Avis n° 109 (2017-2018) de M. Laurent DUPLOMB , Mme Françoise FÉRAT et M. Henri CABANEL , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 23 novembre 2017

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N° 109

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2017

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances pour 2018 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME I

AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES

Par M. Laurent DUPLOMB, Mme Françoise FÉRAT et M. Henri CABANEL

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , président ; Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel Gremillet, Alain Chatillon, Martial Bourquin, Franck Montaugé, Mmes Anne-Catherine Loisier, Noëlle Rauscent, M. Alain Bertrand, Mme Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Decool , vice-présidents ; MM. François Calvet, Daniel Laurent, Mmes Catherine Procaccia, Viviane Artigalas, Valérie Létard , secrétaires ; MM. Serge Babary, Jean-Pierre Bansard, Mme Anne-Marie Bertrand, M. Henri Cabanel, Mmes Anne Chain-Larché, Marie-Christine Chauvin, Catherine Conconne, MM. Roland Courteau, Pierre Cuypers, Marc Daunis, Daniel Dubois, Laurent Duplomb, Alain Duran, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Françoise Férat, M. Fabien Gay, Mmes Michelle Gréaume, Annie Guillemot, MM. Xavier Iacovelli, Jean-Marie Janssens, Joël Labbé, Pierre Louault, Michel Magras, Jean-François Mayet, Franck Menonville, Jean-Pierre Moga, Mme Patricia Morhet-Richaud, MM. Robert Navarro, Jackie Pierre, Michel Raison, Mmes Évelyne Renaud-Garabedian, Denise Saint-Pé, MM. Dominique Théophile, Jean-Claude Tissot .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 235 , 264 rect. , 266 rect. , 273 à 278 , 345 et T.A. 33

Sénat : 107 , 108 et 110 à 114 (2017-2018)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

À l'issue du renouvellement sénatorial de septembre 2017, ce sont trois nouveaux rapporteurs qui ont été chargés du rapport pour avis de la commission des affaires économiques sur les crédits de la mission : « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (MAAFAR) et du compte d'affectation spéciale : « Développement agricole et rural » (CASDAR).

Les crédits de soutien au secteur de la pêche maritime, qui figuraient durant le précédent quinquennat au sein du programme n° 205 : « Sécurité et affaires maritimes, pêche et aquaculture » de la mission : « Écologie, développement et mobilité durables » sont transférés au sein de la MAAFAR, comme cela était le cas en 2007-2012. Ils sont donc analysés au sein du présent rapport et non plus dans un rapport spécifique.

Malgré l'importance stratégique des questions agricoles et alimentaires , malgré le poids économique de la production agricole et de l'agroalimentaire sur le territoire français, avec 3,5 millions d'emplois en allant de l'amont à l'aval des filières 1 ( * ) , malgré une actualité riche marquée par des crises, comme celle de la grippe aviaire qui a mis à mal la production de foie gras dans tout le Sud-Ouest de la France, ou encore la persistance des difficultés des éleveurs, l'agriculture est restée quasiment absente des débats de la dernière élection présidentielle .

Pour autant, l'installation du nouveau Gouvernement a été suivie de multiples initiatives : mise en place des états généraux de l'alimentation (EGA), annonce d'un plan d'investissement de 5 milliards d'euros dans le secteur agricole et agroalimentaire au sein du grand plan d'investissements (GPI) de 57 milliards d'euros annoncés sur le quinquennat en septembre dernier, volonté affichée d'interdire l'utilisation de produits phytopharmaceutiques comme le glyphosate, annonces de mesures de simplification destinées à alléger les normes applicables aux agriculteurs.

Il est pour le moment difficile de dégager une ligne directrice de ces annonces . Au demeurant, les EGA se poursuivent, au-delà du bilan d'étape fait par le Président de la République lors de son discours du 11 octobre 2017 à Rungis. Des contradictions risquent d'apparaître entre une volonté de renforcer la compétitivité des exploitations agricoles et de l'agroalimentaire pour faire face aux enjeux d'un marché alimentaire mondialisé, et l'ambition environnementale d'aller plus loin que les engagements européens de la France, en particulier en matière de produits phytopharmaceutiques.

Les crédits de la MAAFAR et du CASDAR ne représentent qu'une faible part des moyens publics consacrés au soutien à l'agriculture et une part encore plus faible au sein de ce budget est consacrée aux mesures de soutien économique aux exploitations agricoles elles-mêmes. Leur examen est cependant instructif car il révèle les priorités de la politique agricole nationale.

Or, en matière agricole, le projet de loi de finances pour 2018 s'inscrit dans une certaine continuité avec le précédent , avec une dotation pour la MAAFAR proposée à 3,322 milliards d'euros contre 3,398 milliards d'euros proposés en 2017 (soit une baisse de 2,2 %) en autorisations d'engagement (AE) et de 3,434 milliards d'euros contre 3,361 milliards d'euros en 2017 (soit une hausse de 2,2 %) en crédits de paiement (CP).

La relative stabilité du budget de l'agriculture pour 2018 cache cependant de substantiels mouvements de crédits internes à la mission , en particulier la fin de la prise en charge du coût de la mesure d'allègement de cotisations maladie des exploitants agricoles, largement compensée par l'inscription d'une réserve de précaution de 300 millions d'euros et par le réajustement de crédits de paiement concernant les mesures agroenvironnementales, afin de régler les engagements pris les années passées.

Le CASDAR, pour sa part, baisse de 147,5 à 136 millions d'euros en AE et CP entre 2017 et 2018, pour mieux s'ajuster aux recettes réelles attendues de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitations agricoles, qui en constitue l'unique ressource.

Vos rapporteurs soulignent cependant les limites de l'exercice d'analyse budgétaire qu'ils sont amenés à effectuer . Le budget agricole connaît depuis plusieurs années de fortes modifications entre la phase de programmation qui s'achève par le vote de la loi de finances initiale et la phase d'exécution, qui voit de nombreux mouvements de crédits, avec parfois l'ouverture d'enveloppes supplémentaires pour faire face à des aléas non budgétés initialement. Dans son rapport d'audit sur la situation et les perspectives des finances publiques de juin 2017, la Cour des comptes évaluait entre 1,5 et 1,7 milliard d'euros le montant des dépassements des enveloppes de la MAAFAR, ce qui est considérable sur un budget total de près de 3,5 milliards d'euros.

La réserve de crise prévue au budget 2018 vise précisément à rompre avec cette tendance, mais pourrait aussi faire courir un risque nouveau au budget agricole : celui de devoir trouver en interne les marges de manoeuvre pour faire face aux imprévus et de se heurter à une fin de non-recevoir du ministère des finances pour les demandes d'ouvertures de crédits supplémentaires au-delà du montant de cette réserve. Loin d'être un cadeau fait au ministère de l'agriculture, cette réserve deviendrait alors un piège , incapable de répondre aux besoins supplémentaires générés par des refus d'apurement communautaire, la nécessité de doter le fonds des calamités agricoles ou encore le paiement d'indemnités aux éleveurs touchés par une crise sanitaire, et dont il faudrait malgré tout se contenter.

Or, la situation des agriculteurs français reste fragile et incertaine : l'amélioration de la conjoncture dans certaines filières comme la filière laitière n'est pas forcément durable, et de lourdes incertitudes continuent à peser sur le monde agricole : phénomènes climatiques, volatilité des marchés, concurrence accrue des produits importés, dégradation des relations commerciales au sein des filières, risques de pertes de production à la suite d'interdiction de produits et techniques sans disposer de méthodes de substitution, apparition de nouvelles menaces sanitaires, réajustements de la PAC suite au Brexit.

Dans ce contexte, le budget agricole pour 2018 ne dessine pas de perspectives nouvelles. Qualifié par le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale de « première étape d'une nouvelle ère agricole dont les contours doivent encore être précisés », ce budget est plus sûrement un budget construit a minima , qui reconduit les enveloppes incontournables comme celles consacrées au cofinancement national des aides européennes du deuxième pilier de la PAC, mais rabote certains postes comme le soutien à la modernisation des exploitations.

Lors de sa réunion du 22 novembre 2017, la commission des affaires économiques a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2018 au sein de la mission : « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », et au sein du compte d'affectation spéciale : « développement agricole et rural », les rapporteurs Laurent Duplomb et Françoise Férat recommandant un avis défavorable et le rapporteur Henri Cabanel recommandant une abstention.

I. LE BUDGET 2018 S'INSCRIT DANS UN CONTEXTE DE DIFFICULTÉS PERSISTANTES POUR L'AGRICULTURE FRANÇAISE

A. LES DIFFICULTÉS PERSISTANTES DE L'AGRICULTURE FRANÇAISE

1. Une situation économique qui reste fragile
a) Les revenus agricoles en berne

L'année 2016 a vu une chute massive des revenus des agriculteurs , principalement du fait d'une année terrible en grandes cultures.

Les comptes nationaux provisoires de l'agriculture en 2016, publiés en juillet 2017 par la commission des comptes de l'agriculture de la Nation, montrent une baisse de 13,8 % du résultat brut de la branche agricole par actif non salarié .

Avec un excédent brut d'exploitation des exploitations agricoles qui retombe à 25,7 milliards d'euros pour 2016, l'agriculture française revient au niveau de 2013, année durant laquelle cet excédent était de 25,5 milliards d'euros, avant d'augmenter à 27,7 milliards d'euros en 2014 et 29,2 milliards d'euros en 2015.

Ce panorama est corroboré par les chiffres de la mutualité sociale agricole (MSA), qui estimait en octobre 2017 que le revenu moyen annuel des exploitations agricoles imposées selon le régime réel se situerait entre 13 000 et 15 000 euros . La MSA précisait que 30 % des exploitants agricoles avaient en 2016 un revenu inférieur à 350 € par mois et 20 % étaient en déficit.

La faiblesse persistante des revenus agricoles n'est pas qu'un problème conjoncturel : elle contribue à affaiblir structurellement l'agriculture française en freinant la capacité à investir et à moderniser les exploitations.

Au-delà des difficultés immédiates que connaissent les agriculteurs et leurs familles avec des revenus d'exploitation faibles, cette situation installe l'agriculture française dans le cercle vicieux du déclin , en ne permettant pas le financement de nouveaux projets.

b) Une année terrible pour les grandes cultures en 2016

Du fait d'une météo très pénalisante en 2016, les intempéries de mai et juin étant suivies de sécheresse en juillet et août, la production de céréales a atteint en 2016 son plus bas niveau en France depuis le début des années 2000 . Les rendements du blé ont subi une baisse de l'ordre de 30 %. En blé tendre, qui représente plus de 5 millions d'hectares, on est passés de presque 80 quintaux par hectare à moins de 54 quintaux par hectare. Le blé dur et l'orge ont connu des problèmes de rendement assez similaires.

Or, dans le même temps, l'abondance des disponibilités mondiales de céréales a pesé à la baisse sur les prix, qui ne cessent de chuter depuis les points hauts atteints en 2012 : de 250 € la tonne, le prix du blé meunier est descendu à environ 150 à 160 € la tonne en 2016.

Les rendements très faibles de 2016 ont pesé sur le commerce extérieur : alors que la France exportait presque 21 millions de tonnes de blé tendre en 2015, notre pays n'a vendu à l'extérieur qu'un peu plus de 11 millions de tonnes en 2016. L'exportation d'orge a également chuté de plus de 2 millions de tonnes, sur une production totale en 2016 passant de presque 11 millions de tonnes à moins de 9.

En maïs, l'année 2016 a également vu les rendements baisser de l'ordre de 20 % en maïs-grain et de 14 % en maïs-fourrage par rapport à la moyenne 2011-2015. Après avoir baissé fortement début 2016, les prix du maïs remontent depuis août 2016, pour retrouver leur niveau de 2015, du fait de disponibilités mondiales moindres qu'en blé.

La France a connu aussi une baisse de la production des oléo-protéagineux en 2016, de presque 10 % sur le colza, et plus importante encore en pois et féverole. Pour ces productions, après une forte hausse au deuxième semestre 2016, les prix sont revenus en 2017 à leur niveau précédent.

Le secteur du sucre présente une évolution moins défavorable, alors que les quotas disparaissent à compter du 1 er octobre 2017 : les rendements se maintiennent et les prix n'ont cessé de monter en 2016.

Le profil de l'année 2017 semble revenu à la normale , avec des rendements qui retrouvent leur niveau habituel, et ont même progressé pour le blé dur, l'orge et le colza, mais dans un contexte de prix bas. Le « trou d'air » de 2016 ne s'est donc pas prolongé en 2017 mais les années fastes pour les grandes cultures ne sont pas de retour.

c) Fruits et légumes : une situation contrastée

Les surfaces en fruits et en légumes ont tendance à stagner depuis plusieurs années.

L'année 2016 a été marquée par une météo printanière défavorable pour la production de fruits et de certains légumes, mais la demande des consommateurs est restée bien orientée permettant le maintien des prix de vente. Durant l'été 2017, des récoltes de fruits importantes dans le bassin méditerranéen ont contribué à dégrader les cours. La note de conjoncture de FranceAgriMer publiée en septembre dernier confirmait des cours inférieurs à la moyenne pour les fruits et légumes d'été et une dégradation de la situation des producteurs.

Vos rapporteurs notent que dans le secteur des fruits et légumes, soumis à une forte concurrence tant européenne qu'extra-européenne, la France est loin d'être autosuffisante : nous importons plus du double de ce que nous exportons, générant un déficit commercial d'environ 1 milliard d'euros dans le secteur des légumes et d'environ 2,5 milliards d'euros dans le secteur des fruits.

Seul le secteur de la pomme de terre connaît une réelle dynamique avec une progression des surfaces de 5 % entre 2016 et 2017. Après une année 2016 en demi-teinte avec des rendements en baisse, l'année 2017 devrait être meilleure. Les échanges extérieurs sont excédentaires en pomme de terre de presque 500 millions d'euros par an.

d) Viticulture : des rendements qui ne cessent de baisser

Après une production de 43,2 millions d'hectolitres en 2016, déjà en baisse par rapport à 2015, les rendements ont été fortement réduits en 2017 avec une production estimée à 36,8 millions d'hectolitres , soit 18 % de moins que la moyenne des cinq dernières années. Cette baisse touche tous les bassins de production et s'explique par les phénomènes de gel au printemps et de sécheresse en été.

L'année 2017 est marquée par une baisse importante des prix pour les vins sans indication géographique, passant d'environ 70 € par hectolitres en août 2016 à 55 € par hectolitre en août 2017. La baisse de prix est moins prononcée pour les vins sous indication géographique, qui ont connu une décennie de hausse jusqu'en 2015-2016.

Le secteur viticole est marqué par de forts contrastes géographiques et par une grande disparité de situation des viticulteurs selon les modes de commercialisation du vin. Sur les segments de marché les plus concurrentiels, les producteurs français sont cependant fragilisés par rapport aux autres producteurs européens, en particulier espagnols.

Alors que la demande mondiale de vin reste bien orientée, on peut s'interroger sur la capacité de la France à répondre aux demandes du marché avec des rendements faibles et une politique assez restrictive de droits de plantation afin de ne pas accroître rapidement les capacités de production.

e) Le secteur laitier : une embellie qui reste à confirmer

La filière laitière a connu deux années très difficiles en 2015 et 2016 , suite à la fin des quotas, avec une baisse continue des prix payés aux producteurs. En juillet 2016, le prix payé aux producteurs en France a atteint son plus bas niveau depuis avril 2010, à 295 € les 1 000 litres. En outre, la sécheresse de l'été 2016 a compliqué la tâche des éleveurs qui n'ont pas disposé de suffisamment de fourrages.

Depuis mai 2016, la baisse de la collecte mondiale a permis d'inverser la tendance à la baisse des prix. D'après le service statistique du ministère de l'agriculture, le prix du lait dans l'Union européenne atteignait 345 € les 1 000 litres en juillet 2017 contre 257 € les 1 000 litres en juillet 2016 2 ( * ) . En France, le prix du lait aurait progressé de 34 € les 1 000 litres durant le 1 er semestre 2017 pour atteindre à la même date 351 € les 1 000 litres.

Le marché du lait connaît une situation nouvelle avec l'existence d'une forte demande en matière grasse , qui entraîne une envolée des prix du beurre, tandis que la demande en poudre de lait écrémé reste faible, les cours étant pénalisés par l'existence de stocks importants résultant des mesures de stockage mises en oeuvre depuis 2104 durant la crise du lait. Avec 357 000 tonnes de poudre de juillet 2017, les stocks publics n'ont jamais été aussi élevés depuis 1991.

La hausse des prix du lait semble faire redémarrer la production laitière puisque la collecte mondiale progresse de 1 % au premier semestre 2017, sous l'effet notamment de la reprise de production aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande et par quelques pays européens : Irlande, Pologne et Italie, alors que l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni et les Pays-Bas ont continué la réduction de leur production.

L'année 2018 s'annonce donc très incertaine : si la collecte de lait venait à repartir, il existerait un risque d'inversion de tendance, au détriment des éleveurs. En tout état de cause, la question de la répartition de la valeur dans l'ensemble de la filière est au coeur des préoccupations des agriculteurs, qui ne veulent pas être pénalisés par des baisses de prix très rapides quand les marchés sont en phase descendante et par des hausses de prix différées quand les marchés sont orientés à la hausse.

f) Le secteur porcin : le risque de rechute.

La forte demande chinoise en 2016 a permis le redressement du marché du porc : la production française a connu une progression en volume de 1 %, tandis que les prix, depuis la mi-2016, dépassent la moyenne 2011-2015 3 ( * ) .

Les producteurs ont aussi retrouvé des marges de manoeuvre à travers une baisse des prix de l'alimentation pour porcins de 5 % sur l'ensemble de l'année 2016.

Depuis le début de l'année 2017, la demande chinoise est cependant moins dynamique, dans un contexte de réduction de la consommation de porcs dans toute l'Europe.

Dans ce contexte, les abattages ont baissé de 2,5 % en France sur un an et de 0,3 % en Europe, d'après FranceAgriMer. Parmi les gros producteurs européens, seule l'Espagne voit ses volumes progresser.

Depuis le printemps 2017, on assiste à une baisse des prix, qui avaient atteint un point haut à 1,7 € le kg de porc charcutier en avril.

Il est difficile de prédire la situation pour 2018. Mais il paraît clair que l'équilibre du marché européen du porc dépend largement de la demande asiatique, ce qui l'expose à d'importants soubresauts. D'ores et déjà, la tendance des prix à la baisse annonce de nouvelles difficultés pour la filière porcine.

g) La filière viande bovine en situation de faiblesse structurelle connaît une amélioration conjoncturelle

Avec près de 90 000 éleveurs détenant au moins 5 vaches allaitantes, le secteur de la production de viande bovine est un maillon essentiel de la ferme France . Les exploitations sont réparties sur tout le croissant allaitant, allant de la Lorraine au Sud-Ouest en passant par le massif central, même si l'élevage allaitant est aussi présent dans les autres régions de France.

L'élevage a particulièrement souffert ces dernières années, avec une réduction tendancielle des volumes, des prix de vente très bas pour les éleveurs et une concurrence féroce sur les marchés.

Depuis le début de l'année 2017, la conjoncture semble s'améliorer 4 ( * ) : en août 2017, la production totale de bovins augmentait de 2 % par rapport à celle de 2016 à la même période.

Les abattages totaux de bovins sont stables sur 2017, la part des vaches laitières se réduisant au profit d'une hausse des abattages des races à viande. Dans ce contexte de maintien des volumes, les cours se sont également redressés : le jeune bovin de type R était côté à 3,85 €/kg de carcasse en septembre 2017, soit 9 % de plus que l'année précédente.

Les exportations de viande bovine ont progressé de 1,2 % en août 2017 par rapport à 2016, notamment vers l'Allemagne, le Royaume-Uni ou encore l'Espagne. Dans le même temps, les importations se sont réduites, ce qui marque une reconquête par les produits français du marché intérieur.

L'activité des éleveurs est également soutenue par l'exportation de broutards vers les pays engraisseurs comme l'Italie ou l'Espagne. En août 2017, le rythme des exportations de broutards était 3 % supérieur à celui des huit premiers mois de 2016. Dans le même temps, les prix sont supérieurs de 7 % à ceux pratiqués l'année dernière à la même époque.

Malgré ces bons indicateurs conjoncturels, la filière viande bovine reste vulnérable :

- la consommation de viande bovine en France continue de baisser de manière très sensible : en août 2017, elle diminuait encore de 2,7 % en glissement annuel. Il s'agit d'une accentuation d'une tendance lourde : la consommation de viande bovine avait atteint son maximum en 1979 avec 33 kgec 5 ( * ) /habitant pour descendre à 24,1 kgec/habitant en 2013 6 ( * ) ;

- les éleveurs restent sous la menace d'événements sanitaires comme la tuberculose bovine ou la fièvre catarrhale ovine : l'apparition de ces maladies peut entraîner la perte du statut d'indemne et restreinte la capacité à exporter au sein de l'Union européenne ou vers les pays tiers ;

- enfin, la conclusion d'accords commerciaux internationaux comme le traité entre l'Union européenne et le Canada (CETA) expose les producteurs français dans certains secteurs comme la viande bovine à une concurrence accrue et potentiellement dévastatrice, compte tenu de conditions de production très différentes outre-atlantique.

h) La filière avicole face à la crise

L'aviculture française a été marquée depuis 2015 par deux crises successives d'influenza aviaire qui ont touché la filière des palmipèdes gras. La production française de foie gras, qui représente 79 % de la production européenne et 75 % de la production mondiale, a baissé de 23,3 % en 2016 par rapport à 2015 7 ( * ) , soit un peu plus de 775 000 tonnes. Cette crise a fortement désorganisé la filière et pénalisé les producteurs malgré les mesures d'indemnisation.

Dans le secteur des volailles de chair, la consommation ne cesse de progresser (+ 4,4 % en France en 2016, + 38,2 % entre 2005 et 2015) mais principalement au profit d'un approvisionnement extérieur. En 2016, les importations de viandes et préparations de volailles ont augmenté de 2,5 % par rapport à 2015. À l'inverse, les exportations se sont contractées de 9,9 % en valeur. En 2016, la production représentait 1,837 million de tonnes équivalent carcasse, contre 2,233 millions de tec en l'an 2000. Après un repli du coût de l'alimentation, on observe une hausse du coût de production depuis le début de l'année 2017.

Dans le secteur des oeufs, la production française, première production européenne avec 14,3 milliards d'oeufs, connaît une tendance à la hausse début 2017. Le secteur des oeufs a été peu affecté par le scandale du Fipronil intervenu durant l'été 2017, qui n'a touché qu'une seule entreprise française.

La production comme la consommation de lapins, enfin, ne cessent de se replier en France, ce qui a amené la filière à imaginer un pacte d'avenir pour redresser la situation à l'horizon 2025.

L'influenza aviaire : une crise coûteuse et ravageuse

Les canards destinés à l'engraissement ont été touchés par deux épisodes de grippe aviaire : l'influenza aviaire H5N1 en 2015/2016 puis l'influenza aviaire H5N8 en 2016/2017.

Depuis 2015, les pertes économiques pour la filière « palmipèdes gras » dues à ces deux épisodes s'élèvent à plus de 600 millions d'euros (dont plus de 100 millions d'euros pour le maillon production en 2016/2017).

En 2016/2017, le plan d'abattages préventifs décidé par le ministère de l'agriculture a concerné près de 4,5 millions de canards, dont 1,9 million d'animaux dans les exploitations touchées directement par le virus. Il faut ajouter le nombre de canards qui n'ont pas pu être mis en production durant l'épizootie et le vide sanitaire estimé à 7,5 millions de têtes. Au total, ce sont donc près de 12 millions de canards perdus pour la production française de foie gras, ce qui entraîne mécaniquement une baisse de la production française.

Un pacte de lutte contre l'influenza aviaire a été approuvé en avril 2017. Il repose sur un renforcement des mesures de biosécurité. Toute exploitation supérieure à 3 200 animaux en élevage doit pouvoir mettre en confinement les bêtes en cas de risque sanitaire, ce qui nécessite de lourds investissements.

L'État a été mis à contribution pour indemniser les éleveurs touchés mais les paiements ont tardé : le règlement du solde de l'épisode H5N1 de 2016 devait intervenir mi-2017, il l'a finalement été en novembre 2017, d'après les informations fournies à vos rapporteurs. L'épisode H5N8 fait l'objet de paiement d'avances de 50 % en 2017 avec prise en compte des pertes économiques subies après la fin du vide sanitaire.

La situation de beaucoup d'éleveurs, malgré les avances effectuées, est très critique et les besoins en trésorerie sont urgents. Par ailleurs, les retards handicapent fortement la capacité d'investissement des éleveurs dans les mesures de biosécurité, pourtant indispensables pour sécuriser la production. Enfin, la capacité à reprendre la production est handicapée par l'insuffisance de reproducteurs et de canetons. La remise en place de la production ne peut être que progressive, afin d'éviter un sur-approvisionnement du marché.

2. Au-delà de la question des revenus, le malaise des agriculteurs s'enracine
a) Le suicide des agriculteurs : signe d'un profond désespoir

Pendant longtemps insuffisamment documenté, le phénomène de suicide des agriculteurs fait l'objet d'un suivi depuis 2013 par l'Institut national de veille sanitaire (INVS) et la mutualité sociale agricole (MSA).

Il touche de manière prépondérante les hommes mais n'épargne pas non plus les femmes : le suicide a ainsi représenté 14 % de l'ensemble des décès des agriculteurs, et 7 % de l'ensemble des décès des agricultrices en 2010 et 2011, soit 300 décès sur ces deux années. Il existe une surmortalité par suicide pour les agriculteurs de 45 à 55 ans, dont les explications sont multiples.

Les difficultés économiques peuvent constituer un facteur explicatif : les exploitants du secteur de l'élevage laitier ont ainsi connu un pic de suicides durant la crise 2009-2010, qui avait été très violente.

La dureté des conditions de travail et l'isolement peuvent aussi apporter une explication. Mais d'autres hypothèses existent également : ainsi, une étude réalisée en 2016 montrait que la part prépondérante que les tâches administratives ont prise sur l'exploitation constituait un grief récurrent de plusieurs agriculteurs qui se sont suicidés, d'après leurs proches 8 ( * ) .

Plus largement, le sentiment des agriculteurs d'être écrasés par des normes de plus en plus complexes , l'absence de compréhension de celles-ci et la perte de sens du travail, participent à un découragement général voire à créer une situation de désespoir.

Dans un rapport de juin 2016 9 ( * ) , notre collègue Daniel Dubois soulignait l'urgence de retrouver le chemin du bon sens et soulignait la vulnérabilité des agriculteurs face à la prolifération normative, ceux-ci n'étant pas outillés pour les assimiler, voire parfois les connaître.

b) Les agriculteurs au banc des accusés

L'image positive des agriculteurs, qui ne comptent pas leurs heures et travaillent en lien avec la nature, dans le but noble de nourrir les hommes, est aujourd'hui contrebalancée par des appréciations plus négatives des agriculteurs , vus parfois comme consommateurs de ressources rares comme l'eau et indifférents aux effets négatifs de leurs techniques de production en termes de pollution ou de réduction de la biodiversité ou encore de souffrance animale.

