C. LES CRÉDITS DU PROGRAMME 123 : « CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER »

Comme son nom l'indique, le programme 123 a pour finalité d'améliorer les conditions de vie des populations outre-mer en facilitant leur accès au logement, à la santé et à l'éducation. L'État contribue ainsi, avec les collectivités territoriales, à l'aménagement des territoires ultramarins et à la mise en oeuvre du principe de continuité territoriale.

La justification de ces crédits rejoint la notion de réduction des écarts qui a fondé la loi EROM. Rappelons ici que le produit intérieur brut moyen par ultramarin reste inférieur de près de 40 % à celui de l'Hexagone et que la proportion de bénéficiaires des minima sociaux est quatre fois plus élevée, avec 12 % de la population des quatre DOM initiaux contre 3 % en métropole.

Les crédits programmés pour 2018 sont en augmentation par rapport à 2017 - de 20,6 millions d'euros en AE et de 32,9 millions en CP - pour atteindre 775,8 millions d'euros en AE et 734,7 millions en CP. Cependant, les crédits consacrés au logement baissent de façon limitée mais inquiétante compte tenu des besoins.

1. La baisse de la construction appelle une stratégie articulée pour respecter la trajectoire fixée par le législateur à 15 000 logements par an pour les dix prochaines années.

Afin de mieux prendre en compte les particularités ultramarines, l'action de l'État dans le domaine du logement et de la résorption de l'habitat insalubre relève, depuis 1997, de la responsabilité du ministère des outre-mer et non plus du ministère en charge du logement. En effet, l'État finance la construction de logements, en particulier sociaux et la réhabilitation des logements insalubres.

Les crédits consacrés au logement qui sont ici examinés (action 1 Logement) ne concernent que les DROM, puisque, dans les COM et en Nouvelle-Calédonie, le logement relève de la compétence des collectivités. Les politiques locales, dans l'ensemble des outre-mer, sont néanmoins soutenues à travers les contrats de développement (action 2 Aménagement du territoire) et par des dépenses fiscales.

Dans les DOM les besoins en logements sociaux sont très importants pour des raisons démographiques et parce que la proportion des ménages à bas salaires est élevée. De plus, le nombre de logements classés comme insalubres par l'État est d'environ 66 000 et concerne plus de 150 000 personnes. Les cinq DOM à travers des situations différentes ont cependant en commun une urbanisation rapide et mal maîtrisée. Or face à ces besoins, et comme s'en est inquiété la représentante de l'Union Sociale de l'Habitat au cours des auditions, les programmes de construction subissent des retards et des handicaps persistants avec des difficultés de programmation, la lourdeur des procédures administratives, la rareté du foncier et l'augmentation des coûts de construction.

RAPPEL SUR LES CATÉGORIES DE LOGEMENTS SOCIAUX.

La construction de logements locatifs sociaux comprend non seulement le logement locatif social (LLS) et très social (LLTS), mais aussi les logements spécifiques comme les établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (EHPAD), les logements étudiants et l'hébergement d'urgence.

Rappelons qu'on distingue deux grandes catégories de logements sociaux suivant les prêts et subventions accordés aux organismes pour leur production : les PLAI - prêt locatif aidé d'intégration - destinés aux personnes en difficulté et les PLUS - prêt locatif à usage social - dont les loyers maximaux sont un peu supérieurs à ceux des PLAI.

Les logements PLS - prêt locatif social - correspondent, quant à eux, au logement dit intermédiaire destiné aux classes moyennes : ce ne sont pas stricto sensu des logements sociaux et le plafond de ressources exigé du locataire est supérieur de 30 % au plafond demandé pour un logement social classique.

Pour le financement de la politique du logement, le projet de budget pour 2018 propose d'allouer à la ligne budgétaire unique (LBU) 226 millions d'euros en AE et 228,1 millions d'euros en CP. Le Gouvernement indique que la diminution de 20 millions d'euros qui en résulte par rapport à 2017 sera compensée par des cessions des parts de l'État dans les sociétés immobilières d'outre-mer (SIDOM).

La baisse des crédits porte paradoxalement sur l'aide à la rénovation qui est fondamentale. Le Gouvernement s'efforce de justifier ce choix a priori contestable par le fait que la ligne budgétaire unique (LBU) n'est pas le seul levier pour la construction de logements et propose l'amélioration de plusieurs dispositifs fiscaux. Il faut ici reconnaître qu'au cours des auditions, les bailleurs sociaux ont présenté des statistiques montrant que le principal moteur de la construction et de la réhabilitation est fiscal - comme en témoigne, par exemple, le pic de l'année 2012.

