AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Aux termes de l'article 34 de la Constitution, « les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques ».

Les lois de programmation définissent une trajectoire sur une période donnée pour l'ensemble des administrations publiques (État, organismes de sécurité sociale, collectivités territoriales) ; elles n'ont cependant pas de portée juridique supérieure à celles des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.

Comme les lois de programmation précédentes, le présent projet de loi comporte deux titres. Le titre premier est consacré aux orientations pluriannuelles des finances publiques ; il présente successivement les objectifs généraux des finances publiques, l'évolution des dépenses publiques sur la période 2017 à 2022, et définit des règles relatives à l'évolution des recettes publiques et au pilotage des niches fiscales et sociales. Le titre II comporte les dispositions permanentes de la loi de programmation relatives à la gestion des finances publiques et à l'information et au contrôle du Parlement. Il prévoit notamment un mécanisme de contrôle de cohérence entre les lois de programmation sectorielles et la trajectoire des finances publiques, consacre un chapitre spécifique aux administrations de sécurité sociale et prévoit son articulation avec les précédentes lois de programmation.

Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 prévoyait une limitation du déficit public à 3 % du PIB en 2013 et un solde structurel ramené à 0,5 % du PIB en 2015 pour parvenir à l'équilibre des comptes publics en 2016 et 2017.

Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019 reportait à 2019, en toute fin de période, l'atteinte de l'objectif à moyen terme de 0,4 % du PIB de solde structurel, tandis que l'équilibre des comptes publics n'était pas atteint au cours de la période de programmation.

Le présent projet de loi de programmation prévoit un solde public de - 0,2 % du PIB en 2022. Ainsi que le souligne son exposé des motifs, ses objectifs sont particulièrement ambitieux : « La trajectoire des finances publiques présentée traduit l'ambition du Gouvernement de réduire à la fois le déficit public, la dépense publique et les prélèvements obligatoires, tout en finançant les priorités du Gouvernement ».

En application de l'article 22 du Règlement du Sénat, votre commission des affaires sociales « procède à l'évaluation de toute question relative aux finances de la sécurité sociale ». Elle se saisit ainsi pour avis des projets de loi de programmation des finances publiques renvoyés au fond à la commission des finances.

Cette saisine pour avis se justifie aussi par la part des dépenses des administrations de sécurité sociale dans les dépenses publiques en volume et en dynamique.

En 2016, les administrations de sécurité sociale représentaient 580,7 milliards d'euros en recettes, soit 26,1 % du PIB.

Les dépenses des administrations de sécurité sociale s'établissaient à 583,6 milliards d'euros. Elles représentaient 26,2 % du PIB.

Au total, les administrations de sécurité sociale représentent 46,4 % des dépenses des administrations publiques (1 257 milliards d'euros) et 54 % des prélèvements obligatoires (535,6 milliards d'euros sur un total de 990,7 milliards d'euros) soit 24 % du PIB, les prélèvements obligatoires au profit des administrations publiques représentant 44,4 % du PIB.

Depuis 2008, les dépenses des administrations de sécurité sociale ont progressé de 107,4 milliards d'euros et la part dans le PIB des prélèvements obligatoires au profit des administrations de sécurité sociale a progressé 1,2 point. Le solde est passé d'un excédent de 14 milliards d'euros à un déficit de 2,9 milliards d'euros. Ce déficit s'établissait, en 2010, à 23,2 milliards d'euros.

Sur les 29 articles du projet de loi de programmation, trois ensembles de dispositions intéressent plus particulièrement votre commission des affaires sociales, les articles programmatiques, les articles propres aux Asso et les articles relatifs au pilotage et à l'information du Parlement.

L' article 1 er propose l'approbation du rapport annexé et des mesures sous-jacentes à la programmation des finances publiques.

L' article 2 définit l'évolution du solde structurel au regard de l'objectif à moyen terme des administrations publiques.

L' article 3 fixe la trajectoire de moyen terme en termes de solde effectif et de solde structurel pour l'ensemble des administrations publiques, avec une décomposition du solde effectif entre les différents sous-secteurs des administrations publiques.

L' article 4 fixe l'objectif d'effort structurel pour l'ensemble des administrations publiques.

L' article 5 fixe des objectifs de taux de dépense publique et de prélèvements obligatoires par rapport au PIB.