Le baromètre d'image des agriculteurs , publié par l'Ifop en février 2017, montre une dégradation des représentations associées aux exploitants agricoles depuis 2013. Si 66 % des sondés disent faire confiance aux agriculteurs, seulement 54 % considèrent qu'ils sont respectueux de la santé, contre 69 % en 2013 et 44 % considèrent qu'ils sont respectueux de l'environnement, contre 54 % en 2013.

Le secteur agroalimentaire est également l'objet de représentations négatives : selon l'Association nationale des industries alimentaires (ANIA), les chaînes de télévision multiplient les reportages à` charge contre l'industrie agroalimentaire 74 en 2014, 86 en 2015, et encore davantage en 2016.

La défiance envers le monde agricole s'installe insidieusement à travers les débats sur l'utilisation des pesticides, les atteintes à la biodiversité ou encore la question du stockage de l'eau.

Un secteur est particulièrement fragilisé, celui de l'élevage , avec une contestation philosophique du fait de consommer des animaux, voire des produits issus des animaux. Ces courants progressent sous l'effet des reportages chocs comme ceux de l'association L214 sur les phénomènes de maltraitante dans les abattoirs. Les productions animales deviennent donc contestées dans leur principe même.

Le désamour du grand public pour les agriculteurs est durement ressenti par la profession . Il s'accompagne d'un sentiment de relégation du monde paysan. Lors d'un colloque organisé par le ministère de l'économie et des finances le 28 février 2017 intitulé « quel avenir pour l'agriculture française », cette question a été abordée par le sociologue Bertrand Hervieu, ancien vice-président du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER). Il est vrai que les agriculteurs, qui formaient il y a un siècle une majorité de la population et constituaient donc le socle de la société française, ne représentent plus maintenant qu'une faible part de la population active. Cette baisse des effectifs converge donc avec le sentiment de ne plus être au coeur des préoccupations des Français.

Le malaise agricole, au-delà des difficultés économiques rencontrées par les producteurs, a aussi la dimension d'une crise morale et d'une difficulté à trouver une reconnaissance au sein de la société française de plus en plus indifférente voire hostile aux agriculteurs.

B. UNE POLITIQUE AGRICOLE SANS BOUSSOLE ?

1. La nécessité d'une politique agricole et alimentaire
a) De nombreux défis pour l'agriculture

L'agriculture française assure 18 % de la production agricole européenne , devant l'Allemagne (12 %), l'Italie (12 %) et l'Espagne (10 %). La puissance agricole de la France repose sur un large espace agricole : plus de 28 millions d'hectares sur les 170 millions d'hectares de surface agricole utile (SAU) que compte l'Union européenne. L'agriculture occupe donc un peu plus de la moitié du territoire national. Elle est essentielle à l'animation économique des territoires ruraux avec environ 435 000 exploitants agricoles et plus de 866 000 personnes qui travaillent directement dans les exploitations (pas toujours à temps plein : cela représente 564 000 unités de travail agricole).

L'agriculture française, très diversifiée, est le socle d'une industrie agroalimentaire également diversifiée qui compte plus de 17 000 entreprises et emploie environ 400 000 personnes, pour un chiffre d'affaires de plus de 170 milliards d'euros par an.

L'agriculture est une source de richesse pour la France, même si la part de la valeur ajoutée agricole dans le produit intérieur brut (PIB) n'a cessé de régresser depuis plusieurs décennies pour s'établir à un peu plus d'1,5 % (soit environ 75 milliards d'euros). Grâce à sa production céréalière, grâce à la viticulture, et dans une moindre mesure grâce à l'élevage, notamment dans le secteur laitier, la France réalise un excédent commercial agricole et agroalimentaire . Celui-ci a chuté en 2016 du fait de conditions climatiques très particulières qui ont affecté les rendements des céréales, et en particulier du blé, mais l'année 2017 devrait retrouver un profil habituel.

Depuis plusieurs années, le monde agricole est inquiet, devant faire face à des défis de grande ampleur :

- le défi de la préservation de l'environnement s'est installé depuis de nombreuses années, avec un renforcement des exigences environnementales de la PAC, notamment en matière de pollution des eaux ou de préservation de la biodiversité, la mise en place de plan de maîtrise puis de réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques avec le plan Ecophyto. L'activité agricole peut aussi répondre à l'enjeu de la transition énergétique en produisant des alternatives aux énergies fossiles, ou encore en contribuant au stockage de carbone dans les sols ;

- le défi de la sécurité alimentaire consiste à produire une alimentation sûre et de qualité à des conditions abordables aux consommateurs : de ce point de vue, l'agriculture répond en Europe à des critères extrêmement stricts ;

- le défi économique de compétitivité est majeur dans une économie ouverte, car sans compétitivité les exploitations s'exposent au risque de disparaître. De ce point de vue, l'ouverture croissante des marchés à travers les accords commerciaux passés par l'Union européenne avec ses partenaires à travers le monde peut constituer une opportunité pour certaines filières, mais représente une menace mortelle pour d'autres, en particulier l'élevage ;

- le défi du renouvellement des générations est lui aussi majeur pour l'agriculture française, avec un âge moyen des exploitants agricoles qui se situe autour de 50 ans, et bien plus encore pour l'élevage bovin allaitant.

Au final, l'agriculture française doit faire face au défi de la transformation du modèle agricole . Les Français sont attachés au modèle de la ferme familiale à taille humaine, où l'exploitant agricole est propriétaire de son exploitation et garde la maîtrise des décisions relatives à sa gestion, travaille effectivement la terre et s'occupe personnellement de ses bêtes. Il importe que la politique agricole encourage ce modèle, menacé en ce début de XXI ème siècle par un autre modèle qui a cours dans d'autres pays : celui de l'agriculture intégrée, propriété des institutions financières ou de l'industrie et mise au service exclusif des intérêts de grands groupes.

Les accords commerciaux de l'Union européenne :
une menace pour l'agriculture française ?

Les accords commerciaux sont de la compétence de l'Union européenne et non pas des États membres. Ils sont négociés et conclus à l'échelle européenne. Plusieurs accords ou projets d'accords inquiètent les éleveurs français, en particulier l'accord avec le Canada (CETA), déjà conclu, et l'accord en discussion avec les pays d'Amérique du Sud réunis au sein du Mercosur.

L'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada.

Négocié à partir de 2009, et conclu en septembre 2014, « l'accord économique et commercial global » (AECG ou CETA en anglais) entre l'Union européenne et le Canada prévoit un haut niveau de libéralisation des échanges, y compris dans le secteur agricole et agroalimentaire. Le Parlement européen a ratifié l'accord en février 2017 et son application provisoire a débuté depuis le 21 septembre 2017.

L'Union européenne dispose d'un contingent important d'exportation à droits nuls de fromages européens et bénéficie de la reconnaissance d'une liste de 145 indications géographiques (IG), dont 42 françaises, en plus des vins et spiritueux déjà protégés par un accord antérieur.

Mais en contrepartie, le Canada dispose d'un contingent plus important lui permettant d'importer de la viande bovine vers l'Union européenne sans droit de douane. L'organisation interprofessionnelle Interbev estime que l'application de cet accord conduira à faire entrer 65 000 tonnes de viande canadienne, alors que le marché européen de l'aloyau n'est que de 400 000 tonnes. Le différentiel de prix entre Europe et Canada serait de plus de 5 € le kg (13,7 €/kg en Europe contre 8,6 €/kg au Canada). Devant le risque de fermeture de nombreuses exploitations françaises bovines qui deviendraient non rentables face à ces nouveaux concurrents, Interbev demande une exclusion de la viande bovine du CETA.

La négociation d'un accord de libre-échange avec le Mercosur.

Les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay et Paraguay) et l'Union européenne ont entamé des discussions commerciales bilatérales en 1999. Suspendues en 2004, elles ont repris à la mi-2016.

Le secteur agricole pourrait être extrêmement pénalisé par un accord, du fait d'une compétitivité plus forte des pays du Mercosur dans le secteur des viandes (volaille, boeuf, porc), mais aussi de l'éthanol.

L'éventualité d'offrir un contingent à droits réduits de 70 000 tonnes en viande bovine est source de craintes majeures pour ce secteur. Interbev demande pour ces produits une exclusion du champ de la négociation.

b) La nécessité de réarmer les politiques agricoles

Depuis 1992, la politique agricole européenne a été orientée de plus en plus vers les marchés : les droits de douane ont été abaissés et les soutiens couplés à certaines productions ont été remplacés par des aides directes, sans lien avec la production, afin de ne pas interférer dans les choix économiques des agriculteurs. La dernière synthèse publiée en 2015 par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) montre que les droits de douane appliqués sur les produits agricoles sont de 13,2 % dans l'Union européenne, davantage que les États-Unis (5,3 %) mais moins que le Japon (19 %) ou la Chine (15,6 %). En outre, l'Union européenne est faiblement utilisatrice des barrières non tarifaires.

Peu à peu, les mécanismes assurant des prix garantis aux producteurs ont été démantelés , et la régulation des marchés n'a plus constitué un objectif politique. La PAC ne conserve que quelques filets de sécurité à travers l'intervention publique et l'aide au stockage privés, mais les prix à partir desquels ces outils sont activés sont fixés à des niveaux très bas.

La flambée des prix alimentaires en 2007-2008 a fait prendre conscience que la question de la sécurité alimentaire ne pouvait être ignorée par les politiques publiques. Depuis une dizaine d'années, la volatilité des prix agricoles a montré qu'il était nécessaire d'envisager de nouvelles modalités de régulation.

Pourtant, la PAC a peu changé et l'orientation principalement vers les marchés n'a pas été fondamentalement remise en cause. La tendance à l'érosion des aides à l'agriculture est générale dans l'Union européenne . À l'inverse, comme le soulignaient nos M. Daniel Gremillet, Mme Pascale Gruny, MM. Claude Haut et Franck Montaugé, dans leur rapport de juillet 2017 intitulé « PAC : traverser le cap dangereux de 2020 », les États-Unis, la Chine ou encore le Brésil ont fortement accru leur soutien à leur agriculture depuis le début des années 2000. D'après l'institut Momagri, le taux de soutien par habitant à l'agriculture est de 198 dollars par habitant dans l'Union européenne, 272 dollars par habitant au Brésil et 486 dollars par habitant aux États-Unis. En Chine, entre 2008 et 2015, le soutien à l'agriculture a augmenté de 145 % par habitant .

Vos rapporteurs rappellent la nécessité de réarmer la politique agricole de l'Union européenne, en réinvestissant la notion de souveraineté alimentaire , évoquée notamment lors des états généraux de l'alimentation. Assurer une alimentation sûre et suffisante en quantité et en qualité à la population devrait être un objectif politique de premier ordre.

2. Une absence de lisibilité de la politique agricole et alimentaire
a) Au niveau européen, les incertitudes sur l'avenir de la politique agricole commune

La réforme de la PAC opérée en 2013 a mis en place le verdissement des aides directes. La France a également conservé les possibilités d'aide couplées et a introduit un paiement redistributif à travers la majoration des aides directes du premier pilier de la PAC. La France a étendu aussi son programme de développement rural financé par le deuxième pilier de la PAC et cofinancé par des crédits nationaux.

Sur le plan budgétaire, l'enveloppe pour la PAC pour la période 2014-2020 n'a pas été autant réduite que redouté : avec une enveloppe globale de 408,3 milliards d'euros (euros courants 2013), dont 312,7 milliards d'euros pour le premier pilier et 95,6 milliards d'euros pour le deuxième pilier, la dotation pour la PAC n'a été réduite que de 2 % par rapport au budget qui y était consacré en 2013. Pour la France, l'enveloppe globale prévue était de 63,6 milliards d'euros sur l'ensemble de la période 2014-2020, décomposée en 54 milliards d'euros sur le premier pilier , en baisse de 3,7 % par rapport à 2013 et 9,9 milliards d'euros sur le deuxième pilier, en hausse de 11 % par rapport à 2013. L'enveloppe globale pour la France n'avait baissé que de 2,2 % par rapport à 2013.

Or, le maintien du budget de la PAC pour la période de programmation financière au-delà de 2020 est très incertain . Le Brexit complique également l'équation financière de la future PAC, et pourrait même conduire à revoir les financements pour 2019 et 2020, les deux dernières années de la programmation actuelle. Une étude du Parlement européen publiée le 10 novembre 2017 sur l'impact du Brexit pour la PAC, montre que le retrait britannique fait apparaître un « trou » budgétaire global de 10,2 milliards d'euros par an, dont presque 3 milliards d'euros au titre de la PAC . Si les contributions des États membres ne sont pas augmentées dans le futur cadre financier pluriannuel, une réduction des moyens attribués à l'ensemble des politiques communautaires est probable et pourrait réduire le budget de la PAC jusqu'à 20 %, d'après l'étude du Parlement européen, si l'essentiel de l'effort d'ajustement était concentré sur la PAC.

D'autres hypothèses sont étudiées, comme l'augmentation des contributions des États membres, ou encore comme l'introduction de cofinancements sur le premier pilier. Aucun scénario dominant ne semble se dégager aujourd'hui. Dans leur rapport de juillet 2017 précité intitulé « PAC : traverser le cap dangereux de 2020 », nos collèges M. Daniel Gremillet, Mme Pascale Gruny, MM. Claude Haut et Franck Montaugé mettaient en garde contre le risque de coupes budgétaires massives de la PAC couplées à un démantèlement de celle-ci après 2020.

La Commission européenne n'a pas encore publié son document d'orientation en vue de la future réforme de la PAC, mais il paraît clair, dès maintenant, que celle-ci court de sérieux risques dès 2019 avec le Brexit, et après 2020 dans le nouveau cadre financier que l'Europe se donnera.

b) Au niveau national : à la recherche d'une nouvelle politique agricole

L'agriculture a été globalement absente de la campagne des élections présidentielles de 2017. Dans son discours de politique générale du 4 juillet 2017, le Premier ministre Edouard Philippe a abordé la question de l'agriculture à travers deux annonces :

- la prise en compte de l'agriculture par le grand plan d'investissement , à hauteur de 5 milliards d'euros ;

- le lancement d'une démarche de discussion autour des questions d'alimentation entre les acteurs de l'agriculture, de l'agroalimentaire, la grande distribution, les consommateurs et la société civile : les états généraux de l'alimentation (EGA).

Ces annonces ont été plutôt bien accueillies par le monde agricole, car elles répondent à un besoin de dessiner de nouvelles orientations, mais dans le même temps, des mesures concrètes qui risquent à court terme d'impacter négativement l'agriculture ont été annoncées : interdiction à brève échéance de produits phytopharmaceutiques ou encore suppression de certains allègements de charges (cotisations d'assurance-maladie, CICE).

(1) Les Etats généraux de l'alimentation : une mobilisation générale pour quel résultat ?

Lancés à la mi-juillet, les EGA ont été l'occasion de réunir très largement de nombreux acteurs intervenant autour des questions d'agriculture et d'alimentation : syndicats agricoles, représentants de l'agroalimentaire, de la grande distribution, acteurs de la restauration collective, partenaires sociaux, représentants des consommateurs, organisations non gouvernementales et associations de protection de l'environnement.

Pilotée par le Gouvernement, cette démarche visait à recueillir les propositions de tous ces interlocuteurs, pour contribuer à l'atteinte d'un double objectif :

- permettre aux agriculteurs de vivre du juste prix payé et permettre plus largement à tous les acteurs économiques dans la chaîne de valeur des produits alimentaires de vivre dignement ;

- permettre à tous d'avoir accès à une alimentation saine, durable, sûre .

Une plate-forme de contribution citoyenne a été ouverte du 20 juillet au 10 novembre 2017 et les débats se sont déroulés au sein de 14 ateliers thématiques.

Le 11 octobre 2017, le Président de la République a dressé un premier bilan des travaux des EGA , qui se poursuivent encore, et annoncé le dépôt d'un projet de loi pouvant prendre la forme d'une habilitation à légiférer par ordonnance pour le 1 er semestre 2018 afin de tirer les conséquences de ces travaux.

L'essentiel des annonces du Président de la République concerne les relations commerciales au sein des filières agricoles et alimentaires, qui sont incitées à élaborer des plans de filière d'ici la fin 2017.

États généraux de l'alimentation :
les annonces d'Emmanuel Macron lors du discours du 11 octobre 2017

Lors de son discours du 11 octobre 2017 à Rungis, le Président de la République a annoncé envisager des modifications législatives portant sur les points suivants :

- une inversion du mécanisme de la contractualisation en agriculture est envisagée, en partant d'un contrat proposé par l'agriculteur et non par l'acheteur ;

- concomitamment, le rôle des organisations de producteurs serait renforcé et les producteurs seraient incités à y adhérer (à travers le conditionnement de certaines aides, non précisées dans le discours) ;

- l'observatoire des prix et des marges (OPM) serait renforcé pour fournir des données aux acteurs économiques ;

- le droit de la concurrence devrait être adapté pour sécuriser les négociations commerciales, à travers l'intervention de l'Autorité de la concurrence en amont des discussions ;

- le rôle du médiateur des relations commerciales serait renforcé, en lui donnant notamment la possibilité de « mettre au pilori » les mauvais joueurs de la contractualisation ;

- une plus grande transparence des prix pratiqués par les coopératives est proposée ;

- le relèvement du seuil de revente à perte (SRP) et un encadrement des promotions sont envisagés, mais seulement en fonction des résultats des discussions sur les plans de filière ;

- l'objectif de 50 % de produits bios ou locaux en 2022 est réaffirmé ;

- la séparation de la vente et du conseil en produits phytopharmaceutiques est proposée ;

- la réduction des délais de mise en oeuvre des projets de méthaniseurs est prévue.

Si les propositions faites par le Président de la République lors des EGA ont été bien accueillies par les participants, vos rapporteurs Laurent Duplomb et Françoise Férat doutent cependant de l'efficacité ou de la faisabilité de certaines d'entre elles : ainsi, l'inversion des mécanismes de la contractualisation en agriculture est une mesure intéressante mais difficilement praticable. Au demeurant, la prise en compte des coûts de production dans les formules de prix est déjà prévue par la loi Sapin II. En outre, cette mesure n'a pas d'impact sur le distributeur, qui n'est que rarement l'acheteur direct des produits agricoles.

Au final, l'intention affichée d'améliorer les équilibres au sein de la chaîne de valeur agricole et alimentaire pour ne plus faire de l'amont agricole la variable d'ajustement des crises est certes louable, mais il existe encore un certain flou sur les résultats que l'on peut attendre des EGA sur ce point. Vos rapporteurs saluent la décision de votre commission des affaires économiques de mettre en place un groupe de suivi des EGA afin de pousser à des solutions concrètes, au-delà des effets de manche des discours.

(2) Le grand plan d'investissement : quelles retombées pour l'agriculture et l'agroalimentaire ?

Remis au Premier ministre fin septembre, le rapport Pisani-Ferry sur le grand plan d'investissement 2018-2022 préconisait de consacrer une enveloppe de 5 milliards d'euros pour « stimuler la transformation des filières agricoles et agro-alimentaires », au sein du programme d'investissement de 57 milliards d'euros.

Les modalités de réalisation de cet investissement n'ont cependant pas été précisées. Elles sont renvoyées aux discussions dans le cadre de l'atelier 14 des EGA. Il semblerait qu'un milliard sur les cinq nécessaires proviendrait des fonds européens. Dans la mesure où l'utilisation des crédits de la PAC est déjà programmée en totalité jusqu'en 2020, ce milliard d'euros consisterait soit à redéployer des financements de dispositifs existants soit à labelliser des soutiens qui existent déjà au titre du grand plan d'investissement, ce qui présente un intérêt limité pour les filières agricoles et alimentaires.

Au demeurant, sur l'ensemble du plan de 57 milliards d'euros, seuls 24 milliards d'euros devraient correspondre à des mesures nouvelles, 12 milliards d'euros correspondant à des réorientations de crédits, 10 milliards d'euros résultant de l'intégration du programme des investissements d'avenir (PIA) et 11 milliards d'euros étant mobilisés sous forme d'instruments financiers (prêts, garanties, dotations en fonds propres) sans effet sur le solde budgétaire des administrations publiques.

Vos rapporteurs soulignent que le grand plan d'investissement pour l'agriculture et l'agroalimentaire ne peut pas se résumer à un recyclage des mesures déjà prévues au plan pour la compétitivité et l'adaptation des exploitations agricoles (PCAEA) , faute de quoi l'espoir suscité par l'annonce du volet agricole du plan risque d'être très vite déçu.

(3) La compétitivité des exploitations agricoles pénalisée par la suppression de mesures récentes

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 supprime le dispositif d'allègement de cotisation d'assurance maladie des exploitants agricoles (dite cotisation AMEXA) qui avait été mis en place en 2016. Cet allègement réduisait de 7 points le taux de cotisation applicable, qui était passé de 10,04 % à 3,04 %.

L'article 7 remplace ce dispositif spécifique au secteur agricole par un nouveau barème progressif de cotisations d'assurance maladie qui s'appliquera de la même manière aux exploitants agricoles et aux travailleurs indépendants. Le taux de cotisation variera de 1,5 % à 6,5 % selon les revenus de l'exploitation agricole, ce taux de 6,5 % s'appliquant pour les revenus supérieurs à 110 % du plafond de la sécurité sociale, soit environ 43 000 euros par an.

Cette mesure favorisera les agriculteurs disposant d'un faible revenu mais pénalisera les autres. D'après les informations fournies à vos rapporteurs, tous les agriculteurs touchant plus de 13 500 euros par an de revenus professionnels seront redevables en 2018 de davantage de cotisations d'assurance maladie qu'en 2017. Le total des cotisations supplémentaires payées par les agriculteurs en 2018, à revenu égal à celui de 2017, est estimé par la mutualité sociale agricole à 121 millions d'euros.

En outre, les agriculteurs seront pénalisés par la hausse de cotisation sociale généralisée (CSG) de 1,7 point, qui devrait représenter une charge supplémentaire de 160 millions d'euros par an.

Enfin, l'article 8 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 baisse les cotisations patronales à compter de 2019, pour compenser la fin du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), qui représente 7 % du coût salarial total. Pour les employeurs du secteur agricole utilisant le dispositif dit TODE (travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi), en particulier dans les secteurs des fruits et légumes ou de la viticulture, la perte du CICE est une perte sèche. En effet, il octroyait déjà une exonération totale de cotisations patronales jusqu'à 1,25 SMIC et dégressive jusqu'à 1,5 SMIC. La baisse de cotisations sera donc inopérante pour beaucoup de ces salariés qui étaient déjà dans le dispositif TODE.

Ces mesures vont donc dans le sens d'une perte de compétitivité des exploitations agricoles françaises , dans un contexte pourtant de concurrence internationale féroce.

(4) Les perspectives en matière d'utilisation de produits phytopharmaceutiques

Une autre inquiétude des agriculteurs provient des dernières annonces du Gouvernement sur la volonté d'accélérer les perspectives de réduction très forte voire d'interdiction de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques.

Le débat sur le glyphosate a focalisé l'attention depuis le début de l'été. Alors que le renouvellement de l'autorisation de cette substance utilisée depuis plus de 40 ans par les agriculteurs comme herbicide devait intervenir fin 2015, la Commission européenne a repoussé sa décision et accordé une prolongation temporaire jusqu'à la fin 2018, faute d'obtenir une position claire du comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux (CPVADAAA) représentant les experts des États membres. Depuis l'été, le vote sur la prolongation du glyphosate est sans cesse repoussé : si le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), dépendant de l'OMS a classé le glyphosate en mars 2015 dans la catégorie des cancérigènes probables (ce classement ayant au demeurant été controversé), l'EFSA et l'ANSES sont plus nuancés et une étude américaine sur une série longue montre à l'inverse une absence de lien entre glyphosate et cancer.

Dans ce contexte, le Gouvernement a arbitré en faveur d'une prolongation du glyphosate mais pour une durée courte . Alors que le Gouvernement en septembre proposait une prolongation pour cinq ans maximum, il défend désormais une prolongation pour trois ans. Au final, la Commission européenne prolonge l'autorisation pour cinq ans, mais le Président de la République s'est engagé à en interdire l'usage au terme d'un délai de trois ans. La mise en application de cette mesure d'interdiction conduirait la France à être de nouveau dans la « surapplication » ou « surtransposition » du droit communautaire, à rebours des engagements pris par Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle de 2017.

Dans ce contexte, votre rapporteur Henri Cabanel insiste sur la nécessité de mettre en place une politique de traçabilité , de manière à ce que les consommateurs soient informés des conditions de production des produits alimentaires, faute de quoi, l'agriculture française serait lourdement pénalisée et les consommateurs lésés.

Votre rapporteur Laurent Duplomb souligne que pour le moment, les scientifiques indiquent qu'il n'existe pas de produit capable de remplacer le glyphosate pour désherber , ce qu'a indiqué l'INRA dans ses récentes communications, notamment lors de l'audition à l'Assemblée nationale de son président-directeur général le 22 novembre 2017.

En France, 8 000 tonnes de glyphosate sont utilisées chaque année. Les agriculteurs imaginent mal comment se passer de ce produit, faute d'alternatives disponibles. Une étude auprès des agriculteurs permet de chiffrer à environ 2 milliards d'euros, dans le secteur des productions céréalières et de la viticulture, le coût de l'abandon du glyphosate, sous forme de coûts supplémentaires ou de perte de rendement. L'interdiction pourrait aussi inciter les agriculteurs à utiliser d'autres produits, pouvant d'ailleurs être plus nocifs. Le délai de trois ans pour disposer d'alternatives paraît extrêmement court, et probablement intenable.

Au final, le débat sur le glyphosate revêt une forte charge symbolique, et révèle une certaine défiance vis-à-vis de l'agriculture . De leur côté, les agriculteurs, conscients de la nécessité de faire évoluer les modèles de production, ne souhaitent pas se retrouver dans des impasses techniques.

II. DES CRÉDITS STABLES, QUI NE REPRÉSENTENT QU'UNE PART RÉDUITE DES MOYENS PUBLICS CONSACRÉS À L'AGRICULTURE

A. LE SOUTIEN À L'AGRICULTURE PASSE PAR DE MULTIPLES CANAUX

1. Les crédits budgétaires de la mission : une dotation dont la stabilité masque d'importants mouvements internes
a) Des crédits stables en apparence, mais dans une perspective pluriannuelle de réduction

L'enveloppe de la mission « agriculture, alimentation et affaires rurales » s'établit pour 2018 à un niveau proche de celui de 2017, année où ce budget avait été fortement revalorisé, à 3,322 milliards d'euros en AE et 3,434 milliards d'euros en CP .

Crédits proposés

(en millions d'euros)

PLF 2016

PLF 2017

PLF2018

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 149*

1 668

1 594

2 235

2 201

2 117

2 225

Programme 206

489

487

509

507

555

553

Programme 215

660

664

654

653

650

656

Total Mission

2 817

2 745

3 398

3 361

3 322

3 434

* Pour 2016, la ligne du programme 149 reprend les crédits du programme 154 et du programme 149, qui ont été fusionnés en 2017.

