N° 110

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2017

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 2018 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME V

DÉFENSE :
ENVIRONNEMENT ET PROSPECTIVE
DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE

Par MM. Pascal ALLIZARD et Michel BOUTANT,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Bernard Cazeau, Mme Hélène Conway-Mouret, MM. Robert del Picchia, Thierry Foucaud, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Cédric Perrin, Gilbert Roger , vice-présidents ; M. Olivier Cigolotti, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Philippe Paul, Rachid Temal , secrétaires ; MM. Jean-Marie Bockel, Gilbert Bouchet, Michel Boutant, Olivier Cadic, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, René Danesi, Gilbert-Luc Devinaz, Jean-Paul Émorine, Bernard Fournier, Jean-Pierre Grand, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, MM. Jean-Louis Lagourgue, Robert Laufoaulu, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Rachel Mazuir, François Patriat, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Gérard Poadja, Ladislas Poniatowski, Mmes Christine Prunaud, Isabelle Raimond-Pavero, MM. Stéphane Ravier, Hugues Saury, Bruno Sido, Jean-Marc Todeschini, Raymond Vall, André Vallini, Yannick Vaugrenard, Jean-Pierre Vial, Richard Yung .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 235 , 264 rect. , 266 rect. , 273 à 278 , 345 et T.A. 33

Sénat : 107 à 109 et 111 à 114 (2017-2018)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOS RAPPORTEURS POUR AVIS

1. - Les crédits inscrits dans le PLF 2018 pour le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » s'élèvent à 1,44 milliard d'euros en AE et 1,39 milliard d'euros en CP , soit 3 % des AE et 3,3 % des CP prévus pour l'ensemble de la mission « Défense » l'année prochaine. Par rapport à la prévision inscrite en LFI pour 2017, il s'agit d'une augmentation de 4,5 % en CP (60 millions d'euros) et d'une diminution de 5,8 % en AE (89 millions d'euros) - évolution globale masquant des évolutions différentes dans le détail des actions du programme.

Les crédits ainsi ouverts devront couvrir les dépenses obligatoires nées du report de charges du programme issu de l'exécution 2017, estimé à 205 millions d'euros sous la condition que l'ensemble des crédits prévus en LFI soient bien conservés lors des arbitrages de fin de gestion. Ce niveau représenterait une baisse de 13 % par rapport au report de charges de 2016 sur 2017.

Conformément aux conclusions du Livre blanc sur la défense de 2013 et aux orientations de la LPM pour 2014-2019 confirmées par l'actualisation de 2015, les priorités soutenues par le programme sont la réaffirmation du rôle central du renseignement , la consolidation des efforts dans le domaine de la recherche de défense , et le maintien de la capacité d'influence de la France.

2 . - En ce qui concerne le renseignement (action 3 « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France »), vos rapporteurs constatent une augmentation importante de 20,28 % en CP par rapport à la LFI 2017 (hors dépenses de personnel), qui est principalement la conséquence de la consommation des importantes autorisations d'engagement antérieures finançant les programmes d'investissement techniques et la réalisation d'infrastructures de la DGSE. A l'inverse, les AE se stabilisent (-1,15 %) en raison du ralentissement cyclique des investissements. Cette augmentation est aussi la traduction d'une intensification de l'activité des services dans une période d'aggravation des menaces, notamment terroristes, de l'accroissement sensible de leurs effectifs, dont la traduction budgétaire est inscrite au programme 212, laquelle induit des coûts de fonctionnement courant et d'infrastructures, et de l'effort d'investissement technique pour le recueil, l'exploitation et le cyber, réalisé par le service de renseignement extérieur. Vos rapporteurs considèrent que cet effort est nécessaire pour assurer la sécurité nationale mais que cette croissance impose une modernisation des fonctions de soutien au sein des services.

D'autant qu'il se poursuivra au cours des prochaines années, la Revue stratégique de défense et de sécurité nationale ayant affirmé la priorité de la fonction « connaissance et anticipation » comme condition clef de l'autonomie stratégique de la France dans un monde plus incertain et plus dangereux.

3. - En ce qui concerne la recherche de défense (action 7 « Prospective de défense », dotée au total de 1,04 milliard d'euros par le PLF 2018) :

? Les crédits alloués pour l'année prochaine aux études amont sont fixés à 723,2 millions d'euros en CP , soit 53 % de l'ensemble des CP prévus pour le programme 144. Ce niveau de crédits est stable par rapport à la LFI pour 2017 (+0,4 %) et en ligne avec l'objectif fixé en la matière par la LPM pour 2014-2019 (730 millions d'euros en moyenne annuelle sur la période).

En prenant en compte les exécutions passées et les prévisions pour 2017 et 2018, le budget consacré aux études amont s'avère de 726,8 millions d'euros par an, en moyenne, depuis 2014 . À la suite du rapport d'information sur les moyens de la défense nationale adopté en mai dernier par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, vos rapporteurs appellent de leurs voeux le rehaussement, dans la prochaine LPM, de ce budget, à hauteur d'un milliard d'euros en moyenne annuelle , afin d'assurer une préparation adéquate de l'avenir de notre outil de défense.

? La prévision de crédits pour l' analyse stratégique est de 9,4 millions d'euros en AE et CP, montant en forte hausse par rapport à la LFI pour 2017 : un doublement des AE (+ 4,8 millions d'euros) et + 51 % en CP (3,2 millions d'euros). Cette évolution traduit budgétairement la réforme du dispositif ministériel de soutien à la recherche stratégique mise en oeuvre depuis 2015 - création de « contrats-cadres » favorisant le pilotage des études, développement de relations plus étroites avec le champ universitaire - en vue de répondre à la relative fragilité de la recherche stratégique nationale pour la sécurité et la défense, comparée notamment aux « war studies » anglo-saxonnes.

