B. LA SÉCURITÉ : UNE PRIORITÉ IMPOSÉE PAR LE CONTEXTE, ARTICULÉE EN PLUSIEURS OBJECTIFS

La sécurisation est d'une manière générale l'un des grands axes prioritaires du ministère depuis trois ans, et en 2018. Elle se décline en plusieurs piliers :

- les crédits de sécurisation des emprises françaises à l'étranger sont maintenus pour la protection des communautés françaises et de l'ensemble du réseau. Les moyens humains supplémentaires de sécurisation de nos implantations à l'étranger mis en place en 2017 sont également pérennisés ;

- une enveloppe supplémentaire (2 millions d'euros) est dégagée au profit de la coopération internationale en matière de lutte antiterroriste ;

- enfin, le Centre de crise et de soutien est confirmé dans son rôle leader en matière d'anticipation et de réaction face aux crises.

1. L'effort particulier de sécurisation des postes
a) La nécessaire sécurisation du réseau

Le réseau français doit répondre à plusieurs facteurs de risque en matière de sécurisation des réseaux français à l'étranger. Le premier est d'ordre structurel et tient à l'ampleur de la représentation française. Il s'agit en effet de sécuriser :

- le troisième réseau diplomatique et consulaire au monde, après ceux des États-Unis et de la Chine,

- le premier réseau culturel, avec près de 1 000 sites, instituts culturels, instituts français de recherche, Alliances françaises,

- et enfin le premier réseau scolaire au monde, avec 500 établissements scolaires.

La politique étrangère de la France, indépendante, affirmée et en cohésion avec sa politique de défense et le caractère laïc de la République française constituent le autre facteur de risque, faisant de la France une cible des attaques terroristes.

Depuis dix ans, les représentations de la France à l'étranger, tant diplomatiques que consulaires ou culturelles, et les personnels qui y travaillent, ont ainsi fait l'objet de menaces ou de passages à l'acte qui impliquent de continuer d'affiner la veille sécuritaire, et de poursuivre la politique de sécurisation des implantations françaises à l'étranger. Parmi ces atteintes à notre réseau les plus récentes atteintes ont concerné :

- un attentat à la grenade à l'ambassade à Athènes en novembre 2016, des incendies criminels à l'école française d'Athènes et à l'Institut français de Grèce en février 2017 et des dégradations à l'Institut français de Thessalonique en juin 2017,

- des survols des emprises par des drones, notamment à Copenhague, Kaboul et Skopje en 2017,

- enfin, l'attentat à Kaboul contre les emprises diplomatiques le 31 mai 2017 a considérablement endommagé l'ambassade de France, distante de moins de 200 m du lieu de l'explosion (2,5 tonnes de TNT).

Le renforcement de la sécurisation du parc immobilier du ministère à l'étranger est un effort nécessaire, urgent et sans doute de long terme ! Il est certain que l'on ne peut plus aujourd'hui se contenter de renforcer les postes dits exposés, l'action terroriste peut frapper n'importe quelle emprise.

b) L'ajustement des outils de planification de la sécurisation du réseau

Dans le domaine de la sécurisation, un certain retard avait été pris. Un plan de sécurisation sur huit ans , période qui correspondait à la durée de vie des équipements électroniques de protection, avait ainsi été mis en place en 2008 et devait s'achever en 2015 . Ce plan 38 ( * ) devait permettre, à son terme, de mettre à niveau la sécurité de l'ensemble des ambassades et des consulats, en donnant la priorité aux postes situés dans les pays les plus exposés. Ce plan n'avait cependant pas pu être mené à bien du fait de la dégradation de la situation sécuritaire dans de nombreux pays et de la multiplication des pays où les menaces terroristes apparaissaient ou augmentaient. De même, son périmètre d'action avait été étendu. Visant la sécurisation des ambassades et des consulats, le plan de sécurisation a dû, à partir de 2014, inclure, en plus, la mise à niveau des instituts français , puis les campagnes d'audit de sûreté des Alliances françaises , des établissements scolaires et, in fine, de l'ensemble des implantations françaises à l`étranger 39 ( * ) . Le nombre de sites à auditer et à sécuriser avait ainsi augmenté de 238 % entre le début et la fin de programmation.