L'enveloppe globale de la mission est donc préservée pour l'année 2018, mais cette stabilité cache un mouvement de crédits interne à la mission, au sein du programme n° 149 :

- la mesure de baisse de 10,04 à 3,04 % du taux de cotisation d'assurance maladie des exploitants agricoles faisait l'objet dans le précédent projet de loi de finances d'une ligne budgétaire de 438 millions d'euros , destinée à faire compenser par le budget de l'État la perte de recettes que cette mesure représentait pour la mutualité sociale agricole (MSA). Cette mesure disparaissant en 2018, les crédits correspondant ne figurent plus au budget de la mission ;

- en sens inverse, une ligne de crédits pour dépenses imprévues est créée et dotée de 300 millions d'euros . Les documents budgétaires indiquent qu'elle est destinée à faire face aux dépenses imprévisibles imputables au programme, en particulier les refus d'apurement communautaire et les aides de crise ;

Le budget pour 2018 s'inscrit toutefois dans une perspective pluriannuelle de réduction définie par le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 . Son article 12 fixe en effet les plafonds de crédits, hors contribution au compte d'affectation spéciale « Pensions », qui devront passer de 3,19 milliards d'euros en 2018 à 2,88 milliards d'euros en 2019 et 2,84 milliards en 2020, soit une réduction envisagée de 300 à 350 millions d'euros . On peut s'interroger dans ces conditions sur la pérennité de la ligne des dépenses imprévues introduite dans le budget 2018, qui représente précisément cette somme.

b) Des écarts importants entre crédits et besoins budgétaires, qui conduisent à une exécution budgétaire très différente des prévisions

Certains budgets connaissent une exécution très proche de la prévision initiale. Les faibles ajustements peuvent s'effectuer sur les marges de manoeuvre internes à chaque programme, en abondant des lignes sur lesquelles il reste des crédits pour alimenter celles qui auraient été calculées de manière trop juste.

Pour le budget de la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », une telle modalité de gestion des écarts entre précisions et réalisations n'a pas été possible sur la période récente, comme le montre le tableau des écarts entre crédits prévus et crédits consommés, figurant en annexe de la dernière loi de règlement.

(en millions d'euros)

PLF 2015

PLF 2016

AE

CP

AE

CP

Crédits prévus (LFI)

3 119

2 940

2 801

2 731

Crédits consommés

4 091

3 996

3 307

3 157

Ecart (en millions d'euros)

972

1056

506

426

Il a donc fallu environ 1 milliard de plus que prévu sur le budget de l'agriculture en 2015 et 500 millions d'euros en 2016.

Pour 2017, l'exécution budgétaire sera probablement éloignée elle aussi de l'autorisation initiale donnée par le Parlement. La Cour des comptes dans son rapport d'audit de juin 2017 sur la situation et les perspectives des finances publiques avait identifié d'importants risques de dépassement des crédits sur la mission : 800 millions d'euros en provenance des refus d'apurement communautaire, 200 millions d'euros pour faire face aux conséquences de la grippe aviaire sur les élevages de canards, 200 millions d'euros pour boucler le financement de la compensation de l'exonération de cotisations pour l'emploi de travailleurs occasionnels (TODE), 200 millions d'euros provenant de reports de charges antérieures au titre de l'ICHN, 100 millions d'euros au titre des dispositifs d'intervention de FranceAgrimer et 100 millions d'euros au titre des mesures agro-environnementales et mesures en faveur de l'agriculture biologique.

Le deuxième projet de loi de finances rectificative déposé le 15 novembre dernier à l'Assemblée nationale prévoit pour sa part une ouverture de crédits supplémentaires sur la mission à hauteur de 828 millions d'euros en AE et 1,004 milliard d'euros en CP .

Ces ouvertures correspondent aux postes de dépense suivants :

- financement des apurements communautaires pour 721,1 millions d'euros ;

- ouverture de 81,5 millions d'euros pour prendre en charge la compensation de l'exonération de cotisations patronales TO-DE ;

- ouverture de 25,3 millions d'euros en AE et 160 millions d'euros en CP au titre des interventions de FranceAgriMer pour financer les pertes économiques des éleveurs touchés par la grippe aviaire ;

- ajout de 41,7 millions d'euros de CP pour régler les mesures exceptionnelles engagées pour faire face aux crises des secteurs du lait et de la viande bovine.

S'ajoutent enfin 100 millions d'euros sur le programme 206, financés par décret d'avance ratifié dans la première loi de finance rectificative, destinés à prendre en charge les frais supplémentaires liés au phénomène de grippe aviaire.

Les refus d'apurement communautaire

En application du droit européen, la Commission européenne mène des « audits de conformité » dans les États membres pour s'assurer que ces derniers distribuent les aides européennes en respectant la réglementation. Les dépenses non conformes donnent lieu à des corrections financières imposées par la Commission à l'encontre de l'État membre concerné. En France, une dizaine d'audits de conformité portant sur les dispositifs de la PAC sont menés chaque année par la Commission européenne.

Les refus d'apurement n'entraînent pas pour les agriculteurs l'obligation de rembourser les aides versées, mais imposent à l'État membre de reverser les sommes au budget communautaire.

Les refus d'apurement ont augmenté de manière spectaculaire ces dernières années :

- 2013 : 41,2 millions d'euros ;

- 2014 : 427 millions d`euros ;

- 2015 : 812,4 millions d'euros ;

- 2016 : 710,8 millions d'euros ;

Pour 2017, le refus d'apurement pourrait s'élever à 221,9 millions d'euros. Pour 2018, des risques sont identifiés pour 150 millions d'euros mais d'autres contentieux pourraient s'ajouter.

Les montants très importants en 2015 et 2016 s'expliquent principalement par les imprécisions du registre parcellaire graphique à partir duquel ont été versées les aides directes à la surface entre 2008 et 2012. Une seule décision de la Commission européenne a fixé le montant du par la France étalé sur 2015 et 2016 à 1,078 milliard d'euros.

Par leur ampleur, les refus d'apurement nécessitent l'ouverture de crédits supplémentaires.

2. Les autres ressources publiques mobilisées en faveur de l'agriculture
a) L'Union européenne, soutien indispensable à l'économie agricole

Les aides à l'agriculture reposent aujourd'hui de manière prépondérante sur les soutiens européens issus de la PAC.

La réforme de 2013 n'a pas modifié l'architecture financière de la PAC qui repose toujours sur deux piliers :

- le premier pilier finance les aides directes, sans cofinancement national. Pour la France, il représente environ 7,5 milliards d'euros par an ;

- le second pilier finance les mesures de développement rural. Des crédits nationaux sont appelés en cofinancement des crédits européens qui proviennent du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) et qui s'élèvent pour la France à environ 1,4 milliard d'euros par an.

Au total, la France bénéficie sur l'ensemble de la période de programmation budgétaire 2014-2020 de 62,4 milliards d'euros (en euros constants valeur 2011) dont 52,5 milliards d'euros sur le premier pilier et 9,9 milliards d'euros sur le second pilier 10 ( * ) .

Les aides directes du premier pilier forment donc la part principale des aides économiques au secteur agricole, et s'analysent comme une subvention d'exploitation. La réforme de 2013 a rendu le système des aides directes plus complexe qu'avant avec désormais plusieurs parts.


• Les aides directes découplées , non liées à la production, représentent 85 % de l'enveloppe du premier pilier et se répartissent en plusieurs blocs :

- le paiement de base , calculé en fonction de la surface de l'exploitation, fait l'objet de mesures de convergence dans son mode de calcul afin que les agriculteurs touchent à terme, partout sur le territoire national, les mêmes montants par hectare. Le paiement de base représente une enveloppe de 3,2 milliards d'euros par an ;

- le paiement vert est versé aux mêmes agriculteurs, dès lors qu'ils s'engagent à respecter les trois critères du verdissement : diversité des assolements, mise en place de surfaces d'intérêt écologique et maintien des prairies permanentes. L'enveloppe du paiement vert est de 2,2 milliards d'euros ;

- le paiement redistributif , mesure facultative choisie par la France, permet de majorer les aides versées pour les 52 premiers hectares. L'enveloppe qui y est consacrée est de 700 millions d'euros ;

- les jeunes agriculteurs bénéficient aussi d'une majoration des aides directes, pour environ 70 millions d'euros.


• La France a aussi fait le choix de maintenir des aides couplées , qui représentent 15 % de l'enveloppe des paiements directs, soit environ 1 milliard d'euros. L'aide aux bovins allaitants est l'aide directe couplée la plus importante budgétairement, représentant 640 millions d'euros, suivie par les aides aux bovins laitiers en montagne pour 134 millions d'euros et les aides ovines, pour 120 millions d'euros.


• Enfin, les agriculteurs français bénéficient aussi de programmes opérationnels prévus par le règlement sur les organisations communes de marché dans plusieurs secteurs : le programme des aides viticoles et le programme fruits et légumes en représentent la plus grande part avec respectivement environ 200 et 100 millions d'euros par an en moyenne.

Les aides du deuxième pilier appellent des crédits nationaux en cofinancement. Le programme n° 149 porte ainsi des crédits appelés en contrepartie des aides européennes du FEADER. L'aide la plus importante est l'indemnité compensatoire de handicap naturel, qui consommé plus de la moitié de l'enveloppe du deuxième pilier pour la France, soit plus de 750 millions d'euros.

Les aides PAC jouent un rôle majeur pour équilibrer les comptes des exploitations agricoles , en particulier en période de conjoncture difficile. Une étude publiée en février 2017 par le service statistique du ministère de l'agriculture 11 ( * ) portant sur l'exercice 2015 montrait que si 15 % des exploitations avaient alors un résultat courant avant impôt (RCAI) négatif, cette proportion serait montée à 54 % sans subventions . Le RCAI moyen aurait été de 7 300 € sans subvention, au lieu des 36 600 € pour 2015. Sans les aides de la PAC, 85 % des éleveurs de bovins-viande et 60 % des éleveurs de bovins-lait auraient eu un résultat négatif.

Vos rapporteurs déplorent que la réforme de la PAC de 2013 se soit accompagnée d'une totale désorganisation dans les calendriers de versement des aides des campagnes 2015, 2016 et encore en 2017. Le décalage des versements est dû à la révision complète du référentiel des surfaces agricoles, appelé registre parcellaire graphique (RPG), imposée par la Commission européenne suite à la correction financière de plus d'un milliard d'euros exigée pour une mauvaise application des règlements européens. Pour faire face au décalage du calendrier de paiement des aides PAC, des apports de trésorerie remboursables (ATR) représentant 90 % de l'aide des années précédentes ont été mis en place. Ces aides exceptionnelles, entièrement financées sur le budget de l'État, ont pour objectif d'éviter les difficultés de trésorerie des agriculteurs en attendant le versement des aides définitives. Elles ne constituent cependant pas une solution satisfaisante, les agriculteurs n'ayant plus de visibilité sur les montants d'aide dont ils bénéficieront.

Chargée du versement des aides, l'Agence de services et de paiement, auditionnée par vos rapporteurs, a indiqué que l'année 2018 serait celle du retour à un calendrier normal de versement des aides . Le ministre s'est également engagé sur cette échéance. Vos rapporteurs insistent sur la nécessité de tenir ces engagements et souhaitent disposer d'un bilan annuel des échéanciers et des montants de chacune des aides PAC versées.

b) Des soutiens budgétaires, fiscaux et sociaux
(1) Les autres soutiens budgétaires à l'agriculture

La mission : « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » n'est pas la seule à porter des crédits budgétaires destinés au secteur agricole :

- ainsi, le programme n° 143 intitulés : « enseignement technique agricole » relevant de la mission intitulée « Enseignement scolaire » comporte des crédits gérés par le ministère de l'agriculture et destinés aux établissements publics et privés d'enseignement agricole pour 1,452 milliard d'euros en 2018 à destination des 165 000 élèves de l'enseignement technique agricole. Ces élèves connaissent un taux très élevé d'insertion professionnelle, dans des métiers qui sont en lien avec la nature mais pas nécessairement en devenant agriculteurs ;

- le programme n° 142 intitulé : « enseignement supérieur et recherche agricole » relevant de la mission : « Recherche et enseignement supérieur » comporte aussi des crédits gérés par le ministère de l'agriculture, qui s'élèvent à 346 millions d'euros.

- en outre, le programme n° 172 intitulés : « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » relevant de la même mission porte les subventions aux organismes de recherche qui interviennent fortement dans le domaine agricole : l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), qui bénéficie d'une subvention de presque 700 millions d'euros et l'Institut national de la recherche en sciences et technologies pour l'environnement (IRSTEA), qui bénéficie d'une subvention de presque 61 millions d'euros ;

- le programme n° 195 , intitulé : « régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers » relevant de la mission : « Régimes sociaux de retraite », dispose aussi de crédits destinés à financer le régime de retraite complémentaire des exploitants agricoles dit RCO, à hauteur de 55 millions d'euros, pour financer la revalorisation de la RCO décidée en 2014. Le complément de financement est apporté par l'affectation de la taxe farine, qui risque de disparaître.

Enfin, on estime qu'environ 1 milliard d'euros d'aides budgétaires diverses sont apportés à l'agriculture par les collectivités territoriales, notamment dans le cadre du cofinancement régional des mesures du deuxième pilier de la PAC.

(2) Des allègements fiscaux et sociaux

L'agriculture française est aussi destinataire de diverses mesures fiscales et sociales.

- les dépenses fiscales rattachées à la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » s'élèvent à plus de 2,8 milliards d'euros, dont les deux tiers correspondent au taux réduit de taxe sur les carburants ;

- les agriculteurs bénéficient aussi d'allègements sociaux . Les différentes mesures de réduction du coût du travail pour les salariés agricoles sont évaluées à 1,3 milliard d'euros. En outre, l'allègement total de cotisations patronales pour les travailleurs occasionnels (dispositif TO-DE) est évalué à 480 millions d'euros. Enfin, la réduction de 7 points de la cotisation maladie des exploitants agricoles était évaluée à 438 millions d'euros.

Le total des allègements fiscaux et sociaux pour 2018 figurant au tableau des concours publics à l'agriculture est estimé par le Gouvernement à environ 5 milliards d'euros .

Il faut se garder d'interpréter hâtivement ces chiffres .

D'une part où il existe des imprécisions sur les bénéficiaires des niches fiscales ou sociales : ainsi le coût de l'allègement de la fiscalité sur les carburants est imputé au budget de l'agriculture alors que le secteur des transports de marchandise en bénéficie aussi pour une part importante.

D'autre part, ces allègements sont calculés sur une base théorique, en faisant comme si l'agriculteur relevait d'un autre domaine d'activité. Or, les spécificités de l'agriculture justifient des adaptations des règles sociales et fiscales, qui ne peuvent pas dans ces conditions être analysés comme des « cadeaux ».

B. ANALYSE DÉTAILLÉE DES CRÉDITS

1. Une stabilité des crédits du programme 149 qui n'efface pas certaines inquiétudes
a) Le programme 149, principal instrument d'intervention économique agricole

Le programme 149 porte les principaux dispositifs d'intervention économique à destination des agriculteurs et des filières. Les dispositifs sont globalement reconduits, même si les arbitrages rendus sur certaines lignes suscitent une certaine inquiétude.


• L'action n° 21
intitulée : « adaptation des filières à l'évolution des marchés » voit ses crédits augmenter d'environ 7 % pour passer à près de 220 millions d'euros , sous l'effet d'un renforcement des crédits destinés à l'agriculture ultramarine : l'aide à la filière canne à sucre dans les départements d'outre-mer (DOM) est portée à 124,4 millions d'euros, soit 10 millions d'euros de plus qu'en 2017, pour accompagner la fin des quotas sucriers, le budget destiné à la diversification agricole outre-mer est maintenu à 40 millions d'euros, et les crédits d'orientation de l'Office de développement de l'économie agricole des départements d'outre-mer (ODEADOM) sont conservés à 6,1 millions d'euros. Enfin, une enveloppe nouvelle de 6,4 millions d'euros est dégagée pour la Guyane et le financement de l'appui à l'agriculture dans les pays et territoires d'outre-mer (PTOM).

Les autres lignes budgétaires de l'action n° 21 connaissent peu de changement : les crédits d'intervention de FranceAgrimer baissent de 25 à 23,5 millions d'euros, les crédits consacrés à la promotion internationale (contrat avec la Sopexa, l'Adepta, le Ceneca ou encore Business France) sont maintenus à 8,3 millions d'euros et les soutiens aux industries agroalimentaires à travers BPI France s'élèvent à 3,9 millions d'euros comme en 2017.


L'action n° 22 intitulée : « gestion des crises et des aléas de la production agricole » augmente fortement, passant de 3,8 millions d'euros à 5,5 millions d'euros en AE, sur les deux dispositifs Agridiff et Fonds d'allègement des charges (FAC). Cette ligne reste cependant dotée à un niveau minimum, et nécessitera des crédits supplémentaires en cas de crise, dans des proportions sans commune mesure avec la dotation initiale. En 2016, les dépenses sur cette action ont atteint 164 millions d'euros en AE et 214 millions d'euros en CP, alors que la ligne initiale n'était dotée que de quelques millions d'euros.

En 2016, le renforcement des moyens du FAC a été mis en place dans le cadre du plan de soutien à l'élevage pour porter l'enveloppe, gérée par FranceAgrimer, à la hauteur de 70 millions d'euros en AE et 120 millions d'euros en CP.

De même, le fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA), appelé à payer les dépenses au titre des calamités agricoles, ne dispose comme chaque année d'aucune dotation budgétaire en 2018. Le taux de la taxe additionnelle sur les conventions d'assurance souscrites par les agriculteurs a été divisé par deux en 2016 et cette contribution n'alimente plus le FNGRA qu'à hauteur de 60 millions d'euros par an. Il est donc nécessaire pour l'État d'abonder le fonds dès lors que les conditions de la reconnaissance de la situation de calamité agricole sont réunies, notamment en cas d'inondations ou de sécheresse. En 2016, une dotation complémentaire de 81 millions d'euros a été apportée au FNGRA 12 ( * ) . Pour 2017, la prise en charge de la sécheresse pourrait nécessiter une nouvelle enveloppe.


L'action n° 23 intitulée : « appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles » enregistre une baisse préoccupante de près de 14 % en AE, pour s'établir à 138 millions d'euros. Vos rapporteurs déplorent en particulier les choix suivants :

- la ligne budgétaire consacrée au plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE) revient à 56 millions d'euros, comme en 2015. Elle avait été portée à 86 puis 84,5 millions d'euros en 2016 et 2017 pour accélérer les investissements dans les exploitations, notamment dans les bâtiments agricoles. Cette aide a un effet de levier important pour l'investissement. Vos rapporteurs regrettent ce choix, qui fait en réalité perdre aux agriculteurs le bénéfice de plus de 60 millions d'euros , puisque le PCAE est cofinancé par des crédits européens à hauteur de 53 %. Une ligne nouvelle de 15 millions d'euros, dont 10 millions d'euros pour les investissements destinés à améliorer la qualité de l'air dans les élevages et 5 millions d'euros pour les investissements en biosécurité dans les élevages de palmipèdes, vient limiter l'ampleur de la baisse des crédits en 2018, qui reste tout de même préjudiciable aux agriculteurs ;

- les lignes budgétaires consacrées à l'installation des jeunes agriculteurs sont en légère baisse ;

- la réduction des soutiens aux CUMA, qui passe de 2,5 à 1,6 million d'euros, peut paraître anecdotique mais n'en constitue pas moins un mauvais signal ;

- enfin, la réduction des crédits de 30 à 23,6 millions d'euros entre 2017 et 2018 de l'indemnité viagère de départ (IVD) est logique et correspond à une extinction progressive de ce dispositif ancien.

L'installation : un enjeu central pour l'avenir de l'agriculture

D'après les statistiques de la MSA, un peu plus de 15 000 exploitants agricoles s'étaient installés en 2015. Une part importante des installations se fait donc en dehors du parcours aidé prévu à l'attention des jeunes agriculteurs (c'est-à-dire de moins de 40 ans), puisque seulement 3 801 dossiers avaient été engagés en 2015 à ce titre. En 2016, le nombre des dossiers de jeunes agriculteurs est passé à 4 130. L'objectif officiel de 6 000 installations aidées par an n'est donc pas atteint.

Le projet de loi de finances pour 2018 enregistre une réduction modérée des mesures d'aide à l'installation portées par le budget de l'État.

- Depuis 2017, le dispositif des prêts bonifiés a été supprimé et intégré sous forme d'une majoration supplémentaire de la dotation jeunes agriculteurs (DJA). La ligne consacrée à la DJA passe de 40 à 38,4 millions d'euros entre 2017 et 2018. En 2016, la DJA et les prêts bonifiés représentaient respectivement 26 et 22 millions d'euros soit un total de 45 millions d'euros.

En tenant compte du cofinancement communautaire de 80 %, les enveloppes disponibles étaient respectivement de 130 et 110 millions d'euros soit un total de 240 millions par an. En 2018, l'enveloppe totale n'est plus que de 154 millions d'euros. Entre 2017 et 2018, la baisse de 1,6 million d'euros des crédits pour la DJA peut paraître modérée, mais entraînera une baisse de 8 millions d'euros au total, en comptant les cofinancements communautaires.

- Les crédits consacrés aux stages à l'installation sont maintenus à hauteur de 2 millions d'euros, cette enveloppe étant consommée intégralement.

- Le programme pour l'accompagnement à l'installation-transmission (AITA) ne dispose plus de crédits budgétaires depuis 2015. Les actions sont financées uniquement par l'affectation d'une taxe sur la cession de terres agricoles rendues constructibles. Cette taxe n'est pas remise en cause en 2018. Son produit est plafonné à 12 millions d'euros par an, alors qu'elle rapporte bien plus : 18 millions en 2016 et déjà 15 millions d'euros à la mi-2017.

- Enfin, les jeunes agriculteurs bénéficient d'une majoration des aides directes de la PAC ainsi que d'allègements fiscaux et sociaux durant les cinq premières années de l'installation, qui sont maintenus pour 2018.

Le nombre de chefs d'exploitation agricole ne cesse de baisser. Il a été réduit de 25 % entre 1998 et 2016. Il convient donc de maintenir une politique d'installation ambitieuse pour préserver le modèle agricole français.


L'action n° 24 intitulée : « gestion équilibrée et durable du territoire » est stable en AE à hauteur de 395 millions d'euros pour 2018 contre 390 millions d'euros en 2017. Elle augmente cependant à la hausse en CP, passant de 381 à 472 millions d'euros, ce qui appelle quelques commentaires :

- la hausse des CP correspond pour l'essentiel au doublement de l'enveloppe destinée à payer les mesures agroenvironnementales, afin de régler les engagements pris durant les campagnes 2015 et 2016 ;

- le budget 2018 enregistre un retour à la normale sur les crédits à destination des SAFER, qui s'établissent à 3,7 millions d'euros, après une quasi-année blanche en 2017, avec à peine 500 000 euros de crédits. Vos rapporteurs notent que l'on ne revient pas aux niveaux de dotation des années précédentes, au-dessus de 4 millions d'euros. Cette ligne n'a cessé de s'éroder au fil du temps. Les crédits en faveur des SAFER étaient encore de 5 millions d'euros en 2010. Votre rapporteur Henri Cabanel souligne la nécessité d'une réflexion sur l'attribution de moyens supplémentaires aux SAFER , qui pourraient venir du reversement de taxes affectées, par exemple en fléchant une partie de la taxe spéciale d'équipement des établissements publics fonciers vers les SAFER, pour assurer une solidarité entre les outils d'aménagement urbain et les outils de l'aménagement foncier rural ;

- une autre hausse de crédits vient d'un renforcement de la ligne de soutien au pastoralisme, destinée à renforcer les moyens de protection face au loup ;

- enfin, la ligne en faveur de l'ICHN, dotée de 264 millions d'euros, est inchangée, de même que les lignes très modestes en faveur du cheval, de l'hydraulique agricole, de l'animation du réseau rural et du soutien aux syndicats agricoles.


L'action n° 25 intitulée : « protection sociale » baisse fortement et passe à 480,4 millions d'euros, dont 480 millions sont destinés à compenser auprès de la MSA la perte de recettes que représente l'exonération quasi-totale de cotisations patronales pour l'embauche de travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi (TO-DE). Ce dispositif est très utilisé en agriculture. Il assure une exonération dégressive de cotisations entre 1,25 et 1,5 fois le SMIC. Très utilisé en viticulture et en maraichage et production fruitière, il couvre environ un quart du travail agricole salarié (148 millions d'heures de travail sur les 578 millions d'heures de travail salarié en agriculture).

En revanche, la suppression de l'exonération de cotisations sociales maladie des exploitants agricoles ne justifie plus le maintien de la ligne correspondante au budget 2018, qui baisse ainsi de 438 millions d'euros.


• Les actions n° 26 consacrée à la forêt et n° 28 consacrée à la pêche maritime et à l'aquaculture font l'objet d'une analyse dans une autre partie du présent rapport.


L'action n° 27 , enfin, porte les subventions aux principaux opérateurs de l'État, analysées dans une autre partie du présent rapport, ainsi que l'innovation majeure du budget 2018 : une réserve de crise de 300 millions d'euros.

b) La réserve de crise de 300 millions d'euros : un faux ami ?

La réserve de crise de 300 millions d'euros est présentée comme l'instrument d'une plus grande sincérité budgétaire , le budget de l'agriculture ayant connu ces dernières années des ouvertures de crédits importantes. Son montant a été calculé en prenant en compte la moyenne des dépassements de la dernière décennie.

Son inscription pour la première fois dans le budget 2018 a l'intérêt d'éviter de présenter un budget pour l'agriculture en forte baisse en ce début de quinquennat, en conséquence de la fin de la compensation à la MSA de l'exonération de cotisation maladie des exploitants agricoles.

Vos rapporteurs s'interrogent cependant sur cette réserve :

- elle est destinée à faire face à toutes les urgences budgétaires qui pourraient survenir en cours d'exercice : mobilisation du fonds des calamités agricoles, financement d'un plan de crise sectoriel, financement des refus d'apurement communautaire. Ces urgences étaient jusqu'à présent gérées par l'ouverture de crédits supplémentaires à hauteur des besoins par nature imprévisibles au moment du projet de loi de finances initial. Qu'en sera-t-il si les besoins budgétaires excèdent 300 millions d'euros ? N'existe-t-il pas un risque que cette enveloppe soit un solde de tout compte ?

- en sens inverse, cette réserve fera-t-elle l'objet d'une réelle mise à disposition du ministère de l'agriculture dès le début du prochain exercice budgétaire ou sera-t-elle gelée en intégralité avant tout événement exceptionnel ? Si les besoins budgétaires imprévus en cours d'année se révélaient inférieurs à l'enveloppe de 300 millions d'euros, il est probable que cette ligne budgétaire ne pourrait pas être redéployée vers d'autres priorités du ministère de l'agriculture, comme un abondement supplémentaire du PCAE. Il n'est donc pas impossible d'envisager que le budget réellement consacré à l'agriculture soit largement inférieur aux 3,222 milliards d'euros prévus pour la MAAFAR en 2018.

2. Des crédits en faveur de la forêt calculés au plus juste
a) L'impératif d'une relance de la filière forêt-bois

Avec 17 millions d'hectares, la forêt française métropolitaine couvre 30 % du territoire et constitue la 4 ème plus grande superficie forestière dans l'Union européenne, après la Suède, la Finlande et l'Espagne. La superficie forestière ne cesse de progresser depuis presque un siècle. Sur les trente dernières années, la forêt a encore gagné près de 3 millions d'hectares : elle n'en comptait que 14,1 millions en 1985.

La forêt française est détenue aux trois quarts, soit 12 millions d'hectares par 3,5 millions de propriétaires privés . Ceux qui possèdent moins d'un hectare de forêt sont les plus nombreux (2,2 millions de propriétaires) alors que les propriétaires des plus grandes surfaces (plus de 100 hectares) ne sont que 11 000. La forêt privée est donc très inégalement répartie et morcelée : 13 % des propriétaires concentrent 80 % de la surface.

