C. UNE STRATÉGIE DE TRANSFERTS TRANSITOIRE ET OPPORTUNE

1. Une stratégie transitoire, laissant en suspens la question des ressources des régimes sociaux

La perte de recettes pour l'Unédic résultant de la suppression des cotisations d'assurance chômage proposée à l'article 7 du présent projet de loi de financement serait intégralement compensée par l'ACOSS en 2018.

D'après le directeur de l'ACOSS, Yann-Gaël Amghar, entendu par la commission des affaires sociales du Sénat dans le cadre de l'examen du présent projet de loi 45 ( * ) le 25 octobre 2017, la modification du financement de l'assurance chômage prévue à l'article 7 « fait en quelque sorte de l'ACOSS une chambre de compensation entre l'État et l'Unédic ».

L'ACOSS continuerait à verser aux régimes d'assurance chômage les sommes correspondant aux contributions salariales exonérées. Cette « compensation » serait financée par l'affectation de 5,64 % de TVA à l'ACOSS, proposée par l'article 26 du projet de loi de finances. Or, cette fraction de TVA est fixée en fonction du coût estimé des exonérations à date d'aujourd'hui. Un écart entre le coût de l'exonération et le niveau de la compensation n'est donc pas à exclure , et reposerait sur la sécurité sociale :

- dans le cas où les recettes de TVA seraient supérieures aux charges résultant de la compensation à l'Unédic, le surplus de recettes serait redistribué aux branches du régime général ;

- si les recettes de TVA se révélaient inférieures aux charges résultant de la compensation à l'Unédic, le poids des pertes serait réparti entre les branches du régime général .

Les informations transmises par la direction de la sécurité sociale confirment cette analyse : « si un écart est constaté en fin d'année entre ces charges et ces produits, celui-ci sera imputé entre les différentes branches du régime général, afin de garantir que le résultat de l'ACOSS demeure nul ».

« Pour l'instant, nous percevons les cotisations chômage et les versons à l'organisme bénéficiaire. Aux termes de cet article, les salariés seront exonérés de cotisation, conduisant à une perte de recettes pour l'assurance chômage. Nous continuerons toutefois à verser à l'Unédic des ressources intégrant le montant de ces exonérations, la compensation étant effectuée par l'affectation à l'ACOSS d'une recette fiscale, en l'espèce d'une part de TVA . L'écart potentiel entre cette dernière et les ressources qui auraient été obtenues par les cotisations salariales, qu'il soit positif ou négatif, sera réparti entre les différentes branches du régime général par arrêté interministériel . Cela répond à un double objectif : préserver les recettes de l'assurance chômage sans pour autant créer de relations financières directes entre l'État et cette dernière (...)

À la différence des exonérations compensées par voie budgétaire, la compensation ne s'effectue pas à l'euro près. Il s'agit d'une recette affectée pour 2018 ; en 2019, les modalités de compensation pourront être revues . Un décalage est donc possible, dans les deux sens, entre le coût de l'exonération et le montant de la compensation. Le solde pourrait être positif pour l'ACOSS si le niveau de la consommation permet des rentrées de TVA plus dynamiques que la masse salariale ».

Source : Yann-Gaël Amghar, directeur de l'ACOSS, compte-rendu de la commission des affaires sociales du Sénat, 25 octobre 2017.

Or aucune raison ne justifie de faire peser sur la sécurité sociale le poids éventuel de l'écart qui pourrait apparaître entre les recettes de TVA affectées à l'ACOSS et le coût des exonérations de cotisations d'assurance chômage . D'ailleurs, le Gouvernement insiste sur le caractère transitoire d'une stratégie de transferts pour le moins contestable :

- des réformes de la gouvernance de l'Unédic et sur l'avenir de l'assurance chômage ont été annoncées par le Gouvernement ; aussi l'évaluation préalable de l'article 18 précise-t-elle que « le schéma financier retenu entre l'ACOSS et l'assurance chômage présente un caractère transitoire, de manière à ne pas préempter les négociations avec les partenaires sociaux relatives à l'avenir de l'assurance chômage »;

- la perte de recettes pour l'Unédic des exonérations de cotisations chômage, étalées en deux temps, s'élève à 9,4 milliards d'euros en 2018, mais pourrait s'élever à près de 13 milliards d'euros en année pleine. La stratégie de compensation à l'Unédic choisie pour 2018 ne pourra être utilisée en 2019, sauf à augmenter le pourcentage de produit de TVA affecté à l'ACOSS. Le Gouvernement concède ainsi qu'en 2019, le schéma de transferts devra être intégralement repensé .

Alors que les recettes basées sur les cotisations sociales devraient logiquement s'amenuiser, et que le surplus de recettes résultant de l'augmentation de la CSG en contrepartie de la suppression des cotisations salariales est « restitué » à l'État, la question des ressources des régimes sociaux n'est pas réglée . Cette question est ainsi renvoyée au rapport sur la rénovation des relations financières entre l'État et la sécurité sociale , que le Gouvernement devrait remettre au Parlement avant la fin du premier trimestre 2018, aux termes de l'article 23 du projet de loi de programmation des finances publiques pour 2018 à 2022.

2. Une stratégie opportune, qui grève le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) d'une partie de ses recettes

L'amélioration de la situation économique 46 ( * ) et l'augmentation de 1,7 point du taux de CSG sur les revenus du capital auraient pu permettre un redressement plus marqué de la situation financière du FSV . Or le solde du FSV ne s'améliorerait que légèrement en 2018 , pour atteindre 3,4 milliards d'euros, soit une amélioration de 200 millions d'euros par rapport à 2017 (cf. infra ).

Alors que l'augmentation du taux de la CSG sur les revenus du capital devait augmenter les recettes du FSV - de 2,1 milliards d'euros -, le projet de loi de finances prévoit, dans le cadre du schéma de transfert proposé à l'article 26, un transfert de la totalité du rendement du prélèvement de solidarité sur le capital , actuellement affecté au FSV, à l'État, soit 2,6 milliards d'euros . L'effet de la hausse du taux de CSG est ainsi plus que neutralisé par le transfert de recettes proposé par le projet de loi de finances.

Ces mesures dégraderaient le solde du FSV de 600 millions d'euros en 2018 et de 3,5 milliards d'euros d'ici 2021.


* 45 Compte-rendu de la commission des affaires sociales du Sénat, 25 octobre 2017.

* 46 En effet, la mission principale du FSV consistant à financer la prise en charge des cotisations des chômeurs, son solde est très sensible au niveau de l'emploi.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page