C. LES PRINCIPALES MESURES RELATIVES AUX DÉPENSES DE LA BRANCHE FAMILLE POUR 2018

1. L'harmonisation du barème et des plafonds de la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) et du complément familial (article 26)

Cet article prévoit l' alignement par le bas entre, d'une part, l'allocation de base (AB) et la prime à la naissance de la PAJE, et, d'autre part, le complément familial (CF) pour les enfants nés ou adoptés à compter du 1 er avril 2018. S'agissant de l'AB, cet alignement concernerait aussi bien les conditions de ressources que le montant de la prestation. S'agissant de la prime à la naissance, l'alignement sur le complément familial se limiterait aux plafonds de ressources.

En contrepartie, les montants de l'allocation de base et de la prime à la naissance, gelés depuis 2014, bénéficieraient à nouveau d'une revalorisation annuelle à compter du 1 er avril 2018.

a) L'alignement du montant de l'allocation de base sur celui du complément familial

Le montant de l'allocation de base de la PAJE est fixé depuis 2014 à 184,62 euros par mois s'agissant de l'AB à taux plein (1 561 223 allocataires fin 2016) et à 92,31 euros par mois s'agissant de l'AB à taux partiel (151 629 allocataires fin 2016). Le complément familial s'élève quant à lui à 169,02 euros par mois au 1 er avril 2017.

En conséquence, l'alignement du montant de l'AB sur celui du CF aura pour effet de diminuer le montant de l'AB à taux plein de 15,60 euros par mois (soit 187 euros par an) et celui de l' AB à taux partiel de 7,80 euros par mois (soit 94 euros par an).

Cet alignement des montants procurerait une économie de 25 millions d'euros en 2018 , avec une montée en charge progressive jusqu'en 2022 (cf. tableau supra ). À terme, l'ensemble des allocataires de cette prestation, soit environ 1,6 million de familles, seraient touchés par cette diminution .

Les prestations de la PAJE et du complément familial

Créée en 2004, la prestation d'accueil du jeune enfant (PAJE) se compose d'un ensemble de prestations en faveur de la petite enfance :

- une prime à la naissance ou une prime à l'adoption pour chaque enfant, d'un montant de 923,08 euros en 2017, versée sous conditions de ressources deux mois après la naissance ou l'arrivée de l'enfant au foyer ;

- une allocation de base (AB), visant à compenser le coût lié à l'entretien de l'enfant et versée sous conditions de ressources aux personnes ayant au moins un enfant de moins de trois ans à leur charge. L'allocation de base bénéficie à 1 712 852 familles et s'élève depuis 2014 à 184,62 euros par mois s'agissant de l'AB à taux plein (1 561 223 allocataires), 92,31 euros par mois s'agissant de l'AB à taux partiel (151 629 allocataires) ;

- un complément de libre choix d'activité (CLCA) versé au(x) parent(s) qui choisi(ssen)t de ne plus exercer d'activité professionnelle ou de travailler à temps partiel pour s'occuper d'un enfant jusqu'à ses trois ans. Il a été remplacé par la « Prepare » (prestation partagée d'éducation de l'enfant) pour les enfants nés après le 1 er janvier 2015 ;

- un complément de libre choix du mode de garde (CMG), versé sans plafond de ressources pour compenser le coût de la garde d'un enfant jusqu'à ses six ans.

Pour sa part, le complément familial est une prestation, elle aussi soumise à des conditions de ressources, réservée aux familles comptant au moins trois enfants à charge de plus de trois ans (sauf dans les DOM). Au 1 er avril 2017, son montant s'élève à 169,03 euros par mois . Pour les familles comptant plus de trois enfants, cette prestation a ainsi vocation à succéder dans le temps à l'allocation de base.

b) L'alignement des plafonds de l'allocation de base et de la prime à la naissance sur ceux du complément familial

Les plafonds applicables à l'allocation de base ainsi qu'à la prime à la naissance ou à l'adoption sont actuellement plus élevés que les plafonds applicables au complément familial, comme le montre le tableau ci-dessous :

Plafonds de ressources applicables à l'allocation de base à taux plein et au complément familial au 1 er avril 2017

(en euros)

Allocation de base à taux plein

Complément familial

Nombre d'enfants

Couple monoactif

Couple biactif/parent isolé

Couple monoactif

Couple biactif/parent isolé

1 enfant

30 027

38 148

26 184

34 604

2 enfants

35 442

43 563

31 421

39 841

3 enfants

40 857

48 978

37 705

46 125

4 enfants

46 272

54 393

43 989

52 409

Nb : Les plafonds applicables à la prime à la naissance ou à l'adoption ainsi qu'à l'AB à taux partiel correspondent actuellement à 119,47 % du plafond de l'AB à taux plein. Cette différence proportionnelle sera maintenue après réforme.