Les forêts publiques , qui couvrent 4,3 millions d'hectares, sont réparties entre les forêts domaniales, propriétés de l'État, représentant 9 % de la surface de la forêt française et les forêts des collectivités représentant 17 % des surfaces. Elles sont gérées par l'Office national des forêts (ONF) dans le cadre du régime forestier.

La ressource forestière, avec 2,6 milliards de m 3 de bois fort tige sur pied, est abondante et hétérogène : les deux tiers du volume de bois sur pied sont composés d'essences feuillues (chêne, hêtre, châtaigner...) et le reste d'essences résineuses (sapin, épicéa, pin sylvestre et pin maritime...). Ce stock continue à augmenter, car la forêt française est relativement jeune et elle produit plus de bois qu'il n'en est prélevé chaque année par les activités humaines (récolte de bois) ou naturelles (bois mort).

La récolte de bois commercialisée est estimée à 37,6 millions de m 3 en 2016. Le tiers de ce volume est récolté en forêt publique. On estime que la même quantité de bois mort est produite chaque année. Mobiliser davantage de bois est donc possible.

La production de sciages en France était de 7,8 millions de m en 2016. Si le volume sur pied en forêt est essentiellement composé d'essences feuillues, les produits de sciages sont quant à eux, en majorité issus de résineux avec 83 % des volumes produits. Le sapin-épicéa, qui représente 16 % du volume sur pied, constitue 47 % des sciages. Inversement, le châtaigner représente 19 % du volume sur pied mais seulement 0,3 % des sciages.

Les scieries françaises sont de taille plus modeste que leurs concurrentes européennes et souffrent depuis des années d'un manque de compétitivité. C'est ainsi que le tiers de la demande en sciages pour le bâtiment est aujourd'hui satisfait par des produits d'importation. Une analyse de la Banque de France de 2016 portant sur près de 1 200 entreprises fournie par la Fédération nationale du bois (FNB) montre qu'entre 2008 et 2015, le secteur a perdu 13 % de ses entreprises et 17 % de ses effectifs. Le chiffre d'affaires a diminué de 4,5 % et la valeur ajoutée de 11,6 %. Pour ces deux derniers paramètres, la diminution la plus importante a eu lieu entre 2008 et 2012, la situation du secteur semblant, depuis 2012, se stabiliser voire s'améliorer.

Le nombre d'emplois dans la filière forêt-bois est estimé à 425 000 par les organisations professionnelles de la filière en comptant les emplois indirects . La majorité des emplois se situent dans la deuxième transformation du bois : construction bois, fabrication de meubles, menuiserie. La sylviculture et l'exploitation forestière emploient un peu plus de 30 000 personnes, le travail du bois, dont les scieries, environ 60 000, et les usines de papier environ 60 000 également.

Les faiblesses de la filière bois conduisent la France à importer pour 6 milliards d'euros de bois et produits issus du bois , dont l'ameublement et les produits utilisés par la filière papier-carton.

Cette situation n'est pas satisfaisante, alors que la demande de bois progresse dans les secteurs de l'énergie ou encore de la construction. La problématique de la filière bois-forêt est parfaitement identifiée et a été rappelée par le rapport de mars 2017 de la déléguée interministérielle à la forêt et au bois, Sylvie Alexandre :

- il convient de mobiliser davantage la ressource bois en forêt, essentiellement en forêt privée, où seulement un tiers des surfaces est couvert par un document de gestion durable (code de bonnes pratiques, plan simple de gestion) ;

- il convient aussi de mieux structurer le tissu industriel en encourageant les investissements dans des outils modernes de sciage.

Le rapport préconise aussi de développer le bois construction et le recyclage des produits issus du bois .

Au-delà de l'aspect économique, la filière bois-forêt joue un rôle essentiel aux équilibres écologiques et notamment au stockage du carbone et donc, à l'atténuation du changement climatique.

b) Un budget consacré essentiellement à financer l'Office national des forêts

Pour 2018, les crédits en faveur de la forêt relevant du ministère de l'agriculture sont inscrits à l'action n° 26 du programme n° 149. Depuis 2017, ces crédits ne font en effet plus l'objet d'un programme à part entière mais d'une simple action au sein d'un programme plus vaste qui retrace l'ensemble des actions hors sécurité sanitaire et hors enseignement agricole du ministère de l'agriculture.

Les crédits en faveur de la forêt, qui étaient assez stables dans le précédent budget, sont en baisse sensible pour 2018 avec une réduction de 11,2 % en AE et 3,6 % en CP.

Crédits

(en millions d'euros)

PLF 2016

PLF 2017

PLF 2018

Variation 2018/2017

AE

277,8

273,4

242,9

- 11,2 %

CP

291,3

281,5

271,4

- 3,6 %

Cette réduction s'explique principalement par la fin du plan chablis qui avait été mis en place pour aider les professionnels du bois à surmonter la tempête Klaus qui avait touché le Sud-Ouest en janvier 2009.

Ainsi, il n'y plus d'inscriptions d'AE sur le dispositif Klaus en 2018, alors qu'il y avait encore 22,4 millions d'euros en 2017. La dotation en CP baisse aussi de 36 à 26 millions d'euros pour régler les derniers engagements.

Au total, le nettoyage et la replantation des parcelles touchées auront concerné plus de 200 000 hectares pour un coût de 490 millions d'euros . En outre, des prêts bonifiés ont été accordés pour un montant de 239 millions d'euros.

Les crédits alloués aux mesures de défense contre les incendies (DFCI), de restauration des terrains de montagne (RTM), d'acquisition de forêt par l'État et les collectivités territoriales, de classement et de lutte phytosanitaire sont stables en 2018 par rapport à 2017. La dotation allouée aux organismes et aux études, notamment de l'institut technologique FCBA, est également maintenue. Avec une dotation de 15 millions d'euros, le Centre national de la propriété forestière (CNPF) disposera aussi en 2018 d'une subvention très proche de celle accordée en 2017. Sur toutes ces questions, le budget 2018 est un budget de continuité.

Plus de 70 % de l'enveloppe destinée à la forêt et au bois dans le budget 2018 est en réalité consacrée à la dotation de l'Office national des forêts (ONF) à travers le versement compensateur de 140,4 millions d'euros destiné à financer le régime forestier 13 ( * ) , une subvention exceptionnelle d'équilibre de 12,5 millions d'euros et la rémunération de missions d'intérêt général (MIG) comme l'entretien des dunes domaniales, la restauration des terrains de montagne ou la défense contre les incendies en forêt domaniale, pour 22,3 millions d'euros. Au total, l'ONF reçoit du budget du ministère de l'agriculture en 2018 une subvention identique à celle de 2017, à hauteur de 175,2 millions d'euros. Cette dotation constitue l'exécution stricte du contrat d'objectifs et de performance passé entre l'ONF, l'État et les communes forestières pour la période 2016-2020 .

Après des années de crise, marquées par des prix du bois très bas et une baisse des effectifs de l'ordre de 30 % depuis le début des années 2000, l'ONF semble retrouver un certain équilibre. Le chiffre d'affaires réalisé sur les ventes de bois devrait s'apprécier de 10 millions d'euros en 2017, passant de 258 à 268 millions d'euros. Il est tiré par le prix élevé du chêne, bois noble actuellement très demandé. Les effectifs doivent être stabilisés en 2018 à 8 762 équivalents temps plein, auxquels s'ajoutent 451 emplois non permanents, en hausse de 50 postes par rapport à 2017 du fait du recrutement d'apprentis, la gestion de la forêt ayant besoin de personnels formés et compétents dans les années à venir.

Vos rapporteurs appellent à rester vigilants sur la situation de l'ONF , établissement de référence, dont le climat social reste toujours fragile.

c) La réduction du fonds stratégique bois, une cause de réelle inquiétude

Prévu en 2014 par la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (LAAF) et mis en place en 2015, le fonds stratégique forêt bois (FSFB) est un instrument ayant pour mission, selon les termes de l'article L. 156-4 du code forestier, le « financement de projets d'investissements, prioritairement en forêt, et d'actions de recherche, de développement et d'innovation qui s'inscrivent dans le cadre des orientations stratégiques du programme national de la forêt et du bois et des priorités arrêtées dans les programmes régionaux de la forêt et du bois ».

Ce fonds a pour vocation de regrouper les ressources financières consacrées à la filière forêt-bois et a pour objectif de donner de la visibilité et de la cohérence aux interventions financières de l'État en la matière.

Il est abondé par des crédits budgétaires en provenance du programme n° 149, mais aussi par la taxe de défrichement prévue à l'article L. 341-6 du code forestier, et par le reversement par les chambres d'agriculture d'une fraction de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti perçue sur les bois et forêts : cette dernière ressource est fixée à 3,7 millions d'euros en 2018, comme les années précédentes.

En revanche, les crédits budgétaires sont en forte baisse : alors que la dotation du FSFB avait été d'un peu plus de 10,5 millions d'euros par an jusqu'en 2016, elle avait été fortement augmentée dans le précédent projet de loi de finances, passant à 25,4 millions d'euros en AE et 17,5 millions d'euros en CP. Or, dans le projet de loi de finances pour 2018, cette ligne budgétaire retombe à 17,8 millions d'euros en AE et CP. Il s'agit là d'un mauvais signal donné à la filière, alors que les professionnels estiment l'investissement nécessaire dans le secteur forestier à 150 millions par an.

Un autre mauvais signal est le plafonnement de la taxe de défrichement à hauteur de 2 millions d'euros , alors qu'elle était plafonnée à 10 millions d'euros jusqu'en 2017. Or, d'après les informations fournies à vos rapporteurs, le plafond a été atteint dès la mi-2017. Dès lors, le produit de cette taxe est versé au budget de l'État et ne bénéficie pas à la forêt.

La réduction de la voilure budgétaire sur le FSFB risque de freiner les opérations d'investissement en faveur de la forêt programmées dans le cadre du plan national forêt bois (PNFB). En 2017, les crédits alloués au FSFB avaient été utilisés pour financer des dépenses d'animation, des investissements en forêt pour 5,76 millions d'euros (essentiellement de la construction de desserte) mais aussi le dispositif de modernisation des scieries, qui permet d'augmenter les volumes de bois traités en France et l'appel à projets sur les investissements innovants, qui avait permis de sélectionner 35 actions.

Vos rapporteurs notent qu'au-delà du FSFB, une partie de l'investissement forestier est portée par les ressources du fonds chaleur, géré par l'ADEME : ainsi, en 2015 et 2016, les deux appels à projets DynamicBois ont contribué à hauteur de 55 millions d'euros à la réalisation de projets d'infrastructures logistiques dans les massifs forestiers, au soutien à l'investissement dans des matériels de mobilisation de bois et à des travaux d'enrichissement de peuplements forestiers, dans le but d'approvisionner des chaudières à biomasse. En outre, le programme des investissements d'avenir (PIA) a également permis de soutenir l'utilisation du bois dans la construction, favorisant ainsi la filière.

Comme leurs prédécesseurs, vos rapporteurs appellent à encourager la structuration de la filière bois et la mobilisation du bois, car elle constitue un gisement d'emplois et d'activités dans nos territoires

3. Des crédits en faveur de la pêche maritime et de l'aquaculture reconduits en 2018
a) Une enveloppe de crédits réintégrée au sein du budget agricole

Au sein du nouveau Gouvernement issu des élections de 2017, le secteur des pêches maritimes a été confié au ministre de l'agriculture et de l'alimentation. Dès lors, les crédits gérés par la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA), qui figuraient jusqu'au budget 2017 au sein du programme n° 205, ont été intégrés pour 2018 au sein du programme n° 149 de la MAAFAR. Nous revenons donc à une architecture budgétaire qui avait prévalu de 1993 à 2012 .

L'action n° 28 du programme n° 149, qui porte les crédits de l'État dédiés au soutien et au développement de la pêche maritime et de l'aquaculture est dotée pour 2018 de 45,3 millions d'euros en AE comme en CP, en très légère baisse par rapport aux budgets précédents 14 ( * ) .

Le budget 2018 ne présente pas de mesure nouvelle par rapport au précédent. L'enveloppe est répartie en deux parts.


Une première part, avec 16,05 millions d'euros , en légère hausse par rapport aux 15,76 millions d'euros de 2017, est destinée à financer des mesures qui permettent de respecter la réglementation européenne de la politique commune de la pêche (PCP) :

- 6,52 millions d'euros sont destinés au suivi des ressources halieutiques à travers le programme de collecte des données à la mer et au débarquement (3,2 millions d'euros) et à travers les conventions de collecte de données (3,4 millions d'euros) passées avec plusieurs organismes : Institut de recherche pour le développement (IRD) pour les pêches de thon tropical, Museum national d'histoire naturelle (MNHN) pour le suivi des pêches en Antarctique et Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) à travers une convention socle d'environ 2 millions d'euros par an. Ces crédits sont la contrepartie nationale de crédits européens mis à disposition par le fonds européen des affaires maritimes et de la pêche (FEAMP) ;

- 5,96 millions d'euros sont destinés à l'amélioration du contrôle des pêches , à travers le système d'information de gestion des pêches et de l'aquaculture (3,5 millions d'euros) et le financement d'actions de pilotage et de contrôle (2,46 millions d'euros). Là encore, des cofinancements européens interviennent.

- 3,57 millions d'euros sont enfin destinés à régler les contributions de la France aux organisations internationales de gestion des pêches et à payer à l'Agence de services et de paiements (ASP) les frais de gestion correspondant à son intervention comme payeur unique des subventions européennes issues du FEAMP.


• Une seconde part de 29,25 millions d'euros est orientée vers le soutien économique auprès des acteurs de la filière pêche :

- une enveloppe de 6,3 millions d'euros (contre 6,4 millions d'euros en 2017 et 6,5 millions d'euros en 2016) sert à régler la contribution de l'État aux caisses chômage intempéries auxquelles les marins peuvent choisir de contribuer. La contribution de l'État doit être l'équivalent de la contribution des marins ;

- une autre part, de 2,88 millions d'euros, permet de financer des actions nationales qui ne font pas l'objet de financements européens complémentaires : plan Chlordécone III en Martinique et Guadeloupe ou encore repeuplement en civelles et anguilles argentées ;

- l'enveloppe la plus substantielle, enfin, avec 20,07 millions d'euros, est destinée à financer les contreparties nationales aux mesures européennes d'aide économique : aides à l'installation de jeunes pêcheurs, aides à l'acquisition d'équipements de sécurité, aides à l'acquisition d'équipements plus sélectifs, aides à l'économie d'énergie sur les navires, indemnisation des arrêts temporaires ou définitifs des activités de pêche, financement par les organisations de producteurs de plans de production et de commercialisation... Le cofinancement européen provient du FEAMP.

Le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP)
un instrument financier européen qui tarde à être mobilisé

Le FEAMP est l'instrument financier destiné à accompagner l'adaptation de la pêche et de l'aquaculture vers un développement économique durable dans le cadre de la nouvelle PCP mise en place en 2014. La France bénéficie d'une enveloppe budgétaire deux fois supérieure à celle dont elle disposait avec le précédent fonds européen pour la pêche (FEP) : 588 millions d'euros sur la période 2014-2020.

Pour bénéficier de ces crédits européens, la France doit apporter plus de 186 millions d'euros de contreparties nationales : 124 millions d'euros en provenance du budget de l'État et 62 millions d'euros en provenance des régions.

La programmation opérationnelle du FEAMP pour la période de programmation 2014-2020 retient sept axes :

- les mesures visant à encourager une pêche durable sur le plan environnemental, efficace dans l'utilisation des ressources, innovante, compétitive et fondée sur les connaissances sont dotées de 151 millions d'euros du FEAMP et 67 millions d'euros de contreparties nationales ;

- les mesures visant à promouvoir une aquaculture durable sur le plan environnemental, efficace dans l'utilisation des ressources, innovante, compétitive et fondée sur les connaissances sont dotées de 89 millions d'euros du FEAMP et 30 M€ de contreparties nationales ;

- les mesures visant à favoriser la mise en oeuvre de la PCP, notamment par l'amélioration des connaissances scientifiques et le contrôle des pêches, sont dotées de 122 millions d'euros en provenance du FEAMP et 29 millions d'euros de crédits nationaux ;

- les mesures visant à renforcer l'emploi et la cohésion territoriale via le développement local mené par les acteurs locaux sont dotées de 22,5 millions d'euros de FEAMP et de 22,5 M€ de contreparties nationales ;

- les mesures visant à favoriser la commercialisation et la transformation, comme l'aide au stockage, la compensation des surcoûts dans les régions ultrapériphériques ou l'investissement dans les entreprises de transformation sont dotées de 163 M€ de crédits FEAMP et de 24 M€ de contreparties nationales ;

- les mesures visant à favoriser la mise en oeuvre de la politique maritime intégrée sont dotées de 5 millions d'euros de FEAMP et de 2 millions d'euros de contreparties nationales ;

- l'assistance technique, enfin, est dotée de 35 millions d'euros de FEAMP et de 12 millions d'euros de contreparties nationales ;

La mise en oeuvre opérationnelle du FEAMP a été très lente. L'instruction et le paiement des premiers dossiers déposés dès 2014 n'ont pu être amorcés qu'à partir de la fin 2016.

D'après les informations fournies à vos rapporteurs, en octobre 2017, il n'y avait que 32 millions d'euros engagés sur le FEAMP et 21 millions d'euros de payés effectivement.

Vos rapporteurs soulignent l'importance de rattraper les retards , sous peine de dégrèvement d'office des sommes non utilisées, si la France n'atteignait pas fin 2018 un niveau d'engagement sur son enveloppe de 150 millions d'euros.

b) Une conjoncture favorable pour la pêche française, ternie par la perspective du Brexit

Depuis quelques années, la pêche française connaît une situation économique relativement favorable sous l'effet de plusieurs facteurs.

L'amélioration de la situation des stocks halieutiques en mer du Nord et Atlantique Nord-est permet de disposer de quotas relativement stables. D'après les informations fournies à vos rapporteurs, la biomasse moyenne des stocks en Atlantique Nord-Est aurait progressé de 35 % entre 2003 et 2015. Pour 2018, la commission européenne a proposé sur les 78 stocks de la mer du Nord et de l'Atlantique une stabilité des quotas pour 34 d'entre eux et une augmentation pour 19 autres, dont la sole en mer du Nord et dans le Golfe de Gascogne.

La demande soutenue de produits de la mer permet en outre une bonne valorisation du poisson pour les pêcheurs. Ainsi, les revenus de la pêche par navire ont augmenté régulièrement depuis 2012, passant de 254 000 € à 293 000 € en 2015. Les baisses de quantité débarquées chaque année ont été plus que compensées par la hausse des prix de vente.

Enfin, si la pêche maritime française est fortement consommatrice de carburant (un peu plus de 600 litres de gasoil par tonne débarquée), le prix bas de celui-ci, de l'ordre de 45 centimes par litre en 2017 , permet de maintenir les charges d'exploitation des navires à un niveau raisonnable.

La reprise d'investissements dans la flotte de pêche est le signe d'une vitalité nouvelle : le nombre de demandes de permis de mise en exploitation pour des navires neufs est passé de 52 en 2014 à 65 en 2016. Si la PCP ne permet pas de subventionner l'acquisition de navires neufs, France Filière Pêche (FFP) a mis en place un dispositif d'aide et a annoncé le versement de 1,7 million d'euros pour 69 navires. En outre, les dossiers de modernisation lourde de navires de pêche, impliquant une augmentation de jauge ou de puissance, sont passés de 69 en 2014 à 85 en 2016.

Cependant, la perspective du « Brexit » fait courir de lourds risques à la filière pêche française à l'horizon 2019. Les négociations entre l'Union européenne et la Grande-Bretagne ont démarré à la mi-2017 et se révèlent difficiles. En l'absence d'accord, les eaux territoriales britanniques pourraient être fermées aux pêcheurs étrangers. Or, la mer du Nord et la mer celtique, très poissonneuses, sont des zones de pêche traditionnelle des navires français. La Bretagne, la Normandie et les Hauts-de-France tirent près de la moitié des revenus de la pêche de captures effectuées dans la zone relevant du Royaume-Uni. Le chiffre d'affaires des pêches effectuées dans les eaux britanniques par la pêche française est d'environ 170 millions d'euros, alors que les pêcheurs britanniques pêchent peu dans les eaux françaises, en dehors des pêches de coquilles saint jacques en baie de Seine.

En outre, le Brexit nécessiterait de renégocier les quotas de pêche, avec un risque réel de réévaluer à la hausse les quotas britanniques et à la baisse les quotas européens, au détriment de la France. S'il est encore trop tôt pour déterminer le scénario le plus probable pour 2019, l'inquiétude des pêcheurs est profonde.

Enfin, vos rapporteurs soulignent l'attention qui doit être portée au secteur aquacole :

- l 'ostréiculture est un fleuron français, avec plus de 75 000 tonnes produites par an pour un chiffre d'affaires d'un peu moins de 400 millions d'euros. La France est le principal producteur européen, mais depuis 2008, le monde ostréicole connaît chaque année des phénomènes de pics de mortalité touchant les naissains d'huîtres creuses, ces pics étant imputés principalement à la présence de l'herpès virus OsH-V1. Il existe aussi d'autres causes. La filière a appris à s'adapter à ce phénomène mais il importe de ne pas relâcher les efforts pour progresser dans la maîtrise du cycle de production des huîtres ;

- la mytiliculture est également bien développée sur le littoral français avec presque 75 000 tonnes de production par an et un chiffre d'affaires d'environ 140 millions d'euros. Là aussi, des phénomènes de surmortalité ont été observés et pénalisent la filière ;

- enfin, la pisciculture marine est encore très peu développée en France. Un rapport du conseil économique, social et environnemental (CESE) de juin 2017 propose de développer les fermes aquacoles tant marines que continentales 15 ( * ) , ce qui contribuerait à résorber quelque peu l'énorme déficit commercial de la France en matière de produits de la mer : plus de 4 milliards d'euros, la France important pour 5,6 milliards d'euros lorsqu'elle n'exporte que 1,6 milliard d'euros.

Les chiffres-clés de la pêche française

1 - Évolution de la flotte de pêche :

Au 1 er janvier 2017, la flotte de pêche française comptait 6 834 navires dont 4 332 navires en métropole et 2 502 navires dans les départements d'outre-mer (DOM).

Depuis 2008 la taille de la flotte française a diminué d'environ 10 %. Globalement, la flotte de pêche française est vieillissante, surtout en métropole. L'âge moyen des navires est de 28,9 ans en métropole et 18 ans dans les DOM.

La flotte de pêche se compose de :

- 107 navires d'une longueur supérieure à 25 mètres ;

- 787 navires d'une longueur comprise entre 12 et 25 mètres ;

- 5 940 navires d'une longueur inférieure à 12 mètres dont 2450 dans les DOM, soit 98 % de la flotte ultra-marine.

La région Bretagne compte à elle seule 28 % de la flotte métropolitaine, Normandie et Hauts-de-France totalisent 17 % de la flotte et les autres régions de la côte atlantique rassemblent 21 % de la flotte. La façade méditerranéenne où la proportion de petits navires est plus importante compte pour 34 % du total des navires mais seulement 21 % de la puissance.

2 - Emplois du secteur de la pêche.

En 2016, le secteur des pêches maritimes employait 16 771 marins, dont 2 283 marins étrangers, parmi lesquels 691 non originaires de l'Union européenne.

La petite pêche réunit 54 % des effectifs, la pêche au large emploie 21 % des effectifs et la pêche côtière 17 %. La grande pêche ne réunit que 8 % des emplois.

Entre 2008 et 2014, le nombre d'emplois de marins a diminué de près de 15 % (soit plus de 2 800 emplois), de manière différenciée. La pêche côtière a vu ses effectifs diminuer de 23 %, la petite pêche de 17 %, la pêche au large de 9 % alors que ceux de la grande pêche ont progressé de 6 %.

3 - Débarquements des produits de la pêche.

Chaque année ce sont environ 550 000 tonnes de poissons, crustacés, coquillages et autres produits de la mer qui sont pêchées et débarquées par les navires métropolitains (incluant la flotte des thoniers senneurs tropicaux) pour une valeur totale de 1,2 milliard d'euros. En quantité, les principales espèces de poisson pêchées sont le thon, le merlu, le hareng, la sardine, la baudroie et le maquereau.

Environ 79 % des pêches des flottilles métropolitaines sont réalisées dans l'Atlantique Nord-est, dont les eaux bordent les côtes de l'Union européenne. Les deuxième et troisième zones de pêche par leur importance quantitative sont l'ouest de l'Océan Indien

(environ 11 %) et l'Atlantique du Centre-Est, portion à l'ouest de l'Afrique sahélienne et tropicale (un peu plus de 7 %) où s'effectue une partie des pêches de thons tropicaux. La Méditerranée arrive ensuite avec environ 3 % des captures.

81 % des débarquements sont réalisés dans les ports français. Les débarquements sont majoritairement localisés en Bretagne avec 56 % des quantités débarquées sur le sol de France métropolitaine. Environ 60 % des débarquements s'effectuent dans les criées.

Thons, merlus, baudroies, soles, et coquilles Saint-Jacques représentent par ordre décroissant la moitié de la valeur totale des espèces débarquées par les navires métropolitains, dont 351 millions d'euros pour les thons, 95 millions d'euros de merlu et presque autant pour les baudroies, 78 millions pour la sole et près de 61 millions pour la coquille Saint-Jacques.

4. Le renforcement des crédits budgétaires en faveur de la sécurité sanitaire de l'alimentation
a) Une enveloppe budgétaire en hausse sensible sur le programme 206

Le programme n° 206 intitulé « sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » connaît une nouvelle augmentation pour 2018, après celle de l'année dernière : il s'agit de réajuster les dotations à la réalité de risques sanitaires et phytosanitaires qui restent élevés, tant dans le secteur végétal que dans le secteur animal. Sur deux ans, l'augmentation est d'un peu plus de 13,5 % en AE comme en CP.

Dotations du programme 206

(en millions d'euros)

PLF 2016

PLF 2017

PLF 2018

AE

487,9

509,1

555

CP

486,6

506,6

553

Source : bleus budgétaires 2016, 2017 et 2018

Vos rapporteurs notent que plus de 57 % de ces crédits soit 317,7 millions d'euros correspondent aux dépenses de personnel des services déconcentrés dépendant du ministère de l'agriculture et intervenant en matière de sécurité sanitaire de l'alimentation : services régionaux de l'alimentation au sein des DRRAF, DDCSPP, DDPP et DAAF en outre-mer.

Par rapport à 2017, les crédits de personnel augmentent d'un peu plus de 21 millions d'euros et le plafond d'emploi passe de 4 619 ETPT à 4 655 ETPT. Le budget 2018 enregistre les effets budgétaires de la décision du précédent Gouvernement de renforcer les effectifs des services vétérinaires présents dans les abattoirs à hauteur de 60 postes par an sur trois ans, en 2015, 2016 et 2017.

Cette augmentation, qui concerne les crédits de personnel, se retrouve aussi sur la quasi-totalité des autres catégories de crédits du programme.