? Le budget total consacré à la R&D de défense représentera 4,676 milliards d'euros l'année prochaine, soit, malgré une baisse de 5 % par rapport à la prévision pour 2017, un montant supérieur de 28 % au budget moyen du domaine sur la période 2014-2016 . Malgré les contraintes pesant sur ses finances publiques, la France reste ainsi le pays d'Europe qui consacre le plus gros effort budgétaire à sa R&D de défense (11,4 % du budget de la défense nationale en 2017).

À cet égard, vos rapporteurs saluent la création par le ministère des armées avec BPI France, officiellement annoncée le 16 novembre 2017, de Definvest , fonds d'investissement pour soutenir le développement des PME stratégiques pour la défense . Ce nouvel outil vient compléter les dispositifs de soutien à l'innovation déjà mis en oeuvre par la DGA (RAPID, ASTRID et ASTRID Maturation...).

4 . - Vos rapporteurs marquent leur préoccupation en ce qui concerne la situation de l' Office national d'études et de recherches aérospatiales ( ONERA ), dont l'amélioration est réelle , mais lente .

Certes, la gouvernance de l'ONERA se trouve à présent entièrement rénovée. En particulier, le contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'établissement pour 2017-2021 a été signé en décembre 2016, et une réorganisation interne est effective depuis mars dernier. Sur ce plan, les critiques formulées par la Cour des comptes en 2015 apparaissent levées.

Cependant, une stratégie demeure à arrêter pour les infrastructures. D'une part, un plan général de rénovation est nécessaire pour maintenir au meilleur niveau le parc de souffleries géré par l'ONERA, au-delà des travaux urgents de consolidation entrepris pour la soufflerie S1MA du site de Modane-Avrieux - lesquels, après une dotation de 15 millions d'euros en 2016, justifient une nouvelle ouverture de crédits à hauteur de 3 millions d'euros dans le PLF 2018. D'autre part, la rationalisation des implantations franciliennes de l'Office (Palaiseau, Meudon, Châtillon) reste à organiser . Dans ces deux dossiers majeurs pour le bon fonctionnement de l'ONERA, les arbitrages financiers demeurent en attente.

Par ailleurs, la situation financière de l'établissement s'avère encore fragile , indépendamment du maintien, assuré jusqu'en 2019, de la subvention de l'État au niveau actuel (près de 105 millions d'euros - montant qui, notamment, ne représente que les deux tiers de la masse salariale de l'ONERA). L'évolution des prévisions de prises de commandes en provenance de l'industrie aéronautique et spatiale confirme que, pour développer ses ressources propres, l'Office doit poursuive l'adaptation de son offre aux besoins industriels , comme il doit s'efforcer de mieux valoriser sa recherche .

Vos rapporteurs, attachés à la pérennité de cet outil essentiel pour l'ensemble filière aéronautique et spatiale, marquent toute leur confiance dans ces évolutions. Cependant, compte tenu en particulier de la structure actuelle du marché sur lequel s'inscrit l'ONERA, ils expriment leur inquiétude de voir le pilotage de cet établissement déterminé, peu ou prou, par les économies internes - lesquelles l'exposent, entre autres, à un risque de perte d'attractivité pour recruter et fidéliser son personnel.

5. - En ce qui concerne la capacité d'influence internationale de la France (action 8 « Relations internationales et diplomatie de défense »), le programme 144 est marqué par l'activité de la DGRIS , créée en 2015 avec la volonté d'une rationalisation de la fonction « relations internationales » du ministère de la défense, accrue par les synergies trouvées à la faveur du regroupement des services sur le site de Balard. Elle dispose de 213 agents et développe son rôle, principalement, en matière de stratégie de défense et d'influence internationale.

Le PLF 2018 prévoit pour les actions de coopération et de diplomatie de défense pilotées par la DGRIS un budget de près de 42,9 millions d'euros :

? Sur ce montant, 25,8 millions d'euros , soit 60 % , seront consacrés à la contribution versée au gouvernement de la République de Djibouti, sur le fondement du traité bilatéral de 2011, au titre de l'implantation de forces permanentes françaises. Alors que la Chine dispose aujourd'hui à Djibouti de sa première base militaire à l'étranger, vos rapporteurs pour avis appellent à ne pas laisser l'influence française décroître dans cette zone stratégique.

? La contribution française au budget de l' Agence européenne de défense (AED) est prévue à hauteur de 5,2 millions d'euros , soit 12 % des CP de l'action et 16 % du budget de l'AED . Cette prévision couvre l'augmentation du budget de l'Agence effectivement décidée par l'Union européenne le 13 novembre dernier, orientation soutenue par la France et que justifie, notamment, le rôle que l'AED est appelée à jouer dans la mise en oeuvre du nouveau Fonds européen de défense.

? L'action finance également, entre autres, le fonctionnement des 1 440 postes permanents à l'étranger des missions de défense (attachés de défense et leurs adjoints), en place au sein de 88 ambassades et représentations permanentes auprès d'organisations internationales, soit le troisième réseau en ce domaine après les États-Unis et la Chine .

6. - Sous le bénéfice de ces observations, vos rapporteurs pour avis émettent une appréciation positive sur les crédits inscrits dans le PLF 2018 pour le programme 144 .

À l'issue de sa réunion du mercredi 22 novembre 2017, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, tout en considérant indispensable le déblocage rapide des 700 millions d'euros encore gelés sur le programme 146 pour l'exercice 2017, a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Défense » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2018, le groupe CRCE s'abstenant .

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