B. IL DOIT S'ACCOMPAGNER D'UNE CLARIFICATION DE L'ACTION DE FRANCE BREVETS AUPRÈS DE SES PUBLICS CIBLES ET, À TERME, D'UNE ÉVALUATION INDÉPENDANTE

1. De nouveaux fonds ne devraient être libérés que si un besoin précis et dûment évalué venait à apparaître

Le fait que France Brevets bénéficie de 100 millions d'euros supplémentaires pouvant être mobilisés dans le cadre du PIA 2 constitue un atout : cela permet à la société d'être prise au sérieux dans les négociations internationales.

En conséquence, votre rapporteur souligne l'importance de ne débloquer ces fonds 70 ( * ) que si un besoin précis et dûment évalué au préalable venait à apparaître comme, par exemple, de nouvelles négociations dans le cadre d'un programme licensing, ou une opération d'acquisition de brevets pour des raisons défensives. Un cas d'intervention ponctuelle, qui pourrait réapparaître à l'avenir, a été cité à votre rapporteur par l'INRA. En 2008, l'organisme a eu recours à un cofinancement de la filière oléo-protéagineuse pour acquérir un brevet japonais qui menaçait une grappe de brevets qu'il détient. L'organisme considère que France Brevets aurait été un outil financier intéressant pour intervenir dans ce type de cas, ce qui lui aurait permis d'éviter le recours à des financements privés.

2. Faire oeuvre de pédagogie auprès des publics cibles
a) Se faire connaître des entreprises

France Brevets ayant vocation à développer ses collaborations avec les TPE et les PME, il apparaît indispensable de mieux faire connaître son action auprès d'elles. France Brevets a engagé plusieurs actions en ce sens :

- la société a mis en place un plan de communication ayant déjà donné lieu à des retombées significatives dans les médias traditionnels ;

- elle entretient des relations étroites avec l'Institut national de la propriété intellectuelle et collabore avec lui dans le cadre d'évènements à destination des entreprises en région ;

- elle s'est associée à l'initiative French Tech , en devenant membre de l'offre Pass French Tech Premium, qui vise à soutenir les jeunes pousses à fort potentiel de croissance.

La Caisse des dépôts indique également relayer l'action de France Brevets à travers son réseau déconcentré. Un tel relais est également en cours de mise en place avec Bpifrance . Pour votre rapporteur, les principaux accélérateurs et incubateurs pourraient également être mobilisés en ce sens.

Plus simplement, une refonte du site internet permettrait aux entreprises potentiellement intéressées de mieux comprendre l'offre de France Brevets.

b) Clarifier son action auprès de l'écosystème de la recherche publique

Il semble qu'un effort de pédagogie doive également être effectué à destination des organismes de recherche et des SATT. Ceux-ci ont souvent fait part à votre rapporteur d'un besoin de clarification de la part de France Brevets sur sa stratégie , notamment sur les domaines prioritaires qu'elle pourrait identifier, et sur ses leviers d'action .

À cette fin, des réunions avec les départements de propriété intellectuelle et autres filiales de valorisation des organismes ainsi qu'avec les SATT pourraient se tenir plus régulièrement, et des « référents France-Brevets » pourraient être désignés au sein de ces structures.

c) Éventuellement, s'appuyer sur un conseil d'orientation stratégique

La création d'un conseil d'orientation stratégique composé uniquement de personnalités qualifiées réunissant des représentants de l'ensemble des parties intéressées au bon fonctionnement de France Brevets en dehors de ses actionnaires (recherche publique, entreprises de toutes tailles, capital-risqueurs...) pourrait également être envisagée. Il pourrait apporter, une à deux fois par an, un éclairage au conseil d'administration sur l'action de France Brevets et, éventuellement, proposer des orientations stratégiques qui seraient communément admises par l'ensemble des parties prenantes.

Au demeurant, ce type d'organe consultatif a déjà pu exister : le rapport du conseil d'administration du 19 décembre 2011 mentionnait un « comité stratégique » devant se réunir le 13 janvier 2012. France Brevets travaillerait d'ailleurs actuellement à la remise en place d'un conseil stratégique.