Le « Plan de Sécurité 2017 » visait à tirer les enseignements de la situation passée afin de moderniser la sécurité diplomatique. Cette évolution s'est appuyée sur une modification de l'outil et une programmation des moyens :

- en transformant la sous-direction de de la Sécurité diplomatique en une direction nouvelle en 2017. La Direction de la Sécurité diplomatique (DSD), placée sous l'autorité de la Direction générale de l'Administration et de la modernisation (DGAM), a été le moteur d'une réorganisation de la sécurité diplomatique qui comprend trois missions : la mission de la sécurité des réseaux internationaux ; la mission de la sécurité de défense ; la mission de la valise diplomatique ;

- et en permettant une hausse du budget et des moyens humains dédiés à la sécurité diplomatique dans le cadre d'une refonte de la programmation des opérations de sécurisation des réseaux français à l'étranger. Un schéma directeur basé sur une analyse rationnelle des menaces et élaboré avec la collaboration étroite des postes et des autres services concernés (y compris d'autres administrations), notamment le Centre de crise et de soutien du ministère, a été élaboré. La programmation, sur trois ans, prévoit de réaliser chaque année un nombre de projets de sécurisation définis selon des critères combinant l'analyse des menaces, le niveau de sécurisation déjà existant du site et les préconisations à mettre en oeuvre en fonction du degré des menaces dans le pays. Cette programmation couvre les années 2018-2020 et doit permettre de mener à bien la mise à niveau des réseaux à l'étranger, sous réserve d'une nouvelle aggravation de la situation sécuritaire.

c) Des moyens maintenus en 2018

Dans le cadre du PLF 2018, le budget consacré à la sécurité des implantations diplomatiques, consulaires et culturelles (Instituts français) regroupe les dépenses du « plan de renforcement des moyens de lutte antiterroriste et de protection des communautés et intérêts français à l'étranger », évaluées à 52 millions d'euros et d'autres dépenses de sécurisation dite passives. Le montant des dépenses de sécurisation atteint 75 millions d'euros en 2018 contre 64 millions d'euros en 2017, soit une augmentation importante. Toutefois, en 2017, la loi de finances initiale prévoyait une dotation de 78 millions d'euros soit une différence avec l'exécution de plus de 10 millions . Il conviendra donc de veiller en 2018 à ce que l'exécution soit à la hauteur des montants annoncés .

Dépenses de sécurisation

(en millions d'euros)

Domaine d'activité

Exécution 2017

LFI 2018

AE = CP

AE = CP

Sécurité passive des postes

39,7

46,7

Contrats de gardiennage

14,5

16,5

Missions de renfort et d'audit de sécurité

4,7

5,1

Achat de véhicules blindés

4

5

Frais de déménagement des gendarmes

1,3

2,4

TOTAL

64,2

75,73

De plus, en 2018, 37,86 millions d'euros seront consacrés au renforcement de la sécurisation du parc immobilier du ministère à l'étranger . Ces crédits seront ainsi répartis : soit 22,16 millions d'euros pour la sécurité des ambassades, consulats et instituts français, 14,7 millions d'euros pour les établissements d'enseignement à l'étranger et 1 million d'euros pour les Alliances françaises.

Les principales opérations d'investissement dans ce domaine prévu en 2018 concerneront l'Algérie pour 4,8 millions d'euros, pour respectivement 2 millions d'euros la république démocratique du Congo, la Côte d'Ivoire, le Sénégal, Djibouti. Enfin les opérations à destination des pays suivants bénéficieront chacune d'un million d'euros : Israël, la Turquie, le Brésil, le Ghana, la Guinée équatoriale, le Sri Lanka, la Jordanie, le Soudan. À Oman et au Canada les investissements s'élèveront à 1,5 millions d'euros.

Vos rapporteurs pour avis souhaitent que la programmation de la sécurisation des postes prévue en 2018 permette d'éviter de fractionner les travaux de sécurisation grâce à une meilleure évaluation du besoin initial et de la menace afin que les marchés de travaux nécessaires puissent être passés en une seule fois, garantissant la rapidité de l'exécution et la mise en sécurité des communautés et des intérêts français au juste prix .

2. La coopération de défense et de sécurité, levier essentiel du ministère
a) La stabilisation des crédits en faveur de la coopération de défense et de sécurité après une longue érosion

La coopération de défense et de sécurité (CDS), définie dans l'encadré suivant, a trop souvent servi de variable d'ajustement du programme 105, alors que cette politique au fort effet de levier constitue notre « premier bouclier au loin », illustration parfaite du continuum entre sécurité intérieure et sécurité extérieure.