Pour l'essentiel, votre rapporteur pour avis rappelle que le Sénat a imprimé sa marque de réalisme dans la loi dite EROM en fixant un objectif de 150 000 logements construits ou réhabilités en dix ans. Pour atteindre concrètement ce but, il faut combiner plusieurs outils : les subventions, l'aide fiscale avec des procédures d'agrément efficaces, mais aussi du foncier, des normes de construction adaptées et une programmation astucieuse pour choisir les bonnes cibles et les bons emplacements de construction ou de réhabilitation.

2. La hausse du financement des contrats de plan avec l'État

L'action n° 2 Aménagement du territoire soutient l'investissement public et l'action des collectivités territoriales. 161,2 millions d'euros en AE et 166 millions d'euros en CP sont prévus pour l'alimenter, ce qui correspond à une augmentation de 11,8 % en AE et de 1,4 % en CP par rapport à 2017.

Ces crédits cofinancent la génération de contrats de plan État-régions (CPER) 2015-2020 qui vise à créer des emplois dans plusieurs domaines prioritaires comme l'amélioration des infrastructures ultramarines, la transition énergétique, l'innovation et la cohésion sociale. Pour ces contrats 2015-2020, le montant total de l'engagement de l'État s'établit à 865,9 millions d'euros, en nette augmentation par rapport à la génération précédente 2007-2014. Le programme 123 doit contribuer à ce financement à hauteur de 341,6 millions d'euros sur l'ensemble de la période. Ces contrats doivent désormais être articulés avec les plans de convergence introduits par la loi EROM. Pour sa part, la nouvelle génération de contrats de projets entre l'État et la Polynésie française bénéficie d'une enveloppe totale de 360 millions d'euros sur 6 ans, de 2015 à 2020, à parité entre l'État et le Pays. La hausse des autorisations d'engagements prévue pour 2018 concerne tout particulièrement le nouveau contrat de développement 2017-2021 a signé fin décembre 2016 avec la Nouvelle-Calédonie, avec une programmation budgétaire qui passe de 50,3 millions d'euros en 2017 à 63,3 millions d'euros.

3. Les crédits en faveur de la continuité territoriale sont stabilisés dans l'espoir d'une baisse des tarifs aériens.

La politique nationale de continuité territoriale est définie par l'article L. 1803-1 du code des transports : elle tend « à rapprocher les conditions d'accès de la population aux services publics de transport, de formation, de santé et de communication de celles de la métropole, en tenant compte de la situation géographique, économique et sociale particulière de chaque collectivité territoriale d'outre-mer ».

Elle se traduit par le versement d'aides aux résidents des outre-mer pour des déplacements en métropole et, pour les personnes en formation professionnelle en mobilité, de prestations de vie quotidienne et pédagogiques.

Il convient de rappeler qu'afin de contenir l'augmentation des dépenses, la loi de finances pour 2015 a resserré les critères d'éligibilité de l'aide à la continuité territoriale en instituant un délai d'au moins trois années entre le versement de deux aides et en divisant son montant par deux pour les foyers dont le quotient familial annuel est supérieur à 6 000 euros.

Pour 2018, les crédits de cette action 3 s'établissent à 41,1 millions d'euros en légère baisse de 0,6 million. Le Gouvernement la motive par les économies de coût attendues du nouveau cahier des charges du marché de voyagiste passé par LADOM pour le dispositif PME. L'entrée d'opérateurs "low cost" (Frenchblue, Norwegian) permet également d'anticiper une diminution des coûts aériens. Enfin, s'agissant de la continuité funéraire, les crédits ont été ajustés en fonction d'une demande moins élevée qu'initialement prévue en 2017. Le taux des crédits gelés abaissé à 3 % en 2018 devrait permettre de couvrir les surcoûts de cette action liés à l'entrée en vigueur en 2018 des modalités d'intervention prévues par la loi EROM.

4. Une progression à structure constante des moyens alloués aux collectivités territoriales d'outre-mer avec un effort particulier pour la Guyane et la Polynésie mais un fonds de secours pour l'instant limité à 10 millions d'euros.

