III. LA PROJECTION, LA MOBILITÉ ET LE SOUTIEN

Crédits prévus au titre de l'action 8 « Projection-mobilité-soutien » du programme 146

(hors fonds de concours et attributions de produits,

en milliers d'euros)

AE

CP

LFI 2017

PLF 2018

Évolution 2017-18

LFI 2017

PLF 2018

Évolution 2017-18

08

Projection - mobilité - soutien

615,88

1 120,99

+ 82%

1 284,76

1 399,20

+ 9%

08-42

Projeter les forces - Avion de transport futur (A400M)

57,92

49,19

- 15%

325,77

190,80

- 41%

08-43

Projeter les forces - Autres opérations

180,65

178,42

- 1%

203,79

268,17

+ 32%

08-46

Assurer la mobilité - Rénovation Cougar

0,00

0,00

-

31,59

11,16

- 65%

08-47

Assurer la mobilité - Hélicoptère NH 90

0,00

32,30

+ 100%

337,03

445,71

+ 32%

08-48

Assurer la mobilité - Autres opérations

347,69

182,45

- 48%

77,77

125,77

+ 62%

08-51

Maintenir le potentiel ami et autre - Porteur polyvalent terrestre (PPT)

0,00

0,00

-

78,22

18,69

- 76%

08-53

Maintenir le potentiel ami et autre - Autres opérations

29,62

28,64

- 3%

49,78

59,53

+ 20%

08-55

Maintenir le potentiel ami et autre - MRTT

0,00

650,00

+ 100%

180,81

279,37

+ 55%

Source : réponse du Gouvernement au questionnaire établi en application de l'article 49 de la LOLF

L'action 8 « Projection-mobilité-soutien » du programme 146 vise les équipements destinés à la projection des forces, par voie aérienne ou maritime, sur des théâtres souvent éloignés de plusieurs milliers de kilomètres ; la mobilité de ces forces à l'intérieur du théâtre à tout moment de l'opération ; enfin, le soutien dans la durée des opérations. À ce titre, le PLF 2018 présente une demande d'ouverture de crédits de 1,12 milliard d'euros en AE et près de 1,4 milliard d'euros en CP, soit respectivement 14 % des CP prévus pour le programme l'année prochaine.

Les AE de l'action 8 « Projection - mobilité - soutien » permettront de lancer certaines commandes majeures : la modernisation de 6 avions de transport tactique C130H ; 1 200 véhicules légers tactiques polyvalents non protégés (VLTP NP) ; des compléments de constitution du système de soutien et de prestations de suivi en service de l'hélicoptère NH90 (sous-action 47) ; et les trois derniers avions de ravitaillement et de transport MRTT ( multi-role transport tanker ) Phénix prévus par la LPM 2014-2019 (sous-action 55).

A. LES PRINCIPALES OPÉRATIONS

1. La flotte de transport aérien militaire
a) L'avion A400M Atlas

L'A400M 86 ( * ) est un avion de transport quadri-moteurs destiné à réaliser l'aérotransport et l'aérolargage de troupes et de matériels (aérotransport logistique inter théâtres, aérotransport tactique). Il est destiné à remplacer progressivement la flotte de transport tactique de C160 Transall et à assurer un complément à la capacité de ravitaillement aérien. L'A400M dispose d'une forte vitesse de croisière à haute altitude et d'une capacité à utiliser des terrains sommaires ; ses capacités lui permettent de transporter 25 tonnes sur 3 700 km ou 17 tonnes sur 5 550 km ; il a une charge maximale offerte de 32 tonnes et peut transporter 116 passagers.

Le premier A400M français a été livré en 2013 à l'armée de l'air. La LPM 2014-2019 a conduit à une renégociation globale du planning de livraison : par rapport à la LPM précédente, les livraisons ont été étalées et les cibles d'acquisition réduites. Le calendrier prévoit que 15 avions doivent avoir été livrés d'ici 2019. L'armée de l'air dispose à ce jour de onze appareils ; deux nouveaux doivent être livrés d'ici la fin 2017 et deux encore en 2018.