L'action n° 1 , consacrée à la prévention et à la gestion des risques liés à la production végétale , augmente de 24 % pour passer à 31,8 millions d'euros en AE et 31,7 millions d'euros en CP. L'essentiel de cette hausse, soit 6,4 millions d'euros, est consacré au plan de lutte contre la bactérie xylella fastidiosa , qui prévoit des mesures de surveillance renforcée autour des foyers et représente désormais 13,4 millions d'euros. Les autres enveloppes au sein de l'action n° 1 (plan usages orphelins, département santé des forêts, plan semences durables...) sont quasiment inchangées, l'enveloppe la plus importante (12 millions d'euros) étant celle destinée à payer les fédérations régionales de lutte contre les organismes nuisibles aux végétaux (FREDON) auxquelles sont déléguées des missions d'inspection sanitaire.


L'action n° 2 , consacrée à la lutte contre les maladies animales et à la protection des animaux est dotée de 100,9 millions d'euros en AE et 99,6 millions d'euros en CP, soit respectivement 8,8 % et 9,8 % de plus qu'en 2017. Cette enveloppe, calculée hors crise nouvelle, prend en compte la nécessité de renforcement des mesures de surveillance mais aussi des mesures d'indemnisation.

Certaines lignes budgétaires sont assez stables voire en baisse :

- 36,8 millions d'euros en AE et CP sont destinés à financer les mesures de surveillance au titre des maladies animales pour 2018, dont les encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles (ESST). À ces crédits nationaux s'ajoutent 5,6 millions d'euros de crédits européens, dont 3,5 millions d'euros de fonds d'urgence correspondant au problème d'influenza aviaire ;

- les visites sanitaires dans les élevages et mesures de préparation face aux risques d'épizootie représentent 15,7 millions d'euros en AE et CP ;

- les contrôles de l'alimentation animale et du médicament vétérinaire représentent environ 10 millions d'euros et le plan ecoantibio est reconduit à hauteur de 2 millions d'euros ;

- les subventions aux groupements de défense sanitaire (GDS) augmentent passent de 5,6 à 6,3 millions d'euros ;

- les subventions aux organismes qui assurent la traçabilité des animaux, notamment les établissements départementaux d'élevage, augmentent elles aussi légèrement, passant de 4,6 à 5,1 millions d'euros.

Trois lignes budgétaires connaissent une hausse plus significative, marquant la nécessité de renforcer les moyens consacrés à la sécurité sanitaire dans le domaine animal :

- l'enveloppe pour l'indemnisation des éleveurs touchés par des obligations d'abattage sanitaire est réévaluée significativement, passant de 11 à 17,5 millions d'euros, notamment pour faire face à la tuberculose bovine ;

- l'enveloppe pour régler le contentieux avec les vétérinaires ayant exercé un mandat sanitaire avant 1990 , concernant la prise en charge par l'État de leurs droits à retraite, augmente aussi de 2,9 à 5 millions d'euros ;

- enfin, dans le but de mieux prendre en compte l'impératif de protection animale , suite aux scandales ayant touché les abattoirs, la ligne budgétaire correspondante est dotée de 2,2 m€ en AE en 2018 contre 348 000 euros en 2017.


L'action n° 3 , consacrée à la prévention et la gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires, augmente aussi de 4 millions d'euros, passant de 16,4 à 20,4 millions d'euros : l'indemnisation des éleveurs de volailles suite à la découverte de cas de salmonelle passe de 3 à 6,5 millions d'euros pour compenser un désengagement de crédits européens, et la surveillance renforcée des zones conchylicoles nécessite 5,1 millions d'euros contre 4 millions d'euros en 2017. Les autres lignes budgétaires diminuent légèrement.


L'action n° 4 correspond aux actions transversales du ministère de l'agriculture en matière de sécurité sanitaire : elle passe de 69 millions d'euros en 2017 à 76 millions d'euros en 2018 en AE (en CP, l'enveloppe est de 75 millions d'euros) sous l'effet de l'augmentation de la dotation de l'ANSES (+2 millions d'euros) mais aussi pour augmenter les investissements dans le système d'information : Resytal pour partager l'information en temps réel au sein des services vétérinaires (budget en hausse de presque 2 millions d'euros pour atteindre 6,5 millions d'euros en 2018) et Exp@don pour accompagner les démarches des entreprises exportatrices (création d'une ligne budgétaire de 1,6 million d'euros en AE et 1 million d'euros en CP).


L'action n° 5 comprend une ligne résiduelle du programme n° 206 correspondant au coût du service public de l'équarrissage qui ne concerne plus que les animaux morts hors exploitation en métropole et la collecte et l'élimination des animaux morts outre-mer. Cette ligne baisse légèrement, en dessous des 4 millions d'euros.


L'action n° 8 , enfin, est consacrée à la qualité de l'alimentation et l'offre alimentaire. Elle est dotée de 3,7 millions d'euros pour 2018, comme en 2017, afin de financer les mesures prévues dans le programme national de l'alimentation (PNA), le fonctionnement de l'Observatoire de la qualité de l'alimentation (OQALI) ou encore de soutenir les projets alimentaires territoriaux (PAT).

Vos rapporteurs saluent le renforcement des crédits consacrés à la sécurité sanitaire , même s'ils restent calculés au plus juste, hors crise. Si de nouveaux risques sanitaires devaient apparaître en 2018, le programme n° 206 ne dispose d'aucune marge de manoeuvre pour y faire face. Il faudrait alors ouvrir de nouveaux crédits.

b) Le rôle stratégique de l'ANSES

Issue du regroupement en 2010 de l'AFSSET (Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail) et de l'AFSSA (Agence française de sécurité sanitaire des aliments), l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) est un établissement public administratif de l'État, placée sous une quintuple tutelle des ministres chargés de l'agriculture, de la consommation, de l'environnement, de la santé et du travail.

L'ANSES est l'organisme français de référence pour l'évaluation des risques dans les domaines de l'alimentation, de l'environnement ou encore du travai l. Ses missions se sont considérablement enrichies ces dernières années, avec notamment l'intégration du laboratoire national de protection des végétaux (LNV), ou encore avec un rôle affirmé de gestion des risques par la délivrance des autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques et des matières fertilisantes, mais aussi des produits biocides ou encore des médicaments vétérinaires. L'ANSES gère aussi la coordination de la toxicovigilance, la phytopharmacovigilance, et a été chargée d'évaluer les produits du tabac, du vapotage et les produits à fumer à base de plantes.

L'ANSES déploie donc son activité sur un champ très large , et travaille en réseau avec les autres agences nationales dans l'Union européenne ainsi qu'avec l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Elle compte environ 1 350 agents et mobilise chaque année environ 800 experts dans des collectifs pour 250 publications scientifiques par an.

L'activité de l'ANSES a un caractère multiforme :

- elle organise des expertises collectives , spontanément ou sur demande des pouvoirs publics : ces expertises se concrétisent par la publication d'avis. Un déontologue et un comité de déontologie sont chargés de garantir la confiance du public dans les avis de l'ANSES. Les experts sont tenus d'effectuer des déclarations d'intérêt et les collectifs d'experts sont constitués de manière à prévenir les conflits d'intérêts. Il est fondamental que les pouvoirs publics puissent s'appuyer sur une expertise indépendante et de haut niveau ;

- elle gère le processus d'évaluation et de décision concernant les produits réglementés : produits phytopharmaceutiques, produits biocides, médicaments vétérinaires : d'après son rapport d'activité 2016, l'ANSES a traité l'année dernière 500 demandes en lien avec des dossiers de substances actives et 3 000 déclarations dans le cadre d'essais de recherche et développement. Elle a également délivré 108 autorisations de mises sur le marché de médicaments vétérinaires ;

- enfin, elle dispose d'un réseau de 11 laboratoires de recherche et de référence dans les domaines de la santé et du bien-être des animaux, de la sécurité sanitaire des aliments et de la santé des végétaux, qui jouent un rôle essentiel pour détecter et comprendre les menaces sanitaires.

Le budget initial de l'ANSES pour 2017 prévoyait des dépenses à hauteur de 144 millions d'euros et des recettes à hauteur de 140,5 millions d'euros, d'où un déficit de 3,5 millions d'euros. Les dépenses de l'ANSES sont constituées à 65 % de dépenses de personnel et les ressources de l'ANSES sont constituées dans la même proportion de dotations budgétaires de l'État, le ministère de l'agriculture étant le plus gros contributeur avec une subvention pour charges de service public (SCSP) de 60,5 millions d'euros en 2017, en baisse de 2 millions d'euros par rapport à 2016.

Pour 2018, la dotation de l'ANSES en provenance du programme n° 206 est en hausse sensible, la SCSP revenant à son niveau de 2016, à 62,3 millions d'euros, l'ANSES bénéficiant par ailleurs de financements par convention sur le programme n° 206 pour 3,4 millions d'euros en AE et 3,2 millions d'euros en CP. L'année 2017 avait été en effet marquée par la faiblesse historique de la dotation de l'ANSES, qui atteignait à peine 60 millions d'euros, alors qu'elle était de 68 millions d'euros encore en 2011.

Les autres ministères contribuent à hauteur d'un peu plus de 30 millions d'euros et des recettes fléchées en provenance de différents financeurs publics (Union européenne, collectivités territoriales, Agence nationale de la Recherche, FranceAgriMer) s'élèvent à un peu plus de 10 millions d'euros.

Depuis plusieurs années, l'ANSES dispose aussi de recettes fiscales affectées qui ont pour but de faire prendre en charge par les acteurs économiques le coût de traitement de leurs dossiers par l'Agence. Ces recettes ont fortement augmenté et devraient atteindre presque 32 millions d'euros en 2017, contre 26 millions d'euros en 2016.

Ces taxes constituent des recettes variables en fonction de l'activité de l'ANSES, en particulier du volume des autorisations demandées au titre des produits phytopharmaceutiques, des produits biocides ou encore des médicaments vétérinaires. O r, l'ANSES peut se retrouver bloquée dans sa capacité à traiter les dossiers déposés par le plafond d'emploi que lui fixe la loi de finances : une fois atteint, il n'est plus possible de recruter quand bien même les recettes sont disponibles.

Or l'ANSES risque de devoir répondre à une demande croissante des entreprises :

- dans le secteur des produits phytopharmaceutiques, le renouvellement en cours des autorisations communautaires pour de nombreuses substances va entraîner des demandes de renouvellement des autorisations de mise sur le marché des produits qui les contiennent. L'ANSES estime que le nombre de dossiers devrait doubler dans les trois ans qui viennent ;

- dans le secteur des produits biocides, l'ANSES estime que les flux de dossiers à traiter devraient aussi augmenter de 15 % par an en 5 ans ;

- enfin, dans le domaine du médicament vétérinaire, le Brexit devrait entraîner une réallocation massive de l'activité d'évaluation vers les autres États membres de l'Union européenne, l'agence britannique traitant aujourd'hui 30 à 40 % des dossiers. À l'horizon 2019, la France pourrait devoir traiter plus de 400 dossiers par an, contre un peu plus de 250 aujourd'hui.

Ces perspectives rendent urgent un assouplissement de la contrainte du plafond d'emploi . Depuis 2015, l'ANSES est autorisée à recruter hors plafond des personnels sous contrat, mais ce hors plafond est lui-même plafonné : on passe d'ailleurs de 70 à 62 postes hors plafond entre le projet de loi de finances pour 2017 et le projet de loi de finances pour 2018.

Vos rapporteurs insistent sur la nécessité de déverrouiller cette contrainte, pour permettre à l'ANSES de traiter rapidement les demandes des entreprises. Le bleu budgétaire fixe d'ailleurs un objectif de traitement des dossiers dans les délais par l'ANSES de 93 % en 2020. Il serait incohérent de fixer des objectifs tout en empêchant par ailleurs qu'ils soient atteints en n'autorisant pas l'ANSES à recruter sur des postes entièrement autofinancés.

Un nouveau contrat d'objectifs et de performance (COP) entre l'État et l'ANSES succédant à l'actuel COP signé en 2013 devrait voir le jour en 2018. Il conviendrait qu'il permette de clarifier cet enjeu et stabiliser les dotations de l'État.

Les taxes fiscales affectées à l'ANSES

Le budget de l'ANSES est alimenté de manière croissante par des contributions directes des entreprises qui sollicitent l'agence :

- 12,95 millions d'euros de taxe sur les demandes d'autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits phytopharmaceutiques (PPP) et des matières fertilisantes et supports de culture (MFSC) : un arrêté d'avril 2017 a revu à la hausse le barème de la taxe, dont le produit est plafonné à 15 millions d'euros ;

- 7,3 millions d'euros de taxes sur les produits vétérinaires ;

- 4 millions d'euros de taxes sur les produits biocides ;

- 4,2 millions d'euros de taxe sur le chiffre d'affaires des produits phytopharmaceutiques (destinée à financer la phytopharmacovigilance) ;

- 2 millions d'euros de taxe radiofréquence ;

- 1,34 million d'euros de taxe sur le tabac et les produits de vapotage.

5. Des moyens préservés pour l'administration et ses opérateurs, mais un impératif d'efficacité et de résorption des délais de paiement des aides PAC
a) Le programme 215 : une dotation stable

Le programme n° 215 comporte les dotations correspondant aux moyens en personnel et en fonctionnement du ministère de l'agriculture, hors enseignement agricole et hors services déconcentrés chargés de la sécurité sanitaire.

L'enveloppe pour 2018 est quasiment identique à celle de 2017, avec respectivement 650 et 656 millions d'euros en AE et CP , les dépenses de personnel représentant à elles seules 569 millions d'euros, soit plus de 87 % du programme.

Si le budget est stable, le ministère de l'agriculture continue la réduction de ses effectifs, mais à un rythme inférieur aux 200 postes par an que l'on connaissait ces dernières années. Le plafond d'emploi sur le programme passe de 7 849 EPTP à 7 564 EPTP, soit 285 pertes de postes, mais 205 suppressions correspondent en réalité à des transferts vers d'autres budgets, essentiellement celui du ministère de l'écologie. Au final, le schéma d'emploi 2018 ne prévoit plus que 77 suppressions de postes sur le programme 215.

Les crédits hors personnel ne connaissent pas d'évolution spectaculaire : une augmentation de crédits de 1,8 million d'euros en AE et CP est prévue pour commencer à préparer le recensement général de l'agriculture en 2020, et les crédits informatiques sont renforcés pour 0,8 million d'euros en AE et 2,7 millions d'euros en CP pour accompagner la modernisation du ministère.

b) Les opérateurs de l'État : une enveloppe globale en légère augmentation

À l'exception de l'ANSES, financée sur le programme 206, et de l'INFOMA, organisme de formation du ministère de l'agriculture, financé sur le programme 215, les autres opérateurs rattachés au ministère de l'agriculture reçoivent une subvention de fonctionnement en provenance du programme 149, dont 7 sur 9 relèvent de l'action n° 27 consacrée aux moyens de mise en oeuvre des politiques publiques et 2 sur 9 relèvent des crédits consacrés à la forêt.

Le Gouvernement prévoit d'apporter à ces organismes 283 millions d'euros de dotations dans le cadre du budget 2018, contre 276,5 millions d'euros en 2017. Cette hausse s'explique quasi-exclusivement par la hausse des moyens attribués à l'ASP pour réaliser les investissements nécessaires pour améliorer la gestion des aides PAC.

Organisme

Dotation PLF 2017

(en millions d'euros AE = CP)

Dotation PLF 2018

(en millions d'euros AE = CP)

Institut français du cheval et de l'équitation (IFCE)

39,4

38,6

Institut national de l'origine et de la qualité (INAO)

16,8

17,1

Agence Bio

1,4

1,4

FranceAgriMer

93,5

93,5

Office de développement de l'économie agricole des départements d'outre-mer (ODEADOM)

4,6

5

Office de développement agricole et rural de Corse (ODARC)

0,3

0,3

Agence de services et de paiement (ASP)

120,5

126,9

Vos rapporteurs s'étonnent cependant que le bleu budgétaire fasse état de dotations attribuées aux opérateurs alors que tous les montants ne se retrouvent pas dans les lignes de crédit : ainsi, sur l'action n° 27, une enveloppe de 8 millions d'euros, correspondant à la convention entre l'ASP et l'IGN destinée à moderniser le registre parcellaire graphique, ne figure pas dans le total des crédits.

c) Des moyens supplémentaires pour résorber des retards administratifs et prévenir des contentieux européens

Les réformes successives de la PAC l'ont rendue plus complexe à gérer, tant pour les agriculteurs que pour l'administration chargée d'instruire les demandes d'aide.

La Commission européenne est également de plus en plus exigeante pour s'assurer que les versements aux agriculteurs des différentes aides de la PAC sont conformes à la réglementation.

Les manquements aux règlements européens ont fait l'objet de refus d'apurement de la part de la Commission européenne qui se sont révélés très coûteux durant les derniers exercices : 41,3 millions d'euros sur le budget 2013, 427 millions d'euros sur le budget 2014, 812,4 millions d'euros en 2015 et 710,8 millions d'euros en 2016. Les refus d'apurement pour 2017 devraient redescendre à environ 222 millions d'euros. Le profil particulier des deux exercices 2015 et 2016 est dû principalement au remboursement par la France à l'Union européenne de plus de 1 milliard d'euros correspondant à l'insuffisance du registre parcellaire graphique (RPG) sur la base duquel ont été versées entre 2008 et 2012 les aides directes à la surface du premier pilier de la PAC.

Mais au-delà du coût pour les finances publiques d'une mauvaise application de la PAC, qui s'est révélé considérable ces dernières années, les agriculteurs sont affectés par des retards de paiement qui touchent toutes les aides européennes versées par l'ASP : aides découplées du premier pilier, aides couplées du premier pilier, ICHN, mesures agroenvironnementales (MAEC) et aides à l'agriculture biologique.

- Concernant les aides directes découplées , suite au contentieux relatif au RPG, le ministère de l'agriculture a lancé un vaste chantier confié à l'IGN en vue d'une refonte complète. Ce chantier est encore en cours. Les aides du premier pilier ont donc été versées sous forme d'apports de trésorerie remboursables (ATR) représentant 90 % des montants de l'année précédente, en attente du calcul définitif de l'aide. Pour 2017, les ATR des aides découplées ont été versées en octobre et le solde sera versé au plus tard le 31 mars 2018.

- Concernant les aides couplées ovines ou bovines, après des retards importants en 2015 et 2016, l'année 2017 enregistre un retour à la normale avec le paiement d'avances en octobre et du solde en décembre.

- Concernant l'ICHN , la campagne 2015 n'a pu être soldée que fin 2016, avec près d'un an de retard, la campagne 2016 à la mi-2017, avec 6 mois de retard sur le calendrier habituel, et la campagne 2017 devrait être soldée avec 2 mois de retard en février 2018, après le paiement d'un acompte en décembre 2017.

- Les retards sont encore importants sur les MAEC et les aides à l'agriculture biologique , puisque les aides 2015 n'étaient pas encore réglées en octobre 2017, alors que le calendrier normal aurait exigé un versement fin 2015. Lors d'une réponse à une question orale de notre collègue Michel Raison posée au Sénat le 25 juillet 2017, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation Stéphane Travert a indiqué que les aides MAEC et bio 2015 seraient payées en novembre 2017 et que les aides MAEC et bio 2016 seraient payées en mars 2018. Un facteur de complexité supplémentaire dans la gestion des MAEC tient à leur grande diversité, dans la mesure où elles sont désormais conçues par les régions, gestionnaires du 2 ème pilier de la PAC : 5 800 MAEC différentes existent sur le territoire et 25 000 agriculteurs sont engagés dans des MAEC.

Le Gouvernement a annoncé que la France devrait renouer avec un calendrier normal de versement de l'ensemble des aides PAC pour la campagne 2018, ce qui a été confirmé à vos rapporteurs par le directeur général de l'ASP lors de son audition.

Le budget 2018 prend en compte cet impératif de paiement dans les temps impartis des aides PAC, en prévoyant 50 créations de postes dans le sur le programme 215 (services de l'État) et en dotant l'ASP d'une enveloppe d'investissements de 30 millions d'euros, contre 11,3 millions d'euros en 2017.

Vos rapporteurs saluent cet effort budgétaire mais regrettent la lenteur du processus de retour à la normale : les retards de paiement ont fait perdre aux agriculteurs la confiance dans l'administration nationale chargée de mettre en oeuvre la PAC et restent trop longtemps dans l'incertitude des montants exacts qui leur seront versés.

6. Un CASDAR fortement réduit, dont la pertinence reste douteuse
a) Le CASDAR, instrument financier dédié au programme national pour le développement agricole et rural

À côté de la MAAFAR, le CASDAR constitue un budget très modeste avec à peine 136 millions d'euros de crédits.

Le CASDAR a la particularité d'être alimenté par une recette provenant exclusivement d'un prélèvement sur les agriculteurs : la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitations agricoles prévue par l'article 302 bis MB du code général des impôts est affectée en totalité au CASDAR depuis 2015. Cette taxe est composée d'une partie fixe de 76 à 92 euros par exploitant et d'une partie variable fixée à 0,19 % du chiffre d'affaires jusqu'à 370 000 euros et 0,05 % au-delà de ce seuil. Estimée en 2016 et 2017 à 147,5 millions d'euros

La logique du CASDAR est donc celle d'un financement intégral par les agriculteurs des actions de développement agricole et rural , avec un réajustement de l'enveloppe de crédits en fonction des évolutions des recettes.

Le CASDAR est donc l'instrument financier dédié à la mise en oeuvre du programme national de développement agricole et rural (PNDAR) établi pour la période 2014-2020.

Ses dépenses sont réparties dans deux programmes :


• Le programme n° 775 est intitulé : « développement et transfert en agriculture ». Il finance les programmes annuels de développement agricole et rural des chambres d'agriculture, des organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVar), le programme de génétique animale mis en oeuvre par FranceAgriMer, l'appel à projets « animation des GIEE » et des actions d'accompagnement.

Pour 2018, l'enveloppe baisse de 70,5 à 65 millions d'euros, pour s'ajuster à la baisse prévue de la recette de 147,5 millions d'euros à 136 millions d'euros. Elle se répartira comme suit :

- le programme annuel des chambres d'agriculture est le principal destinataire des fonds du programme n° 775, avec une enveloppe de 40,45 millions d'euros. Cette enveloppe est très proche de celle effectivement distribuée en 2016, dernière année dont l'exécution effective est connue, qui s'élevait à 40,36 millions d'euros 16 ( * ) ;

- une enveloppe de 7,7 millions d'euros est destinée au programme des ONVar. Ce programme avait également reçu 7,7 millions d'euros en 2016 ;

- une enveloppe de 8 millions d'euros financera le programme d'appui à la génétique animale, qui n'avait reçu que 3,6 millions d'euros en 2016 ;

- une dotation de 5,3 millions d'euros est fléchée sur les appels à projets régionalisés, soit moins que les 7,5 millions d'euros financés en 2016 ;

- une dotation de 3,45 millions d'euros, enfin, est destinée à financer le développement des GIEE, en hausse par rapport aux 2 millions d'euros distribués en 2016.


Le programme n° 776 est intitulé : « recherche appliquée et innovation en agriculture ». Il finance les programmes des instituts techniques agricoles, les appels à projets de recherche-développement et des actions d'accompagnement.

Pour 2018, l'enveloppe de ce programme baisse elle aussi de 77 à 71 millions d'euros, pour s'ajuster à la baisse globale de recettes du CASDAR :

- la part la plus importante du programme est destinée au financement des programmes de recherche et de développement des instituts techniques agricoles, destinataires de 39 millions d'euros. En 2016, ils avaient reçu 39,6 millions d'euros ;

- une enveloppe de 23 millions d'euros est destinée aux appels à projet gérés par FranceAgriMer, assez proche de l'enveloppe de 24 millions d'euros effectivement consacrée en 2016 à ces actions ;

- un outre, des actions thématiques transversales et mesures d'accompagnement sont prévues sur le programme n° 776 pour presque 8 millions d'euros.

b) La nécessité de mobiliser de nouveaux outils au service de la recherche et de l'innovation agricoles

Par ses missions, le CASDAR est donc un instrument financier important pour encourager l'innovation et le progrès technique en agriculture.

Comme dans tous les secteurs d'activité économique, l'innovation est nécessaire pour que l'agriculture française reste dans la course à la compétitivité avec ses principaux partenaires en Europe et dans le monde . Mais elle est aussi nécessaire pour permettre à l'agriculture de s'adapter aux nouveaux défis environnementaux et sanitaires : amélioration de la fertilité des sols, lutte contre leur érosion, atténuation du changement climatique, limitation des utilisations d'intrants, développement de la robotique agricole, prévention des maladies animales et végétales, amélioration des espèces animales et des variétés végétales, conservation de la biodiversité.

La quasi-totalité des crédits figurant au CASDAR est orientée vers l'innovation et il convient de conserver un tel financement dédié.

D'autres acteurs poursuivent les mêmes buts : ainsi l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA), financés principalement par le programme n° 172 : « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » disposent respectivement de budgets de 865 millions d'euros pour 2017 et 111 millions d'euros, et doivent apporter leur contribution à l'élévation du niveau technique de l'agriculture française.

Les instituts techniques agricoles (ITA), dont l'Association de coordination technique agricole (ACTA) est la tête de réseau, jouent aussi un rôle important qu'il convient d'encourager, car en lien direct avec les acteurs économiques de terrain. Avec environ 178 millions d'euros de budget annuel, les 15 ITA (par exemple Arvalis, CTIFL, ITAB, IFIP, ITAVI) sont financées pour un quart par des contributions volontaires et des contributions volontaires obligatoires et pour un autre quart par des ressources propres.

Vos rapporteurs insistent sur la nécessité pour les différents acteurs de la recherche et de l'innovation en agriculture de travailler en réseau et d'accélérer la diffusion des innovations auprès des agriculteurs . Le CASDAR joue un rôle important de financement des innovations à travers des appels à projet. Il importe de favoriser le partage des connaissances car, au final, c'est grâce aux contributions des agriculteurs que les projets peuvent être financés par le CASDAR.

III. LES OBSERVATIONS COMPLEMENTAIRES DE VOS RAPPORTEURS

A. LE DEUXIÈME PILIER DE LA PAC EN SURCHAUFFE BUDGÉTAIRE

1. Le FEADER, instrument indispensable de la politique agricole
a) Le deuxième pilier de plus en plus incontournable

Si le 2 ème pilier de la PAC est budgétairement moins important que le 1 er , son rôle en matière de soutien à l'agriculture française est de plus en plus essentiel.

D'abord, son enveloppe a augmenté sur la période 2014-2020 par rapport à la programmation précédente qui couvrait les années 2007 à 2013. La France bénéficie désormais d'environ 1,4 milliard d'euros de crédits européens par an, auxquels s'ajoutent près de 250 millions d'euros de crédits transférés du 1 er vers le 2 ème pilier, soit 3,33 % de l'enveloppe du 1 er pilier, pour financer diverses mesures auparavant financées par celui-ci et relevant désormais du FEADER, notamment les subventions aux assurances multirisques climatiques souscrites par les agriculteurs pour environ 100 millions d'euros par an.

Ensuite, le 2ème pilier produit un effet de levier à travers le cofinancement. Les aides versées au titre du 2 ème pilier (en dehors des aides assises sur des crédits transférés du 1 er pilier) ne sont financées qu'à 53 % au maximum par les crédits européens. Des crédits nationaux doivent venir les compléter. Ce taux est augmenté à 63 % dans les régions en transition et 85 % dans les régions de convergence et régions ultra-périphériques.

