EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 15 novembre 2017, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits de la mission « Economie » du projet de loi de finances pour 2018.

Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - Mes chers collègues, nous examinons les rapports pour avis de nos trois rapporteurs, Élisabeth Lamure, Martial Bourquin et Anne-Catherine Loisier, sur les crédits de la mission « Économie » du projet de loi de finances pour 2018.

Mme Élisabeth Lamure , rapporteur . - La mission « Économie » est l'une des principales missions budgétaires de soutien à l'activité des entreprises. Il me revient de vous exposer brièvement l'évolution de ses crédits avant, dans un second temps, de porter notre attention sur quatre éléments particuliers des politiques publiques dont le financement est en partie assuré par les crédits de cette mission.

Selon les documents budgétaires, la mission affiche, à périmètre constant, une quasi-stabilité de ses crédits. La maquette de la mission reste inchangée. En revanche, des changements de périmètre impliquant certains transferts de crédits affecteront la mission en 2018, mais pour quelques millions d'euros seulement. Je n'en citerai qu'une : le transfert hors de la mission des crédits de l'action n° 22 « Économie sociale et solidaire », le Gouvernement ayant entendu faire du ministère de la transition écologique et solidaire le chef de file de la politique en faveur de l'économie sociale et solidaire.

Au total, pour 2018, le projet de loi prévoit de doter la mission économie de 1,63 milliard d'euros en crédits de paiement, ce qui marque une stagnation à la baisse de 1 %. Cependant, à cette stabilité des crédits de paiement fait face une baisse plus nette des autorisations d'engagement, qui diminuent de 160 millions d'euros pour s'établir à 2,13 milliards d'euros, soit - 7 %. Cette baisse s'explique par la diminution par deux des montants inscrits au titre du programme provisoire 343 « Plan France très haut débit », les trois programmes pérennes connaissant à l'inverse une légère augmentation de leurs autorisations.

Comme l'an passé, les crédits restent très fortement liés aux dépenses de personnel, qui représentent la moitié des crédits de paiements de la mission. De ce point de vue, il faut souligner que le projet n'envisage qu'une baisse du plafond d'emplois de 133 emplois temps plein travaillés (ETPT), essentiellement concentrée sur le programme 220 « Statistiques et études économiques ». En tout, cela représente une variation des effectifs à la baisse de 1 %. Le montant des dépenses d'intervention de la mission représente 27,42 % des autorisations d'engagement mais 20,11 % des crédits de paiement.

Au sein de la mission, le programme 134 totalise, pour 2018, 1,02 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 983 millions d'euros en crédits de paiement. Il se caractérise par une évolution favorable des autorisations d'engagement, avec une croissance de 2,93 %, et moins favorable en ce qui concerne les crédits de paiement, en baisse de 1,44 %.

Les dépenses d'intervention constituent un tiers des crédits et assurent essentiellement le coût du service postal (139 millions d'euros), la compétitivité des industries électro-intensives (100 millions d'euros) et l'activité de garantie et d'assurance-export de Bpifrance (respectivement 48 et 59 millions d'euros).

La majorité des actions du programme connait une baisse limitée (entre 2 et 5 %). D'autres pâtissent d'une baisse plus marquée. Cette baisse atteint ainsi 7 % pour l'action n° 3 « Actions en faveur des entreprises industrielles », en raison d'une diminution du dispositif de « compensation carbone », liée en réalité à l'évolution des coûts des quotas sur le prix de l'électricité. Mais je tiens à souligner l'effort en faveur du financement de l'Association française de normalisation (AFNOR), dont la dotation progresse d'1 million d'euros : en juillet dernier, dans le cadre du rapport sur la normalisation, nous avions en effet souligné l'importance d'un niveau suffisant de financement public de cette activité d'intérêt général.

L'action n° 7 « Développement international des entreprises » connaît une diminution d'environ 9 % de ses crédits, découlant de la réduction d'environ 14 millions d'euros des dépenses engagées au titre de la rémunération de Bpifrance Assurance Export au titre de la gestion des garanties publiques qui étaient gérées jusqu'au 31 décembre 2016 par la Coface.

Enfin, l'action n° 21 « Développement du tourisme » pâtit d'une baisse drastique de 68 % de ses autorisations d'engagement et de 56 % de ses crédits de paiement. Le Gouvernement a en effet décidé de supprimer tous les crédits d'intervention jusqu'alors portés par cette action, ouverts à hauteur 1,79 million d'euros par la précédente loi de finances initiale. Les actions en faveur du tourisme se limiteront donc, pour la mission, à des dépenses fiscales liées à l'application d'un taux réduit de TVA et au chèque-vacances.

Deux actions apparaissent, à l'inverse, en progression significative. L'action n° 20 « Financement des entreprises », qui vise à fournir un appui au développement des PME et des ETI à travers l'action de Bpifrance, connaît une évolution remarquable, avec un quasi-doublement de son montant par rapport aux crédits ouverts l'an passé.

L'action n° 13 « Régulation des communications électroniques et des postes » est marquée quant à elle par une croissance remarquable (131 %), en réalité liée à une opération ponctuelle : l'anticipation du changement d'implantation immobilière de l'ARCEP.

Le programme 220 « Statistiques et études économiques », qui assure le financement exclusif de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), est doté de 464,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et 455,3 millions d'euros en crédits de paiement, en hausses respectives de 1,16 % et 0,3 %. Ces crédits permettront à l'INSEE de mettre en oeuvre sa stratégie « Horizon 2025 » dans le cadre d'un plafond d'emplois réduit de 115 ETPT et de poursuivre l'évolution de son organisation interne, en particulier avec la réorganisation de ses établissements régionaux et le déménagement de son siège à Montrouge.

Enfin, les crédits du programme 305 « Stratégie économique et fiscale » prévus dans le cadre du présent projet de loi sont stabilisés à 434,7 millions d'euros, en progression de 1,5 %. Plus de la moitié des crédits du programme (250 millions d'euros) est, comme les années passées, destinée à financer les opérations menées par la Banque de France pour le compte de l'État, notamment le secrétariat des commissions de surendettement (157 millions d'euros) et la tenue du compte du Trésor. Les moyens dévolus à la direction générale du Trésor et à la direction de la législation fiscale restent les mêmes que l'an passé, pour un périmètre d'action inchangé et sans réelle diminution du plafond d'emplois (-6 ETPT par rapport à 2017).

Néanmoins, en volume, et comme les années précédentes, le principal levier d'aide aux entreprises reste de nature fiscale, et non budgétaire. Le montant cumulé des dépenses fiscales de la mission est évalué par le Gouvernement à 28,9 milliards d'euros en 2018. Par rapport aux évaluations faites pour 2017, le montant de dépense fiscale fait donc apparaître une croissance de 4 milliards d'euros, soit une nouvelle augmentation de 16 %.

Cette hausse s'explique avant tout par le fonctionnement « à plein régime » du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) qui représente un montant de dépense fiscale estimé à 20,9 milliards d'euros, en hausse de 4,5 milliards par rapport à 2017 compte tenu de l'augmentation de 6 % à 7 % du montant du CICE dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2017, dont les effets sont décalés d'un an compte tenu de la technique du crédit d'impôt.

Au total, eu égard aux exigences de maîtrise des finances publiques, cette stagnation à la baisse peut être approuvée, étant toutefois souligné que ce sont d'abord les réductions des crédits d'intervention qui la permette, alors que l'on aurait pu attendre davantage d'effort sur les dépenses de personnels ou de fonctionnement. Je vous proposerai donc de donner, en l'état, un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission, sous réserve que l'Assemblée nationale n'en modifie pas substantiellement la teneur lors de son examen en séance publique.

J'en viens maintenant à l'examen de quatre dispositifs particuliers.

Le fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac), tout d'abord. Comme vous le savez, le Fisac est désormais attribué au terme d'une procédure d'appels à projets structurés autour d'axes prioritaires déterminés chaque année par le ministre chargé du commerce et de l'artisanat. Ces axes restent relativement stables depuis trois ans.

Le resserrement du dispositif a conduit à une réduction du nombre de demandes présentées chaque année : ainsi, à la suite de l'appel à projets de 2015, 335 dossiers ont été présentés (contre 1 200 avant la réforme) ; après l'appel à projets de 2016 : 269 seulement.