L'A400M offre des performances logistiques remarquables, dont il n'est plus possible de se passer. Cependant, au début de l'année 2015, Airbus a annoncé des difficultés en termes de développement et de production ; l'industriel a alors remanié l'ensemble de son équipe dédiée au programme A400M, et les sept États partenaires de ce programme 87 ( * ) ont mis en place une cellule internationale pour analyser le plan d'action industriel élaboré afin de poursuivre la livraison des appareils et des capacités militaires au plus près des besoins. L'impact pour la France a consisté, d'une part, dans la livraison de 8 avions (sur le total des 15 attendus) au simple standard initial, qui fait de l'A400M un appareil essentiellement logistique, au lieu de deux prévus par le contrat et, d'autre part, dans un décalage des livraisons .

Le plan d'action industriel susmentionné, présenté en juillet 2016, prévoit en effet la livraison de façon progressive, jusqu'en 2020, des capacités tactiques attendues de l'appareil (extraction de charges lourdes par la rampe arrière, parachutage simultané par les portes latérales, autoprotection contre des missiles sol-air à très courte portée, ravitaillement en vol d'hélicoptères et atterrissage sur terrain sommaire). Les premiers A400M dotés de capacités tactiques minimales (aérolargage, autoprotection, atterrissage sur terrain sommaire) ont été livré en 2016 et 2017.

Le chef d'état-major de l'armée de l'air, devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, a souligné les qualités de l'A400M : « C'est un bon appareil lorsque l'on aura corrigé ses erreurs de jeunesse. Mais il faut que chacun se mette au travail et aide l'armée de l'air à atteindre ses capacités opérationnelles 88 ( * ) . » Airbus est conscient des attentes qui pèsent sur lui à cet égard.

Le coût du programme, pour la France, s'élève à 9,5 milliards d'euros aux conditions économiques de 2017.

b) Les avions C160 et C130

En conséquence de l'étalement des livraisons et de la réduction des cibles d'acquisition de l'A400M décidé par la LPM 2014-2019, la flotte d'appareils C160 Transall a été prolongée au-delà de 2020, de manière à préserver les capacités de transport tactique. L'incertitude liée à cette prolongation des C160 explique que le rapport annexé à la LPM 2014-2019 ne mentionne pour cible qu' » une cinquantaine d'avions de transport tactique » , le profil définitif du retrait de service des C160, à l'horizon 2023, n'étant pas figé, non plus que le calendrier de livraison des A400 M. La flotte d'avions de transport tactique, à terme, devrait être constituée d'une quinzaine d'A400M, d'une vingtaine de C130 et d'un nombre de C160 qui dépendra des possibilités techniques de prolongation de cet appareil.

Toutefois, eu égard à la tension sur la capacité de transport tactique entraînée par la forte et durable sollicitation des C160 et C130 en opérations extérieures, ainsi qu'au coût de maintenance grandissant des C160, et dans l'attente de la montée en capacité de l'A400M, la loi du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire a introduit une modification dans le rapport annexé à la LPM, afin de mentionner que « sera étudiée » la mise à disposition, d'ici à 2019, d'une capacité de quatre avions C130 supplémentaires, dont deux équipés afin de pouvoir ravitailler en vol les hélicoptères . La commande de quatre Hercules C130 J neufs a été effectuée en janvier 2016 auprès de l'armée de l'air américaine ; la livraison d'un premier appareil est prévue en décembre 2017, les trois autres d'ici 2019 . Formation initiale et soutien initial inclus, le coût de l'opération est de 700 millions d'euros aux conditions économiques de 2017.

Il convient de noter qu'alors que deux de ces nouveaux appareils doivent être dotés de la capacité de ravitailler en vol des hélicoptères - capacité précieuse dans la bande sahélo-saharienne et qui fait défaut, à ce jour, à l'A400M -, en l'état du parc d'hélicoptères existant seuls les Caracal en service dans l'armée de l'air se trouvent munis de la perche pouvant permettre cette opération de ravitaillement, et seuls les hélicoptères Caracal peuvent être ainsi configurés ... En particulier, cette faculté n'a pas été techniquement prévue pour l'hélicoptère NH90, dont la loi du 28 juillet 2015 d'actualisation de la LPM a prévu d'augmenter les cadences de livraison au profit de l'armée de terre ( cf. infra ).

