B. DES MOYENS QUI DIMINUENT MALGRÉ LA STABILISATION DES CRÉDITS DES OPÉRATEURS

Les crédits consacrés à l'action culturelle extérieure regroupent les sommes nécessaires au fonctionnement du réseau culturel à l'étranger, la subvention pour charge de service public allouée à l'Institut Français, les subventions aux Alliances françaises et les dotations pour opérations aux établissements à autonomie financière (EAF), hors enseignement supérieur et recherche 9 ( * ) .

Ces crédits s'élèvent, au total, à 105,3 M€, en baisse de 1,6 % .

Les crédits de l'action culturelle extérieure hors enseignement supérieur et recherche (ESR)

En euros

LFI 2017

AE=CP

PLF 2018

AE=CP

Évolution

Appui logistique

2 309 378

2 190 338

-5,2%

Dotations de fonctionnement aux EAF culturels

35 126 386

35 517 238

1,1%

Dotations pour opérations aux EAF (hors ESR)

11 656 547

11 055 694

-5,2%

Subvention pour charges de service public de l'Institut Français

28 691 961

28 791 961

0,3%

Subventions à la fondation Alliance française et aux Alliances françaises locales

8 822 192

7 822 192

-11,3%

Échanges d'expertise (hors ESR)

9 871 607

9 362 851

-5,2%

Autres crédits d'intervention (hors ESR)

10 538 693

10 538 703

0%

TOTAL

107 016 764

105 278 977

-1,6%

a) Les EAF : des moyens en diminution, un statut juridique incertain

Les dotations de fonctionnement aux EAF culturels augmentent de 1,1 % , dans la même proportion que les dotations de fonctionnement de l'ensemble des EAF 10 ( * ) .

En revanche, les dotations pour opérations aux EAF (hors enseignement supérieur et recherche), qui représentent 11,1 M€, diminuent de 5,2 % . Ces dotations se répartissent en trois composantes qui diminuent chacune dans les mêmes proportions :

- une composante consacrée aux actions de coopération culturelle (6,96 M€) ;

- une composante dédiée aux opérations de promotion du français (3,82 M€) ;

- et une composante en faveur de la promotion d'objectifs de développement durable (0,28 M€).

La quatrième composante de ces dotations pour opérations, consacrée à l'enseignement supérieur et à la recherche, diminue également de 5,2 % (voir ci-après).

Les moyens d'intervention du réseau culturel subissent donc un rabot de 5,2 %.

Par ailleurs, le taux d'autofinancement des EAF est stable à 67 %. La capacité de développement et de diversification des ressources des EAF repose sur la mise en place de cours, de sessions d'examen, sur la location d'espaces ou encore sur la mobilisation du mécénat. Après une performance exceptionnelle en 2016 (69 %), liée à des facteurs conjoncturels, le ministère vise le maintien du taux d'autofinancement des EAF à 67 % , correspondant au niveau moyen constaté depuis 2013.

Les recettes issues des cours, examens et procédures pour études en France représentent une part prépondérante des ressources propres des établissements (en moyenne 70 % depuis 2012). Le dynamisme de ces recettes contraste avec la diminution des recettes issues d'opérations de partenariats, sponsoring et mécénat , qui représentent 10 % à 15 % des ressources propres.

Le développement d'autres activités est enfin susceptible de faire croître les ressources propres des EAF (voir encadré).

Activités permettant de développer les ressources propres des EAF

Nombre d'EAF ont, depuis plusieurs années, saisi l'opportunité d'augmenter leurs recettes propres en développant des activités annexes à leurs missions principales. Il peut s'agir de la location d'espaces à des partenaires (entreprises privées, Campus France, instituts culturels étrangers, etc.), pour lesquels les partenaires versent un loyer et participent aux charges communes (ménage, gardiennage, eau, électricité). Ces activités peuvent également être commerciales, comme un café, une cafétéria, une librairie, un cinéma etc. Ces activités sont généralement confiées à la gestion d'un tiers, qui participe aux charges communes, et verse un loyer comprenant une part fixe et une part variable (un pourcentage du chiffre d'affaires). Les EAF au Cambodge et au Nigeria hébergent par exemple une librairie, l'Institut français de Prague une librairie et un café-restaurant, l'EAF en Grèce une cafétéria, l'Institut français de Hongrie une boutique de produits français, une librairie et un café... Ces recettes représentent en moyenne 10% des ressources propres d'un EAF.

