B. MESURE RELATIVE À LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE SOCIALE (ARTICLE 57)

1. Les organismes de sécurité sociale, principalement l'assurance maladie, disposent d'outils de lutte contre la fraude sociale peu dissuasifs

Diverses dispositions ont été introduites lors des précédentes lois financières en vue de renforcer la lutte contre la fraude sociale , qu'elle porte sur les prestations ou sur les cotisations.

S'agissant de la lutte contre la fraude aux prestations sociales , « les montants détectés sont relativement faibles si on les rapporte au volume des prestations : 0,15 % pour la branche maladie, 0,08 % pour la branche vieillesse, 0,4 % pour la branche famille », comme l'ont rappelé nos collègues Agnès Canayer et Anne Emery-Dumas dans un rapport 73 ( * ) : en 2016, 540 millions d'euros de fraude aux prestations ont ainsi été détectés par les organismes de sécurité sociale (+ 7 % par rapport à 2015).

La sanction de la fraude aux prestations constitue le socle d'une politique efficace de lutte contre la fraude aux prestations sociales. Aux termes de l'article L. 114-9 du code de la sécurité sociale, au-delà de 4 PASS pour les prestations vieillesse et 8 PASS pour les autres prestations, les caisses ont l'obligation légale de déposer une plainte au pénal .

L'assurance maladie peut également saisir les juridictions ordinales d'une plainte devant la section des assurances d'un conseil régional d'un ordre. Ces sanctions ordinales sont particulièrement dissuasives : d'après l'évaluation préalable, en 2015, 87 % des décisions des Ordres ont consisté en l'interdiction de donner des soins aux assurés, pour une durée de un à six mois. Toutefois, ces saisines ne permettent pas aux organismes de sécurité sociale  de recouvrer les montants indûment perçus dans tous les cas. Par exemple, lorsqu'un ordre constate un abus d'actes 74 ( * ) sur saisine d'un organisme d'assurance maladie, ce dernier n'obtient pas le reversement du trop-remboursé .

Les sanctions administratives offrent quant à elles des dispositifs lisibles, rapides et directement opposables aux assurés . Or force est de constater que les outils à disposition des organismes de sécurité sociale en matière de sanctions administratives apparaissent à l'heure actuelle peu dissuasifs. Parmi ces instruments figurent :

- la pénalité administrative , prononcée par le directeur d'un organisme local d'assurance maladie 75 ( * ) , ou par le directeur de l'organisme chargé de la gestion des prestations familiales ou d'assurance vieillesse 76 ( * ) . Le montant de la pénalité est fixé en fonction de la gravité des faits reprochés, soit proportionnellement aux sommes concernées , dans la limite de 50 % de celles-ci pour la branche maladie, soit forfaitairement dans la limite de 2 fois le PMSS pour les branches maladie, famille et vieillesse. En outre, le montant de la pénalité est doublé en cas de récidive dans les trois ans .

En 2016, 3 200 pénalités financières ont été prononcées par les directeurs des CPAM, pour un montant de 7 millions d'euros.

- l' avertissement offre un instrument de gradation des sanctions, en ce qu'elle concerne les cas de fraude de moindre gravité. Il permet de tenir compte de la situation financière des assurés , mais en cas de réitération d'un comportement frauduleux dans les trois ans, constitue une première sanction autorisant le doublement du montant des pénalités financières.

L'assurance maladie a adressé en 2016 plus de 2 600 avertissements.

La possibilité de prononcer un avertissement n'existe actuellement qu'à un certain point de la procédure et seulement pour certaines fraudes commises uniquement au détriment de l'assurance maladie .

Au contraire, en cas de précarité de la situation du débiteur, seule la branche famille dispose actuellement d'une interdiction de remise de dettes en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausse déclaration.

S'agissant de la lutte contre le travail dissimulé , les inspecteurs du recouvrement disposent d'un droit de communication des documents nécessaires pour accomplir leur mission : le refus d'y déférer est puni d'une amende. Ce droit de communication peut porter sur des informations relatives à des personnes non identifiées 77 ( * ) . Or, cette sanction ne peut être appliquée par les URSSAF en matière de droit de communication visant des personnes non identifiées, dans la mesure où en l'absence de communication, il n'est pas possible de déterminer une amende proportionnelle à un nombre de cotisants, assurés ou allocataires puisque ce nombre reste inconnu.

2. Un renforcement proposé de l'arsenal des outils de lutte contre la fraude aux prestations

Dans cette perspective, le présent article prévoit utilement de modifier le cadre juridique des sanctions administratives :

- d'abord, en les rendant plus dissuasives, en relevant le quantum des pénalités financières que peuvent prononcer les organismes d'assurance maladie, comme le décrit le tableau ci-dessous ;

- ensuite, en permettant aux branches familles et vieillesse de prononcer des avertissements.

En outre, deux mesures visent à éviter les pertes de recettes pour les organismes d'assurance maladie résultant des remises de dette partielle ou totale prévues en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausses déclarations, et du non reversement du trop-remboursé par les praticiens en cas de condamnation par les juridictions ordinales pour abus d'actes.

Ainsi, il est ainsi proposé que le praticien condamné par la juridiction ordinale pour abus d'acte reverse les sommes indûment perçues aux organismes de sécurité sociale. Au surplus, comme c'est actuellement le cas pour la branche famille, les remises de dettes en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausse déclaration seraient désormais interdites pour la branche famille.

DEUXIÈME PARTIE
LES MESURES RELATIVES AUX RECETTES

- 81 -


* 73 « Lutter contre la fraude sociale, un impératif pour le juste droit », rapport d'information n° 599 d'Agnès Canayer et Anne Emery-Dumas fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat, 2016-2017.

* 74 Actes réalisés en méconnaissance des règles fixant les modalités de prise en charge ou de remboursement par l'assurance maladie (article L. 162-1-7 du CSS). Il peut, par exemple, s'agir du non-respect de la classification commune des actes médicaux (CCAM) ou des conditions particulières de prescription, d'utilisation ou de réalisation de l'acte ou de la prestation.

* 75 Aux termes de l'article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale.

* 76 Aux termes de l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale

* 77 Dans les conditions fixées par le décret n° 2017-859 du 9 mai 2017 relatif aux conditions d'exercice du droit de communication mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 114-19 du code de sécurité sociale en Conseil d'État pris après l'avis de la CNIL du 9 mai 2017.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page