Source : annexe 10 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2018

L'harmonisation des plafonds proposée aura pour conséquence de resserrer les conditions d'accès à l'allocation de base et à la prime à la naissance ou à l'adoption pour les enfants nés ou adoptés après le 1 er avril 2018 : d'après l'étude d'impact annexée au projet de loi, 4 % des ménages qui auraient été éligibles avant réforme seront ainsi exclus de l'allocation de base, 6 % de la prime à la naissance ou à l'adoption . En outre, 6 % des ménages qui auraient été éligibles à l'allocation de base à taux plein ne seront désormais éligibles qu'à l'allocation de base à taux partiel, dont le montant est égal à la moitié de l'allocation de base à taux plein.

Plafonds de ressources applicables à l'allocation de base et à la prime à la naissance ou à l'adoption pour les enfants nés ou adoptés
à compter du 1 er avril 2018

Nombre d'enfants

AB à taux plein

AB à taux partiel et prime à la naissance ou à l'adoption

Couple monoactif

Couple biactif/parent isolé

Couple monoactif

Couple biactif/parent isolé

1 enfant

26 184 €

34 604 €

31 282 €

41 341 €

2 enfants

31 421 €

39 841 €

37 539 €

47 598 €

3 enfants

37 705 €

46 125 €

45 046 €

55 106 €

4 enfants

43 989 €

52 409 €

52 554 €

62 613 €

Source : commission des finances du Sénat, à partir de l'étude d'impact annexée au projet de loi et des plafonds actuellement applicables au complément familial (qui seront revalorisés au 1 er janvier 2018).

Compte tenu de la nouvelle structure du barème (cf. tableau supra ), le resserrement touchera plus particulièrement les ménages avec un seul revenu d'activité et un seul enfant , pour lesquels le plafond de ressources est abaissé de 13 %. À titre d'exemple, un couple monoactif avec un enfant sera concerné par la double perte d'éligibilité à la prime à la naissance et à l'allocation de base (soit une perte totale de prestations de 2 030 euros l'année suivant la naissance ou l'adoption de l'enfant 129 ( * ) ) dès 31 282 euros de revenus annuels, soit environ 2 600 euros de revenus par mois. Pour un couple biactif avec un enfant, cette même double perte d'éligibilité s'appliquera dès le seuil de 3 445 euros de revenus mensuels, soit l'équivalent de deux revenus de 1 722 euros.

D'après les données fournies par la CNAF à votre rapporteur, cette mesure devrait produire une économie de 500 millions d'euros par an à compter de 2022 , à l'issue de sa montée en charge. Au total, l'ensemble de cette mesure représentera entre 1 108 et 2 030 euros de perte de prestations par an pour les quelque 150 000 familles qui seront progressivement concernées à compter du 1 er avril 2018 130 ( * ) .

À terme, ce sont ainsi :

- 10 % des familles actuellement éligibles, soit environ 150 000 familles, qui perdront leur droit à l'allocation de base ou verront son montant divisé par deux ;

- 6 % qui perdront leur droit à la prime à la naissance ou à l'adoption ;

- tous les allocataires restants, soit environ 1,6 million de familles, qui verront le montant de l'allocation de base diminuer de 8,5 % par rapport au montant auquel ils auraient pu prétendre avant réforme.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre rapporteur pour avis propose la suppression de l'article 26, et demande également au Gouvernement de renoncer aux mesures réglementaires qui seront prises à l'encontre de l'intérêt des familles et qui fragilisent l'ensemble de notre système de protection sociale.

2. La majoration du complément de mode de garde pour les familles monoparentales (article 25)

Cet article propose de majorer le montant maximum du complément de libre choix du mode de garde (CMG) pour les familles monoparentales .

Cette mesure est complétée par la reconnaissance d'un droit à l'erreur en faveur des familles , qui leur permettra de percevoir de manière rétroactive leur droit au CMG dans la limite d'un mois suivant le premier mois de garde.

D'après les engagements pris par le Gouvernement, la majoration du montant maximal de CMG, qui doit être fixée par décret avant le 1 er octobre 2018, sera égale à 30 % , afin de correspondre à la majoration déjà appliquée aux parents bénéficiant de l'allocation aux adultes handicapés.

Le complément de libre choix du mode de garde (CMG)

Le complément de libre choix du mode de garde (CMG) est versé, sans plafond de ressources, aux familles qui font garder leur(s) enfant(s) de moins de six ans par un mode d'accueil individuel (assistant maternel ou garde à domicile). En 2016, il concernait 861 000 familles, dont 88 000 familles monoparentales, pour une dépense totale de 6,2 milliards d'euros par an.

Le CMG « emploi direct » est versé aux familles qui emploient directement un assistant maternel ou une garde à domicile. Il consiste en :

- une prise en charge des cotisations et contributions sociales liées à la rémunération de la personne : à hauteur de 100 % pour l'emploi d'un assistant maternel et de 50 % pour l'emploi d'une garde à domicile, dans la limite d'un montant plafond variable selon l'âge de l'enfant ;

- une prise en charge maximale de 85 % de la rémunération nette du salarié, dans la limite d'un montant plafond variable selon les ressources et la composition du foyer.

En 2016, la CNAF dénombrait 780 445 bénéficiaires du CMG « emploi direct », dont 69 730 familles monoparentales.