La coopération de sécurité et de défense

La coopération de sécurité et de défense, dite coopération « structurelle » - par opposition à la coopération « opérationnelle » en la matière, qui relève du ministère de la défense -, constitue un important outil diplomatique d'influence et de prévention des conflits. En effet, cette politique associe les enjeux de sécurité à ceux du développement : elle contribue au maintien de la paix par le renforcement des capacités des pays bénéficiaires à assumer eux-mêmes la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée, le trafic de stupéfiants ou l'insécurité des flux maritimes ; et elle tend à permettre à ces pays d'assurer en propre des missions, non seulement de type militaire, mais aussi de protection civile : lutte contre les catastrophes naturelles (inondations, sécheresse, cyclones...), déminage, dépollution, etc.

En pratique, cette action consiste en une aide à structurer, dans le long terme, les élites nationales concernées. Elle s'exerce :

- soit par des formations, au moyen de missions de renfort temporaire (MRT) et de stages en France ou dans les « écoles nationales à vocation régionale » (ENVR) soutenues par notre pays qui accueillent chaque année environ 2 500 stagiaires en provenance d'une trentaine de pays ;

- soit par le conseil qu'assurent, sur place, des coopérants intégrés dans les structures hiérarchiques des États partenaires.

Les dépenses engagées à ce titre sont considérées comme disposant d'un fort effet de levier . Par exemple, l'impact d'un directeur des études français dans une école régionale africaine s'avère très supérieur aux crédits nécessaires pour financer sa mission. Plus généralement, en organisant et en structurant leurs forces, en planifiant leurs opérations, la coopération de sécurité et de défense permet aux pays bénéficiaires d'accomplir de considérables progrès, dans la mesure où les capacités dans le domaine du génie, de la santé, du transport, de la logistique ou encore des transmissions, bien souvent, sont présentes sur le terrain, mais éparpillées.

Le budget de la coopération de défense et de sécurité est passé de 106,41 millions d'euros en 2007 à 83,52 millions d'euros en 2016 . Après une longue diminution de 51,4 % de ses crédits entre 2007 et 2016 et une diminution de 18,6 % pour la seule année 2016, que votre commission n'a pas manqué de le dénoncer avec force, la CDS bénéficie de moyens en augmentation de 38 % en 2017. En 2018 les moyens sont stabilisés au niveau de 2017 à 102,3 millions d'euros .

Bien évidemment, ces réductions de crédits n'ont pas été sans conséquence sur l'ampleur de la coopération qui peut être conduite. Pour en réduire les incidences, l'action du ministère s'est recentrée, par force, sur certains axes prioritaires : le renforcement de l'architecture de paix et de sécurité en Afrique, les grands enjeux de sécurité 40 ( * ) , et la formation et le conseil de haut niveau. Néanmoins, ces actions prioritaires elles-mêmes ne peuvent que pâtir de la baisse continue du nombre de coopérants engendrée par celle des crédits.

Entre 2007 et 2016, la diminution du nombre de coopérants militaires a été de plus de 20 %. Au début des années 2010, on dénombrait encore 310 coopérants, dont près de 80 % se trouvaient dans des pays de l'Afrique subsaharienne. À partir de 2013 , le nombre des coopérants est symboliquement passé sous la barre des 300 coopérants . La déflation du réseau a été de plus de 17 % entre 2015 et 2016 ; 20 postes de coopérants militaires ont ainsi été supprimés à l'été 2016. La majeure partie de l'effort a été supportée par l'Afrique subsaharienne. Chaque année, cependant, une vingtaine de postes de coopérants en ce domaine étaient redéployés, en tenant compte du plafond ministériel d'emplois, à la suite de la clôture de projets achevés.

