D. LA CRÉATION D'UN DISPOSITIF D'EXONÉRATION GÉNÉRALISÉ DE DÉBUT D'ACTIVITÉ POUR LES CRÉATEURS D'ENTREPRISES (ARTICLE 9)

1. Conditions d'accès à l'aide au chômeur créant ou reprenant une entreprise (ACCRE)
a) Une exonération de cotisations sociales pendant un an

Créée par la loi n° 79-10 du 3 janvier 1979 portant diverses mesures en faveur des salariés privés d'emploi qui créent une entreprise, l'aide au chômeur créant ou reprenant une entreprise (ACCRE) vise à soutenir la création ou la reprise d'entreprises par les demandeurs d'emploi 66 ( * ) .

L'aide prend la forme d' une exonération de cotisations sociales 67 ( * ) (cotisations patronales et salariales d'assurance maladie, maternité, vieillesse, invalidité, décès et d'allocations familiales) pendant un an pour la fraction de revenu n'excédant pas 1,2 SMIC au titre de l'activité créée ou reprise . Pour les personnes relevant du régime micro-social prévu à l'article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale, l'aide prend la forme d'un taux de cotisations dérogatoire et progressif sur trois ans .

Les crédits destinés à compenser à la sécurité sociale le coût de l'ACCRE sont portés par l'action 03 « Développement de l'emploi » du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi » de la mission « Travail et emploi ». Une dotation de 217 millions d'euros en AE comme en CP est inscrite à ce titre dans le projet de loi de finances pour 2018 .

b) Des conditions d'éligibilité modifiées par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017

Pour bénéficier de l'aide, le créateur ou repreneur de l'entreprise doit en exercer effectivement le contrôle 68 ( * ) (article L. 5141-1 du code du travail).

Par ailleurs, l'article R. 5141-3 du code du travail fixe un délai de trois ans entre deux demandes d'aide : « lorsqu'une personne a obtenu le bénéfice d'une aide à la création, à la reprise d'entreprise ou pour l'exercice d'une autre profession non salariée, elle ne peut obtenir à nouveau cette aide qu'à l'expiration d'un délai de trois ans suivant la précédente décision ».

Enfin, à la suite de deux rapports de 2010 69 ( * ) et 2015 70 ( * ) appelant à la prise en compte des revenus dans les critères d'éligibilité de l'aide, l'article 6 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 71 ( * ) a institué un plafond de revenu fixé à 75 % du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS ; soit 29 421 euros en 2017) au-dessus duquel le montant de l'aide est dégressif.

Le décret du 8 mars 2017 a précisé les modalités de plafonnement en fonction du niveau de revenus des montants d'exonérations au titre de l'ACCRE. L'exonération est nulle lorsque le revenu est supérieur ou égal au plafond annuel de la sécurité sociale (soit 39 228 euros en 2017).

2. Le dispositif proposé : un élargissement de l'ACCRE à l'ensemble des créations ou reprises d'entreprise

L'article 9 du présent projet de loi de financement prévoit la mise en place, à compter du 1 er janvier 2019 , d'un dispositif d'exonération « des cotisations dues aux régimes d'assurance maladie, maternité, veuvage, vieillesse, invalidité et décès et d'allocations familiales » dont sont redevables les créateurs et repreneurs d'entreprise au début de leur activité .

Il étend ainsi le bénéfice de l'ACCRE , renommée « exonération de début d'activité de création ou reprise d'entreprise », à l'ensemble des repreneurs ou créateurs d'entreprise au titre de leur début d'activité . Cette exonération sera accordée pour une durée de douze mois .

Comme pour l'ACCRE, le bénéfice de cette « année blanche » sera soumis à une condition de revenu , identique à celle actuellement en vigueur pour l'ACCRE.

Le premier alinéa du 3° du I précise que le bénéfice de cette exonération « ne peut être cumulé avec tout autre dispositif de réduction ou d'abattement applicable à ces cotisations ». Deux exceptions sont cependant prévues pour les dispositifs inscrits aux articles L. 613-1 et L. 621-3 du code de la sécurité sociale, créés par l'article 7 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui correspondent aux allègements pérennes de cotisations sociales en faveur des indépendants et destinés à compenser la hausse de la CSG.

Enfin, le second alinéa du 3° du I de l'article 9 fixe un « délai de carence » de trois ans. Ce délai ne court cependant plus à partir de « la précédente décision » mais de « la date à laquelle elle a cessé d'en bénéficier au titre d'une activité antérieure » .

Cette évolution apparaît moins favorable pour le demandeur dans la mesure où, dans le dispositif actuel, la première période durant laquelle il a bénéficié de l'aide est prise en compte dans les trois ans, ce qui ne sera pas le cas dans le dispositif prévu par l'article 9.

3. Une mesure bienvenue mais dont la mise en oeuvre soulève des questions

Selon l'évaluation préalable de l'article 9, l'exonération prévue devrait bénéficier à 350 000 créateurs ou repreneurs d'entreprise, en plus des 250 000 bénéficiaires actuels de l'ACCRE .

Le coût de ce dispositif, qui fera l'objet d'une compensation par l'État, est estimé à 200 millions d'euros en 2019, 270 millions d'euros en 2020 et 310 millions d'euros à compter de 2021 .

Ce soutien massif apparaît de nature à favoriser les créations d'entreprises . Le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires de 2010 précité relevait ainsi que « les entreprises bénéficiaires de l'ACCRE présentent un taux de survie plus élevé que les entreprises non bénéficiaires , et ce même après trois ans, soit après la fin de l'exonération : pour les bénéficiaires, le taux de survie à trois ans est de 70 % pour les entreprises artisanales et de 66 % pour les entreprises commerciales, contre respectivement 62 % et 54 % pour les entreprises non bénéficiaires. Bien que générant des revenus plus faibles l'année de leur création, les entreprises des bénéficiaires de l'ACCRE connaissent une progression de leur revenu les rapprochant, au bout de trois ans, des niveaux des entreprises créées par les non bénéficiaires ».

Par ailleurs, la généralisation de l'exonération permettra de simplifier la vie des bénéficiaires en allégeant les procédures . Votre rapporteur pour avis estime cependant que ce dispositif comporte deux risques :

- un possible report des reprises ou créations d'entreprises envisagées en 2018 à 2019 , les repreneurs ou créateurs d'entreprise préférant attendre un an pour bénéficier de l'exonération ;

- un éventuel effet d'aubaine , l'ensemble des créations ou reprises d'entreprises ouvrant droit à l'exonération (sous réserve de respecter les conditions de revenu).


* 66 Si l'aide était initialement destinée aux seuls demandeurs d'emploi, la liste de ses bénéficiaires a peu à peu été élargie. La liste des bénéficiaires potentiels figure à l'article L. 5141-1 du code du travail.

* 67 Article L. 161-1-1 du code de la sécurité sociale.

* 68 L'article R. 5141-2 du code du travail fixe plusieurs critères permettant de vérifier cette condition.

* 69 Conseil des prélèvements obligatoires, Entreprises et « niches » fiscales et sociales, des dispositifs dérogatoires nombreux, octobre 2010.

* 70 Inspection générale des finances et inspection générale des affaires sociales, revue de dépenses sur les exonérations et exemptions de charges sociales spécifiques, juin 2015.

* 71 Loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017.

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