EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le présent rapport pour avis lors de sa réunion du 29 novembre, sous la présidence de M. Christian Cambon, président.

Après l'exposé de Mme Joëlle Garriaud-Maylam et de M. Raymond Vall, co-rapporteurs pour avis, un débat est engagé.

M. Christian Cambon, président . - Merci, mes chers collègues, pour la présentation de votre avis budgétaire. Je propose que vous nous présentiez votre amendement ETRD-1 avant que nous passions aux votes.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Merci, Monsieur le Président. Cet amendement a pour objet de rétablir le montant des ressources publiques affectées à France Médias Monde à hauteur des engagements pris par l'État dans les contrats d'objectifs et de moyens 2016-2020. Ceci nous paraît indispensable pour les raisons que nous avons développées dans notre intervention.

Au moment où s'engage dans le monde, sur les ondes et dans l'espace numérique, une lutte d'influence très active en mesure de conduire à des actions de désinformation et de déstabilisation, il est essentiel que la France puisse être présente avec des médias porteurs de ses valeurs démocratiques et d'une éthique de l'information honnête, respectueuse de la vérité des faits et de la liberté d'expression des opinions. Notre démarche est particulièrement opportune au moment où la France s'apprête à accorder à « Russia Today » une autorisation d'émettre sur son territoire. Alors bien sûr, il est toujours très désagréable de déshabiller Pierre pour habiller Paul. Nous avions le choix d'augmenter la contribution à l'audiovisuel public ou d'opérer par redéploiement. Comme la commission des finances, nous estimons que retirer 950 000 € à France Télévisions et Radio France, qui disposent respectivement d'une allocation de crédits de 2,5 milliards d'euros et de 610 millions d'euros, de ressources publicitaires conséquentes -plus de 300 millions d'euros pour France Télévisions et 40 millions d'euros pour Radio France- et de gisements d'économies importants, pour équilibrer les comptes de FMM dont l'allocation de crédits est bien moindre -260 millions d'euros-, dont le gisement de ressources publicitaires est faible -10 millions d'euros- et qui a réalisé au cours des dernières années de véritables économies de gestion et deux plans de départs volontaires, n'était pas une injustice flagrante. D'autant que le Gouvernement aura, dans sa sagesse, la possibilité de lever le gage ou de le répartir plus équitablement entre les différents allocataires.

Il nous a semblé également que le pluralisme de l'information était assuré sur le territoire national par une offre publique et privée très abondante, que notre amendement n'était pas susceptible de remettre en cause cette situation mais qu'il y avait, en revanche, une priorité, en phase d'ailleurs avec les conclusions de la revue stratégique de défense et de sécurité nationale, à conforter la politique audiovisuelle extérieure de la France.

C'est pourquoi nous vous proposons de réduire les dotations de France Télévisions et de Radio France de 950 000 euros chacune et d'affecter ce montant de 1,9 millions d'euros à FMM pour lui éviter d'avoir à réduire sa diffusion internationale et lui permettre de poursuivre son développement, selon les modalités arrêtées dans son COM, sur lequel -je le rappelle- votre commission avait donné, à l'unanimité, un avis favorable en novembre 2016.

M. Raymond Vall . - Je rappellerai que les dotations de France Télévisions et de Radio France atteignent, au total, plus de 3 milliards d'euros.

M. Ladislas Poniatowski . - J'entends bien votre demande concernant France Médias Monde, à laquelle je souscris totalement, car il en va du poids de la France et de la diffusion de la langue française dans le monde entier. Je crains néanmoins que la manière dont vous présentez techniquement votre amendement n'aboutisse à rien ! Il ne me paraît guère sérieux de demander la même somme à prélever sur un budget de près de trois milliards d'euros et de 610 millions d'euros ! Si vous souhaitez obtenir une telle somme, demandez que la somme de 1,5 millions d'euros soit prélevée sur le budget de France Télévisions et que 400 000 euros soit prélevés sur celui de Radio France ! Vous ne pouvez pas demander de prélever la même somme sur deux budgets qui n'ont rien à voir l'un avec l'autre ! D'ailleurs, comme vous l'avez rappelé, les recettes publicitaires se situent dans les mêmes proportions, soit de l'ordre de 80 à 20 ! Soyez plus sérieux dans les demandes pour conférer du poids à votre amendement ! Couper la poire en deux pour obtenir une augmentation de 1,9 million d'euros me paraît une démarche peu crédible, même si j'acquiesce aux motivations de votre demande. Je ne voudrais pas entrer trop dans le détail du budget de l'audiovisuel, mais chacun sait qu'il y a de la marge à France Télévisions !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Au départ, nous avions en effet songé, sans amputer le budget de Radio-France, que cette somme de 1,9 million d'euros transite du budget de France Télévisions vers celui de France Médias Monde. Cette démarche nous paraissait cohérente, du fait du différentiel énorme entre les ressources de ces deux opérateurs. Les représentants de France Télévisions ont demandé à nous rencontrer. Je les ai reçus lundi dernier et, à cette occasion, ils nous ont exposé qu'en raison de la baisse de 47,9 millions d'euros de leur budget, ils ne pouvaient consentir à un tel effort. De ce fait, une autre solution est proposée conjointement avec la commission des finances puisque notre collègue M. Roger Karoutchi, qui avait lui-même envisagé ce transfert de 1,9 million d'euros, a proposé cette nouvelle répartition. Nous suivons ainsi la commission des finances, ce qui a l'avantage de proposer au vote du Sénat une démarche cohérente de nos deux commissions.