Ces dossiers font l'objet d'une instruction conjointe aux niveaux local et national. Selon l'administration, les dossiers reçus sont pour l'essentiel de qualité, mais elle évoque le fait que la capacité d'ingénierie à disposition des différentes collectivités qui candidatent exerce une influence significative quant aux résultats obtenus, les collectivités « bien outillées » disposant le plus souvent d'études préalables leur permettant d'étayer leurs demandes. Néanmoins il me semble important que les capacités d'ingénierie des collectivités demandeuses puissent être prises en considération pour l'évaluation des dossiers : les petites collectivités, qui n'ont pas les mêmes moyens en la matière que les plus importantes, ne doivent pas être pénalisées de ce seul fait et leurs projets doivent être regardés avec une certaine bienveillance.

Selon le Gouvernement, les appels à projets menés en 2016 ont permis le financement de 128 dossiers d'opérations rurales individuelles, pour un total de 3,5 millions d'euros, et 122 opérations collectives, pour un total de 14,76 millions d'euros.

Aujourd'hui, le Fisac est le dernier instrument de soutien opérationnel du budget de l'État au profit du commerce de proximité. Et il ressort du rapport établi par l'administration sur la période 1992-2016 que ce fonds s'est révélé efficace pour le maintien des commerces de proximité, notamment en zone rurale :

- les entreprises aidées par le Fisac sont plus pérennes que la moyenne constatée par l'INSEE ;

- le Fisac contribue directement ou indirectement à la pérennité de la dernière activité commerciale dans plus de 8 communes rurales sur 10.

La forte réduction du montant des crédits dévolus au Fisac depuis quelques années implique néanmoins de recentrer encore davantage son « effet levier » sur des projets stratégiques. Depuis 2007, ce montant a en effet diminué de 82 % et devrait atteindre en 2018 14 millions d'euros en autorisations d'engagement et 11 millions d'euros en crédits de paiement. Il accuse donc une nouvelle baisse de 2 millions d'euros en autorisation d'engagement par rapport aux montants ouverts pour 2017, ce qui est significatif compte tenu de son faible volume...

L'un des projets les plus stratégiques à cet égard est certainement la revitalisation des centres villes de communes moyennes qui connaissent une situation de très forte vacance commerciale. Vos délégations aux collectivités territoriales et aux entreprises se penchent aujourd'hui sur cette question et devraient formaliser des recommandations au cours de l'année prochaine. Toutefois, sans attendre cette échéance, je crois qu'il convient d'ores et déjà de mobiliser davantage le Fisac sur cette thématique en renforçant la dotation budgétaire pour conforter les moyens disponibles pour la revitalisation des centres villes. On ne peut que se féliciter qu'il existe dans le cadre de l'appel à projets publié en 2017 une enveloppe de 1 million d'euros - qui sera financée sur les fonds disponibles en 2018 - spécifiquement réservée aux projets de revitalisation du commerce mettant en oeuvre une démarche structurée de développement du management du centre-ville. Cette somme reste néanmoins plus que symbolique...

Je vous propose donc de porter cette enveloppe à 3 millions en abondant le Fisac de 2 millions d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement et en crédits de paiement (action n° 2 du programme 134), par un prélèvement de même montant sur l'action n° 1 du programme 345.

L'Assemblée nationale a semble-t-il quelques velléités pour accroître le montant dévolu au Fisac, le cas échéant de 5 millions d'euros. Il s'agirait ainsi de mieux assurer la présence des stations-service en milieu rural. Je ne suis pas persuadée que le maintien - essentiel, j'en conviens - de ces stations nécessite malgré tout un tel financement. Si, néanmoins, cet amendement prospérait, il n'y aurait sans doute plus lieu de présenter d'amendement, tout en invitant le ministre à faire en sorte qu'une part de cet abondement profite effectivement à la revitalisation des centres villes.

S'agissant de l'agence France entrepreneur (AFE), on peut estimer que cette structure a pris sa place dans le paysage de l'accompagnement des entreprises.

La loi du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 a doté l'AFE de 20 millions d'euros grâce auxquels elle a pu lancer les actions lui permettant d'assurer son rôle d'animateur de la création d'entreprises en France. Parmi ces actions, on peut citer :

- dans le cadre de son activité de pilotage des financements des réseaux d'accompagnement, la conclusion de conventions avec 19 réseaux ou acteurs (tels l'Adie, BGE, France active, Initiative France, Réseau entreprendre) ;

- une action de recensement des réseaux sur le territoire national, qui a abouti à la mise en place d'une cartographie nationale à même de mettre en exergue les lieux où existe un réel manque de structures d'accompagnement. Au terme de cet exercice, 72 territoires - qui relèvent des quartiers prioritaires de la politique de la ville ou des zones de revitalisation rurales - ont été recensés comme carencés ; aussi les réseaux partenaires ont-ils été appelés à développer leur offre dans ces lieux ;

- enfin, le lancement d'appels à projets et à manifestation d'intérêt pour renforcer l'offre d'accompagnement sur 7 quartiers prioritaires de la politique de la ville et 3 territoires comportant des zones de revitalisation rurale, pour soutenir des initiatives en lien avec les régions et les métropoles, et pour le déployer une offre d'accompagnement pour le développement des TPE.

Ce bilan satisfaisant ne doit pas dissimuler certains points de vigilance sur le positionnement de l'AFE. Le premier concerne son caractère généraliste. L'AFE a été créée en 2016 avec un positionnement ambigu, en étant d'abord présentée comme l'agence des « territoires fragiles ». La reprise complète des actions de l'ancienne APCE (agence pour la création d'entreprises) montre qu'il n'en est rien : l'AFE a bien vocation à exercer ses actions au profit de l'entreprenariat sur l'ensemble du territoire français et à destination de l'ensemble des entrepreneurs. C'est une situation satisfaisante, car une institution de ce type doit avant tout être conçue comme un facilitateur global de la création d'entreprises qui, en elle-même souffrirait de n'avoir qu'un organisme qui se concentrerait sur un « public-cible » unique.

Le second concerne l'esprit et le fonctionnement de l'AFE. L'APCE avait été conçue comme une entité très agile et autonome, aux mains des acteurs de l'économie, afin de recueillir et de faire connaître des bonnes pratiques entrepreneuriales. Or, le sentiment des acteurs est que la mission de coordination des financements budgétaires désormais exercée par l'AFE tendait à la transformer en une enceinte proche d'un guichet d'administration centrale dispensateur de subventions, dont les arbitrages sont essentiellement le fait des représentants de l'administration au détriment des représentants des entreprises siégeant au conseil d'administration. L'AFE doit donc conserver le rôle de think tank et de partage d'expériences qui avait été celui de l'APCE...

Troisième sujet : l'activité de garantie des crédits bancaires accordés aux entreprises exercée par le groupe Bpifrance, via sa filiale Bpifrance financement. L'intervention de Bpifrance en garantie assure un effet de levier important, les dotations en fonds de garantie de l'établissement lui permettant d'octroyer des garanties pour des crédits bancaires dépassant deux fois le montant de ces garanties. Ce rôle est d'autant plus essentiel que, si la distribution du crédit bancaire aux PME est satisfaisante, le taux d'accès au crédit des TPE reste toujours plus difficile, faute de garanties suffisantes à présenter par ces dernières. En garantissant un montant de prêts aux entreprises de 4,2 milliards d'euros au premier semestre 2017 au profit de 31 958 entreprises, Bpifrance assure donc un rôle stratégique pour faciliter l'octroi des crédits bancaires aux entrepreneurs les plus fragiles.

Si cette activité de garantie est soutenue par les finances publiques, elle ne l'est par des ressources budgétaires que dans des proportions très réduites. En effet, son financement budgétaire est assuré par les seuls crédits d'intervention inscrits à l'action n° 20 « Financement des entreprises » du programme 134. Certes, le montant de ces crédits devrait être doublé par rapport à 2017, pour atteindre 48 millions d'euros en 2018, et il y a lieu de se féliciter de cette augmentation. Néanmoins, cet effort ne doit pas masquer la grande incertitude qui pèse sur le financement futur de cette activité qui, pour l'essentiel, résulte de mécanismes de débudgétisation.