Plusieurs freins au développement de ces activités peuvent cependant être soulignés. La disponibilité d'espaces mobilisables, ou l'absence de partenaires-tiers sur le marché local peut empêcher un EAF de développer ce type de recettes annexes. En outre, la législation locale peut s'opposer à l'installation dans un institut culturel étranger d'une activité commerciale, au titre que ces activités ne rentreraient pas dans les missions stricto sensu d'un institut culturel étranger. Enfin, les autorités locales peuvent également restreindre le type d'activités annexes possibles dans un EAF, comme par exemple interdire la vente d'ouvrages autres que les manuels utilisés par les cours de français de l'Institut.

Source : Réponses au questionnaire de vos rapporteurs pour avis.

En 2017, le montant des ressources propres des EAF est évalué à 142 M€, après un montant réalisé en 2016 de 128 M€ (+11 %).

Par ailleurs, la pérennité du statut d'autonomie des établissements du réseau demeure une source de préoccupation, comme l'avaient relevé nos collègues Jacques Legendre et Gaëtan Gorce dans un précédent rapport pour avis sur le programme 185 11 ( * ) :

« Ce statut est indispensable à leur bon fonctionnement et à la permanence de leur action, puisqu'il permet de recourir à des financements extrabudgétaires . Or la Cour des comptes a relevé que le statut juridique des EAF n'était pas compatible avec la loi organique relative aux lois de finances 12 ( * ) (LOLF) .

Le statut des EAF est régi par le décret n° 76-832 du 24 août 1976 qui leur permet de disposer de l'autonomie financière sans avoir de personnalité juridique. Ce régime n'est pas conforme aux principes d'unité et d'universalité budgétaires posés par l'article 6 de la LOLF, dont découlent l'obligation d'enregistrement intégral des recettes et dépenses dans le budget général, l'interdiction de compensation entre dépenses et recettes et l'interdiction d'affectation des recettes à une dépense.

La Cour des comptes observe que cette irrégularité « fait courir un risque juridique à l'ensemble du dispositif du réseau public et accentue sa fragilité compte tenu de l'appui croissant sur la collecte de recettes commerciales » 13 ( * ) . Le MAEDI a exploré de nombreuses pistes juridiques, afin de remédier à ces irrégularités. Toutes ces pistes se sont révélées comporter plus d'inconvénients que d'avantages. La régularisation du statut des EAF nécessitera donc probablement une modification de la LOLF.

Cette consolidation du statut juridique des établissements de notre réseau culturel est indispensable, afin de conforter leur action, déjà fragilisée par un contexte budgétaire défavorable. »

b) L'Institut français : une dotation stabilisée

En PLF 2018, les crédits alloués à l'Institut Français au titre de la subvention pour charges de service public portée par le programme 185, s'élèvent à 28,8 M€ (+0,35 %) .

Cette augmentation est bienvenue, après une baisse continue des moyens de l'Institut français, depuis sa création par la loi n° 2010-973 du 27 juillet 2010.

Entre 2011 et 2017, les crédits totaux de l'Institut français ont en effet diminué de 25 %, et ses crédits d'intervention de 34 %.

Crédits de l'Institut français (P185)

2016

2017

2018

Dotation en LFI (en M€)*

29 581 961

28 691 961

28 791 961

variation

-1,3%

-3%

+ 0,35%

*Montants bruts sans déduction de la réserve légale de précaution

Source : réponses au questionnaire de vos rapporteurs pour avis

Le plafond d'emploi de l'Institut français est fixé 141 ETPT 14 ( * ) , soit + 1 par rapport à la loi de finances 2017

L'Institut français bénéficie également d'une subvention au titre du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la Mission « Culture ». Cette subvention s'élève, en PLF 2018, à 1,36 M€ (stable) .