M. Ladislas Poniatowski . - Donc vous n'y croyez pas ! C'est du cinéma ! Vous ne cherchez pas sérieusement à récupérer de l'argent ! Je ne voterai pas un tel amendement.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Nous sommes au contraire déterminés mais la situation est extrêmement contrainte. Il nous semble peu efficace de présenter avec le rapporteur spécial, M. Roger Karoutchi, une démarche unifiée.

M. Christian Cambon, président . - La cohérence entre les deux commissions m'apparaît en effet utile ; cet amendement a été, en fait, co-piloté par notre commission et la commission des finances.

M. Raymond Vall . - Il ne faut pas rapporter cet effort aux ressources, mais aux économies demandées à France Télévisions, qui s'élèvent à 47,9 millions d'euros. Il est certain que notre proposition, en première analyse, peut apparaître comme injuste, mais si l'on prend en compte cette demande initiale d'économies, notre démarche apparaît plus équilibrée. Nous avons rencontré à France Médias Monde des gens très motivés, qui se battent avec peu de moyens et il faut absolument les soutenir ! Je veux bien que les contreparties puissent plus ou moins vous choquer, mais il est important qu'on les soutienne !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Si l'amendement prévoyait simplement d'amputer le budget de France Télévisions de 1,9 million d'euros, celui-ci ne pourrait, à coup sûr, être accepté. Il faut trouver une solution réaliste pour soutenir France Médias Monde, afin de renforcer notre présence audiovisuelle extérieure. Je ne peux imaginer qu'on cesse de diffuser les programmes de France 24 aux États-Unis !

M. Christian Cambon, président . - Je crois que notre soutien à France Médias Monde, dont j'ai moi-même rencontré les représentants, est acquis. Ils réalisent des prouesses avec peu de moyens et je pense qu'il sera opportun, à l'avenir, de les recevoir en audition.

M. Bernard Cazeau . - Je trouve curieux de débattre du financement de l'audiovisuel car on ne maîtrise pas la répercussion d'une telle démarche sur le fonctionnement de France Télévisions, qui a déjà été diminué. D'ailleurs, je ne capte pas toujours TV5 lors de mes déplacements à l'étranger. En ce qui me concerne, je m'abstiendrai, sans présager du vote de mon groupe.

M. Hugues Saury . - Les arguments apportés par mon collègue M. Ladislas Poniatowski me paraissent de bon sens. Pour autant, dans notre commission, on a parlé de vente d'ambassades dans le monde entier, de la baisse du soutien de l'État en faveur des lycées français, et aujourd'hui, nous constatons la baisse des financements de France Médias Monde. Tout cela participe à un moindre rayonnement de notre pays à l'échelle mondiale, ce qu'il faut combattre. C'est pourquoi, cet amendement me semble aller dans le bon sens, même si je dois reconnaître que son montage m'apparaît aujourd'hui apocryphe.

Mme Hélène Conway-Mouret . - Je me trouve exactement dans le même état d'esprit. Même si son montage me semble discutable, il s'agit d'un amendement d'appel, voire d'un appel au secours ! Au vu du retrait de l'État dans tous les domaines à l'étranger, ce montage me paraît également nécessaire, afin de déjouer l'opposabilité de l'article 40. Je comprends votre démarche et le malaise de nombre de nos collègues à l'idée de ponctionner 950 millions d'euros sur le budget de France Télévisions, en raison des économies qu'il lui faut déjà assumer. Pour ma part, je soutiendrai l'esprit de cet amendement, car France Médias Monde a besoin du soutien du Parlement. Nous croyons à ce service public qui relaie la voix de la France qui a besoin d'être entendue dans le monde. Ce sont des jeunes qui regardent désormais France 24 sur leurs téléphones portables ou sur leurs tablettes et vers lesquels il importe d'assurer un accès.