Enfin, le 2ème pilier, contrairement aux aides directes découplées, peut être ciblé sur des priorités définies par chaque État membre . Le règlement européen laisse une grande liberté pour définir les mesures du 2 ème pilier mises effectivement en oeuvre et fixer les enveloppes financières pour chacune d'entre elles. Pour la période 2014-2020, la France a fait valider par la commission européenne un document de cadrage national et 27 programmes de développement rural régional. Le 2 ème pilier est donc une politique européenne « à la carte », qui permet une réelle orientation de la politique agricole par chaque État membre et qui fait désormais l'objet d'une déclinaison régionale, chaque région étant autorité de gestion du FEADER.

La France a choisi de mobiliser une large palette d'outils : l'aide aux zones défavorisées à travers l'ICHN, le soutien aux jeunes agriculteurs, les mesures agroenvironnementales, l'aide à l'agriculture biologique ou encore le soutien à l'investissement dans les exploitations.

b) Les principales mesures financées par le FEADER


L'ICHN est la principale mesure financée par le FEADER et représente environ la moitié des crédits européens du 2 ème pilier. Elle bénéficie à près de 100 000 exploitations agricoles. L'aide est versée par l'ASP.

L'ICHN est financée à 75 % par des crédits européens du 2 ème pilier et à 25 % par des crédits nationaux provenant du programme n° 149. Avant 2014, l'ICHN était financée à 55 % par les crédits du FEADER et à 45 % par le budget de l'État.

L'enveloppe globale allouée à l'ICHN a évolué à la hausse ces dernières années du fait de plusieurs décisions :

- à partir de 2014 : revalorisation de 15 % du montant de base de l'ICHN ;

- en 2015, la création d'un complément d'ICHN de 70 €/hectare de surface fourragère, dans la limite de 75 hectares, pour remplacer la prime herbagère agro-environnementale (PHAE), supprimée dans le cadre de la réforme de la PAC ;

- en 2016, l'extension de l'ICHN aux éleveurs laitiers des zones défavorisées simples et des zones de piémont.

Les crédits nationaux en faveur de l'ICHN sont passés de 178,9 millions d'euros en 2014 à 232 millions d'euros en 2015, 256 millions d'euros en 2016 et 264 millions d'euros en 2017. La ligne budgétaire consacrée à l'ICHN est inchangée dans le projet de loi de finances 2018 par rapport à 2017, à hauteur de 264 millions d'euros.

Les crédits européens qui viennent en complément des crédits nationaux s'élèveront en 2018 comme en 2017 à 792 millions d'euros, pour porter l'enveloppe totale ICHN à 1,056 milliard d'euros.

La révision de la carte des zones défavorisées simples (ZDS), qui devait être achevée initialement pour 2018, pourrait conduire, en introduisant de nouveaux bénéficiaires de l'ICHN, soit à revoir l'enveloppe à la hausse soit à réduire le montant unitaire des aides, soit à combiner les deux. Avec l'adoption du règlement Omnibus, la révision du zonage est désormais repoussée à 2019.


• Le soutien à l'assurance multirisque climatique repose sur une enveloppe de 100 millions d'euros destinée à subventionner la souscription d'assurances par les agriculteurs. Cette enveloppe est intégralement financée par les crédits européens du 2 ème pilier. Aucun crédit budgétaire de l'État ne vient en complément. Le taux de subvention est en principe de 65 % du coût de l'assurance.

Le taux de diffusion des contrats d'assurance multirisque climatique diffère selon les types de culture : il est d'environ 25 % en grandes cultures et en viticulture, mais de seulement 15 % en maraichage et de moins de 3 % en arboriculture. En 2016, environ 65 000 contrats ont été souscrits.

Or l'enveloppe de crédits paraît insuffisance : les chambres d'agriculture estiment que le besoin pourrait être entre 114 et 139 millions d'euros en 2018, ce besoin augmentant dès lors que la diffusion de l'assurance multirisque climatique progresse.

Dans ces conditions, la crainte est que le taux de subvention soit ajusté bien en dessous de 65 %, pour respecter l'enveloppe disponible . Selon les informations fournies à vos rapporteurs, pour conserver ce taux, il faudrait mobiliser entre 85 millions d'euros à taux de diffusion constant des assurances et près de 170 millions d'euros en cas de développement modéré, d'ici la fin de la période 2014-2020.

Or, votre rapporteur Henri Cabanel souligne le caractère indispensable d'un renforcement des instruments de couverture des risques, qui avaient d'ailleurs fait l'objet d'une proposition de loi adoptée par le Sénat en première lecture en 2016 17 ( * ) .


• Le soutien à l'investissement des exploitations agricoles constitue aussi l'une des priorités mises en oeuvre dans le cadre du 2 ème pilier de la PAC.

Ce soutien est mis en oeuvre depuis 2015 dans le cadre du plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE), qui a remplacé les dispositifs distincts existants alors : plan de modernisation des bâtiments d'élevage (PMBE), plan végétal pour l'environnement (PVE) et plan de performance énergétique (PPE).

Le PCAE est alimenté par des crédits européens à hauteur de 53 % et des contreparties nationales à hauteur de 47 %, principalement en provenance du programme 149.

Doté en base dans le budget de 56 millions d'euros, ce programme bénéficie de contreparties européennes de 63 millions d'euros environ. En 2016 et 2017, une enveloppe supplémentaire de 30 millions d'euros par an avait été allouée mais elle n'est pas reconduite pour 2017.


• Le FEADER finance aussi les mesures agroenvironnementales climatiques (MAEC) et l'agriculture biologique , qui connaît un développement rapide : désormais la bio représente environ 6 % de la SAU soit 1,5 millions d'hectares.

Le niveau de soutien européen sur ces mesures est de 75 %, avec un cofinancement national de 25 %. Plus de 80 millions d'euros de crédits nationaux sont prévus chaque année sur ces mesures, en contrepartie des crédits européens. Pour 2018, 82 millions d'euros sont ajoutés en CP pour payer les engagements antérieurs.

2. De nouveaux transferts en faveur du 2ème pilier et l'impératif d'une gestion plus rigoureuse
a) Un transfert supplémentaire en provenance du 1er pilier pour faire face à l'urgence budgétaire

Le point d'étape à mi-parcours de la PAC 2014-2020 a mis en évidence une sur-programmation budgétaire sur le FEADER, dans le but de ne pas rendre à l'Union européenne en fin de programmation des crédits non dépensés.

Cette sur-programmation apparaît très importante puisque le ministre de l'agriculture et de l'alimentation l'a chiffrée à 853 millions d'euros , ce qui correspond à un peu plus d'une année de budget européen sur l'ICHN.

Au-delà d'une stratégie assumée de sur-programmation, la modification des dispositifs, comme l'extension du périmètre des bénéficiaires de l'ICHN, ou encore le succès de certaines mesures comme l'assurance-récolte ou encore les aides à l'agriculture biologique, conduisent à une surchauffe budgétaire du 2 ème pilier de la PAC.

Pour faire face au besoin de financement jusqu'au bout de la période de programmation 2014-2020, le ministre de l'agriculture et de l'alimentation a annoncé le 27 juillet dernier la mise en place à partir de 2018 d'un prélèvement supplémentaire de 4,2 % sur les crédits du 1er pilier de la PAC , soit environ 300 millions d'euros par an, portant le total des prélèvements sur ce pilier à un peu plus de 7,5 %.

Si un tel prélèvement paraît nécessaire pour faire face au besoin de financement des mesures du 2 ème pilier jusqu'à la fin 2020, elle a pour conséquence d'en faire payer le coût à l'ensemble des agriculteurs, qui verront leurs aides directes diminuer de 4,2 % dès l'année prochaine.

Un autre choix aurait été possible : réduire le taux de cofinancement européen et combler le besoin de financement sur des crédits nationaux.

b) L'impératif d'une gestion plus rigoureuse du FEADER

L'épisode de juillet 2017 montre que le FEADER a été probablement sur-mobilisé ces dernières années, pour gonfler les enveloppes annoncées sur les différents dispositifs de soutien à l'agriculture.

Qu'il s'agisse des MAEC, de l'agriculture biologique, du PCAE, mais aussi des mesures en faveur de la forêt, les mesures proposées mettaient à contribution le FEADER.

Cette logique ne pouvait pas se poursuivre sans limite. Une limitation de la mobilisation du FEADER est donc à envisager en complément des ressources nouvelles transférées depuis le 1 er pilier.

Le Gouvernement a pris l'initiative d'annoncer la fin des soutiens au maintien de l'agriculture biologique dès 2018. Seules les mesures de conversion pourront, pour une durée de cinq ans, bénéficier de mesures d'aide cofinancées par des crédits du FEADER et des crédits nationaux.

Cependant, le Gouvernement permettra que l'aide au maintien reste financée en complément du FEADER par les Régions ou les Agences de l'eau, à condition qu'elles le souhaitent et mobilisent des moyens propres à cet effet.

Vos rapporteurs soulignent la nécessité d'affiner la programmation de la deuxième phase du FEADER afin de ne pas avoir à envisager de suppressions de dispositifs pour les agriculteurs ou de nouveaux prélèvements sur le premier pilier. Ce risque pourrait d'ailleurs être aggravé par le Brexit.

B. UN PLAN DE PRÉSERVATION DE L'ÉLEVAGE EN MONTAGNE, PLUTÔT QU'UN PLAN DE PRÉSERVATION DU LOUP ?

1. Une espèce protégée dont le développement menace la pérennité de l'élevage
a) L'extension de la présence du loup sur le territoire national

Présent et craint dans les campagnes durant des siècles, le loup a été éradiqué du territoire national au début du 20ème siècle. Il est réapparu dans le Mercantour au début des années 1990, très probablement en provenance d'Italie, et sa présence s'est peu à peu renforcée et étendue.

Un système de suivi est mis en place dans le cadre du réseau loup par l'État et l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). La méthodologie de comptage repose sur plusieurs notions : les zones de présence permanente (ZPP) permettent d'identifier le périmètre géographique de présence du loup, qui peut se déplacer sur de longues distances. L'effectif minimal retenu (EMR) permet d'estimer la population de loups sur le territoire national à la fin de chaque hiver, ces loups pouvant vivre en meute ou isolés. Enfin, le recensement des attaques constitue un indicateur supplémentaire de l'extension de la présence du loup en France. Il conviendrait d'affiner le comptage à travers un relevé d'indices hivernaux.

Le plan national loup 2013-2017 montrait une progression de la population de loups sur la période du précédent plan quinquennal 2008-2012, les ZPP passant de 25 en 2007-2008 à 29 en 2011-2012 et le nombre de loups estimés passant de moins de 200 à au moins 250 sur la même période. Parallèlement, le nombre d'attaques de loups est passé de 736 en 2008 à 1 414 en 2011 .

Alors que s'achève l'actuel plan national loup 2013-2017, le dernier bulletin du réseau loup 18 ( * ) daté de juin 2017 et issu des relevés de l'hiver 2016-2017 montre que la présence du loup progresse encore avec désormais 57 ZPP (dont 44 au sein desquelles ont été repérées des meutes de loups) contre 49 en 2015-2016. Le nombre de loups est estimé en sortie d'hiver entre 320 et 400. La croissance des effectifs est en moyenne de 12 % par an entre 1995 et 2017. Au 31 décembre 2016, on recensait 2 476 attaques et 9 112 victimes, dont les trois quarts en région Provence-Alpes-Côte-d'Azur 19 ( * ) . La même tendance à la progression des attaques se dessine cette année : fin octobre 2017, on comptait 395 attaques et 1254 victimes de plus qu'en octobre 2016.

b) Un statut d'espèce protégée

La France est tenue de protéger le loup sur son territoire du fait de plusieurs engagements qu'elle a souscrits :

- la convention de Berne de 1979 classe le loup dans la liste des espèces en danger, pour lesquelles les États parties à la convention doivent interdire la capture ou la destruction, la destruction de l'habitat et la perturbation de la reproduction ;

- la directive européenne 92/43/CEE de 1992 dite directive « habitats, faune et flore », impose aussi aux États membres de mettre en place un dispositif de protection des espèces menacées, et classe le loup au sein de cette catégorie.

Ces textes obligent à protéger la présence du loup sur le territoire français, et n'autorisent à tuer ces prédateurs que dans des conditions très restrictives, lorsqu'aucune autre solution n'existe et à condition de ne pas remettre en question la survie de l'espèce.

En droit interne, le dispositif de protection du loup, qui s'inscrit dans la même philosophie que la convention de Berne et la directive habitats, faune et flore, repose sur les articles L. 411-1 et suivants du code de l'environnement , qui renvoient largement la mise en oeuvre concrète des mesures de protection au niveau règlementaire.

L'article L. 415-3 du code de l'environnement punit de 2 ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende quiconque porte atteinte à ces règles de protection : ainsi un éleveur qui protégerait son troupeau en cas d'attaque en tuant un loup pourrait être poursuivi sur cette base. Un assouplissement est prévu par l'article L. 427-6 du code de l'environnement, modifié en ce sens par la loi d'avenir pour l'agriculture l'alimentation et la forêt de 2014, prévoyant la délivrance automatique par le préfet d'une autorisation de tir de prélèvement de loup valable six mois à l'éleveur ou au berger touché par une attaque avérée. Les éleveurs peuvent donc effectuer aujourd'hui des tirs de défense ou des tirs de défense renforcée (tirs par plusieurs intervenants, dans le cadre d'attaques répétées) en disposant d'une meilleure sécurité juridique.

c) Une menace croissante pour la pérennité de l'élevage ovin en montagne

Le nombre des attaques de loup n'a cessé de progresser ces dernières années, essentiellement dans le Sud des Alpes, même si l'extension de la zone géographique de présence des loups conduit à diffuser la menace plus largement sur le territoire.

Si les attaques de loup font l'objet d'une indemnisation par l'État, on ne peut pas considérer cette indemnisation comme une réponse satisfaisante au préjudice causé aux éleveurs.

En effet, l'indemnisation ne couvre qu'imparfaitement les préjudices indirects qui peuvent apparaître à long terme comme l'avortement des bêtes du troupeau non blessées mais traumatisées par l'attaque ou encore les baisses de productivité laitière, même si le dispositif d'indemnisation prévoit en théorie une prise en charge des préjudices indirects.

En outre, la présence du loup perturbe fortement les méthodes de conduite de troupeau : la crainte constante des attaques de loup place les éleveurs en situation de stress permanent, devant rester tout le temps aux aguets. Beaucoup témoignent de leur désir de quitter le métier ou encore d'abandonner le pastoralisme ou l'élevage d'ovins. Ce traumatisme des éleveurs doit être pris en compte par les pouvoirs publics, car il fait courir un réel risque sur la pérennité de la filière ovine dans les zones de montagne, alors que cette activité rend d'importants services environnementaux et permet de conserver une occupation humaine de zones très défavorisées qui ne pourraient pas trouver d'autre vocation agricole.

Une étude récente de l'INRA sur le territoire des Grands Causses dans l'Aveyron montre que la mise en place de mesures de protection contre la prédation par les loups n'est pas réellement possible, car les élevages existant aujourd'hui deviendraient peu viables, et les paysages seraient modifiés par la nécessité de regrouper les élevages au sein de prairies temporaires fauchées, les autres espaces devenant des espaces naturels fermés et boisés, sans présence d'activités agricoles 20 ( * ) .

Source : mission loups

2. Le loup coûte de plus en plus cher aux finances publiques
a) L'indemnisation des éleveurs : des crédits en provenance du ministère de la transition écologique et solidaire

Depuis 1993, les pertes des éleveurs victimes d'attaques de loup font l'objet d'une indemnisation. L'instruction des demandes est effectuée dans chaque département par le préfet et les directions départementales compétentes (DDT et DDTM).

Le financement des indemnisations repose exclusivement sur des crédits du budget de l'État, en provenance du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », gérée par le ministère de la transition écologique et solidaire.

La ligne budgétaire qui y est consacrée est destinée à l'indemnisation des dommages causés au cheptel domestique par tous les grands prédateurs : ours, loup, lynx, les dommages causés par les loups représentant la part prépondérante de cette enveloppe.

Ces dernières années, les crédits ne cessent d'augmenter, en raison principalement de la progression des dommages causés par les loups. Dans le projet de loi de finances pour 2018, cette enveloppe augmente de plus de 40 % en passant de 2,5 millions d'euros à 3,6 millions d'euros.

Budget

PLF2013

PLF2014

PLF2015

PLF2016

PLF2017

PLF2018

Crédits (en millions d'euros)

1,6

2,1

2,15

2,5

2,5

3,6

b) Le ministère de l'agriculture mis à contribution pour le financement des mesures de protection des troupeaux

A côté de l'indemnisation, des mesures de protection des troupeaux sont prises en charge sur le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture » de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » géré par le ministère de l'agriculture et de l'alimentation.

Ces crédits financent diverses mesures de protection : analyse de vulnérabilité, mise en place de clôtures, gardiennage des troupeaux, achat de chiens de protection.

Les documents budgétaires annexés à la loi de finances montrent que le montant moyen versé aux éleveurs est d'environ 7 000 €. Ces mesures sont cofinancées à 50 % par les crédits européens du 2ème pilier de la PAC.

Là aussi, l'enveloppe en faveur du pastoralisme connaît une tendance nette à l'augmentation ces dernières années, sous l'effet essentiellement de la progression des dépenses au titre de la protection des troupeaux contre les grands prédateurs. Dans le projet de loi de finances pour 2018, cette enveloppe connaît une augmentation spectaculaire de 5 millions d'euros.

Budget

PLF2013

PLF2014

PLF2015

PLF2016

PLF2017

PLF2018

Crédits en faveur du pastoralisme (en millions d'euros)

11,4

11,1

10,8

11,5

11,3

16,3

Dont mesures grands prédateurs

6,5

6,2

6,9

7,4

7,6

12,6

Le dernier budget exécuté en 2016 montrait de forts besoins de crédits, avec l'engagement de 10,555 millions d'euros sur l'année sur les seules mesures de protection contre la prédation par le loup, représentant 2 420 dossiers, soit bien plus que l'enveloppe de 7,4 millions d'euros prévue.

Si l'on peut se réjouir de la prise en charge par la collectivité de mesures de protection qui ne doivent pas être laissées à la charge des éleveurs, vos rapporteurs soulignent toutefois que le loup coûte de plus en plus cher aux finances publiques.

En outre, on peut s'interroger sur l'efficacité réelle des mesures de protection, compte tenu de la progression du nombre d'attaques qui suit la courbe de progression du nombre des loups présents sur le territoire.

3. Quelles perspectives pour la politique de protection de l'élevage de montagne contre les attaques de loup ?
a) La fin du programme national loup 2013-2017

Comme les autres espèces protégées, le loup fait l'objet d'un programme national d'action qui est revu tous les cinq ans. Ce programme organise l'intervention des différents acteurs institutionnels : ministères, services déconcentrés, ONCFS.

Le programme 2013-2017 s'inscrit dans la continuité du précédent plan avec pour objectifs d'affiner la connaissance et le suivi biologique des populations de loups présents sur le territoire, l'amélioration des mesures de protection des troupeaux contre la prédation, le maintien d'un dispositif d'indemnisation le plus complet possible et le développement de la coopération transfrontalière, notamment avec l'Italie et l'Espagne.

La question la plus sensible reste celle des autorisations de tirs de prélèvement, effectués en dehors de tout cas d'attaque. Un arrêté interministériel du 18 juillet 2017 fixe à 40 le nombre-plafond de loups pouvant être détruits du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018, les loups prélevés par des tirs de défense étant déduits de ce total, contre 36 en 2015-2016 et en 2016-2017.

b) La préparation du futur plan national loup

Alors que le bilan global du précédent plan national loup n'a pas encore été rendu public, un nouveau plan est en préparation pour la période 2018-2022. Ce nouveau plan suscite des craintes sur de nombreux points :

Le renforcement des contraintes sur les tirs de prélèvement pourrait amener à les rendre quasiment impossibles et leur limitation à certains territoires et certaines périodes pourrait conduire à des inégalités de traitement entre éleveurs.

Des craintes existent aussi sur l'introduction de nouveaux critères d'indemnisation, notamment l'instauration de mesures de conditionnalité à l'instar de ce qui existe pour les aides européennes.

La centralisation de la gestion du loup par un préfet coordinateur pourrait aussi éloigner les décideurs des territoires.

Plus profondément, les éleveurs craignent légitimement que la protection des troupeaux soit sacrifiée au profit d'un objectif de développement de la présence du loup et de la préservation de continuités écologiques avec les pays voisins.

Vos rapporteurs appellent le Gouvernement à mettre en oeuvre un nouveau plan loup qui définisse clairement un objectif de préservation de l'élevage, en particulier dans les zones de montagne, qui sont les plus touchées par la prédation.

ARTICLES RATTACHÉS AUX CRÉDITS

Article 49 (article 33 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015) - Suppression du fonds d'accompagnement de la réforme du micro-bénéfice agricole

I. Le droit existant

L'article 33 de la loi de finances rectificative pour 2015 avait instauré pour la période 2017-2021 un fonds d'accompagnement de la réforme consistant à remplacer le forfait agricole par le régime du micro-bénéfice agricole. Ce fonds est destiné à compenser auprès des agriculteurs concernés l'augmentation de cotisations sociales induite par la réforme, l'assiette sociale se déduisant de l'assiette fiscale.

Il est alimenté par les économies de fonctionnement réalisées par le ministère des finances grâce au passage du forfait agricole au régime micro, à hauteur de 8 millions d'euros en 2017, 2018 et 2019, 6 millions d'euros en 2020 et 3 millions d'euros en 2021.

II. Le projet de loi de finances

Avec l'article 49 du projet de loi de finances pour 2018, le Gouvernement prévoit la suppression du fonds d'accompagnement dès l'année prochaine, estimant que la baisse de cotisations sociales prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale devrait réduire les cotisations dues par les agriculteurs, en particuliers ceux imposés au régime du micro-bénéfice agricole.

III. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Les députés ont adopté l'article 49 sans modification.

IV. La position de votre commission

Vos rapporteurs considèrent que les négociations qui avaient été menées entre organisations professionnelles agricoles et Gouvernement lors de la mise en place du régime du micro-bénéfice agricole avaient pu aboutir notamment en raison de la mise en place de ce fonds d'accompagnement, garantissant qu'aucun agriculteur ne serait perdant au titre de ses cotisations sociales jusqu'en 2021.

Dès lors, la suppression de ce fonds consiste à supprimer cette garantie.

Le fonds a été peu utilisé, à hauteur de 2 millions d'euros d'après les informations fournies à vos rapporteurs.

Au-delà de l'enjeu budgétaire, extrêmement limité, cette suppression constituerait un manquement à la parole donnée par l'État, doublé d'une mesquinerie.

Pour ces raisons, sur proposition de vos rapporteurs, votre commission a proposé l'adoption d'un amendement de suppression de l'article 49, afin de maintenir l'existence du fonds d'accompagnement.

Votre commission a proposé la suppression de cet article.

Article 49 bis [nouveau] (article 1604 du code général des impôts) - Transfert de la totalité des centimes forestiers des chambres d'agriculture au fonds national de péréquation des chambres d'agriculture

I. Le droit existant

La taxe pour frais de Chambres d'agriculture (TFCA), prévue par l'article 1604 du code général des impôts, est une taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB) créée pour financer les chambres d'agriculture. Elle s'applique sur tous les terrains, agricoles ou non, assujettis à la taxe sur le foncier non bâti (TFNB), notamment les bois et forêts. La part issue de la forêt, appelée « centimes forestiers » s'élève à environ 6 % du produit annuel de la taxe.

La moitié des centimes forestiers alimente le Centre national de la propriété forestière et 5 % sont destinés aux communes forestières. Les chambres d'agriculture sont donc destinataires de 57 % du solde restant, 43 % de la recette étant destinée au fonds stratégique forêt bois (FSFB).

D'après le rapport de septembre 2016 du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), la part des centimes forestiers revenant aux chambres d'agriculture s'élève à 4,9 millions d'euros, avec de grandes différences entre départements.

II. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Un amendement n° II-433 adopté le 2 novembre dernier par les députés sur proposition du Gouvernement a prévu de modifier l'article 1604 du code général des impôts pour affecter en totalité le montant des centimes forestiers aujourd'hui perçus par les chambres départementales au fonds national de solidarité et de péréquation des chambres d'agriculture. Ces crédits sont ensuite intégralement destinés à financer les actions des programmes régionaux « valorisation du bois et des territoires » des chambres régionales d'agriculture.

Cet amendement n'a suscité strictement aucun débat à l'Assemblée nationale.

III. La position de votre commission

L'adoption en l'état de l'article 49 bis priverait de centimes forestiers les chambres départementales d'agriculture. Or, cette ressource, en particulier dans les départements riches en bois et forêts, finance aussi les missions consulaires généralistes des chambres. L'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA) considère que cette mesure affecterait une trentaine de chambres et en mettrait une dizaine en difficulté financière sérieuse.

Vos rapporteurs ont donc proposé à votre commission de présenter un amendement qui ne remonterait au fonds national de péréquation que 50 % des centimes forestiers . Cette solution permettrait d'aller dans le sens d'un fléchage des centimes forestiers vers l'action forestière des chambres d'agriculture, sans pénaliser les départements actuellement dépendants des centimes forestiers pour le bouclage de leur budget de fonctionnement.

Une évaluation de ce compromis pourrait être envisagée avant d'aller plus loin dans le fléchage des centimes forestiers.

Votre commission a proposé l'adoption de cet article ainsi amendé.

Article 49 ter [nouveau] - Rapport au Parlement sur le financement de mesures du deuxième pilier de la PAC en 2019 et 2020

I. Le droit existant

Fin juillet 2017, le ministre de l'agriculture a annoncé que la France avait demandé à la Commission européenne à partir de 2018 le transfert de 4,2 % de plus de l'enveloppe du premier pilier de la PAC vers le deuxième pilier de la PAC, pour pouvoir financer les mesures prévues au sein de ce deuxième pilier : indemnités compensatoires de handicap naturel (ICHN), mesures agroenvironnementales climatiques (MAEC) et aides à l'agriculture biologique. Sur ce dernier volet, le ministre a annoncé également que la concentration des moyens de la PAC sur l'aide à la conversion et la suppression du financement de l'aide au maintien.

Le ministre a justifié ce transfert par une sur-programmation du deuxième pilier de la PAC, qui aurait conduit à une insuffisance de ressources disponibles en 2019 et 2020, notamment pour régler les dépenses au titre de l'ICHN.

La maquette financière du deuxième pilier de la PAC, plus complexe que celle de la précédente programmation 2007-2013, dans la mesure où les programmes sont déclinés dans chaque région, n'a pas été publiée.

II. Les modifications apportées par l'Assemblée nationale

Plusieurs amendements ont été déposés par les députés pour demander au Gouvernement de présenter au Parlement un rapport étudiant les modalités de financement des principales aides apportées par le deuxième pilier de la PAC, afin de mettre en évidence des éventuelles insuffisances de l'enveloppe au regard des besoins.

Lors des débats, le ministre a exprimé la nécessité de laisser le temps à ses services de préparer un rapport pour le 1 er juin 2018.

Deux amendements en ce sens ont donc été adoptés.

III. La position de votre commission

Vos rapporteurs regrettent que la maquette budgétaire du deuxième pilier de la PAC ne soit pas d'ores et déjà connue. Ils s'étonnent au demeurant que l'on ne puisse disposer d'un suivi en temps réel des engagements futurs dans le cadre du deuxième pilier de la PAC.