3. Une évaluation indépendante devra, à terme, dresser un premier bilan exhaustif
a) Après dix ans d'activité, une évaluation sera nécessaire

France Brevets est un dispositif expérimental et ambitieux. Néanmoins, son action n'a pas été suffisamment évaluée dans le passé . A la connaissance de votre rapporteur, aucune évaluation préalable n'a été menée lorsqu'il a été décidé d'affecter les 100 millions d'euros supplémentaires du FSPI à France Brevets. Au demeurant, les conditions de cette décision restent obscures : l'avenant du 22 mars 2016 à la convention du 2 septembre mentionne une « décision du Premier ministr e » et le fait que « les activités exercées par la société (...) ont permis de valider l'intérêt » de France Brevets sans arguments au soutien de cette thèse. Et cette nouvelle enveloppe n'a pas été assortie d'une justification particulière ou d'une nouvelle mission : la convention évoque seulement le fait que « l'État souhaite désormais que France Brevets puisse développer des modèles d'affaires complémentaires », alors que Louis Gallois, alors commissaire général aux investissements, avait pris position pour que ces nouveaux fonds permettent à France Brevets d'acheter des grappes de brevets pour les valoriser 71 ( * ) . Il conviendra donc de ne pas reproduire cette méthode à l'avenir.

Le brevet est un actif à cycle long : sa durée de vie est de vingt ans et son exploitation ne produit des revenus qu'au bout d'environ dix ans. En conséquence, une évaluation exhaustive de l'activité de France Brevets ne pourra être menée qu'après dix ans d'activité, afin de disposer de suffisamment de recul .

b) Elle devra amener à se poser la question de la rentabilité des diverses activités de France Brevets

Une telle évaluation sera l'occasion de dresser un bilan des ajustements en cours et de mesurer la valeur ajoutée effective de France Brevets.

Au-delà des ajustements en cours, votre rapporteur estime que la question de la pertinence de l'objectif de rentabilité des diverses activités de France Brevets devra être posée . Alors que l'on s'interroge actuellement sur l'objectif d'équilibre à dix ans fixé aux SATT, on peut également légitimement émettre des doutes sur la crédibilité de l'objectif de rendement important qui a été assigné à France Brevets, au regard tant de la nature de ses activités que des évolutions en cours au niveau international en matière de propriété intellectuelle. Il est d'ailleurs intéressant de noter que le fonds sud-coréen Intellectual Discovery aurait révélé une perte d'exploitation de 6 millions de dollars en 2015 72 ( * ) .

Si certaines activités devaient s'avérer rentables et d'autres non, il conviendrait d'envisager une séparation de ces activités dans deux structures différentes. Les activités rentables pourraient donner lieu à une association ou à une cession à des investisseurs privés . À ce titre, le capital de la structure Zhigu, mise en place en 2012 par le Gouvernement chinois en vue d'effectuer des missions proches de celles de France Brevets, était composé, dès le début, de 60% de fonds privés. Elle a été absorbée par le fabricant de téléphones intelligents Xiaomi en 2016 73 ( * ) . L'IP Bridge japonais comme l'Intellectual Discovery coréen auraient également pour objectif, à terme, de s'émanciper de leur actionnariat public 74 ( * ) .

Si le caractère non rentable de certaines activités venait à être établi, un objectif d'équilibre à moyen terme devrait être substitué à celui de rentabilité. La question se poserait alors de la conformité de la structure au régime européen des aides d'État, l'investissement public ne se faisant pas dans des conditions normales de marché.

c) Dans l'intervalle, étudier les possibilités d'un rapprochement avec Bpifrance

En cohérence avec la nouvelle orientation de France Brevets vers les TPE et les PME, il conviendrait d' étudier les possibilités d'un rapprochement de France Brevets avec Bpifrance , dont l'un des rôles est de financer l'innovation des entreprises, afin de bénéficier de synergies en matière de compétences et de possibilités de mutualisation.

A tout le moins, un renforcement de la collaboration entre ces deux entités devrait être envisagé. L'étude déjà citée commandée par la Caisse des dépôts notait que les personnes interrogées suggéraient une offre de financement en partenariat avec Bpifrance qui serait basée sur la valeur du portefeuille d'actifs immatériels de l'entreprise. France Brevets a d'ailleurs indiqué à votre rapporteur avoir développé, au cours de l'année 2017 « une collaboration grandissante » avec Bpifrance, ce qui est bienvenu.


* 70 L'appel de nouveaux fonds doit être validé par le Premier ministre sur avis du Commissariat général à l'investissement et après proposition du comité de pilotage.

* 71 Audition du 19 février 2014 devant la mission d'évaluation et de contrôle de la commission des finances de l'Assemblée nationale.

* 72 IAM, As another Asian university launches US patent assertion campaign, questions will be asked about the role of NPEs, 8 décembre 2016.

* 73 IAM, China's first IP investment fund is now under Xiaomi management, 29 août 2016.

* 74 IAM, The future for Asia's sovereign patent funds is in the private sector, say their chief executives, 6 septembre 2016.

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