Le CMG « structure » est versé aux familles qui recourent à un tiers (association, entreprise ou micro-crèche) qui emploie, pour son compte, une personne (assistant maternel ou garde à domicile) chargée d'assurer la garde des enfants. Il consiste en une prise en charge globale qui ne peut excéder 85% du coût de la garde facturé par l'employeur, dans la limite d'un montant plafond variable selon les ressources et la composition du foyer.

En 2016, la CNAF dénombrait environ 66 000 bénéficiaires du CMG « structure ».

En plus du CMG, les parents qui font garder leur enfant bénéficient d'une aide fiscale, sous la forme d'un crédit d'impôt sur le revenu égal à 50 % des sommes versées, déduction faite des aides de la CAF ou de l'employeur.

Le tableau ci-dessous détaille, par tranche de revenus, les montants avant et après majoration qui s'appliquent aux familles monoparentales :

Impact de la mesure sur le barème du complément de libre choix du mode de garde (CMG) applicable aux familles monoparentales

Nombre d'enfants à charge

Revenus

Inférieurs à

Ne dépassant pas

Supérieurs à

1 enfant

28 713 €

63 805 €

63 805 €

2 enfants

32 788 €

72 862 €

72 862 €

3 enfants

35 663 €

81 918 €

81 918 €

Montant plafond du CMG "emploi direct"

Avant majoration de 30 %

Après majoration de 30 %

Avant majoration de 30 %

Après majoration de 30 %

Avant majoration de 30 %

Après majoration de 30 %

Enfant de moins de 3 ans

462,78 €

599,82 €

291,82 €

377,31 €

175,07 €

226,92 €

Enfant de 3 à 6 ans

231,39 €

299,91 €

145,91 €

189,14 €

87,54 €

113,46 €

Montant plafond du CMG "structure" (assistant maternel)

Avant majoration de 30 %

Après majoration de 30 %

Avant majoration de 30 %

Après majoration de 30 %

Avant majoration de 30 %

Après majoration de 30 %

Enfant de moins de 3 ans

700,31 €

907,66 €

583,60 €

756,39 €

466,88 €

605,14 €

Enfant de 3 à 6 ans

350,15 €

453,83 €

291,80 €

378,20 €

233,44 €

302,57 €

Montant plafond du CMG "structure" (garde à domicile ou micro-crèche)

Avant majoration de 30 %

Après majoration de 30 %

Avant majoration de 30 %

Après majoration de 30 %

Avant majoration de 30 %

Après majoration de 30 %

Enfant de moins de 3 ans

846,22 €

1 096,80 €

729,49 €

945,48 €

612,77 €

796,60 €

Enfant de 3 à 6 ans

423,11 €

548,40 €

364,74 €

472,74 €

306,39 €

397,10 €

Source : commission des finances du Sénat, à partir de l'étude d'impact annexée au projet de loi, sur la base des montants de CMG en vigueur au 1 er avril 2017 (qui seront revalorisés le 1 er avril 2018)

Selon la configuration et le montant des revenus de la famille, le plafond du choix du mode de garde se verra ainsi rehaussé au minimum de 26 euros , la hausse pouvant atteindre 250 euros par mois dans certaines situations (cf. cases en gras dans le tableau ci-dessus).

Le reste à charge de 15 % du coût de la garde demeurant inchangé, cette majoration ne concernerait, d'après les estimations de la CNAF, que 53 % des familles monoparentales ayant recours au CMG 131 ( * ) , soit environ 44 000 bénéficiaires répartis de la manière suivante.

Type de CMG

Nombre de familles monoparentales bénéficiant d'une majoration

CMG emploi direct (assistant maternel)

35 965

CMG emploi direct (garde à domicile)

3 607

CMG structure

4 227

Total

43 799

Source : CNAF

Parmi les 44 000 bénéficiaires de la majoration, seuls 49,1 % (soit environ 21 500 familles) verront le montant de leur CMG majoré de 30 %, les 50,9 % restants bénéficiant d'une majoration inférieure (estimée par la CNAF à 13 % en moyenne), de manière à conserver un reste à charge de 15 %.

Compte tenu des délais nécessaires à sa mise en oeuvre, cette mesure entrerait en vigueur le 1 er octobre 2018 , limitant son coût à 10 millions d'euros pour l'exercice 2018 . La mesure aurait ensuite un coût annuel de 40 millions d'euros en année pleine .


* 129 923,08€ de prime à la naissance et 12x92,31€ d'allocation de base à taux partiel.

* 130 12x92,31€ pour les familles exclues des nouveaux plafonds de l'allocation de base à taux partiel ainsi que pour les familles qui passeront de l'allocation de base à taux plein à l'allocation à taux partiel, auxquels s'ajoutent, pour les familles qui seront exclues de la prime à la naissance, 923,08€ de moindre prestation l'année de naissance de l'enfant (sur la base des montants au 1 er avril 2017).

* 131 Pour les 47 % de familles monoparentales restantes, la majoration du CMG conduirait à un reste à charge inférieur au seuil de 15 %. Le montant de CMG qui leur est versé n'évoluera donc pas.

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