L'action n° 6 Collectivités territoriales répond à trois objectifs : donner, tout d'abord, aux collectivités territoriales d'outre-mer les moyens de favoriser l'égal accès aux services publics locaux des ultramarins, répondre aux cas d'urgence dans les situations de catastrophes naturelles, et enfin soutenir les actions de sécurité et de défense civiles.

En 2017, cette action avait enregistré une très forte hausse apparente de 50 % par rapport à 2016 qui reposait, en réalité, sur le transfert entrant lié à des constructions scolaires en Nouvelle-Calédonie et à Mayotte, rétrocédés par la suite à la mission Éducation nationale. Sa dotation prévue pour 2018 d'élève à 261,9 millions d'euros en AE et 225,6 millions d'euros en CP en augmentation de 26,7 % en AE et de 16,3 % en CP à périmètre constant.

Cette hausse intègre d'abord le renforcement des crédits alloués aux constructions scolaires de Guyane, pour 55 millions d'euros en AE conformément aux accords de Cayenne. Ensuite, les projets d'investissement prioritaires en Polynésie française sont alimentés à hauteur de 11 millions d'euros en CP et la dotation globale d'autonomie versée à ce territoire est maintenue à 90,5 millions d'euros. Enfin, le fonds de secours est provisoirement stabilisé à 10 millions d'euros dans l'attente des mécanismes budgétaires qui viendront l'abonder pour couvrir l'indemnisation des calamités agricoles et les dégâts non assurés des collectivités.

5. Les autres actions du programme 138
a) Moins d'un million d'euros pour l'action Insertion économique et coopération régionale

Elle ne représente que 900 000 euros en crédits de paiement et en autorisations d'engagement, ce qui est trop peu, mais correspond à un objectif essentiel : favoriser l'intégration et l'insertion économique des outre-mer dans leur environnement régional et la présence de la France dans ces zones.

b) 40 millions d'euros pour les infrastructures au travers du Fonds exceptionnel d'investissement.

Créé par l'article 31 de la loi pour le développement économique des outre-mer, le Fonds exceptionnel d'investissement (FEI) finance le plan de rattrapage en matière d'équipements publics outre-mer sous la forme d'une aide aux personnes publiques qui investissent pour le développement local et l'emploi.

Concrètement, un appel à projets est lancé chaque année. Il permet aux collectivités publiques de proposer une liste d'opérations qu'ils souhaiteraient voir subventionnées, dans le domaine, par exemple, des opérations d'adduction d'eau potable, de gestion des déchets, de désenclavement et de création d'infrastructures numériques.

La hausse des crédits du fonds exceptionnel d'investissement (FEI), mérite d'être saluée, tout en constatant que l'objectif de le doter de 500 millions d'euros semble désormais difficile à atteindre. Votre rapporteur pour avis souligne que ces crédits ont un effet de levier considérable pour l'investissement dont nos outre-mer ont besoin.

Le fonds exceptionnel d'investissement porté par l'action 8 reste doté, comme en 2017 de 40 millions d'euros d'AE. Il est à noter que ce fonds n'est pas intégré mais s'ajoute aux priorités du Grand plan d'investissement (GPI) de 57 milliards pour l'ensemble du quinquennat dont 1 milliard pour les outre-mer.

c) L'appui au financement bancaire et la dotation du « fonds vert »

L'action 9 de ce programme 123 alimente des bonifications d'intérêt aux prêts accordés aux collectivités territoriales et aux personnes publiques.

Le PLF 2018 prévoyait initialement une baisse de 20 millions d'euros des crédits de cette action en AE (45,6 millions d'euros en 2017 et 25 millions d'euros pour 2018), liée à la suppression de l'équivalent du « fonds vert » au bénéfice des collectivités françaises du Pacifique. Il s'agit, en pratique, d'un mécanisme de bonification des prêts de l'Agence française de développement pour des projets portant sur des énergies renouvelables. Le Gouvernement a diminué les dotations en indiquant qu'il s'engageait à élargir le dispositif aux territoires des Caraïbes et de l'Océan Indien et que, par ailleurs, la Caisse des dépôts et consignations avait elle aussi lancé des prêts « croissance verte » et finançait des études d'ingénierie. Les députés ont cependant choisi de prélever 20 millions sur le programme 138 pour préserver ce canal de financement du fonds vert.

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