Parmi ces mécanismes, c'est aujourd'hui le recyclage des dividendes de l'État qui permet le financement de près des trois quarts de l'activité de garantie de la banque. Les dividendes versés par Bpifrance participations à l'EPIC Bpifrance, qui atteignent des montants conséquents, ne sont en effet par reversés intégralement par ce dernier à l'État - ainsi qu'ils devraient l'être - mais mis en réserve pour leur plus grande part afin d'être ensuite directement réaffectés par recyclage interne dans le financement de l'activité de garantie.

Or, comme l'a relevé la Cour des comptes en novembre 2016, ce mécanisme encourt deux critiques fondamentales : d'une part, comme tout mécanisme de débudgétisation, il est fortement critiquable au regard des principes, puisqu'il ne met pas le Parlement en mesure d'exercer son contrôle sur un mécanisme de financement public ; d'autre part, le recyclage des dividendes n'apparait pas compatible avec les projections en baisse du résultat net de Bpifrance participations. En d'autres termes, à l'avenir, ce circuit ne devrait plus, en lui-même, assurer un niveau suffisant de financement de l'activité de garantie.

Dans son « plan stratégique 2016-2019 », Bpifrance estimait le besoin de financement dans le cadre du programme 134 à 405 millions en 2018 et 423 millions en 2019. On mesure donc l'écart entre l'effort de 48 millions prévus au présent projet de loi de finances, et ces projections... Dans ces conditions, l'impasse budgétaire est réelle. Face à cette situation qui se présentera dès 2018, certaines mesures sont déjà envisagées par Bpifrance, notamment mettre un terme aux offres de garantie jugées non cruciales ou systémiques et augmenter de 50 % le coût de la garantie pour les créations d'entreprises. Cependant, nonobstant ces changements, Bpifrance estime le besoin de dotation résiduel pour financer le budget 2018 à 30 millions d'euros. Aussi, des mesures complémentaires plus restrictives dans l'octroi de sa garantie devront être prises en cours d'année 2018.

Même si le contexte économique actuel permet d'envisager que les banques accepteront de prêter en réduisant quelque peu le niveau de leurs garanties, l'existence d'un mécanisme de garantie « de masse » sur fonds publics relativement robuste reste essentielle pour porter une économie en croissance. Il importe donc que Bpifrance conserve de réelles capacités d'actions, en particulier à l'égard des TPE et PME.

En dernier lieu, je voudrais évoquer quelques éléments sur le financement public du monde de la consommation.

Vous le savez, le monde de la consommation se caractérise par sa diversité. Outre une administration spécialement en charge de ce secteur - la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) - il est constitué d'instituts de consommation, tels l'Institut national de la consommation (INC) et le Centre de recherches pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc), et de 15 associations de consommateurs agréées par le ministre chargé de la consommation.

Un financement public - très réduit - existe pour ces entités, en baisse continue depuis 4 ans. Or, le Gouvernement prévoit de les abaisser en 2018 de 40 %. Le montant s'élèverait ainsi à 5,4 millions d'euros, alors qu'il atteignait 8,9 millions en 2017. Dans un contexte de maîtrise des dépenses publiques, il n'est pas anormal que les crédits d'interventions de l'action n° 17 connaissent eux aussi une certaine baisse. Il n'en reste pas moins qu'en proportion, cette dernière s'avère drastique. En outre, au cours des auditions, j'ai été frappée par le fait que cette baisse n'avait fait l'objet d'aucune information préalable des bénéficiaires concernés et surtout qu'à ce stade aucune réflexion ne semble engagée sur la répartition de cette baisse entre les différents acteurs, ni sur ses effets immédiats sur l'activité même des acteurs.

Or, cette baisse et la modicité des sommes qui seraient désormais dévolues aux acteurs de la consommation doivent conduire à une véritable réflexion sur leurs rôles respectifs.

À ce stade, il semble que le Gouvernement n'a pas encore décidé de la stratégie de soutien aux associations qu'il entendait privilégier. Cependant, la réduction drastique des crédits d'intervention prévue pour 2018 doit conduire à s'interroger sur la gestion « au fil de l'eau » qui caractérise l'action de l'État en ce domaine. Je suis en effet très partagée sur la pertinence du maintien de financements de quelques milliers d'euros aux plus petites associations, qui peut s'apparenter à un « saupoudrage » sans effet réel en termes de politiques publiques, sauf à assurer la survie de structures qui, en pratique, ne disposent guère de moyens financiers suffisants pour mener une action efficace de défense des consommateurs.

Le monde de la consommation doit conserver une réelle diversité. Mais il est également important que le budget de l'État puisse servir de levier pour des actions efficaces menées par des associations. Dans ces conditions, il semble nécessaire d'engager une réflexion sur une modulation éventuelle du niveau des subventions en fonction de critères objectifs permettant de mieux soutenir et valoriser les actions des associations, en fonction de leurs activités et de leurs projets. En outre, à défaut d'autres sources de financement public d'un niveau équivalent, les associations seront conduites à renforcer leurs modes de financement privés, comme l'activité « presse » ou « partenariale » - qui, pour certaines, est importante - ou, à tout le moins, afin de voir leurs coûts fixes diminuer, à rechercher davantage de synergies et de complémentarités entre elles.

Cela demande néanmoins du temps. Il faut donc qu'une réflexion effective soit menée en concertation avec les associations de consommateurs sur la nature des relations nouvelles qu'engendre nécessairement une forte diminution de ces crédits.

Une réflexion de même nature doit être conduite s'agissant de l'INC. En mai 2016, la Cour des comptes s'était montrée critique sur l'activité de cet institut au cours de la période 2010-2015. Depuis lors, il est incontestable que la situation de l'INC s'est améliorée. Néanmoins, s'agissant de son activité d'information du consommateur et d'appui au mouvement consumériste, le positionnement actuel de l'INC doit être questionné :

- d'une part, sa mission d'information des consommateurs doublonne de plus en plus avec les actions d'information menées directement la DGCCRF par le biais de son propre site internet, voire par les associations elles-mêmes. La question doit alors être posée de la pertinence de la coexistence de canaux d'information délivrant des contenus similaires. La bonne gestion des ressources publiques implique notamment de trouver un positionnement non redondant entre les actions de l'INC - établissement public industriel et commercial - et celles menées par l'administration, sans qu'à ce stade il puisse être décidé lequel de ces acteurs doit être privilégié ;

- d'autre part, en pratique, le rôle d'appui de l'INC a vocation à diminuer structurellement dans le futur à mesure que les centres techniques régionaux de la consommation qui en dépendent se regroupent et gagnent en expertise opérationnelle. En outre, l'activité d'appui semble ne concerner véritablement que les plus petites associations de consommateurs, tandis que les grandes associations assurent de plus en plus par elles-mêmes un soutien et des actions de formation pour leurs membres.

En tout état de cause, la volonté de l'INC de voir son activité se développer ne devrait pas pouvoir se réaliser en l'état des mesures de réduction budgétaire projetées.

Consciente de la nécessité d'assurer une contribution au redressement des finances de l'État, il me semble néanmoins souhaitable, compte tenu du faible montant des sommes en jeu, de préserver davantage les crédits destinés aux acteurs de la consommation, en évitant de mettre le monde de la consommation dans une impasse financière en 2018, alors qu'aucune réflexion avec les acteurs n'est encore engagée. Je préconise donc une voie médiane, consistant par amendement à diminuer de moitié au moins la baisse envisagée des crédits l'an prochain. C'est, semble-t-il, une voie similaire qui devrait être retenue par l'Assemblée nationale, à moins qu'elle ne limite encore davantage cette baisse. S'il tel était le cas, cet amendement n'aurait plus d'objet.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

M. Martial Bourquin , rapporteur . - Je souhaite cette année faire le point sur le projet d'industrie du futur, qui est un axe important de notre politique industrielle. Dans une première partie, j'en rappellerai rapidement les enjeux. Ensuite, j'en présenterai les outils en formulant quelques recommandations.

Contrairement à ce que suggère de façon trompeuse l'expression même d'industrie du futur, l'industrie du futur, c'est celle qui se met en place actuellement dans tous les pays industriels. Selon le directeur général de l'Alliance industrie du futur, la « fenêtre de tir » pour prendre le virage de l'industrie du futur est même extrêmement resserrée. Les pays qui n'auront pas réalisé les investissements nécessaires dans les cinq ans à venir risquent d'être définitivement distancés dans la compétition industrielle. Il y a donc là un enjeu crucial et urgent pour notre pays.