Depuis juillet 2016 15 ( * ) , l'Institut français est sous la double tutelle du ministère des Affaires étrangères et du ministère de la culture.

En 2017, les produits totaux de l'Institut français s'élèvent à 33,7 M€ dont 4,2 M€ de ressources propres, provenant principalement de mécènes (3,2 M€) , de collectivités territoriales ainsi que de la Commission européenne.

L'Institut français bénéficie depuis 2017 d'un nouveau contrat d'objectifs et de moyens (COM) , sur lequel votre commission a émis un avis 16 ( * ) . Dans leur rapport d'information, nos collègues Jacques Legendre et Hélène Conway-Mouret ont regretté l'absence de visibilité de l'Institut français sur les moyens qui lui seront alloués par l'État sur la période du COM. Ils ont préconisé, en outre , une participation accrue des crédits de la Culture , voire de l'Enseignement, au budget de l'Institut français.

Si l'augmentation de la subvention du programme 185 à l'Institut français est une bonne nouvelle, force est de constater que cette participation accrue des budgets de la Culture, voire de l'Enseignement, n'est pas au rendez-vous .

c) Les Alliances françaises : un réseau principalement autofinancé

En PLF 2018, les subventions à la Fondation Alliance française (0,44 M€) et aux délégations générales Alliance françaises (0,9 M€) sont stables par rapport à la LFI 2017.

Les subventions aux Alliances françaises locales s'élèvent à 6,4 M€ (-13,4 %) . Leur diminution résulte de la baisse des crédits dédiés à la sécurité, qui passent de 1,84 M€ en 2017 à 1 M€ en 2018. Ce montant a été fixé en tenant compte d'évaluations réalisées, en collaboration avec les services chargés de la sécurité du MEAE, sur les besoins du réseau.

Au total, 7,8 M€ sont consacrés aux Alliances françaises en PLF 2018 (-11,3 %) .

Évolution des subventions aux Alliances françaises

Millions d'euros

2016

2017

PLF2018

Fondation (subvention de fonctionnement + formation)

0,4

0,44

0,44

Subvention exceptionnelle*

0,12

Crédits DGAF***

0,9

0,9

0,9

Subventions versées aux AF locales par les postes

5,7

7,45**

6,45

TOTAL

7,12

8,8

7,8

* En 2016, une subvention exceptionnelle a été versée à la Fondation en appui à son Plan Alliance 2020 (plan quinquennal modernisation de la Fondation et du réseau des AF).

** En 2017, une subvention exceptionnelle de 1 840 000 € (2 M€ en LFI) a été notifiée pour la sécurisation du réseau des Alliances françaises (versée aux Alliances locales).

*** DGAF : Délégations générales Alliance française (au nombre de 55 dans le monde en 2017).

Source : Réponses au questionnaire de vos rapporteurs

Au cours des trois dernières années, les effectifs d'agents mis à disposition par le MEAE au sein du réseau des Alliances françaises sont stables à 281 équivalents temps plein (ETP) par an (directeurs expatriés et volontaires internationaux administratifs).

L'appui financier et humain du MEAE à la Fondation et au réseau des Alliances françaises s'est élevé à 31 M€ depuis 2015.

Par ailleurs, la Fondation Alliance française estime le taux d'autofinancement moyen des Alliances françaises à 96 % en 2016 (hors personnel expatrié). Ce taux a été amélioré par une démarche de professionnalisation (marketing, communication) à laquelle le ministère conditionne une partie de son soutien.

d) Un schéma d'emplois ministériels en diminution

Si l'architecture budgétaire des programmes 185 et 209 (« Solidarité à l'égard des pays en développement ») a été modifiée avec l'intégration de l'ensemble des crédits consacrés à la diplomatie culturelle et d'influence au sein du programme 185, les équivalents temps plein (ETP) sous plafond d'emploi ministériel restent regroupés au sein de chaque programme sous un plafond d'emplois spécifique.