L' article 6 met en place un mécanisme de correction lorsque les écarts à la trajectoire de solde structurel sont « importants » au sens de la loi organique du 17 décembre 2012.

L' article 7 fixe, par sous-secteurs des administrations publiques, des objectifs d'évolution de la dépense publique.

L' article 9 fixe l'objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale et l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour l'ensemble de la période de programmation.

L' article 11 définit une norme de diminution minimale des dépenses de gestion administrative des régimes obligatoires de sécurité sociale au sein des conventions d'objectifs et de gestion.

L' article 16 définit un plancher de mesures nouvelles relatives aux prélèvements obligatoires.

Les articles 17 et 18 sont relatifs au pilotage des niches fiscales et sociales.

L' article 22 est relatif à la situation financière des établissements publics de santé.

L' article 23 prévoit la publication d'un rapport sur la rénovation des relations financières entre l'État et la sécurité sociale.

L' article 27 prévoit la transmission annuelle au Parlement d'un bilan de la mise en oeuvre de la loi de programmation et des articles en vigueur des lois de programmation précédentes.

L' article 29 abroge la loi n° 2014-1653 du 31 décembre 2014 de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, à l'exception de ses articles 12, 26, 30 et 34.

I. LA TRAJECTOIRE PROPOSÉE EN MATIÈRE DE FINANCES SOCIALES

A. LA TRAJECTOIRE GÉNÉRALE ET LES PRINCIPALES HYPOTHÈSES

1. Un quasi-équilibre des finances publiques en fin de programmation

La trajectoire des finances publiques proposée par le projet de loi prévoit un solde effectif de - 0,2 point de PIB en 2022. Ce déficit se concentre sur les administrations publiques centrales ; il se creuse en 2019 (- 3 points de PIB), en raison de l'impact de la transformation du CICE en allègements de cotisations, avant de se redresser très fortement en 2020 (- 1,5 point de PIB) et de poursuivre une trajectoire de réduction de 0,6 point de PIB par an jusqu'en 2022.

Solde public effectif par catégorie d'administrations publiques

(en points de PIB)

Source : Projet de loi de programmation des finances publiques 2018-2022

2. Une trajectoire de solde qui suppose un effort en dépenses

Pour ce qui concerne l'analyse des prévisions économiques de court terme, votre rapporteur général renvoie utilement au rapport de votre commission des finances, saisie au fond et à l'avis 1 ( * ) du Haut Conseil des finances publiques relatif aux projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour l'année 2018.

Pour ce qui concerne le diagnostic d'entrée dans la programmation, le Gouvernement a fait le choix d'une forte révision à la baisse de l'écart de production 2 ( * ) , en l'estimant à - 1,5 %, par rapport, notamment à l'estimation de - 3,1 % retenue par le programme de stabilité présenté en avril 2017.

Cette révision se traduit par une hausse significative de la part structurelle du déficit public portée, pour 2016, à - 2,5 % du PIB contre - 1,5 %. C'est sur cette part structurelle du déficit que les engagements européens de la France fixent un « objectif de moyen terme », OMT, auquel notre pays doit parvenir au moyen d'un « ajustement structurel » annuel que l'on pourrait traduire par les efforts à consentir.

Évolution du solde et de la dette publics

(en points de PIB brut)

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Solde conjoncturel (1)

- 0,6

- 0,4

- 0,1

0,1

0,3

0,6

Mesures ponctuelles et temporaires (2)

- 0,1

- 0,1

- 1

- 0,1

- 0,1

0

Solde structurel (en points de PIB potentiel) (3)

- 2,2

- 2,1

- 1,8

- 1,6

- 1,2

- 0,8

Solde public effectif (1+2+3)

- 2,9

- 2,6

- 3

- 1,5

- 0,9

- 0,2

Dette des administrations publiques

96,8

96,8

97,1

96,1

94,2

91,4

Source : PJL

Le Gouvernement considère que les réformes menées en matière de marché du travail et de prélèvements obligatoires devraient se traduire par une convergence entre la production effective et son potentiel à l'horizon 2020. Au-delà, l'écart de production serait positif.

Dans son avis relatif au projet de loi de programmation, le Haut Conseil des finances publiques valide les hypothèses retenues par le Gouvernement en matière d'écart de production et de croissance potentielle. Il considère en revanche que « l'hypothèse d'un écart de production positif en fin de période est plutôt optimiste. Il relève qu'elle conduit à réduire le déficit effectif affiché en fin de période et à présenter une trajectoire de dette publique plus favorable ».