Conscientes de la nécessité de ne pas rater ce virage, toutes les nations industrielles ont d'ailleurs mis en place des programmes comparables au programme français. Le plus connu est le programme « industrie 4.0 » en Allemagne, mais il y a aussi un programme « Intelligent Manufacturing » en Chine, « Smart Manufacturing » aux Pays-Bas ou encore « Innovation 25 » au Japon.

Au coeur de cette industrie du futur, se trouvent bien entendu l'atelier et l'usine du futur. Y sont déployées les technologies numériques qui permettent aux machines de communiquer entre elles, de communiquer avec les opérateurs humains et plus généralement de communiquer avec tous les objets équipés de capteurs. Cela recouvre les robots intelligents et aisément reconfigurables, les technologies d'assistance physique aux travailleurs (c'est le domaine de la cobotique et des exosquelettes), les technologies d'assistance cognitive (comme la réalité virtuelle ou la réalité augmentée), les applications mobiles qui renseignent sur l'état de fonctionnement et la performance des équipements ou encore les procédés de fabrication innovants comme les imprimantes 3D.

Tous ces équipements révolutionnent la manière de fabriquer. En premier lieu, ils donnent à l'outil industriel une flexibilité et une réactivité inédites, qui permettent de produire en séries courtes à coûts maîtrisés pour s'adapter aux besoins spécifiques et changeants des clients. Cela ouvre la voie au « sur-mesure » dans un cadre industriel.

Ces équipements permettent également de réduire fortement certaines sources de coût. Par exemple, les techniques de maintenance prédictives permettent de diminuer le nombre des pannes ou des incidents qui bloquent les lignes de production, avec des gains de productivité significatifs à la clé.

Mais l'industrie du futur déborde largement le cadre strict de l'atelier pour concerner en réalité toute la chaîne de valeur industrielle, de la conception des biens à leurs usages, en passant par la logistique et les relations fournisseurs. Par exemple, la mise en réseau des services commerciaux, des services d'approvisionnement et des services de fabrication permet d'ajuster les prévisions en matière de stocks et de livraison dès la prise de commande. Si l'industrie du futur n'a pas inventé les concepts de « juste à temps » ou de « zéro stock », elle permet de franchir un palier dans la poursuite de ces objectifs.

De même, la virtualisation des systèmes de production par la modélisation 3D permet de simuler toutes les opérations de production et de maintenance et donc de repérer et de résoudre par anticipation les difficultés susceptibles de survenir dans les ateliers réels. Nous en avions vu un exemple lors de notre visite d'un centre de conception 3D à Saint-Nazaire, utilisé aussi bien par les chantiers STX que par Airbus.

Le déploiement de toutes ces technologies est de nature à bouleverser complètement les deux composantes de la compétitivité, à savoir la compétitivité prix et hors prix :

- pour ce qui est du premier point, des études récentes ont montré que la mise en oeuvre des solutions techniques et organisationnelles de l'industrie du futur permettait en quelques mois des gains de productivité de l'ordre de 15 à 20 % et parfois même de 30 %. C'est une opportunité d'effacer une bonne partie de l'avantage dont disposent les pays où la main-d'oeuvre est moins chère ;

- concernant la compétitivité hors prix, la personnalisation de l'offre permise par l'industrie 4.0 apparaît comme un axe essentiel de la montée en gamme industrielle. En effet, si l'on peut proposer un produit exactement adapté aux besoins d'un client qui est prêt à payer plus cher pour cette personnalisation, le critère du prix perd de sa prépondérance. De plus, la capacité à adapter rapidement l'offre à la demande (c'est-à-dire à identifier rapidement les besoins spécifiques du client, à modifier la production en conséquence et à le livrer sans délai) conduit à privilégier des sites de production et d'approvisionnement plus proches des clients. Le déploiement de l'industrie 4.0 induit donc une tendance à une relocalisation de la production.

C'est pour toutes ces raisons que le déploiement de l'industrie du futur constitue une opportunité historique pour la France.

J'en viens maintenant aux outils mis en place pour soutenir cette nouvelle politique industrielle. Le projet Industrie du futur comprend deux volets.

Le premier vise à stimuler l'émergence d'une offre française de solutions pour l'industrie du futur. C'est le volet des start-ups et de l'innovation, de la mise au point et de la commercialisation de solutions technologiques de rupture dans les domaines de la robotique, des objets connectés, de la numérisation 3D ou encore de la fabrication additive. L'ambition est de transformer les atouts de la France dans le domaine de la French Tech en entreprises compétitives, capables de vendre, en France et dans le monde, les produits, les procédés et les services qui sont au coeur de l'industrie du futur.

Le second volet de cette politique industrielle, peut-être moins médiatique mais tout aussi stratégique que le premier, est celui du déploiement de l'industrie du futur dans les industries traditionnelles. L'ambition est ici de faire évoluer l'outil et l'organisation industriels dans l'ensemble des branches, de l'aéronautique au textile, en passant par l'automobile ou les agro-industries.

Pour réaliser ces deux objectifs, le projet d'industrie du futur s'attache, d'une part, à mobiliser et à accompagner les acteurs industriels dans la conduite du changement, et, d'autre part, à créer des mécanismes de financement adaptés, qui vont de l'avance remboursable à la garantie bancaire, en passant par la dépense fiscale ou le prêt à taux bonifié.

Je commence par présenter les actions de mobilisation et d'accompagnement, qui sont essentielles. Si les groupes globalisés et les grands équipementiers semblent déjà pleinement engagés vers l'industrie du futur, il n'en va pas de même des PME, voire des ETI. Par opposition à des pays comme l'Allemagne, l'Italie ou la Corée, la France se caractérise, on le sait, par une certaine difficulté à faire coopérer les entreprises dans des logiques géographiques de districts industriels ou dans des logiques fonctionnelles de filières. D'où un certain isolement des PMI et des ETI françaises face aux bouleversements en cours et un risque fort d'élimination des entreprises qui n'auront pas su adopter les outils de l'industrie du futur.

Consciente de l'enjeu de la mobilisation des PME, la politique française d'industrie du futur cherche à se situer au plus près des acteurs et des territoires. Sa gouvernance s'appuie sur une association créée en juillet 2015, l'Alliance pour l'Industrie du Futur, qui regroupe plusieurs fédérations du secteur industriel (comme la FIM), les financeurs (comme la BPI), ainsi que des partenaires académiques et technologiques. L'alliance a notamment défini un référentiel partagé avec l'État, les régions et l'ensemble des acteurs industriels, qui répertorie et classe toutes les disciplines et technologies indispensables à l'Industrie du futur. Elle a labellisé des usines « industrie du futur », qui sont autant de démonstrateurs des possibilités de l'usine 4.0. Elle a créé des outils de diagnostic grâce auxquels les chefs d'entreprise qui le souhaitent peuvent bénéficier d'un audit de leur entreprise et mieux cerner les transformations à opérer sur leur outil de production et sur leur organisation - diagnostic qui est généralement cofinancé par les régions à hauteur de 50 %. Enfin, sur la base de ces diagnostics, l'Alliance pour l'industrie du futur réalise un accompagnement personnalisé dans la conduite du changement en mobilisant les 500 experts de son réseau d'adhérents. À la fin de cette année, c'est plus de 5 000 entreprises qui se seront engagées dans ces actions d'accompagnement vers l'industrie du futur.