L'armée de l'air dispose aujourd'hui de quatorze C130 (5 avions C130 H et 9 avions C130 H30). L' opération « C130 Modernisation » , lancée en 2015 avec la commande de deux avions rénovés, poursuit un double objectif : d'une part, un complément de rénovation permettant de mettre les avions en conformité avec les exigences de circulation aérienne générale au-delà de 2020 (suivant les normes de l'organisation de l'aviation civile internationale - OACI) ; d'autre part, des améliorations des capacités tactiques au profit des forces spéciales. La livraison du premier C130 ainsi modernisé a été repoussée d'un an, à 2019, par la loi du 28 juillet 2015 actualisant la LPM 2014-2019 ; une nouvelle commande de six  C130 H rénovés est prévue en 2018 .

2. L'hélicoptère NH90

Le NH90, objet de la sous-action 47 du programme 146, est un hélicoptère bi-turbines de la classe des 11 tonnes avec un système d'armes intégré et des commandes de vol électriques, réalisé en coopération européenne et destiné au renouvellement des flottes de transport tactique et de lutte anti-sous-marine pour la France, l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas, la Belgique et le Portugal. Il se décline en deux versions principales, le TTH (Tactical Transport Helicopter) et le NFH (NATO Frigate Helicopter).

Le TTH remplace progressivement les hélicoptères Puma de l'armée de terre. Ses missions principales sont le transport tactique de matériel (jusqu'à deux tonnes et demi) et l'héliportage de quatorze à vingt commandos. Les missions secondaires sont l'appui feu, le parachutage, l'évacuation de blessés ou l'utilisation dans le rôle de poste de commandement volant.

Le NFH remplace progressivement les hélicoptères Lynx et Super Frelon (déjà retirés du service actif) de la marine nationale. Ses principales missions sont la protection de force navale avec des capacités de lutte anti-sous-marine et anti-navire à partir de frégates, le transport à partir de la terre ou de bâtiments, le service public, la sauvegarde et le sauvetage.

Le coût du programme (étape 1) est de 6,9 milliards d'euros au coût des facteurs de 2017, compte tenu de l'acquisition fin 2015 de six appareils TTH supplémentaires conformément à la LPM actualisée par la loi du 28 juillet 2015. Ce programme englobe ainsi désormais, au total, le développement et l'acquisition de 74 TTH et 27 NFH. Fin juillet 2017, 25 hélicoptères NH90 avaient été livrés à l'armée de terre et 19 à la marine . Pour 2018 est prévue la livraison de 10 nouveaux hélicoptères, dont 2 en version navale et 8 en version terrestre.

L'actualisation de la LPM opérée par la loi du 28 juillet 2015 a en effet prévu l'augmentation des cadences de ces livraisons : 44 hélicoptères NH90/TTH doivent avoir été livrés d'ici 2019, contre 38 dans la LPM initiale. Cette mesure doit permettre de remplacer et retirer du service six hélicoptères Puma actuellement engagés dans les opérations de la bande sahélo-saharienne et dont la flotte est âgée d'une quarantaine d'années. L'objectif est d'accroitre significativement la capacité opérationnelle en hélicoptères de manoeuvre, par une plus grande autonomie, une capacité de transport accrue et une meilleure résistance aux conditions d'engagement, qu'il s'agisse de la température ou du terrain. À la fin 2019, le parc d'hélicoptères de manoeuvre de l'armée de terre aura ainsi été sensiblement modernisé, comme son parc d'hélicoptères d'attaque et de reconnaissance ; composé de 115 appareils, il comprendra, outre les 44 NH90, 43 Puma, 26 Cougar et 8 Caracal. Une commande complémentaire de NH90 devrait achever le remplacement des Puma au cours de la prochaine décennie.