Hypothèses macroéconomiques de la loi de programmation 2018-2022

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

PIB

1,1

1,7

1,7

1,7

1,7

1,7

1,8

Déflateur de PIB

0,4

0,8

1,1

1,25

1,5

1,75

1,75

Indice des prix à la consommation hors tabac

0,2

1

1

1,1

1,4

1,75

1,75

Masse salariale du secteur privé

2,4

3,3

3,1

3,2

3,6

3,8

3,8

Croissance potentielle

1,2

1,25

1,25

1,25

1,25

1,3

1,35

PIB potentiel (en Md€ 2010)

2 154

2 181

2 209

2 236

2 264

2 294

2 325

Écart de production (en % du PIB)

- 1,5

- 1,1

- 0,7

- 0,2

0,2

0,6

1,1

Source : Rapport annexé au PJL

S'agissant des engagements européens de la France, le Haut Conseil « souligne que la trajectoire envisagée s'écarte des engagements européens de la France en retenant un ajustement structurel annuel inférieur à celui qui est prévu par l'article 5 du règlement européen n° 1466/97. Cela a pour conséquence de repousser l'atteinte de l'objectif de moyen terme (OMT) de solde structurel au-delà de l'horizon de la programmation ».

L'article 4 du projet de loi détaille comme suit l'objectif d'effort structurel des administrations publiques :

Effort structurel des administrations publiques

(en points de PIB potentiel)

Source : PJL

En conclusion de la synthèse de son avis, le Haut Conseil met l'accent sur la difficulté de l'exercice de programmation, qui suppose à la fois la réduction des recettes et celle des déficits et ne peut réussir qu'au prix de la réduction consécutive, à défaut d'être préalable, des dépenses : « Étant donné les réductions de prélèvements obligatoires déjà décidées ou envisagées, la programmation implique le respect d'une trajectoire de dépenses exigeante. Compte-tenu du niveau élevé du déficit structurel, le Haut Conseil souligne la nécessité de respecter les objectifs en dépenses, même si les recettes venaient à être meilleures que prévu ».

3. Des hypothèses intéressant les finances sociales plus prudentes

Les hypothèses de moyen terme d'évolution de la masse salariale, principal déterminant des recettes de la sécurité sociale (cotisations sociales, CSG sur les revenus d'activité,...), intéressent plus particulièrement votre commission des affaires sociales.

Le taux d'évolution de la masse salariale du secteur privé, lié à celui de la croissance et du chômage, comprend deux composantes : l'emploi et les salaires. L'hypothèse retenue par le Gouvernement est de 3,6 % en moyenne au-delà de la première année de programmation.

Comparaison des hypothèses avec celles des lois de programmation précédentes

Loi de programmation 2009-2012

Loi de programmation 2011-2014

Loi de programmation 2013-2017

loi de programmation 2018-2022

PIB en volume

2,50 %

2,50 %

2 %

1,73 %

Inflation

1,75 %

1,75 %

1,75 %

1,50 %

Masse salariale du secteur privé

4,60 %

4,50 %

4 %

3,60 %

Source : Lois de programmation et rapport annexé au PJL

Les conventions retenues sur les principales hypothèses intéressant les finances sociales apparaissent beaucoup plus prudentes que celles des lois de programmation précédentes.

Le taux d'évolution moyen de la masse salariale du secteur privé serait de 3,6 %, une hypothèse plus prudente que retenue pour la programmation 2011-2014 (4,5 %) ou par la loi de programmation 2013-2017 (4 %).

Ce taux d'évolution est inférieur au niveau constaté avant la crise sur la période 1998-2007 (+ 4,1 %) mais supérieur au niveau de la période 2008-2016 (+1,9 %). Il est en revanche proche des niveaux constatés, en glissement annuel, sur les premiers trimestres de 2017 (+ 3,5 % en mars 2017) mais suppose une croissance de la masse salariale en moyenne supérieure à celle du PIB en valeur (3,6 % contre 3,29 %).

Taux d'évolution de la masse salariale du secteur privé en glissement annuel

(en %)

Source : Acoss


* 1 Avis n° HCFP-2017-4 du 24 septembre 2017.

* 2 Écart entre la production effective et le PIB potentiel.

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