Répartition des emplois à l'étranger affectés à la politique culturelle et extérieure par type d'établissement

Programme

AF 17 ( * )

SCAC 18 ( * )

EAF 19 ( * )

ETI 20 ( * )

Total

2016

pg 185

65

170

353

46

634

pg 209

216

355

499

121

1191

total

281

525

852

167

1825

2017

pg 185

67

163

338

12

580

pg 209

215

340

481

49

1085

Total

282

503

819

61

1665

Source : réponses au questionnaire de vos rapporteurs pour avis.

Dans le cadre du triennum 2015-2017, les programmes 185 et 209 ont vu leur stock d'ETP se réduire de la façon suivante :

Schéma d'emploi 2015-2017

2015-2017

2015 (P185)

2016 (P185/209)

2017 (P185/209)

G1 - Titulaires/CDI

0

-4

-5

G2 - Titulaires/CDI

0

-5

-4

G3 - Contractuels

-29

-35

-25

G4 - Militaires

0

0

-

G5 - ADL

0

0

-

Total

-29

-44

-34

Source : réponses au questionnaire de vos rapporteurs pour avis.

Pour l'année 2018, le schéma d'emplois impose la suppression de 33 ETP sur les programmes 185 (-7) et 209 (-24).

Schéma d'emploi 2018 (P185/209)

2018

P185/209

G1 - Titulaires/CDI

-4

G2 - Titulaires/CDI

-2

G3 - Contractuels

-27

G4 - Militaires

0

G5 - ADL

0

Total

-33

Source : réponses au questionnaire de vos rapporteurs pour avis.

L'article 76 de la loi de finances pour 2009 21 ( * ) a prévu la mise en oeuvre de plafonds des autorisations d'emplois des agents de droit local (ADL) pour les EAF. Ce plafond couvre l'ensemble des emplois pérennes rémunérés par les EAF, à l'exception des emplois correspondant à un contrat de travail limité dans le temps. Ce plafond s'élevait à 3600 équivalents temps plein (ETP) en 2013 (plafond global net pour l'ensemble des établissements), réduit à 3 489 ETP en 2015. Pour 2016, le plafond d'emplois a été fixé à 3 449 ETP, reconduits en 2017.

Ces réductions d'ETP traduisent l'impact sur le réseau des EAF et de leurs antennes (hors capitales) des reconfigurations envisagées sur les réseaux diplomatique et consulaire, notamment la mise en place de 25 postes à format réduit dits « postes à présence diplomatique ». Par ailleurs, le réseau culturel se redéploie vers les pays émergents, notamment en Asie et en Amérique du sud.

Le réseau culturel poursuit donc sa rationalisation, pour ne pas dire son repli , dans un contexte budgétaire très contraint, alors que de nombreux pays, notamment émergents, déploient une diplomatie d'influence dynamique, au service de leur économie et de la diffusion de leurs valeurs dans le monde .


* 9 Les crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche (action n° 4) sont examinés dans la deuxième partie du présent rapport.

* 10 Y compris Instituts français de recherche à l'étranger (IFRE), examinés ci-après en deuxième partie du présent rapport.

* 11 Avis n° 166 (2015-2016) de MM. Jacques LEGENDRE et Gaëtan GORCE, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 19 novembre 2015.

* 12 Loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances

* 13 « Le réseau culturel de la France à l'étranger », Communication au président de l'Assemblée nationale pour le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques, Cour des comptes (septembre 2013).

* 14 Équivalent temps plein annuel travaillé (ETPT). Le décompte en ETPT prend en compte la quotité de travail et la durée d'activité dans l'année (moyenne annualisée), tandis que le décompte en ETP (équivalent temps plein), à une date donnée, ne prend en compte que la quotité de travail (dans le cas du travail à temps partiel : 50 %, 80 %...).

* 15 LOI n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine

* 16 Rapport d'information de M. Jacques LEGENDRE et Mme Hélène CONWAY-MOURET, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées n° 419 (2016-2017) - 15 février 2017.

* 17 Alliances françaises.

* 18 Services de coopération et d'action culturelle.

* 19 Établissements à autonomie financière.

* 20 Experts techniques internationaux (progressivement transférés vers les opérateurs).

* 21 LOI n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009

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