Partageant la volonté de disposer des instruments d'analyse et de connaissance appropriés du rythme prévisionnel d'engagement des moyens de la PAC, ils soutiennent la demande de rapport au Parlement.

Votre commission a proposé l'adoption de cet article sans modification.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 22 novembre 2017, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et sur le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » du projet de loi de finances pour 2018.

Mme Sophie Primas , présidente . - Notre ordre du jour est particulièrement chargé aujourd'hui et, dans le prolongement de la très longue audition, hier soir, du ministre en charge de l'Agriculture, nous commençons nos travaux par notre avis budgétaire sur la mission « agriculture ».

M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis . - C'est avec une certaine émotion que je vous présente pour la première fois les crédits de l'agriculture. Nous allons, à trois voix, vous livrer notre analyse du budget 2018 prévu pour l'agriculture, et je me félicite du travail en commun que nous avons mené dans une excellente ambiance.

Mon propos tiendra en trois points. Tout d'abord, le contexte pour l'agriculture reste difficile : la mutualité sociale agricole a publié ses derniers chiffres en octobre qui montrent que 30 % des exploitants agricoles avaient gagné l'année dernière moins de 350 euros par mois, et 20 % étaient en déficit. Naturellement, les réalités varient exploitation par exploitation et filière par filière, mais globalement l'année 2016 a été très difficile, en particulier dans le secteur céréalier avec des rendements historiquement faibles. Dans le secteur du lait et en viande bovine, les prix bas ont également pénalisé les éleveurs.

L'année 2017 est marquée par une certaine amélioration avec un retour à des rendements normaux en céréales, une hausse des prix du lait et la bonne tenue des ventes de broutards à l'export. Mais une hirondelle ne fait pas le printemps : l'agriculture française reste fragile économiquement pour au moins trois raisons.

- La volatilité des prix expose à des retournements violents de situation : on l'a vu dans le lait ces dernières années. Ce phénomène s'aggrave et devient de plus en plus « meurtrier » tandis que la PAC ne joue plus son rôle d'amortisseur de crises.

- La concurrence internationale est de plus en plus forte et l'ouverture des marchés avec les négociations comme le CETA avec le Canada et bientôt avec le Mercosur, oblige notre agriculture à aller vers plus de compétitivité, faute de quoi elle disparaîtra en tant qu'activité économique.

- Dans le rapport de force au sein des filières agricoles et alimentaires, l'agriculteur est toujours le plus faible : 500 000 agriculteurs font face à 3 000 entreprises de transformation et quatre acheteurs de la grande distribution. Ces centrales d'achat font la pluie et le beau temps d'autant que leur nombre est passé de sept à quatre.

Un élément complique encore davantage la situation des agriculteurs : les retards dans les versements des aides de la PAC. Depuis la réforme de 2014, le système ne tourne pas rond. Certes, les avances de trésorerie remboursable (ATR) ont permis de régler jusqu'à 90 % des aides, mais certains dispositifs sont encore en retard, en particulier les aides au bio ou les mesures agroenvironnementales climatiques (MAEC). Dans ce système qui s'apparente un peu à une « usine à gaz », on nous promet un retour à un calendrier normal de versement des aides en 2018, au prix d'un réajustement à la hausse des moyens du ministère et de l'Agence de services et de paiements. On aimerait croire à ce scénario car les trois dernières années ont été difficiles. Les paysans en arrivent à ne plus savoir à l'avance quels seront les montants d'aide qu'ils percevront.

Au-delà des facteurs économiques, il y a une raison plus profonde et plus préoccupante de la fragilisation de notre agriculture et de nos agriculteurs : ceux-ci en ont assez d'être sans cesse au banc des accusés. Le débat sur les pesticides en général et le glyphosate en particulier est emblématique de cette crise de confiance vécue comme une profonde injustice. Notre agriculture produit, en effet, une alimentation de grande qualité. Nous assurons une traçabilité de nos productions qui n'existe quasiment nulle part ailleurs. Nous avons une gestion technique, tant en cultures végétales qu'en élevage, remarquable. Nous faisons aussi d'importants efforts en matière de produits phytopharmaceutiques ou encore de maîtrise des effluents. Nous sommes également très attentifs au bien-être animal en élevage. Malheureusement, ce n'est jamais assez ! Au-delà des arguments économiques, de la dureté du métier, c'est ce sentiment d'être les mal-aimés de la société française qui décourage les vocations.

Il faut avoir à l'esprit ce contexte lorsque l'on examine le budget 2018 et j'en viens maintenant au deuxième point de cet exposé : l'analyse des crédits.

En légère baisse de 3,1 % en autorisations d'engagement et en hausse de 1,3 % en crédits de paiements, les crédits de la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » seront assez proches en 2018 de ce qu'ils étaient en 2017. La mission représente ainsi 3,4 milliards d'euros. Je note qu'elle enregistre le retour dans son giron de la pêche maritime, qui relevait jusqu'à l'année dernière du budget de l'écologie. Mais l'enjeu budgétaire est modeste : 45 millions d'euros. Je signale également que ces crédits ne sont pas les seuls gérés par le ministère de l'agriculture, qui a aussi la responsabilité, d'une part, de l'enseignement technique agricole, avec 1,45 milliard d'euros relevant du programme 142, et, d'autre part, de l'enseignement supérieur et la recherche agricole avec 350 millions d'euros relevant du programme 143. Par ailleurs, bien d'autres ressources viennent en appui à la politique agricole, à commencer par la PAC qui apporte chaque année une contribution de l'ordre de 9 milliards d'euros à la France, dont un peu moins de 7,3 milliards d'euros proviennent du 1er pilier et environ 1,7 milliard d'euros du deuxième pilier. En outre, la Commission des finances chiffre à 6,5 milliards d'euros les allègements sociaux et fiscaux dont bénéficie l'agriculture française, ce qui conduit à évaluer les concours publics à l'agriculture à environ 20 milliards d'euros par an. Enfin, je rappelle que le budget du ministère de l'agriculture est essentiellement un budget de fonctionnement avant d'être un budget d'appui aux exploitations agricoles : les dépenses de personnel représentent 890 millions d'euros et les subventions aux établissements publics et autres organismes sous tutelle du ministère de l'agriculture - qui servent essentiellement à payer leurs personnels - représentent presque 550 millions d'euros.

Le maintien du budget de la mission en 2018 par rapport à 2017 pourrait être considéré comme une bonne nouvelle, surtout qu'en 2017, ce budget était en hausse de 15 % par rapport à 2016. Toutefois, plusieurs raisons amènent à nuancer ce jugement :

- Premièrement, comme en 2016, la dotation 2017 devrait se révéler insuffisante, compte tenu de nombreux aléas budgétaires : crise dans le secteur du foie gras, règlement des refus d'apurement communautaire. En juin dernier, la Cour des comptes avait estimé le dépassement entre 1,5 et 1,7 milliard d'euros. La Commission des finances du Sénat retient un montant plus faible mais encore significatif : 627 millions d'euros. Concrètement, cela signifie que le budget de l'agriculture est structurellement sous doté. Un seul exemple : aucun crédit n'est prévu pour le régime des calamités agricoles. Dans le projet de loi de finances rectificative qui vient d'être déposé, la mission « agriculture » est destinataire d'un peu plus d'un milliard d'euros de crédits supplémentaires.

- Deuxième raison : le maintien des crédits par rapport à 2017 résulte d'un montage très particulier dans le budget 2018. Avec la fin de l'exonération de sept points de l'assurance maladie des exploitants agricoles, la compensation qui était prévue au budget disparaît. Cela aurait dû conduire à baisser le budget de l'agriculture de 438 millions d'euros. Cet écart est rattrapé à cause de deux phénomènes. D'une part à cause d'une inscription de plus de 80 millions d'euros de plus en crédits de paiement sur les mesures agroenvironnementales et l'agriculture biologique, non pas pour permettre de financer davantage de dossiers mais pour rattraper les retards de paiement des exercices antérieurs, et d'autre part ce rattrapage s'explique grâce à l'inscription d'une provision de 300 millions d'euros, destinée à régler des dépenses imprévues.

Une telle mesure pourrait être saluée comme une mesure de prudence bienvenue. Mais on peut craindre qu'elle devienne un solde de tout compte et un argument pour refuser des augmentations de budget durant l'année 2018 en cas de survenance de nouvelles crises. Bref, ce « cadeau » pourrait être empoisonné car insuffisant pour faire face à des difficultés imprévues : nouvelle grippe aviaire, nouveau refus d'apurement communautaire, besoins importants du fonds des calamités agricoles.

Pour terminer mon deuxième point sur les grands équilibres budgétaires, je dirai un mot sur le compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural » dit CASDAR. Ce sont les agriculteurs qui l'alimentent à travers une taxe spécifique : la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitations. Le CASDAR finance l'innovation en agriculture, notamment les programmes des chambres d'agriculture et ceux des instituts techniques agricoles. Il joue donc un rôle très important. Malheureusement, les mauvais résultats des exploitations amènent à réviser à la baisse cet instrument financier : les 147,5 millions d'euros prévus en 2017 n'ont pas été au rendez-vous. Pour 2018, le budget est donc ramené à 136 millions d'euros.

J'aborde maintenant mon troisième axe : les inquiétudes qui se dégagent à la lecture des choix budgétaires pour l'agriculture :

- La première porte sur la capacité à financer l'ensemble des mesures du deuxième pilier (et notamment la dernière année de versement de l'indemnité compensatoire de handicap naturel en 2020). Elle a en théorie été levée cet été avec le choix du Gouvernement de transférer 4,2 % des moyens du premier pilier de la PAC vers le deuxième pilier pour les années 2018 à 2020. Cette mesure permet de financer l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN) à périmètre constant. D'ailleurs, le budget 2018 maintient les 264 millions d'euros de crédits nationaux appelés en cofinancement. Mais on sait que nous devrons revoir la cartographie des zones défavorisées d'ici 2020. Le règlement européen omnibus va nous donner un délai supplémentaire, mais il est clair que tout ajout de territoires bénéficiaires de l'ICHN réduira les aides touchées par les 100 000 agriculteurs qui en sont aujourd'hui bénéficiaires. On peut aussi déplorer que le calibrage trop juste du deuxième pilier de la PAC ait conduit au prélèvement sur le premier pilier qui a une conséquence très concrète : la baisse du montant des aides directes touchées par tous les agriculteurs. En résumé, pour sauver l'ICHN en 2020, on réduit les aides PAC de tous les agriculteurs dès 2018.

- Autre motif d'inquiétude : l'appui à l'investissement des exploitations agricoles ne semble plus être la priorité. Le plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles (PCAE) revient à son étiage bas de 56 millions d'euros. La rallonge de 30 millions d'euros n'est pas reconduite. Seuls 15 millions d'euros de crédits sont prévus mais plutôt pour de la mise aux normes sanitaires dans les élevages porcins et de volailles. Le Gouvernement a annoncé un grand plan d'investissement pour l'agriculture et l'agroalimentaire de 5 milliards d'euros. On n'en trouve pas trace dans le budget de l'agriculture en 2018. De même, il n'existe aucune dotation du programme des investissements d'avenir à destination de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Il faut espérer que le grand plan d'investissement ne consistera pas simplement à labelliser des dispositifs déjà existants comme le PCAE.

- Un autre sujet d'inquiétude concerne la compétitivité. En effet, la baisse de 7 points des cotisations d'assurance maladie des exploitants agricoles qui existait en 2016 et 2017 est supprimée par le PLFSS pour 2018. Les agriculteurs bénéficieront à la place d'une cotisation dégressive entre 1,5 % et 6,5 %. Seules les exploitations avec des revenus de moins de 13 500 euros par an seront gagnantes. Au passage, les agriculteurs dans leur ensemble paieront 120 millions d'euros de plus de cotisations maladie par an. La préoccupation d'améliorer la compétitivité de l'agriculture française en prend là aussi un coup et les baisses de cotisations sociales s'inscrivent désormais davantage dans une logique d'accompagnement social que dans une logique de soutien économique.

- Une autre curiosité relève non pas des crédits budgétaires mais du traitement des terres agricoles dans le cadre du remplacement de l'ISF par l'impôt sur la fortune immobilière (IFI). Les terres détenus par la famille (hors famille très proche) sont traitées comme de l'immobilier et non pas comme un actif économique et ne sont pas exonérées d'IFI. Ce choix traduit une certaine méconnaissance des mécanismes de portage des terres des exploitations dans le milieu agricole et risque de faire fuir les capitaux familiaux des exploitations agricoles.

- Enfin, la gestion des risques n'est pas une priorité budgétaire. Même si les crédits FAC et Agridiff sont revus à la hausse, ils restent à un niveau anecdotique : un peu plus de 5 millions d'euros en tout. On peut s'interroger également sur la réelle volonté de développer les assurances multirisques climatiques. L'enveloppe de crédits est depuis deux ans une enveloppe de crédits exclusivement européens. Elle me semble cependant sous-dimensionnée, si bien que l'ajustement se fait sur le taux de subvention. Pourra-t-on garantir une subvention à 65 % cette année ? Rien n'est moins sûr. Enfin, le projet de loi de finances n'affiche aucune ambition d'encouragement de la gestion des risques : rien de nouveau sur la déduction pour aléas (DPA), ni d'ailleurs sur l'ensemble des mesures fiscales à destination de l'agriculture. Le Gouvernement semble remettre tout projet de modification à l'année prochaine.

Je terminerai en évoquant les quelques amendements que nous vous proposerons d'adopter :

- Le premier concerne le maintien du fonds d'accompagnement de la suppression du forfait agricole, remplacé par le micro-bénéfice agricole. Il avait été décidé de prendre en charge pendant cinq ans de manière dégressive le surplus de cotisations sociales dues en application de la réforme pour les quelques agriculteurs qui pourraient être perdants. Les montants en jeu sont faibles : 8 millions d'euros maximum par an, et en pratique à peine 2 millions d'euros réellement mobilisés. Le Gouvernement supprime ce fonds, ce qui est mesquin. Nous proposerons de le rétablir.

- Le deuxième amendement concerne la remontée des centimes forestiers des chambres départementales d'agriculture vers le fonds national de péréquation. Cette mesure a été adoptée par les députés sur proposition du Gouvernement, sans aucun débat et un peu par surprise. Les chambres d'agriculture ne sont pas d'accord avec ce schéma. Nous proposerons donc, pour ne pas trop pénaliser les chambres d'agriculture des départements forestiers, que seule une fraction des centimes forestiers remonte au niveau national.

Pour conclure, et parce que je ne peux avoir qu'une confiance très limitée dans la capacité du budget agricole 2018 à faire face aux lourds enjeux pour nos exploitations, je propose un avis défavorable sur l'adoption des crédits de la mission : « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural ».

Mme Françoise Férat , rapporteur pour avis.- Il m'appartient à mon tour de vous parler du budget 2018 pour l'agriculture. Je ne dresserai pas à nouveau le panorama de ce budget mais je m'attarderai sur quelques questions essentielles.

La première porte sur la complémentarité entre fonds européens et fonds nationaux. De nombreux dispositifs sont cofinancés par l'État et l'Union européenne à travers le deuxième pilier de la PAC, porté financièrement par le fonds européens agricole pour le développement rural (FEADER). Les dotations budgétaires du programme 149 sont, pour certaines d'entre elles, la contrepartie de crédits européens encore plus importants : c'est vrai sur l'ICHN, mais aussi sur le PCAE, sur l'installation des jeunes agriculteurs, mais aussi sur les mesures agro-environnementales et l'aide à l'agriculture biologique. Les arbitrages rendus cet été ont consisté à prélever sur le premier pilier pour donner davantage de moyens au deuxième pilier, mis trop fortement à contribution.

Une ligne budgétaire est emblématique des tensions budgétaires sur l'enveloppe de crédits européens : celle de l'aide aux mesures agroenvironnementales et à l'agriculture biologique. Pour 2018, les crédits de paiement sont plus que doublés et passent à 157 millions d'euros, afin de régler la part de l'État sur des engagements antérieurs, mais les autorisations d'engagement, c'est à dire les capacités nouvelles à soutenir les mesures agroenvironnementales et le bio, baissent de 85 à 81,4 millions d'euros. L'agriculture biologique connaît en effet un développement rapide, en particulier depuis 2015 : les surfaces ont fortement progressé et représentent désormais presque 6 % de la SAU, soit un peu plus d'1,5 million d'hectares. Compte tenu des conversions bio en cours, on devrait connaître une hausse des productions en agriculture biologique de l'ordre de 20 % par an d'ici 2020. Le bio bénéficie en effet d'un engouement de la part des consommateurs, ce qui pousse les agriculteurs à s'engager dans cette direction, même s'il existe toujours un risque, notamment de perte de rendement. Il ne faudrait pas croire cependant que le bio sera forcément le nouvel eldorado de l'agriculture française :

- D'une part, le bio ne restera un choix intéressant pour les agriculteurs que s'il existe un différentiel de prix substantiel avec les produits issus de l'agriculture conventionnelle, sinon ce sera un jeu de dupes.

- D'autre part, les moyens d'accompagnement du bio doivent suivre son développement. Et c'est là que l'on rencontre certaines difficultés. Ainsi, dans le budget 2018, le fonds avenir bio, destiné à aider à la structuration de la filière, reste doté de seulement 4 millions d'euros comme ces dernières années, alors que le bio a fortement progressé.

Le Gouvernement a dû également se résoudre à annoncer la fin des aides au maintien de l'agriculture biologique, car l'enveloppe est consommée par l'aide à la conversion. Seules les mesures de conversion pourront être soutenues à l'avenir. Le Gouvernement a demandé aux régions et aux agences de l'eau de prendre le relais mais cette éventualité est peu probable, compte tenu des contraintes budgétaires des uns et des autres.

En résumé, le budget en faveur de l'agriculture bio devient victime de son succès et l'enveloppe européenne n'est plus suffisante. Il faudra trouver de nouvelles ressources ou ralentir le développement de l'agriculture biologique.

Le deuxième sujet que je souhaite aborder est tout aussi important, voire plus encore que le premier : la formation des agriculteurs et l'installation des jeunes. C'est une priorité affichée depuis longtemps par le ministère de l'agriculture. L'enseignement agricole en est l'une des pierres angulaires, même si le passage dans l'enseignement agricole dirige vers une large palette de métiers en lien avec la nature et non pas seulement celui d'agriculteur. Le taux d'insertion professionnelle est excellent dans cette branche. Mais ce budget ne relève pas de la mission « agriculture ». Nous ne rentrerons donc pas dans les détails sur ce sujet.

Je détaillerai un peu plus mon propos sur les soutiens à l'installation des jeunes agriculteurs. Il y a là un enjeu majeur pour permettre le renouvellement des générations d'exploitants agricoles et pour assurer la préservation d'un modèle agricole qui est celui de l'exploitation familiale, à taille humaine, où l'agriculteur est celui qui travaille effectivement sa terre et s'occupe personnellement de ses bêtes. La politique de l'installation a connu l'année dernière une nouvelle réforme avec la fin des prêts bonifiés, remplacés par une majoration de la dotation jeune agriculteur (DJA), variable selon les régions. Les jeunes agriculteurs bénéficient aussi d'allègements de cotisations sociales les cinq premières années de leur activité et d'une majoration des droits à paiement dans le cadre de la PAC. Il y avait eu un regain des installations en 2015, avec plus de 15 000 nouveaux agriculteurs selon la mutualité sociale agricole (MSA). Mais une large part de ces installations se fait hors du parcours d'installation aidée ;

Pour 2018, le Gouvernement maintient un objectif de 6 000 installations aidées mais plusieurs éléments conduisent à s'inquiéter :

- D'abord, on a été loin des 6 000 installations aidées ces dernières années. Pour 2016, dernière année connue, seuls 4 130 nouveaux dossiers de DJA ont été financés. La tendance semble cependant être à l'accélération des dossiers de DJA en 2017 : le dispositif est devenu plus intéressant en injectant les fonds précédemment consacrés aux prêts bonifiés.

- Autre inquiétude : l'accompagnement à l'installation, pourtant indispensable, n'a cessé d'être réduit ces dernières années. Le dispositif d'accompagnement ne repose plus que sur les stages à l'installation, pour lesquels une enveloppe de 2 millions d'euros est maintenue en 2018 et le programme pour l'accompagnement à l'installation-transmission (AITA), qui n'est plus abondé que par la taxe sur les terrains rendus constructibles, pour un maximum de 12 millions d'euros par an, alors que cette taxe rapporte bien plus (18 millions en 2016 et déjà 15 millions d'euros à la mi-2017). L'installation dépend donc largement d'une taxe fiscale affectée.

- Enfin, la ligne pour la DJA est un peu rabotée cette année, passant de 40 à 38,4 millions d'euros. En tenant compte du cofinancement européen de 80 % sur cette mesure, c'est en réalité 6,4 millions d'euros en moins sur l'installation.

J'appelle à ne pas baisser la garde sur le soutien à l'installation : il ne faudrait pas qu'une reprise des installations soit freinée par des enveloppes budgétaires calculées de manière trop restrictive.

La troisième question sur laquelle je souhaite que l'on s'attarde concerne la sécurité sanitaire, qui constitue un enjeu tant sanitaire qu'économique. Le programme 206 porte les crédits de la sécurité sanitaire, qui augmentent de près de 10 % cette année et s'élèvent à un peu plus de 550 millions d'euros, après la hausse de 4,5 % déjà enregistrée l'année dernière. Ce renforcement est une nécessité, face aux menaces sur le secteur végétal comme la bactérie xylella fastidiosa, comme dans le secteur animal avec l'influenza aviaire qui a touché les élevages de canards ou encore avec la tuberculose bovine.

Je souligne que la surveillance sanitaire s'inscrit dans un cadre qui n'est pas seulement national. En effet, les États membres de l'Union européenne doivent mettre en place des plans de surveillance et des plans de contrôle destinés à s'assurer du haut niveau de sécurité sanitaire des aliments. De plus, les alertes doivent aussi être partagées au niveau européen au sein du Système d'Alerte Rapide pour les Denrées Alimentaires et les Aliments pour Animaux (RASFF) afin de protéger le consommateur. C'est ce qui a été fait mais avec retard dans l'affaire du Fipronil sur les oeufs cet été. Disposer d'un haut niveau de sécurité sanitaire du champ à l'assiette est une condition pour garantir la protection de la santé publique des consommateurs. Mais c'est aussi une condition de la réussite économique de l'agriculture et de l'agro-alimentaire. En cas de problème, les consommateurs se détournent rapidement des produits soupçonnés. Les marchés extérieurs se ferment aussi dès qu'une maladie animale se propage, comme la fièvre catarrhale ovine. La perte du statut d'indemne a pour conséquence directe la fermeture des frontières et la fin des échanges commerciaux.

L'indemnisation des crises sanitaires constitue également un enjeu économique fort pour les agriculteurs. La crise de l'influenza aviaire a nécessité la mobilisation de 120 millions d'euros pour le premier épisode 2015-2016 et 140 millions d'euros pour le deuxième épisode 2016-2017. Le programme 206 n'est pas calibré pour faire face à des crises de grande ampleur : en tout état de cause, la survenue d'un nouvel événement de ce type en 2018 ne pourrait être gérée qu'à travers des nouvelles ouvertures de crédits.

Le programme 206 porte aussi les crédits de plans destinés à mieux maîtriser l'utilisation de produits et substances : Ecoantibio pour les médicaments vétérinaires et Ecophyto pour les produits phytopharmaceutiques, même si le financement État est tout à fait marginal sur ce second programme. Enfin, le programme 206 finance l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (ANSES). On peut se réjouir que la dotation de l'ANSES revienne en 2018 à son niveau de 2016, après la baisse enregistrée l'année dernière. L'ANSES est un organisme de référence, pas seulement à travers son activité d'avis scientifique, mais aussi parce que l'Agence gère 11 laboratoires qui constituent une force de frappe irremplaçable pour de l'expertise rapide en cas de crise. Il faut aussi souligner que l'ANSES aura beaucoup de travail supplémentaire en matière de médicament vétérinaire avec le Brexit et avec le nouveau cycle d'approbation de produits phytopharmaceutiques et de produits biocides. Les redevances qu'elle perçoit doivent permettre de faire face, sans crédits budgétaires supplémentaires, à condition que les règles budgétaires soient adaptées pour permettre le recrutement temporaire de personnels additionnels. Le budget 2018 donne quelques souplesses sur ce point et il faudrait que celles-ci soient pérennisées, à l'heure où l'ANSES va se lancer dans un nouveau contrat d'objectifs et de moyens avec l'État.

D'une manière générale, sur la sécurité sanitaire, j'appelle l'État à ne pas baisser la garde, car il en va de la confiance dans notre alimentation et notre agriculture, tant à l'intérieur que vis-à-vis des marchés extérieurs. Force est de constater que si le programme 206 a été re-basé, il ne l'est qu' a minima , sans réserve pour faire face à d'éventuelles crises nouvelles.

Je terminerai mon propos en évoquant la viticulture. Les vendanges 2017 ont été historiquement faibles : la production française devrait être de 36,8 millions d'hectolitres soit 18 % en dessous de la moyenne des cinq dernières années. Le secteur viticole est pourtant essentiel à notre agriculture : 8 milliards d'euros de chiffre d'affaires à l'export. La viticulture française ne demande pas spécialement d'aides : il n'existe pas de droits à paiement à la surface mais un programme opérationnel sectoriel qui permet de financer des investissements et des mesures visant à améliorer la commercialisation du vin. Je rappelle ici la nécessité de rester attentif à la préservation de la filière viticole. Malheureusement, le nouveau dispositif d'exonération de charges retenu par le PLFSS risque d'être moins favorable au secteur viticole que les dispositifs qui existent aujourd'hui comme le TODE. Ce n'est pas parce que la viticulture semble bien se porter qu'il faut oublier un contexte de forte concurrence internationale. C'est pourquoi des efforts doivent continuer dans le domaine de la promotion, autour des opérateurs UbiFrance et Sopexa qui sont soutenus par le budget du ministère de l'agriculture. C'est pourquoi il ne faut pas non plus hésiter à aller vers davantage de simplification des démarches administratives. Le secteur du vin a d'ailleurs donné l'exemple avec le contrat vendanges, sur lequel quelques améliorations sont encore à prévoir.

Pour conclure, j'émets également en ma qualité de rapporteur, un avis défavorable concernant l'adoption des crédits de la mission : « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural ».

M. Henri Cabanel , rapporteur pour avis.- Je remercie tout d'abord mes deux collègues co-rapporteurs avec lesquels nous avons travaillé pendant plusieurs semaines. L'exercice d'analyse budgétaire à trois voix n'est pas un exercice facile pour le troisième orateur, mais nous essayons de le mener en multipliant les angles de vision et grâce à une quinzaine d'auditions réalisées depuis la fin octobre.

Tout d'abord, constatons que le budget de l'agriculture se maintient à peu près pour 2018, après avoir fortement augmenté en 2017 de l'ordre de 20 %. Mais 2018 devrait être un point haut, puisque la loi de programmation des finances publiques pour la période 2018-2022 prévoit une légère décrue des crédits de paiement de l'ordre de 200 millions d'euros sur la mission d'ici à 2020. La valeur d'un budget ne se mesure cependant pas de manière mécanique au montant des crédits prévus. Entrons un peu dans le détail pour examiner comment sont utilisées ces ressources et j'en tire plusieurs remarques.