Sur ce volet « accompagnement », je ferai plusieurs remarques :

- d'abord, il faut saluer le travail considérable accompli en moins de trois ans avec des moyens limités. L'alliance industrie du futur fonctionne en effet avec 350 000 euros de dotations publiques annuelles ;

- ensuite, il faut élargir ce travail d'accompagnement. Fonctionnant sur une logique d'appels à projet, les outils de diagnostic et d'accompagnement des PME touchent en effet seulement les entreprises déjà conscientes de la nécessité de moderniser leur outil. Le défi est donc de créer des structures capables d'aller chercher les entreprises les plus éloignées de l'industrie du futur. L'adhésion récente de CCI France à l'Alliance industrie du futur pourrait permettre d'utiliser le réseau des chambres pour toucher aussi ce public d'entreprises ;

- toutefois, et c'est ma troisième remarque, il faut éviter de multiplier les opérateurs et les points d'entrée dans le dispositif. On a réussi à créer un outil relativement simple et lisible. L'intervention des chambres de commerce doit apporter un plus et non constituer un facteur de complexité ;

- quatrième remarque : toutes les filières industrielles ne sont pas également mobilisées sur les enjeux d'industrie du futur. Il m'a été indiqué à plusieurs reprises, lors des auditions, que la filière agro-alimentaire commençait à accumuler du retard. L'adhésion prochaine de l'ANIA à l'Alliance industrie du futur marque sans doute une prise de conscience. Elle est indispensable. Je rappelle que la filière agro-alimentaire, si on met de côté l'excédent des vins et spiritueux, est déficitaire depuis 10 ans. C'est le signe d'une perte de compétitivité à laquelle il faut remédier ;

- cinquième remarque : toutes les régions ne sont pas non plus également mobilisées. L'Aquitaine et le Grand Est sont en pointe. Mais il est important que la mobilisation soit générale ;

- enfin, c'est ma dernière remarque, il faut qu'on puisse disposer d'une évaluation de l'efficacité de ces actions d'accompagnement. Les entreprises auditées et accompagnées réalisent-elles ensuite les investissements et les changements organisationnels leur permettant de passer à l'industrie du futur ? On n'a pas claire de réponse à cette question et c'est gênant.

J'en viens maintenant à la dimension financière du projet d'industrie du futur. Plusieurs outils et circuits de financement ont été créés depuis 2015.

Pour ce qui concerne l'appui à l'émergence d'une offre française de solutions 4.0, la direction générale des entreprises m'a indiqué que 240 projets de R&D ont été soutenus depuis 2015 grâce à des enveloppes du Programme des investissements d'avenir opérées par BpiFrance. L'appel à projets « Industrie du Futur » a consacré 100 millions d'euros pour financer des projets industriels stratégiques de R&D et d'investissement. Des crédits sont également mobilisables sur l'enveloppe de 579 millions de la ligne du PIA « Projets de R&D structurants pour la compétitivité (PSPC) », qui accorde des subventions et des avances remboursables aux projets collaboratifs associant grands groupes, PME et laboratoires publics.

Il me semble que ces outils sont adaptés et que le volume des enveloppes est satisfaisant. Néanmoins, les pouvoirs publics, et l'État en particulier, devraient davantage mobiliser le levier de la commande publique pour pousser l'offre de solutions pour l'industrie 4.0 proposées par les PME. Il y a en effet une schizophrénie de l'État, qui d'un côté finance de développement de PME technologiques françaises et qui, de l'autre, achète trop souvent des solutions vendues par des grands groupes internationaux. Comment nos PME technologiques peuvent-elles prospérer si elles ne remportent pas les marchés publics ? Le droit de la commande publique permet d'utiliser des critères comme l'empreinte CO 2 . Utilisons les outils disponibles !

Pour ce qui concerne le financement du déploiement de l'industrie 4.0 dans l'industrie traditionnelle, des volumes importants de crédits sont également mobilisés :

- en premier lieu, les PME et les ETI peuvent utiliser les Prêts « Industrie du Futur », distribués par BpiFrance. 100 millions d'euros en provenance du PIA sont venus abonder le fonds de garantie des prêts en 2016, ce qui devrait permettre de distribuer une enveloppe de 1 milliard d'euros de prêts « Industrie du Futur » ;

- on peut citer aussi l'outil des prêts à la robotisation, qui disposait d'une enveloppe de 360 millions d'euros sur le PIA ;

- enfin, l'État a créé un dispositif temporaire de suramortissement des investissements qui permettait de déduire du résultat imposable, linéairement sur la durée d'amortissement, 40 % du prix de revient des biens productifs. Cela représente un effort fiscal de 5 milliards d'euros sur 6 ans.

Ce suramortissement, mis en place entre avril 2015 et avril 2017, s'adressait cependant à toutes les entreprises de tous les secteurs. Il était davantage une mesure générale de relance de l'investissement qu'une mesure de soutien au déploiement de l'industrie du futur. Je comprends donc qu'on ne le maintienne pas dans cette forme. En revanche, il me semble nécessaire de maintenir un soutien à l'investissement dans le domaine ciblé des industries du futur et c'est pourquoi je suis favorable au rétablissement d'un dispositif de suramortissement recentré sur ce secteur. Je travaille d'ailleurs à un amendement en ce sens. Regardons les chiffres : les entreprises françaises achetaient 2 000 robots par an en 2012. Elles en achètent 4 000 désormais, selon les chiffres de la DGE. C'est mieux, mais nous sommes encore très loin des 20 000 robots achetés chaque par les entreprises allemandes. Nous avons fait des efforts mais les autres pays aussi, de sorte que l'écart ne s'est pas réduit. Résultat de plus de quinze ans de sous-investissement industriel, notre appareil productif demeure plus vieux en moyenne que celui de nos concurrents.

Le gros de l'effort d'investissement à accomplir reste donc devant nous et, pour l'accompagner, le suramortissement est un mécanisme vertueux. Pourquoi ? Parce qu'il conditionne l'avantage fiscal octroyé à la réalisation d'un investissement. Si l'entreprise investit, elle a la réduction, sinon elle ne l'a pas. Cela crée une incitation forte à investir, que ne permet pas une réduction d'impôt accordée sans contrepartie. Soyons lucides : les marges des entreprises ont pu se reconstituer avec le CICE. C'était nécessaire. La réduction du taux de l'IS va permettre d'aller plus loin. Mais ces marges ne se transforment pas toujours en investissements. Je constate que, malgré des marges restaurées, le taux d'investissement de la France en machines et en équipements n'a quasiment pas bougé depuis 5 ans. Il reste continument inférieur à celui de l'Allemagne et de l'Italie. Sachant que nous avons 5 ans, peut-être 10, pour prendre le virage de l'industrie du futur et exploiter ses opportunités en termes de montée en gamme et de relocalisation de la production, j'estime qu'un mécanisme de suramortissement qui récompense l'investissement est indispensable.

J'ajouterai pour finir un mot sur les enjeux en termes d'emploi, de formation et de dialogue social. La montée en compétences des hommes doit accompagner la montée en gamme de l'outil industriel. Pour piloter les nouveaux outils, il faut des ouvriers et des techniciens mieux formés, mais aussi des managers et des employeurs qui sachent déployer de nouveaux modes d'organisation et déléguer davantage.

En outre, il est clair que l'automatisation des processus risque de détruire des emplois. Ce risque ne doit pas nous conduire à refuser la modernisation de l'outil industriel, car cela aboutirait in fine à des pertes d'emplois industriels encore plus fortes. En revanche, nous devons créer les conditions d'un accompagnement des salariés reclassés vers de nouvelles activités.

Tout cela implique un gros effort national pour former les travailleurs, anticiper les futurs besoins en qualifications et adapter en volume et en qualité notre système de formation. Cela exige aussi une capacité à mener un dialogue social constructif et donc des partenaires sociaux mobilisés sur ces enjeux et pragmatiques.

À titre personnel je propose l'abstention sur ces crédits. Je vous remercie.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure .  - Madame la Présidente, mes chers collègues. J'ai le plaisir de succéder à Philippe Leroy pour vous présenter le volet « numérique et poste » de cette mission.

J'effectuerai tout d'abord, une brève analyse des évolutions budgétaires pour 2018. Puis je vous proposerai un développement sur le satellite - sujet suscitant de nombreux débats - comme élément du mix technologique nécessaire à la couverture numérique du territoire dans le cadre du plan France très haut débit.

L'analyse budgétaire des crédits sera surtout l'occasion de souligner certains faits saillants. Je commencerai par les crédits « numérique et poste » du programme 134, répartis en deux actions, l'action n° 4 et l'action n° 13.

