder, à Paris : d'une part, la partie restante de l'îlot « Saint-Germain » (immeuble situé le long du boulevard Saint-Germain et de la place Jacques-Bainville) ; d'autre part, l'hôpital du Val-de-Grâce, bâtiment dont la valeur vénale est estimée à 100 millions d'euros.

* 39 Rapport d'information susmentionné, « 2 % du PIB : les moyens de la défense nationale ».

* 40 Article 3-IV de la LPM 2014-2019, introduit par la loi d'actualisation du 28 juillet 2015.

* 41 Article 4 de la LPM 2014-2019, premier alinéa, déjà cité.

* 42 L'amendement en la matière, adopté par le Sénat en première lecture du projet devenu la loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire, n'a pas pu prospérer dans la suite de parcours parlementaire du texte.

* 43 Comme l'explique l'exposé général des motifs du PLFR, « certaines ouvertures ne pouvant attendre la promulgation de la loi de finances rectificative, le Gouvernement prévoit de publier, d'ici la fin novembre, un décret d'avance [...]. Sa ratification sera proposée au Parlement au cours de l'examen parlementaire du [PLFR]. »

* 44 Ces annulations concernent le programme 191 « Recherche duale » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » et les programmes de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation »

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