C. LES CONSÉQUENCES DE L'APPLICATION DE LA DIRECTIVE EUROPÉENNE 2003/88/CE RELATIVE AU TEMPS DE TRAVAIL

La directive 2003/88/CE 3 ( * ) relative au temps de travail, qui vise à garantir un niveau de protection minimale à l'ensemble des travailleurs européens, prévoit notamment un repos obligatoire de 11 heures toutes les 24 heures et une durée maximale hebdomadaire de 48 heures maximum.

Si l'article 17 de cette directive prévoit des dérogations pour les activités de « protection des biens et des personnes » et si une autre directive (89/391/CE) prévoit une exemption, s'appliquant notamment à la directive de 2003, pour les forces armées et la police, ces textes ont été interprétés de manière restrictive par la Cour de justice de l'Union européenne. Celle-ci a ainsi restreint 4 ( * ) les possibles dérogations à certaines seulement des missions des forces de sécurité et des forces armées, à savoir dans le cas « d'évènements exceptionnels à l'occasion desquels le bon déroulement des mesures destinées à assurer la protection de la population dans des situations de risque collectif grave exige que le personnel (...) accorde une priorité absolue à l'objectif poursuivi par ces mesures afin que celui-ci puisse être atteint . »

La gendarmerie nationale a mis en application les règles de la directive relatives au repos compensateur à compter du 1 er septembre 2016, à travers l'instruction provisoire n°36132 5 ( * ) .

Depuis cette date, chaque gendarme dispose de 11 heures de repos physiologique par tranche de 24 heures 6 ( * ) . Si des motifs opérationnels conduisent à réduire cette période de repos, des repos compensateurs sont prévus : pour une durée de repos inférieure à 11h, une plage de repos compensateur de onze heures consécutives est attribuée au gendarme de manière forfaitaire ; pour une durée de repos supérieure à neuf heures mais inférieure à onze heures, seul le reliquat est attribué.

Il est estimé que ceci conduit à une perte de capacité opérationnelle représentant 5% pour les unités territoriales pour les services de jour, 2,3% pour les services de nuit, et 12% pour la gendarmerie mobile. Au total, le directeur de la gendarmerie nationale évalue la perte à un peu moins de 6 000 ETP .

Celui-ci a indiqué lors de son audition avoir joué sur le levier de l'évolution technologique pour tenter de compenser cette diminution. En effet, le programme NEOGEND notamment permet d'augmenter la productivité de chaque gendarme en lui permettant d'accéder plus rapidement aux fichiers dont il a besoin pour ses missions. Au total, selon le DGGN, la perte des 6 000 ETP a été absorbée par l'institution.

À l'occasion de son discours aux forces de sécurité intérieure le 18 octobre 2017, le président de la République a affirmé « [sa] détermination complète pour qu'aussi bien la gendarmerie que les militaires de manière plus générale ne soient pas concernés » par la directive européenne . »

En ce qui concerne la gendarmerie nationale, ceci signifie sans doute que l'institution n'aura pas à aller plus loin pour appliquer d'autres dispositions de la directive temps de travail, telles que les règles relatives au repos hebdomadaires ou celles qui concernent le travail de nuit.

En revanche , il pourrait être difficile de revenir sur la règle des onze heures, dont la mise en oeuvre est appréciée par les gendarmes des unités territoriales . En outre, obtenir une dérogation au niveau européen pourrait s'avérer complexe.

Deux directions semblent alors pouvoir être suivies pour l'avenir : soit envisager des aménagements permettant une application plus souple de la directive, soit une compensation d'au moins une partie de la perte en temps de travail par de nouveaux recrutements . Il faudrait aussi tenir compte des effets en termes de productivités de la modernisation de l'activité des gendarmes, en particulier à travers le projet NEOGEND, qui devront à cette fin être mesurés aussi précisément et aussi rapidement que possible.


* 3 Directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail.

* 4 CJUE, affaire C-132/04, 12 janvier 2006.

* 5 Instruction provisoire n°36132 relative aux positions de service et au repos physiologique journalier des militaires d'active de la gendarmerie nationale.

* 6 Il convient de noter que la gendarmerie nationale avait déjà mis en place auparavant une règle de 10 heures de récupération après un service nocturne.

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