L'action n° 4 comprend deux principaux postes de dépenses. Le premier concerne la Poste. Il s'agit de la dotation versée par l'État à cette dernière pour compenser la mission consistant à distribuer la presse écrite, six jours sur sept, sur tout le territoire, à des tarifs préférentiels. Il s'agit de l'une des aides à la presse en vigueur dans notre pays. Ce sujet soulève aujourd'hui diverses questions. La première est celle de la distinction entre différents types de presse pour la fixation des tarifs postaux, qui semble fausser la concurrence entre des titres pourtant parfois assez proches. La deuxième est celle de la compensation versée à la Poste au titre de cette activité, structurellement déficitaire. Le projet de loi de finances pour 2018 n'est pas de nature à améliorer la situation, dans la mesure où il diminue de 7,5 millions d'euros le montant de cette compensation, qui descend à 111,5 millions d'euros. Enfin, je m'interroge sur la méthode suivie par les différents gouvernements sur cette question. Alors que les tarifs postaux et le montant de la compensation étaient auparavant fixés au sein d'accords tripartites entre l'État, la Poste et la presse, l'État agit, depuis 2015, de façon unilatérale, dans une certaine opacité - je souligne que le rapport Giannesini, sur lequel les orientations arrêtées en 2016 se reposaient n'a pas été rendu public, et un certain flou : la trajectoire de la compensation avait été fixée en 2016 jusqu'en 2020, mais elle a été remise en cause par l'actuel Gouvernement. Le traitement de cette question pourrait être approfondi avec nos collègues de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication.

Le second principal poste de dépenses au sein de l'action n°4 est celui de la subvention versée à l'Agence nationale des fréquences (ANFR). D'un montant de 32 millions d'euros, elle augmente légèrement dans le projet de budget pour 2018. Cette hausse se justifie par la nécessité de ralentir la baisse régulière du niveau de subvention depuis 2012 afin de permettre à l'Agence de poursuivre l'exercice de ses compétences, qui se sont développées au cours de ces dernières années, dans des conditions satisfaisantes.

L'une des compétences de l'Agence a particulièrement attiré mon attention. Il s'agit de sa mission de protection de la réception de la télévision, en vue de mettre un terme aux brouillages. L'ANFR est en quelque sorte aujourd'hui le service après-vente de la télévision. Un décret du 10 mai dernier crée le successeur du fonds d'aménagement numérique, appelé fonds d'accompagnement de la réception télévisuelle, qui sera opérationnel du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2023. Ce fonds, géré par l'Agence, a vocation à prendre en charge les coûts nécessaires pour assurer la continuité de la réception des services de télévision en clair diffusés par voie hertzienne terrestre. Les situations de brouillage, notamment du fait du passage à la TNT puis du déploiement de la 4G, ne peuvent perdurer sur nos territoires : il convient donc de doter ce fonds rapidement afin qu'il puisse être pleinement opérationnel dès le premier janvier prochain.

L'action n° 13 du programme 134 est consacrée au financement de l'ARCEP. À 53,57 millions d'euros en autorisations d'engagement et 27 millions d'euros en crédits de paiement, contre 23,1 millions d'euros l'an passé, sa dotation de fonctionnement est en hausse de 131 % en autorisations d'engagement et 17 % en crédits de paiement. La hausse de ces crédits a vocation à financer la nouvelle stratégie immobilière de l'Autorité, qui entend modifier son emprise immobilière en vue, à terme, d'en réduire les coûts.

L'Autorité est en revanche fragilisée sur les crédits affectés au personnel. Si son plafond d'emploi reste intact, elle s'est vue notifier un schéma d'emplois à -3, et les dépenses affectées au personnel apparaissent en baisse à hauteur de 138 000 euros. L'Autorité considère que ces diminutions remettent en cause sa capacité à exercer ses missions. Ceci est d'autant plus préoccupant que le Gouvernement et le Parlement lui ont régulièrement confié, ces dernières années, de nouvelles missions, et qu'elle les a mises en oeuvre à effectif constant.

J'en viens maintenant au programme 343, qui fera le lien avec le volet thématique de mon rapport. Ce programme est le véhicule budgétaire qui comprend, depuis 2015, les financements affectés par l'Etat au plan France très haut débit. Je souhaite, à ce stade, remettre en perspective le déploiement du très haut débit : il vise à répondre à une explosion des besoins. Cette explosion peut se résumer de la façon suivante : une journée de 2017 équivaut à la consommation de données de la totalité de l'année 2003.

J'en reviens à l'analyse budgétaire, le programme 343 n'est, encore cette année, doté que d'autorisations d'engagement, à hauteur de 208 millions d'euros, les premiers crédits de paiement étant prévus pour 2019. Alors que ces dépenses sont intégrées au Grand plan d'investissement, on peut remarquer que celui-ci est, jusqu'à aujourd'hui, muet sur la question des financements affectés au plan postérieurement à 2022, question qu'avait très justement posée la Cour des comptes dans son rapport de janvier dernier.

Le plan France très haut débit et la couverture mobile du territoire font actuellement l'objet d'âpres négociations entre toutes les parties intéressées, en vue d'en redéfinir les contours. C'est dans ce contexte que l'ARCEP nous a présenté, le 25 octobre dernier, les conclusions de l'avis que nous lui avions demandé. Ces conclusions rejoignent les constats effectués par le Sénat.

L'un des sujets sur la table des négociations est celui de la refonte de la fiscalité des opérateurs télécoms. L'exemple le plus parlant est celui de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux portant sur les stations radioélectriques : plus les opérateurs déploient de stations, pour couvrir le territoire en 2G, 3G et 4G, plus ils sont imposés, à hauteur d'environ 1 600 euros par antenne. Cette imposition est vécue par les opérateurs comme étant en contradiction frontale avec l'objectif d'une meilleure couverture numérique du territoire. D'une manière générale, la question de la fiscalité des opérateurs télécoms est un sujet dont notre commission pourrait se saisir.

Je souhaite, enfin, attirer votre attention sur le fait que l'industrie de la fibre semble actuellement en tension, et que la question de savoir si elle pourra fournir les quantités nécessaires à la mise en oeuvre du plan France très haut débit peut être posée.

Aussi, après ce bref exposé d'analyse des crédits, je vous proposerai d'émettre un avis favorable sur les crédits de la mission économie pour 2018, sous les réserves évoquées.

J'en viens au second point du rapport, à savoir la question de la place du satellite dans la couverture numérique du territoire. Le Président de la République a, lors de la conférence des territoires, tenu un discours, semble-t-il, responsable en affirmant qu'il est, je cite, « impossible de tenir la promesse de tirer de la fibre dans tous les logements de la République ». En conséquence, il invitait à envisager l'ensemble des solutions permettant de remplir les objectifs de bon haut débit en 2020 et de très haut débit en 2022.

Le satellite fait partie, avec la boucle locale radio et la 4G fixe, des solutions hertziennes, parfois appelées « alternatives », en ce qu'elles constituent une option différente des technologies filaires ayant surtout vocation à être déployées dans les zones les plus reculées de notre territoire, où ces technologies filaires - à savoir le cuivre modernisé, le câble, et surtout la fibre - apparaissent particulièrement chères à mettre en place. Par exemple, pour les derniers 5 à 10 % de la population à couvrir, le coût par ligne de la fibre de bout en bout jusqu'à l'abonné est estimé entre 3 000 et 10 000 euros. Le coût du satellite est de 750 euros par ligne et ce, partout sur le territoire. Il est donc une solution à considérer pour permettre à nos territoires les plus éloignés de prendre le train du numérique, dans le cadre d'un mix technologique et en attendant l'arrivée de la fibre.

S'il partage avec les réseaux hertziens terrestres certains inconvénients, il est le seul à permettre de couvrir des zones très étendues, sans zone d'ombre et immédiatement après déploiement. Il est d'ailleurs aujourd'hui déployé dans un très grand nombre de pays et continents : aux États-Unis, en Afrique, en Australie ou encore au Brésil. C'est une solution souple : lorsqu'une technologie plus efficace est introduite dans une commune, sa capacité peut être redéployée. Surtout, la totalité du coût de construction est supportée par l'opérateur de satellite, s'il y a un marché à la clé. En revanche, le satellite géostationnaire étant situé à 36 000 kilomètres du sol, il existe un délai de latence incompressible, d'environ 0,5 secondes, ce qui ne peut pas satisfaire aux exigences d'immédiateté, notamment pour les jeux vidéo en ligne. Mais les progrès technologiques du satellite sont aujourd'hui très importants, notamment à travers les constellations, telles que le projet OneWeb, qui prévoit de déployer 900 satellites à partir de 2020 en vue de permettre un accès mondial à internet.

Si le chiffre exact relève du secret des affaires, il y a aujourd'hui assez peu d'abonnés en France : ils sont moins de 100 000. Ces abonnés sont servis par deux satellites construits par Airbus, KaSat et Astra 2F, respectivement opérés par Eutelsat et SES, qui commercialisent leurs capacités auprès des fournisseurs d'accès à internet (FAI). Le premier FAI à fournir des offres satellitaires est Orange, à travers sa marque Nordnet.