M. Richard Yung . - Je rejoins ma collègue. Nos opérateurs représentent un outil essentiel de la diffusion de la voix de la France en Afrique. Je me souviens, que lors du passage d'une frontière en pleine brousse, les douaniers regardaient TV5. Ceci dit, ces sommes sont ténues par rapport au budget de l'État, voire à celui de France Télévisions ! Fractionner la somme de 1,9 million d'euros en deux montants - soit 1,5 million d'euros et 400 000 euros - ne me paraît guère convaincant non plus, puisque cette dernière somme ne semble correspondre à rien. Je préférerai, quant à moi, qu'on en reste à la somme globale de 1,9 million d'euros. Le Gouvernement répondra ce qu'il aura à répondre, mais, au moins, nous aurons fait le geste !

Mme Christine Prunaud . - Nous sommes entièrement d'accord avec vos deux exposés qui promeuvent la défense du rayonnement de la France à l'étranger. Mais on ne peut adhérer à ce principe de soustraire au budget de France Télévisions une somme conséquente au bénéfice d'un autre opérateur. Je préférerais qu'on exige du Gouvernement une dotation supplémentaire et une plus forte ambition politique. S'il y a un doute sur la direction de France Télévisions, c'est un autre débat ! Notre groupe votera ainsi contre votre amendement.

M. Jean-Marie Bockel . - Il est vrai que le fait d'abaisser, encore une fois, le budget de France Télévisions peut nous mettre mal à l'aise. Nous avons également défendu, avec certains collègues, dans des fonctions ministérielles précédentes, TV5 Monde dans les enceintes internationales. C'est un combat dans lequel la France ne donne pas suffisamment l'exemple, alors que l'on connaît le rayonnement de cet outil. On a le choix entre des mauvaises solutions. Nous allons voter cet amendement, du fait de l'accord avec la commission des finances, qui nous paraît renforcer votre démarche. Toutefois, c'est, selon moi, une machine à prendre des coups !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Il est important que vous sachiez que nous avions effectivement préparé un premier amendement portant sur la somme globale de 1,9 million d'euros. Ce n'est qu'après concertation avec la commission des finances que nous avons modifié notre texte, et proposé cette nouvelle répartition. Encore une fois, ne pas proposer une démarche conjointe avec la commission des finances serait moins efficace. Il faut être cohérent et ce sera ensuite au Gouvernement de prendre ses responsabilités. En outre, je me suis beaucoup battue contre ce projet de chaîne publique Franceinfo en continu, au motif que sa création allait générer des coûts supplémentaires à un moment inopportun. Nous aurions pu relancer la diffusion de France 24, chaîne publique à information continue, sur le territoire national afin de donner une information plus internationale à nos compatriotes, plutôt que de créer, de toutes pièces, une nouvelle chaîne à un coût considérable. Des économies nous ont ensuite été demandées et je continue à regretter cette création-là.

M. Christian Cambon, président . - Je vous remercie. Je ne sais ce qu'il adviendra de cet amendement, mais il est important que la commission exprime son souci de voir sauvegardés - et accrus si possibles - les moyens de France Médias Monde. Quand bien même le montage proposé par cet amendement, du fait des contraintes de la LOLF, ne s'avère pas optimal, l'important réside dans l'attention que notre commission manifeste, à travers lui, à la capacité de France Médias Monde de relayer l'image de la France à l'extérieur de nos frontières. Nous prendrons des initiatives en faveur de cet opérateur, dont le siège mérite d'être visité et éclaire la différence qui peut exister entre l'influence et les moyens.

Je mets aux voix cet amendement.

L'amendement est adopté à la majorité, 5 votes contre et 12 abstentions.

Nous allons maintenant voter sur l'avis de la commission sur les crédits du Compte de concours financiers « Avance à l'audiovisuel public ». Les deux rapporteurs ont donné un avis favorable.

La commission donne un avis favorable, les sénateurs du groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE) votant contre.

M. Christian Cambon, président . - Ainsi, nous concluons notre examen des différents rapports budgétaires. Merci à tous les rapporteurs du travail intense effectué ces dernières semaines.

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