Vos rapporteurs avaient souligné que cette attrition persistante des moyens en la matière constituait, au premier chef, une entrave à la capacité de la France de faire émerger en Afrique des forces de sécurité propres , tant militaires que civiles, qui puissent prendre en charge la sécurité du continent, puisque les trois quarts de la coopération de sécurité et de défense concernent l'Afrique subsaharienne 41 ( * ) . Votre commission n'avait pu que dénoncer l'absence de cohérence des moyens avec la priorité affichée d'un soutien à la consolidation de l'architecture africaine de sécurité . En témoigne, par exemple, la fermeture en 2014 du centre de perfectionnement de la police judiciaire au Bénin.

b) Une action interministérielle plus souple et réactive

La direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) est une direction interministérielle du MEAE : les agents du ministère y sont minoritaires (16 %), par rapport aux personnels issus des armées représentant (73 %) et ceux de l'intérieur (11 %). Cette direction anime une coordination interministérielle approfondie , en étant en liaison quotidienne avec les armées (via la DGRIS, mais aussi l'EMA) et le ministère de l'intérieur (essentiellement via DCI, mais pas exclusivement, en matière de protection civile par exemple), mais aussi avec le SGDSN, ou tout autre ministère en lien avec ses missions de coopération structurelle militaire, sécuritaire et de protection civile : douanes, justice...

Depuis 2017, la DCSD a mis en place une gouvernance interministérielle de la coopération de sécurité et de défense fondée sur un comité de direction (CODIR) réunissant les directeurs généraux politique du Quai, les personnels en charge des relations internationales de sécurité du ministère des armées et du directeur de la coopération internationale du ministère de l'intérieur. La direction générale des douanes y est observatrice. Il a vocation à se tenir deux à trois fois l'an. Il vise à mettre en oeuvre les décisions du comité d'orientation stratégique réunissant le MEAE, le ministère de l'intérieur et le ministère des armées.

Le CODIR a permis alors que la situation internationale l'exigeait, de réorienter les priorités géographiques et thématiques. Ainsi, la liste des priorités pour la fin 2017 et 2018 comprend :

- l'appui à la force conjointe du G5 Sahel qui s'est vu dotée d'un poste de commandement (PC),

- l'anticipation de la sortie de crise au Levant avec le Liban comme point focal. En 2018, 1,22 million d'euros devrait être consacré aux actions en faveur des forces de sécurité intérieure,

- enfin, la dernière priorité est la participation aux feuilles de routes migratoires .

Le CODIR a également permis de constater l'avancée de projets emblématiques tels que la mise en place de deux nouvelles écoles nationales à vocation régionales , l'une dédiée à la cybersécurité et l'autre à la formation des forces spéciales .

La CDS semble désormais en mesure de s'adapter rapidement aux besoins constatés . Ainsi, la fragilisation de la situation en Côte-d'Ivoire a immédiatement donné lieu, en cours d'année, au renforcement des actions de formation en direction des sous-officiers. Le Mali bénéficie aussi d'un suivi particulier avec, en 2017, des efforts centrés sur le renforcement de la mobilité terrestre des forces maliennes avec notamment le financement de véhicules pour les unités de police anti-terroriste à hauteur de 140 000 euros et l'achat d'équipements individuels d'optique permettant la vision nocturne pour 265 000 euros. Ces investissements, parfois relativement modestes, peuvent changer un rapport de force, donner un avantage décisif et appuyer ainsi considérablement la stabilisation d'une situation de crise.

Vos rapporteurs pour avis seront attentifs à l'évolution des moyens consacrés à la coopération militaire structurelle afin que l'année 2017 ne soit pas une exception mais bien le début d'un rééquilibrage, rapide et inscrit dans le long terme, essentiel à la cohérence de la politique étrangère de la France . Le réseau de coopérants français, sans équivalent chez nos alliés, doit être renforcé par cette politique interministérielle rénovée au service de la réalisation des objectifs de notre pays en faveur de la paix. Votre commission veillera année après année à la préservation des moyens de ce formidable outil , souple, réactif, réorientable, qui a été malheureusement laminé ces dernières années.

* *

*

À l'issue de sa réunion du mercredi 15 novembre 2018, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat ».


* 38 La première étape de ce plan consistait à effectuer les audits de sûreté des 500 sites diplomatiques et consulaires, résidences comprises. La deuxième étape portait sur la mise en oeuvre des recommandations des audits, la réalisation des études de faisabilité, leur financement et le lancement des travaux.

* 39 Extension du champ d'action confirmé par une circulaire du Premier ministre en date du 26 mars 2015

* 40 Tels que notamment la lutte contre le terrorisme, les trafics, la criminalité organisée ou la piraterie.

* 41 Ceci est cohérent avec la concentration des défis sécuritaires dans la région (terrorisme, trafics divers dont la drogue, immigration illégale, instabilité politique, insécurité maritime...).

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