Ce faible nombre d'abonnés peut s'expliquer de différentes façons : un problème d'image lié à la première génération de satellites proposant un accès à internet - des accès à internet ont été fournis avec des satellites initialement prévus pour de la télévision, une saturation du satellite KaSat sur la moitié du territoire métropolitain, une très faible commercialisation par les grands opérateurs, historiquement portés sur le filaire, ou encore la limitation en volume de données dans les offres commerciales.

Par ailleurs, le satellite a fait l'objet d'un accompagnement plutôt marginal dans le cadre du plan France très haut débit : l'État participe, à hauteur d'un maximum de 150 euros, aux dispositifs mis en place par les collectivités territoriales visant à aider les particuliers à acquérir un kit composé d'une parabole et d'un modem, généralement facturé aux alentours de 400 euros. Ce dispositif d'accompagnement dépend donc de la décision des collectivités territoriales, et se retrouve sous différentes formes sur l'ensemble de notre territoire, ce qui nuit à sa lisibilité.

Aujourd'hui, la question du degré de mobilisation de la solution satellitaire dans le mix technologique pour atteindre les objectifs 2020 et 2022 est posée dans le cadre de la révision du plan.

Afin que la France adopte, pour la première fois, une position claire sur ce point comme sur celui de la mobilisation des autres technologies alternatives, un travail d'identification du nombre de foyers potentiellement intéressés a été engagé. Un tel travail d'objectivation des besoins et des solutions apparaît en effet fondamental afin de prendre des décisions en connaissance de cause.

Une fois le degré de mobilisation potentielle du satellite acquis, la question des moyens à mobiliser pour remplir l'objectif se posera. On peut ainsi réallouer les capacités de satellites déjà existants ou en cours de construction, ou encore lancer la construction de nouveaux satellites, qui pourraient être opérationnels, selon les industriels, dès 2020 dans le cas où une commande serait passée rapidement.

L'État a financé plusieurs programmes de recherche et développement afin de permettre à notre industrie de répondre aux besoins du marché en matière de satellites internet à grande et très grande capacité. Notre industrie est d'ailleurs aujourd'hui très bien positionnée, à la fois sur les satellites géostationnaires et sur les projets de constellations.

Or - et je souhaitais attirer votre attention sur ce point - Eutelsat envisage de couvrir la France à l'aide du satellite à très grande capacité actuellement en cours de construction par Boeing à la demande de son partenaire américain Viasat. Et à ce jour, aucun satellite n'est en cours de construction en vue de couvrir la France.

La France pourrait donc perdre une occasion de constituer une vitrine à l'export pour son industrie satellitaire. Cela vaut aussi bien pour les nouveaux satellites que pour les stations de connexion sol et les terminaux innovants mis en place par notre industrie. Il me semble donc essentiel, pour l'avenir de notre industrie aérospatiale et nos équipementiers, pour maintenir notre autonomie technologique, que l'ensemble des acteurs (constructeurs, opérateurs, fournisseurs d'accès à internet) trouvent un accord sur ce sujet.

À mon sens, certains éléments sont de nature à favoriser une commande par un opérateur privé. Tout d'abord, la solution satellitaire devrait être prise en compte par le plan France très haut débit dans des conditions optimisées. À tout le moins, la prise en charge devrait être la même sur tous les territoires concernés par la solution satellitaire.

Ensuite, une meilleure information des collectivités locales et des utilisateurs est nécessaire pour en favoriser la commercialisation - toujours et encore, dans le cadre d'un mix technologique.

Enfin, et corrélativement, une discussion doit avoir lieu avec les FAI sur la commercialisation des offres satellitaires et sur les voies et moyens de l'améliorer.

Telles sont, selon moi, les étapes pour engager notre industrie satellitaire française et européenne dans des investissements stratégiques. Stratégiques pour la couverture de notre territoire, face à des besoins de connectivité gigantesques et amenés à s'accroître. Il y a de la place, et nous avons besoin de toutes les technologies existantes. Stratégique aussi pour l'industrie française et l'indépendance technologique de la France. Avant, les satellites diffusaient la télévision, aujourd'hui, le futur du satellite, c'est internet. Mais c'est un autre marché, un autre modèle d'affaires, et notre industrie a besoin de s'asseoir sur les marchés domestique et européen afin de ne pas être dépassée par les technologies et moyens concurrents. La révision du plan France très haut débit constitue donc une opportunité historique pour la filière aérospatiale française.

M. Pierre Louault . - Sur les liaisons satellitaires, j'ai deux interrogations : quel est le montant de l'investissement pour l'État, et peut-on imposer aux opérateurs un même tarif, sur l'ensemble du territoire, quels que soient les moyens mis en oeuvre ? Car les territoires ruraux paient aujourd'hui très cher le très haut débit, sans pouvoir en bénéficier en pratique.

M. Daniel Gremillet . -Je suis un fort partisan de la solution satellitaire, mais je constate que, face à la fracture numérique, les collectivités ont déjà commencé à investir : dans la région Grand-Est, un plan de 1,2 milliard d'euros vient d'être voté pour fibrer dans dix département, sans compter les subventions émanant également des conseils départementaux et parfois des communautés de commune. Quel gâchis ! Le fait est que, clairement, la puissance publique a abandonné les territoires et l'on en voit le résultat aujourd'hui.

Mme Sophie Primas , présidente . - Il nous faudra à nouveau interroger l'ARCEP sur l'équilibre des technologies.

Mme Catherine Procaccia . - Bravo à notre rapporteur pour avis d'avoir souligné les options satellitaires pour l'accès au numérique ; et, à mon sens, la solution d'avenir ce sont bien les constellations satellitaires. Du reste, la France est très bien placée dans ce domaine avec le Centre national d'études spatiales (CNES) et plusieurs opérateurs ; en outre, elle fournit déjà des constellations dans le monde entier. On ne peut que s'étonner que l'on ne réfléchisse pas davantage à ce type de solutions pour notre propre territoire national.

M. Joël Labbé . - Le Fisac a énormément aidé les territoires ruraux ; or, ses montants diminuent alors que les communes les plus en difficultés en ont besoin. Je pense que l'on pourrait abonder le Fisac de 5 millions d'euros, sans nécessairement flécher ces sommes sur les stations-services.

Sur l'industrie du futur, il faut anticiper les évolutions de l'emploi, ce qui veut dire réorienter la formation pour faire face à l'évolution numérique. Se pose aussi la question de la fiscalité sur ces nouveaux outils et de la nouvelle place du travail qu'ils engendrent.

S'agissant du très haut débit, la production de la fibre est un exemple du manque d'anticipation dans notre pays : on est aujourd'hui à flux tendu, et les volumes produits sont insuffisants par rapport aux besoins. On a également du retard pour la réalisation des tranchées...

M. Jean-Pierre Moga . - Il est indispensable de moderniser rapidement notre industrie. L'État doit avoir une politique dans ce domaine. Je suis d'ailleurs surpris qu'aussi peu de robots soient achetés chaque année, car des PME leaders dans leur domaine sont déjà équipées. Ce qui est fondamental, c'est la formation, qui doit être soutenue par l'État afin de favoriser la reconversion des personnels. Par exemple, et je parle de mon expérience dans l'industrie, là où l'on avait 44 heures de travail d'ouvriers spécialisés pour usiner certaines pièces, vingt ans après, il en fallait seulement 4... On peut se féliciter de la relocalisation de certaines industries, mais elles exigent des personnels bien formés sur des métiers de pointe.

Mme Anne Chain-Larché . - Je voudrais évoquer à nouveau le Fisac : on ne peut compter réellement sur ce dispositif, car on ne sait pas si la subvention sera accordée. Dès lors, les collectivités se sont substituées à l'État pour favoriser le dynamisme économique en milieu rural ou dans les centres des villes moyennes. Le montant d'un million d'euros évoqué par notre rapporteur est dérisoire, voire même insultant, d'autant plus si l'on le compare avec les 3,5 millions d'euros mis en place chaque année par la région Ile-de-France, par exemple, pour des actions de revitalisation commerciale. Il faudrait donc au moins tripler l'enveloppe pour faire face aux besoins.