En premier lieu, le budget de l'agriculture pour 2018 réintègre en son sein ceux de la pêche et de l'aquaculture : 45 millions d'euros, soit à peu près ce qui était inscrit au budget de la mission écologie l'année dernière. La pêche revient dans le budget de l'agriculture, comme c'était le cas avant 2012. C'est le seul changement notable dans ce domaine, dans la mesure où toutes les lignes sont reconduites quasiment à l'identique : beaucoup d'entre elles sont la contrepartie de crédits du fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).

Le secteur de la pêche connaît une réelle embellie depuis trois ou quatre ans. Les prix de vente des poissons sont bien orientés, le prix du carburant reste bas, ce qui est essentiel à l'équilibre économique des armateurs car il faut en moyenne plus de 600 litres de carburant pour pêcher une tonne de poisson. Signe de l'optimisme des pêcheurs, on construit davantage de navires : 52 en 2014, 65 en 2016. Mais cette embellie ne doit pas cacher de réelles préoccupations. Tout d'abord, le Brexit fait peser une lourde menace sur la pêche en mer du Nord et Atlantique Nord-Est : les ports de Boulogne-sur-Mer à Lorient pourraient être durement impactés. À Cherbourg, les deux tiers du poisson débarqué viennent des eaux britanniques. Ensuite le FEAMP a tardé à démarrer, alors que la France dispose d'une enveloppe de 588 millions d'euros. Il convient désormais d'accélérer les engagements de crédits sur les projets concernant la pêche, faute de quoi ces soutiens vont retourner au budget européen et n'auront pas pu être utilisés par la France. Enfin, il conviendrait de mettre un coup d'accélérateur à aquaculture, qui constitue une alternative à la pêche. Le Conseil économique social et environnemental vient de rappeler l'intérêt de l'aquaculture dans un rapport récent, tout en déplorant qu'aucune ferme marine n'ait vu le jour depuis 20 ans.

Ma deuxième remarque porte sur les crédits consacrés à la forêt, qui baissent de 11 % dans le budget 2018 et passent à 243 millions d'euros en autorisations d'engagement. Cette situation s'explique en partie par la fin du plan qui avait été mis en place après la tempête Klaus de 2009. Au final, la reconstitution de 200 000 hectares de forêts touchées dans le Sud-Ouest a coûté 490 millions d'euros. Sur les 243 millions d'euros consacrés à la forêt, 175 millions sont destinés à l'Office national des forêts, dont 22 au titre des missions d'intérêt général. Le budget 2018 se caractérise par une grande stabilité par rapport à celui de 2017 concernant les dotations de l'ONF mais aussi du Centre national de la propriété forestière. Pour l'ONF, l'État suit donc une ligne de stabilité, exécutant les engagements du contrat d'objectifs et de performance 2016-2020. La mobilisation du bois en forêt publique par l'ONF semble progresser légèrement : l'Office a vendu l'année dernière pour 15,2 millions de mètres cubes de bois pour un chiffre d'affaires de plus de 500 millions d'euros. Il assure 40 % de la mise sur le marché du bois d'oeuvre en France. Les indicateurs économiques sont plutôt bien orientés, mais il convient de rester vigilant sur le climat social, toujours délicat, même si désormais l'ONF n'a plus l'obligation de réduire drastiquement ses effectifs, comme cela a été le cas entre 2002 et 2015. Concernant les crédits consacrés à la forêt, un point est particulièrement préoccupant : au-delà de la fin du plan Klaus, la baisse des crédits s'explique aussi en 2018 par une réduction de la dotation attribuée au fonds stratégique forêt bois (FSFB), qui passe de plus de 25 à moins de 18 millions d'euros. Même si ce fonds est alimenté par d'autres ressources, notamment le prélèvement sur les centimes forestiers de 3,7 millions d'euros et l'affectation de la taxe de défrichement, plafonnée à 2 millions d'euros, cette baisse est un très mauvais signal au secteur forestier. Rappelons qu'il y a un consensus pour dire qu'il faut investir 150 millions d'euros par an en forêt pour améliorer significativement son exploitation. On en sera donc loin avec le FSFB en 2018. Le doublement du fonds chaleur décidé en 2015 avait donné un coup de fouet à la filière bois-énergie, en finançant des chaufferies à biomasse. On peut souhaiter que la dynamique se poursuive pour la filière bois. Celle-ci ne se porte aujourd'hui pas trop mal, avec des prix qui se redressent et des investissements qui ont été réalisés dans la transformation : 300 millions d'euros grâce au suramortissement Sapin-Macron d'après la fédération nationale du bois. Mais il faudrait accélérer la mobilisation du bois, notamment en forêt privée qui est sous-exploitée, pour aller vers une meilleure valorisation et réduire notre colossal déficit commercial qui s'élève à près de 6 milliards d'euros. J'appelle donc à ne pas relâcher l'effort en matière de modernisation de la filière forestière qui doit être un atout pour notre pays.

Ma troisième observation concerne la gestion des risques en agriculture. Il y a consensus pour dire que c'est un point stratégique pour les exploitations. Or, la gestion des risques est un peu le parent pauvre du budget 2018. Tout d'abord, il n'y a pas de crédits pour le fonds des calamités agricoles, comme chaque année. Ensuite, le financement des aides à l'assurance multirisque climatique relève exclusivement depuis 2016 de crédits européens. Une enveloppe de 100 millions d'euros est prévue pour subventionner la souscription d'assurances par les agriculteurs mais les chambres d'agriculture estiment que le besoin pourrait être entre 114 et 139 millions d'euros, ce besoin augmentant dès lors que la diffusion de l'assurance multirisque climatique progresse. Dans ces conditions, la crainte est que le taux de subvention soit ajusté bien en dessous de 65 %, pour rentrer dans l'enveloppe. Enfin, la déduction pour aléas (DPA) reste insuffisamment utilisée. Elle a été simplifiée ces dernières années pour inciter les agriculteurs à se constituer ainsi une épargne de précaution défiscalisée et pleinement mobilisable en cas de crise. Elle se révèle insuffisamment attractive. Il convient donc de l'assouplir encore, voire d'envisager un dispositif d'épargne de précaution défiscalisée plus avantageuse encore, pour faire réellement de l'agriculteur le premier étage de la gestion des risques, avant les étages suivants que constituent les assurances et enfin, la solidarité nationale à travers le fonds des calamités. La gestion des risques passe aussi par l'ajustement permanent des charges à la situation économique réelle des agriculteurs. Or, sur ce point, notre système de prélèvement fiscal et social reste archaïque car il se fonde sur les revenus d'années précédentes, qui peuvent avoir un profil très différent de celle au cours de laquelle il faut régler ces prélèvements, compte tenu d'aléas conjoncturels puissants. Il me semble qu'un des chantiers de la gestion des risques économiques passe aussi par une remise à plat des assiettes de prélèvements, afin qu'elles correspondent à ce qu'est vraiment le salaire de l'exploitant agricole.

M. Martial Bourquin . - Très bonne remarque.

M. Henri Cabanel , rapporteur pour avis . - Ma quatrième remarque concerne le foncier agricole : sa préservation est primordiale et on peut se réjouir que le rythme de consommation des terres agricoles par l'urbanisation se soit réduit. Mais toutes les régions ne sont pas logées à la même enseigne : dans les espaces urbains en forte croissance démographique, la pression reste élevée.

Un autre problème réside dans le maintien de la maîtrise du foncier par les agriculteurs. En loi Sapin II puis par une proposition de loi discutée début 2017, on avait tenté de mettre en place des freins à la spéculation sur les terres agricoles portée par des investisseurs extérieurs au monde agricole. Mais le Conseil constitutionnel a vidé le dispositif que nous avions voté de sa substance. En vérité, nous sommes un peu démunis face aux montages de plus en plus complexes, qui visent à contourner les prérogatives des SAFER.

Je me réjouis que le budget 2018 dote de nouveau les SAFER d'une enveloppe de 3,75 millions d'euros. Mais les SAFER devraient pouvoir se financer par des ressources propres et ne pas dépendre des crédits budgétaires de l'État. J'espère que nous pourrons aller plus loin en attribuant aux SAFER une fraction de la taxe d'équipement qui bénéficie aujourd'hui aux établissements publics fonciers.

Je terminerai mon propos pour lancer un coup de projecteur sur la question des grands prédateurs et en particulier du loup. Le nombre des attaques de loup a progressé encore l'année dernière et nous atteignons les 10 000 victimes par an. La population de loups est estimée entre 320 et 400. Le loup coûte de plus en plus cher aux finances publiques : 1,6 million d'euros en 2013 pour les indemnisations, payées sur le budget de l'écologie, et 3,6 millions d'euros prévus en 2018.

Le budget de l'agriculture supporte, pour sa part, les mesures de protection -clôtures mobiles, chiens de protection, formation des bergers - et il explose, lui aussi, en passant de 6,5 millions d'euros en 2013 à 12,6 millions d'euros pour 2018. Cette politique coûte cher, et elle n'est pas très efficace, puisque les attaques ne cessent d'augmenter et que les éleveurs des zones touchées, de plus en plus étendues, finissent par se décourager. C'est dans ce contexte qu'est élaboré le prochain plan national loup 2018-2022. Si le statut d'espèce protégée par la convention de Berne exige des mesures de protection pour les loups, la cohabitation se révèle plus que difficile. Et aucune convention ne protège l'éleveur en zone de montagne. La solution n'est certainement pas dans le budget 2018, mais elle passe par un renforcement des mesures que peuvent prendre les éleveurs pour se défendre.

Pour conclure, je préconise l'abstention sur l'adoption des crédits de la mission : « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural ».

Mme Sophie Primas , présidente. - Merci à nos trois rapporteurs pour avis et je passe la parole aux nombreux intervenants sur ce sujet agricole.

M. Joël Labbé . - D'emblée, je vous précise que je m'abstiendrai sur ces crédits pour certaines des raisons exprimées par Henri Cabanel. J'ajoute quelques remarques : tout d'abord, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (ANSES) manque de moyens humains, en particulier pour faciliter la mise sur le marché de produits alternatifs. Les procédures d'autorisation sont extrêmement complexes et les services sont surchargés de demandes. En ce qui concerne les exportations de viande, je constate des anomalies : 45 % de la volaille que nous consommons est importée alors que nous sommes exportateurs nets. Nous vendons à l'étranger des quantités croissantes de viande de broutard, dont on connait les qualités, tandis que 80 % de la viande bovine servie dans la restauration collective est importée. Ma dernière observation porte sur le ré-ancrage territorial de l'alimentation : elle est fondamentale tant pour les agriculteurs que les consommateurs. Le Président de la République a annoncé 50 % de local ou de Bio à l'horizon 2022 : je souhaite vivement qu'on y arrive mais encore faut-il enclencher le mouvement.

M. Daniel Gremillet . - Trois points : en premier lieu, le plus mauvais signal concerne le foncier agricole et forestier qu'il faudrait sortir de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI). Ensuite, je déplore, dans ce budget, la rupture avec le principe du « un pour un » dans le domaine des calamités agricoles : je rappelle que l'État apportait autant que les agriculteurs en cas de sinistre ; puis on a mis un système assurantiel qui rencontre aujourd'hui ses limites mais on ne voit rien dans ce budget pour couvrir les risques auxquels sont confrontés nos agriculteurs. S'agissant de l'amendement du rapporteur sur les « centimes forestiers » - que je soutiendrai même si on pourrait aller encore plus loin - je suis très surpris que l'on fasse remonter cette contribution au niveau national et qu'on prive le niveau départemental de cette ressource. Enfin le ralentissement des aides à l'investissement est très inquiétant puisqu'au même moment on affirme que les systèmes agricoles doivent profondément évoluer.

M. Pierre Louault . - Mon premier point concerne la réduction des crédits de personnels. Je rappelle le scandale de la gestion des fonds européens qui a fait perdre trois milliards d'euros à la France et qui ont été payés par les agriculteurs. Pourtant, l'agriculture française est suradministrée avec un fonctionnaire pour 30 agriculteurs. La moitié des effectifs travaillent en administration centrale et on les augmente encore tandis que les vrais besoins se situent dans les directions départementales. On n'a pas suffisamment sanctionné, à Paris, l'incompétence pour mobiliser les fonds européens et il faudrait influencer la politique actuelle d'une part, pour garnir les effectifs sur le terrain et, d'autre part, pour faire progresser les crédits de modernisation qui sont soutenus par l'Europe. Un mot enfin : notre agriculture n'est plus assez compétitive parce qu' « on a accroché trop de gamelles » aux agriculteurs. C'est la raison pour laquelle on ne consomme plus assez de viande française : elle est de haute qualité mais trop chère.

Mme Catherine Procaccia . - Henri Cabanel a signalé qu'aucune ferme aquacole n'a été créée depuis trente ans et je m'interroge sur les raisons financières ou environnementales de cette situation. J'apporte également mon soutien total à l'intervention précédente sur la nécessité de rééquilibrer les effectifs de fonctionnaires pour regarnir le niveau déconcentré départemental ou régional.

Mme Anne-Catherine Loisier . - S'agissant du secteur forestier, « on va dans le mur en klaxonnant ». Chacun connaît la situation financière dramatique de l'Office national des forêts avec, comme variable d'ajustement les contributions demandées aux communes. Pour dynamiser la forêt on a, par ailleurs, créé le fonds stratégique mais celui-ci n'est pas suffisamment alimenté si bien qu'on ne reboise pas, ce qui revient à « couper le blé en herbe ». Certes, les chiffres témoignent d'une mobilisation plus forte du bois mais cela nous amène tout droit à des pénuries - tel est d'ores et déjà le cas pour le chêne. Je souhaite qu'on incite davantage les scieurs et les producteurs à renouveler les essences de nos peuplements, avec en particulier des hêtres en très grand nombre qu'il faudrait mobiliser. S'agissant de la taxe sur les défrichements, nous avons été sollicités à juste titre car, même si cela représente des sommes limitées, « il faut réinvestir l'argent de la forêt dans la forêt ».

M. Franck Montaugé . - L'audition du ministre de l'Agriculture hier soir nous a laissé sur notre faim. S'agissant des enjeux de compétitivité ou d'organisation performante de nos filières, le Gouvernement ne dessine pas de perspective claire. Il en va de même pour les revenus des producteurs, la gestion des risques et la polyculture -élevage.

S'agissant de la PAC, l'exécutif pourrait utilement s'appuyer sur le rapport de notre groupe de travail auquel est associé une résolution européenne. Le Gouvernement devrait s'en inspirer et j'aurai souhaité qu'elle puisse faire l'objet d'un débat en séance publique.

Mme Sophie Primas , présidente . - Je vais alerter le gouvernement à ce sujet.

M. Franck Menonville . - Tout d'abord, note positive : dans le contexte de rigueur budgétaire les crédits de l'agriculture sont sauvegardés. Ensuite, il faudra que le Parlement corrige un certain nombre de dispositifs. Je reviens sur la réforme de l'IFI : j'y suis très favorable mais elle comporte une faille dans le domaine foncier : tout particulièrement afin de faciliter les installations de jeunes agriculteurs, il faut que le foncier qui leur est loué par les propriétaires bailleurs puisse être traité comme un bien professionnel.

S'agissant des crédits alloués aux SAFER, je fais observer que son augmentation résulte principalement du fléchage de la politique foncière en Guyane : pour l'hexagone, aucun moyen supplémentaire n'est prévu.

M. Alain Duran . - En ce qui concerne les prédateurs, je voudrais qu'on mette en balance des exigences contradictoires. La directive habitat vante la biodiversité à la fois végétale et animale mais je me demande, par exemple dans les Pyrénées, si les effets de la réintroduction de l'ours compensent suffisamment la perte environnementale liée à la limitation du pastoralisme, seul capable de maintenir ouverts des espaces situés entre 1800 et 2000 mètres d'altitude. Du point de vue de nos agriculteurs qui élèvent des animaux de qualité, il est inacceptable d'alimenter à hauteur de millions d'euros le budget consacré aux prédateurs : la colère monte dans nos campagnes et le Gouvernement doit en prendre la mesure avant qu'il ne soit trop tard.

M. Roland Courteau . - Le secteur viticole pèse à l'exportation huit milliards d'euros, soit l'équivalent de dizaines d'Airbus, de centaines de TGV, avec des milliers d'emplois à la clef et une contribution au rayonnement de la France. Pourtant la récente campagne de prévention de l'alcoolisme, parfaitement légitime dans son principe, cible uniquement le vin et pas les alcools durs. On ne peut pas à la fois promouvoir les vins français à l'étranger et les dénigrer en France. Je demande donc le respect du code de la santé qui interdit les discriminations entre les boissons dans ces actions de prévention. Je rappelle que la consommation de vin a baissé de 60 % au cours des dernières décennies.

M. Daniel Dubois . - Deux courtes observations : tout d'abord, à propos du mal être des agriculteurs évoqué par Laurent Duplomb, je signale la publication d'une étude américaine très sérieuse selon laquelle le Glyphosate ne serait pas cancérigène, ce qui viendrait conforter les indications récentes de l'ANSES. Je voudrais que, si cette étude est indiscutable, nous puissions être porteurs de messages de raison. En second lieu, même si, conjoncturellement, la situation s'améliore sur certains points, il faut continuer à combattre la prolifération des normes qui pèse lourdement et structurellement sur le moral de nos agriculteurs et l'efficacité de leur activité.

Mme Anne-Marie Bertrand . - Un mot pour rappeler qu'il ne faut pas oublier les arboriculteurs et le maraîchage qui utilisent des technologies de pointe mais sont les oubliés de ce budget.

M. Marc Daunis . - Je m'associe aux propos de notre collègue Alain Duran sur les prédateurs et la biodiversité. La problématique est assez similaire dans les Pyrénées et les Alpes maritimes avec l'ours dans le premier cas et le loup dans le second. L'agro-pastoralisme, tel qu'il se pratique dans les Alpes maritimes, ne permet pas de se protéger contre le loup puisque les troupeaux sont laissés en liberté. L'acceptation du loup contraint à abandonner le pastoralisme ce qui entraine à la fois des drames humains et une perte de diversité biologique. Il faut sortir du dogmatisme et cartographier de façon réaliste les endroits compatibles avec la présence du loup.

Mme Sophie Primas , présidente . - Je passe la parole à nos rapporteurs pour avis pour qu'ils puissent répondre aux interventions.

M. Henri Cabanel , rapporteur pour avis . - S'agissant de la raréfaction des installations de fermes marines depuis une vingtaine d'années, je précise qu'elles sont soumises aux règles des Installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) : la complexité administrative est telle que beaucoup se découragent. Le phénomène n'est donc pas lié à l'insuffisance de financement - 30 millions d'euros de crédits ont été consommés sur 588 millions - mais aux difficultés de montage des dossiers. S'y ajoutent, dans le choix des sites, les conflits d'usage avec la pêche et le tourisme.

Par ailleurs, il faut permettre aux Safer de s'autofinancer : chacun sait qu'elles ont « déstocké » en raison de difficultés budgétaires.

Sur le Glyphosate, je rappelle que le Parlement européen a formulé une proposition équilibrée prévoyant une reconduction pendant cinq ans, suivie d'une interdiction. Outre-Atlantique, une autorisation supplémentaire de dix ans a été accordée et cela doit nous conduire à une très grande vigilance et à mettre en place un système de traçabilité permettant, par exemple, d'identifier lorsque l'on achète du pain, la provenance du blé et de la farine qui le compose.

Mme Sophie Primas , présidente . - Les travaux de la mission commune d'information sur les pesticides qui avait rendu son rapport (n° 42, 2012-2013) il y a six ans montrait que des produits non autorisés parviennent à franchir les frontières : le sujet est donc pertinent.

Mme Françoise Férat , rapporteur pour avis . - Je partage l'inquiétude exprimée sur les moyens de l'ANSES : le ministre semble se satisfaire qu'on retrouve le niveau budgétaire de 2016 mais il faudrait aller plus loin et tenir compte de la multiplication des crises sanitaires.

M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis . - Pour prolonger les propos de mon collègue Henri Cabanel, je citerai l'étude sur la lentille verte qui est produite dans mon département : elles sont produites sur la base de 0,1 milligramme par kg de Glyphosate, ce qui correspond à la norme française. D'autres pays exportateurs ont souhaité que la règle soit assouplie au niveau européen : je rappelle que la lentille canadienne est à 4 milligrammes et 5 pour les États-Unis. La norme européenne a été portée à 10 milligrammes par kg et je suis donc surpris de constater que c'est en France, là où les normes sont les plus restrictives, que le débat sur l'interdiction du Glyphosate est le plus vivace.

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous en venons à l'examen des amendements au projet de loi de finances annoncés par nos trois rapporteurs pour avis.

M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis . - Le premier vise à maintenir jusqu'à son terme, c'est-à-dire 2021, le fonds d'accompagnement créé pour prendre en charge les hausses de cotisations sociales dues par les exploitants pénalisés par le passage du régime du forfait au micro-bénéfice agricole. Je rappelle que ce fonds a rendu la réforme plus acceptable et a fait l'objet d'un accord entre l'État et les organisations professionnelles agricoles. Financièrement, la fin du forfait a engendré des économies de fonctionnement pour les services fiscaux, ce qui facilite l'alimentation de ce fonds par l'État prévue à hauteur de 8 millions d'euros de 2017 à 2019, 6 millions d'euros en 2020 et 3 millions d'euros en 2021.

L'article 49 vise à supprimer ce fonds à compter de 2018, estimant que les mesures du PLFSS 2018 devraient davantage alléger les cotisations sociales des agriculteurs. Or, même si le fonds n'est pas utilisé en totalité, il conserve une utilité et l'État doit respecter l'engagement pris en 2015 d'accompagner jusqu'au bout la réforme du forfait agricole.

La commission approuve l'amendement COM-1 de suppression de l'article 49.

M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis . - Le second amendement qui vous est soumis porte sur l'article 49 bis. Introduit par les députés à l'initiative du Gouvernement, cet article vise à faire remonter l'intégralité des « centimes forestiers » perçus par les chambres départementales d'agriculture, jusqu'à présent fléchés vers l'action forestière et le fonctionnement des chambres départementales, à un fonds national piloté par l'assemblée permanente des chambres d'agriculture. Concrètement, les chambres départementales n'auront plus aucun moyen issu de la ressource forestière. Cette réforme conduirait à priver une trentaine de chambres de ressources importantes et de mettre en danger financièrement une dizaine d'entre elles. L'amendement propose donc de ne faire remonter au niveau national qu'une fraction des centimes forestiers, pour ne pas pénaliser les chambres départementales des départements forestiers et leur laisser la maîtrise d'une part de leurs ressources.

La commission approuve l'amendement COM-1 modifiant l'article 49 bis.

Puis la commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 24 octobre 2017 :

- Jeunes Agriculteurs : MM. Aurélien Clavel , vice-président et Romain Quesnel , juriste ;

- Mutualité sociale agricole (MSA) : MM. Michel Brault , directeur général, Franck Duclos , directeur délégué aux politiques sociales et Christophe Simon , chargé des relations parlementaires ;

- Association permanente des chambres d'agriculture (APCA) : MM. Pascal Ferey , vice-président des Chambres d'agriculture France et président de la Chambre d'agriculture de la Manche, Eric Collin , directeur entreprises et conseil et Justin Lallouet , coordinateur des Affaires publiques.

Mercredi 25 octobre 2017 :

- Direction générale de l'alimentation (DGAL) : M. Patrick Dehaumont , directeur général ;

- Agence service et de paiement (ASP) : M. Stéphane Le Moing , président directeur général ;

- Coordination rurale : M. François Lucas , vice-président ;

- Agence Bio : M. Florent Guhl , directeur.

Jeudi 26 octobre 2017 :

- Confédération paysanne : Mme Temanuata Girard , secrétaire générale et M. Dominique Verot , animateur général.

Mercredi 8 novembre 2017 :

- Direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA) : M. Frédéric Gueudar Delahaye , directeur ;

- Office national des forêts (ONF) : MM. Christophe Dubreuil , directeur général et Patrick Soulé , directeur général adjoint ;

- Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) : MM. Robert Verger , président de la commission des affaires sociales et fiscales, Henri Brichart , vice-président et Mme Nadine Normand , attachée parlementaire ;

- FranceAgrimer : Mme Christine Avelin , directrice générale et M. Sébastien Couderc , directeur adjoint de la direction des interventions ;

- Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation (ANSES) : Mmes Caroline Gardette , directrice générale déléguée et Alima Marie , directrice de cabinet ;

- Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) : Mme Catherine Geslain-Laneelle , directrice de cabinet du Ministre de l'Agriculture, M. Philippe Duclaud , chef du service gouvernance et gestion de la PAC et Mme Manon Huré , cheffe du bureau du budget.

Mardi 14 novembre 2017 :

- Fédération nationale du Bois (FNB) : M. Nicolas Douzain , délégué général.


* 1 Un nouveau souffle pour l'agriculture française - FNSEA, mars 2017.

* 2 Agreste conjoncture lait n° 2017/316, octobre 2017.

* 3 Agreste conjoncture porcins n° 2017/303, mai 2017.

* 4 Agreste conjoncture bovins n° 2017/162, octobre 2017.

* 5 Kg en équivalent carcasse : unité de mesure de la consommation de viande.

* 6 Synthèse de FranceAgrimer - Impact de la crise économique sur la consommation de viandes et évolution des comportements alimentaires, juin 2015.

* 7 Source : ITAVI.

* 8 Source : Agrapresse - 12 septembre 2016.

* 9 Sénat - Rapport d'information n° 733 (2015-2016) du 29 juin 2016 du groupe de travail sur les normes en matière agricole.

* 10 Source : La PAC, traverser le cap dangereux de 2020, rapport d'information du Sénat de M. Gremillet, Mme Gruny, MM. Haut et Montaugé, déposé le 20 juillet 2017.

* 11 Agreste - Les Dossiers n° 38 - Février 2017.

* 12 L'abondement du FNGRA par l'État varie beaucoup d'une année sur l'autre : 32,8 millions d'euros en 2010, 9,2 millions d'euros en 2011, 111,8 millions d'euros en 2012. Aucune dotation n'a été nécessaire en 2013, 2014 et 2015.

* 13 Les collectivités territoriales sont mises pour leur part à contribution pour financer le régime forestier à hauteur de 30 millions d'euros à travers les frais de garderie perçus par l'ONF au moment de la vente du bois prélevé sur les forêts des collectivités et une contribution de 2 euros par hectare géré.

* 14 45,6 millions d'euros en AE et CP dans le PLF 2017 et 46,8 m€ en AE et CP dans le PLF 2016.

* 15 Les fermes aquacoles marines et continentales : enjeux et conditions d'un développement durable réussi, avis du Conseil économique, social et environnemental présenté par Mmes Elodie Martinie-Cousty et Joëlle Prévot-Madère.

* 16 Source : Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2016.

* 17 https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl15-585.html.

* 18 http://www.oncfs.gouv.fr/Bulletin-dinformation-du-reseau-Loup-download130.

* 19 Source : mission loup, pilotée par la préfecture de Région d'Auvergne-Rhône-Alpes ( http://www.auvergne-rhone-alpes.developpement-durable.gouv.fr/mission-loup-r1323.html ).

* 20 Source : https://inra-dam-front-resources-cdn.brainsonic.com/ressources/afile/416658-33e37-resource-rapport-aveyron-8nov2017-complet.pdf.

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