3. L'avion ravitailleur MRTT Phénix

L'avion MRTT (multi-role transport tanker) Phénix, objet de la sous-action 55 du programme 146, est un avion multi-rôles de ravitaillement en vol et de transport, destiné à remplacer les composantes actuelles de ravitaillement en vol (avions C-135 FR et KC-135 R) et de transport stratégique de personnel et de fret (flotte Airbus de l'armée de l'air) par un parc unique d'avions gros porteurs polyvalents. Il doit permettre :

- d'assurer les missions permanentes confiées aux armées : dissuasion nucléaire, posture permanente de sûreté aérienne, force interarmées de réaction immédiate (FIRI) ;

- de remplir les missions non permanentes d'intervention à l'extérieur de nos frontières, c'est-à-dire les opérations de gestion de crise ;

- de soutenir les opérations extérieures, y compris au travers du transport aérien médicalisé.

En particulier, le MRTT doit être capable d'assurer le ravitaillement en vol des avions d'armes de type Rafale ou Mirage 2000, ainsi que des avions lourds. De plus, il offre des capacités importantes de transport, nécessaires au nouvel équilibre capacitaire sur le segment « projection stratégique-ravitaillement en vol ».

Le lancement de la réalisation de ce programme, longtemps attendu, est intervenu en octobre 2014. Le coût en est de 3,8 milliards d'euros aux conditions économiques de 2017.

Le rapport annexé à la LPM 2014-2019 prévoit la livraison, sur la période qu'elle couvre, de 12 avions MRTT . La commande des trois derniers de ces appareils est programmée pour 2018 , conformément à la loi du 28 juillet 2015 qui, par rapport à la version initiale de la LPM, a procédé à une anticipation en la matière. Deux avions seront livrés sur la période de la programmation actuelle, le premier en 2018 et le second en 2019 ; la livraison des autres sera échelonnée jusqu'à 2025.

Cette décision a été prise en vue de vise à prévenir le risque de la grave rupture capacitaire à laquelle conduirait un arrêt de la flotte d'avions C135 . Alors que les avions ravitailleurs représentent la clé de voûte de toutes les opérations aériennes, en permettant la réactivité, l'allonge et l'endurance requises pour assurer les missions de dissuasion et d'intervention, la moyenne d'âge de la flotte des C135 (avions KC135 R et C135 FR) atteint déjà, en effet, une cinquantaine d'années ; un risque croissant pèse sur leur disponibilité et donc la satisfaction des contrats opérationnels auxquels ils participent. Leur retrait de service est programmé en cohérence avec le calendrier de livraison des MRTT susmentionné.

Compte tenu de l'enjeu majeur en cause, la question d'une accélération du calendrier des livraisons des MRTT se pose . Cette accélération, comme d'ailleurs l'augmentation de la cible d'acquisition, a déjà été préconisée par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées 89 ( * ) . L'industriel serait en capacité d'y procéder à partir de 2021 . Le choix devra être arrêté dans la prochaine LPM.


* 86 Le programme A400M a fait l'objet, en 2009, du rapport d'information n° 205 (2008-2009) de votre rapporteur pour avis Jacques Gautier avec notre collègue Jean-Pierre Masseret et, en 2012, du rapport d'information n° 627 (2011-2012) de vos rapporteurs pour avis Jacques Gautier et Daniel Reiner avec notre ancien collègue Bertrand Auban.

* 87 Outre la France, il s'agit de l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne, le Luxembourg, le Royaume-Uni et la Turquie.

* 88 Général André Lanata, chef d'état-major de l'armée de l'air, lors de son audition dans le cadre de l'examen du PLF 2018, le 25 octobre 2017. S'agissant du MCO, il a précisé que seuls quatre des onze appareils composant la flotte d'A400M étaient alors disponibles.

* 89 Cf . le rapport d'information déjà cité de nos anciens collègues Xavier Pintat et Jeanny Lorgeoux, « La nécessaire modernisation de la dissuasion nucléaire », mai 2017.

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