S'agissant de l'aménagement numérique, nous avons tous manqué d'ambition. Il est possible de fibrer, même dans les territoires de faible densité. Il y avait également des reconversions à anticiper, dans les territoires : par exemple, en Ile-de-France, il a manqué 5 000 ouvriers spécialisés qu'il a fallu recruter ailleurs, faute de disposer des compétences dans notre région. Il faut donc une véritable ambition pour nos territoires, afin de développer encore la fibre.

Mme Sophie Primas , présidente . - Je précise qu'il y a déjà des écoles de formation dans ce domaine ; ainsi, sur mon territoire, nous avons une excellente école de techniciens en pose de fibre optique.

Mme Marie-Christine Chauvin . - La fracture numérique est un sujet central. Je souligne les difficultés, dans certains endroits, à ce que le réseau de cuivre puisse prendre le relais de la fibre, vu son état déplorable. Il ne faut pas oublier de prendre en compte les capacités du réseau hertzien. J'ajoute aussi que la question n'est pas seulement celle de la fracture numérique, mais également de la fracture territoriale en termes de couverture par la téléphonie mobile.

Mme Valérie Létard . - Je salue le travail de nos trois rapporteurs, avec une mention spéciale pour Anne-Catherine Loisier , dont, c'est je crois, le premier rapport pour avis sur le budget.

Il est important, comme elle le propose de se reposer la question de la place du satellite dans le bouquet de technologies permettant de donner accès au haut-débit à tous les territoires. Il faut aborder les choses avec pragmatisme après une focalisation excessive sur la fibre. Il est important aussi que l'État joue son rôle et ne laisse pas les collectivités assurer seules cet effort essentiel pour l'avenir de notre pays.

Il faut souligner l'importance du travail accompli par l'Alliance industrie du futur, notamment dans l'accompagnement des PME. Il est important aussi, comme l'a fait notre rapporteur, d'agir sur les deux volets de ce projet, celui de la French Tech et de l'émergence d'une offre française de solutions, mais aussi celui du déploiement de l'industrie du futur dans les industries traditionnelles. C'est le socle de l'industrie, il faut le moderniser ! Les acteurs industriels doivent nous renseigner sur leurs efforts d'investissement dans l'industrie du futur, en particulier dans la robotisation.

M. Jean-François Mayet . - Sur l'industrie du futur, je veux souligner que la France ne part pas de zéro ! Pour ne prendre qu'un exemple, je citerai le succès de Dassault Systèmes, dont le logiciel Catia est utilisé, partout dans le monde, par les plus grands industriels. C'est le cas notamment de Boeing qui a conclu avec Dassault Systèmes un contrat historique cette année. Nous n'avons pas à rougir. En revanche, il est vrai que le défi à relever par l'industrie française concerne la mobilisation en grand nombre des PME sur les enjeux d'industrie du futur.

Concernant la solution satellitaire, elle me paraît la seule solution pour offrir le haut-débit à toutes les zones rurales et pour effacer les zones blanches de la téléphonie mobile. Si la France s'est trop focalisée sur la fibre, c'est peut-être parce que cette solution technique est soutenue par des lobbies très puissants, notamment celui des travaux publics. Le satellite, c'est l'avenir !

Mme Denise Saint-Pé . - Je voudrais interroger notre rapporteur sur le financement du Fisac par la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom). Où en est-on ?

La création d'un fonds national de péréquation, comme il en existe pour l'électricité, avec obligation pour les opérateurs d'y contribuer, est la seule solution pour traiter vraiment cette grande cause nationale qu'est l'accès de tout le pays au très haut débit et à la téléphonie mobile. Le courage politique nécessaire a manqué à tous les gouvernements précédents ou actuel.

M. Marc Daunis . - Sur la situation du très haut débit, nous payons un choix ultralibéral jusqu'à la caricature. Les opérateurs privés se sont vus confier l'équipement des zones rentables sans se voir imposer aucune véritable obligation sur les zones non rentables. Ces dernières ont été prises en charge par l'Etat. Cela ne pouvait pas fonctionner ! Même dans un pays comme l'Australie, qui n'est pas connu pour son affection pour un Etat interventionniste, l'Etat a fait le choix de créer un réseau public sur investissements publics.

Concernant la solution satellitaire, soyons prudents. Nous sommes au milieu du gué, avec beaucoup d'incertitude sur le respect des délais annoncés. Il ne faut pas rouvrir par la bande un débat qui risquerait de remettre en cause le plan très haut débit et de créer une incertitude pour les territoires qui ont déjà beaucoup investi. Avant de prendre une décision, faisons un rapport sur la question. Je suis prêt à m'y investir. Et voyons quelles sont les options les plus efficaces.

Mme Élisabeth Lamure , rapporteur . - La loi de modernisation de l'économie avait prévu de financer le FISAC à partir de la Tascom, mais la réforme de la taxe professionnelle a conduit à changer l'affectation de cette taxe. Le Fisac, depuis cette réforme, a donc été financé à partir de dotations budgétaires qui, en raison de la situation des finances publiques, ont fondu année après année.

Sur la proposition de Joël Labbé de porter les crédits supplémentaires pour le FISAC à 5 millions d'euros au lieu de 3, il faut attendre de voir quel sera le sort réservé à l'amendement des députés fléché sur les stations-services. Je ne suis pas opposée à un amendement qui augmente les crédits de 5 millions d'euros, mais il faudrait dans ce cas prévoir aussi un amendement de repli à 3 millions d'euros. Par ailleurs, il faut savoir que ces crédits supplémentaires se font au détriment d'une autre action, en l'occurrence le financement de la stratégie financière et fiscale.

M. Martial Bourquin , rapporteur . - Concernant l'industrie du futur, la question de l'emploi est essentielle, notamment celle du reclassement des salariés vers de nouveaux emplois. Il faut d'ailleurs être conscient que l'automatisation et l'intelligence artificielle ne feront pas disparaître des emplois que dans l'industrie. Les services aussi sont concernés. L'automatisation dans le secteur bancaire va détruire beaucoup d'emplois dans les années qui viennent. Il faut anticiper cette réalité.

Concernant Dassault Systèmes et plus largement certains grands groupes français, ils sont effectivement très performants et très bien positionnés dans la course à l'industrie du futur. Mais comme vous l'avez dit, le vrai enjeu est d'embarquer les PME et les ETI dans cette révolution industrielle.

Enfin, concernant le FISAC, la situation dans les centre-bourgs est un véritable désastre. Il faudra des outils budgétaires et fiscaux beaucoup plus ambitieux pour résoudre les difficultés. On a parlé de zones franches au sein des centres villes et des villages : pourquoi pas ?

Pour le très haut débit, le problème concerne les particuliers mais aussi les entreprises. Sans accès au haut débit, le maintien de l'activité économique est impossible. L'ARCEP doit utiliser son pouvoir de sanction de façon beaucoup plus offensive.

Mme Anne-Catherine Loisier , rapporteure .  - Je souhaite préciser qu'il n'y a, dans mes propos, absolument pas de remise en cause des réseaux existants. Ma proposition vise en réalité à mettre en oeuvre le volet satellite du plan France très haut débit, qui existe déjà mais n'est pas activé. Il faut privilégier la fibre, c'est indiscutable. Mais plus d'un million de foyers pourraient ne pas être couverts dans les délais. Il faut donc utiliser toutes les options qui sont à notre disposition, et le satellite en est une.

Quant au financement, ce sont bien les opérateurs de satellite qui seront amenés à financer ce nouveau satellite.

Mme Élisabeth Lamure , rapporteur . - S'agissant du dispositif de suramortissement, je n'ai pas compris si Martial Bourquin proposait de le pérenniser ou le prolonger. Dans ce dernier cas, je serais d'accord pour soutenir une telle solution, qui permettrait une relance de l'économie.

M. Martial Bourquin , rapporteur . - Il s'agirait de le cibler sur l'industrie du futur. Je pense que nous pourrions adopter à l'unanimité ce type d'amendement, car il flècherait l'investissement.

Mme Sophie Primas , présidente . - A condition qu'il ne dégrade pas l'équilibre général...

M. Martial Bourquin , rapporteur . - Certes mais, alors que le ministre de l'économie annonce 5 milliards d'euros de nouveaux allègements de charges pour les salaires jusqu'à 2,5 fois le SMIC, il devrait plutôt considérer le recours à un dispositif de suramortissement qui présenterait l'avantage d'être ciblé.

La commission émet un avis favorable sur les crédits de la mission « économie ».

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