Avis n° 146 (2016-2017) de M. Yves DÉTRAIGNE , fait au nom de la commission des lois, déposé le 24 novembre 2016

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N° 146

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2016

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2017 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME IX

JUSTICE JUDICIAIRE ET ACCÈS AU DROIT

Par M. Yves DÉTRAIGNE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, François Pillet, Alain Richard, François-Noël Buffet, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa , vice-présidents ; MM. André Reichardt, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Mme Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, M. Félix Desplan, Mme Catherine Di Folco, MM. Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, M. François Grosdidier, Mme Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Patrick Masclet, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Michel Mercier, Jacques Mézard, Hugues Portelli, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mmes Catherine Tasca, Lana Tetuanui, MM. René Vandierendonck, Alain Vasselle, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 4061, 4125 à 4132 et T.A. 833

Sénat : 139 et 140 à 145 (2016-2017)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir entendu M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice 1 ( * ) , le 22 novembre 2016, la commission des lois, réunie le 23 novembre 2016 sous la présidence de M. Philippe Bas , président, a examiné, sur le rapport pour avis de M. Yves Détraigne 2 ( * ) les crédits alloués par le projet de loi de finances pour 2017 à la justice judiciaire et à l'accès au droit, au sein de la mission « Justice ».

Le rapporteur pour avis a tout d'abord constaté la forte progression des crédits des quatre programmes étudiés dans le projet de loi de finances initial (programmes 166 « Justice judiciaire », 101 « Accès au droit et à la justice », 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et 335 « Conseil supérieur de la magistrature »), avec des crédits de paiement d'un montant de 4,1 milliards d'euros, en hausse de 4,8 %, et des autorisations d'engagement d'un montant de 4,2 milliards d'euros, en hausse de 4,4 %.

S'agissant des crédits dévolus aux juridictions judiciaires , il a relevé que l'essentiel de la hausse budgétaire, résultant des dépenses de personnel à hauteur de 80 millions d'euros sur 119 millions d'euros supplémentaires, était destiné au financement des charges nouvelles induites par les plans de lutte contre le terrorisme .

Le rapporteur pour avis a souligné les difficultés récurrentes auxquelles sont confrontés les services judiciaires : taux de vacance de postes élevé tant pour les magistrats que les greffiers ; sous-consommation du plafond d'emplois voté chaque année ; sous-évaluation des frais de justice , qui laisse présager des dépassements budgétaires ou d'importants retards de paiement pour les juridictions.

S'agissant du programme relatif à l'accès au droit et à la justice, M. Yves Détraigne, rapporteur pour avis, a estimé que les conséquences budgétaires de l'augmentation de la rétribution des avocats, au titre de l'aide juridictionnelle, étaient sous-évaluées. Il a ajouté que cette revalorisation ne constituait qu'une réponse transitoire, et ne dispensait pas d'engager la nécessaire réforme structurelle d'ampleur de l'aide juridictionnelle .

Enfin, le rapporteur a observé, avec regret, qu'un amendement adopté en seconde délibération à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, avait réduit de 18,3 millions d'euros le total des crédits de paiement et autorisations d'engagement des programmes suivis dans le présent avis.

Au bénéfice de ces observations, la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits des quatre programmes de la mission « Justice » et à l'article 57 du projet de loi de finances qui lui est rattaché.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le présent avis porte sur les crédits dévolus, dans le projet de loi de finances pour 2017, à quatre programmes de la mission « Justice », dont le responsable est le garde des sceaux, ministre de la justice :

- 166 « Justice judiciaire » ;

- 101 « Accès au droit et à la justice » ;

- 310 « Conduite et pilotage de la politique de la justice » ;

- 335 « Conseil supérieur de la magistrature ».

Votre commission étudie ainsi l'ensemble des moyens consacrés au fonctionnement de l'institution judiciaire et à l'accès au droit. Deux autres programmes de la mission « Justice » font l'objet d'avis spécifiques, l'un sur l' « Administration pénitentiaire » (programme 107) et l'autre sur la « Protection judiciaire de la jeunesse » (programme 182) 3 ( * ) .

L'année 2017 sera celle de la mise en oeuvre de certaines des mesures contenues dans la loi organique modifiant le statut de la magistrature votée en août dernier 4 ( * ) et dans la loi de modernisation de la justice du XXI ème siècle 5 ( * ) , dont le Gouvernement attend un allègement de la charge des juridictions.

Par rapport à 2016, le projet de loi de finances initial pour 2017 présente une progression de 4,8 % des crédits de paiement alloués à la mission « Justice ». Ces derniers augmentent de 391 millions d'euros, pour atteindre un total de 8,6 milliards d'euros. Les autorisations d'engagement augmentent également de 25,6 %, soit 2,2 milliards d'euros supplémentaires, atteignant 10,8 milliards d'euros.

Les crédits de paiement des quatre programmes du présent avis augmentent en moyenne de 4,8 %, au même rythme que l'ensemble de la mission « Justice », alors que leurs autorisations d'engagement augmentent de 4,4 %.

Quant aux crédits de paiement alloués au programme « Justice judiciaire », ils n'augmentent que de 3,7 %, soit près de 118,6 millions d'euros supplémentaires, pour un total de 3,3 milliards d'euros en crédits de paiement. À cet égard, l'essentiel de la hausse budgétaire, qui bénéficie aux dépenses de personnel à hauteur de 80 millions d'euros, est lié à des charges nouvelles que doivent assumer les services judiciaires. En effet, 568 des 600 créations d'emplois prévues seront affectées à la lutte contre le terrorisme.

Dans ce contexte, la situation demeure difficile dans les juridictions, avec une activité toujours croissante et des réformes à mettre en oeuvre.

Votre rapporteur pour avis a de nouveau relevé, comme les années précédentes, que les deux problèmes récurrents qui se posent aux juridictions en matière d'effectifs demeurent la sous-consommation du plafond d'emplois et le taux de vacance de postes de magistrats et de fonctionnaires, indicateurs qui demeurent tous deux préoccupants.

Le Gouvernement propose également dans le présent projet de loi de finances d'augmenter la rétribution des avocats dans le cadre de l'aide juridictionnelle, en revalorisant l'unité de valeur et en supprimant la modulation géographique. S'il relève l'intérêt de ces mesures, votre rapporteur pour avis souligne qu'il ne s'agit pas de la réforme structurelle, nécessaire et attendue, qu'il faudrait réaliser dans la continuité des travaux conduits par le Sénat sur le sujet et notamment le rapport de nos collègues Sophie Joissains et Jacques Mézard 6 ( * ) .

Par ailleurs, votre rapporteur pour avis regrette qu'un amendement adopté à l'Assemblée nationale, à l'occasion d'une seconde délibération à l'initiative du Gouvernement 7 ( * ) , réduise de près de 42 millions d'euros les crédits de paiement et autorisations d'engagement de l'ensemble de la mission « Justice », dont 18,3 millions d'euros en moins pour les quatre programmes suivis dans le présent avis. Compte tenu de cette évolution, la progression des crédits de paiement de ces programmes est revue à 4,3 %, pour un total de 4,095 milliards d'euros et celle des autorisations d'engagement à 4 % à 4,190 milliards d'euros.

En conclusion, votre rapporteur pour avis, s'il salue les efforts présentés dans ce budget, craint que celui-ci ne soit qu'un budget d'intention, sentiment qui sera à confirmer, au regard de son exécution.

*

* *

I. UN BUDGET EN AUGMENTATION

Les crédits de paiement de la mission « Justice », qui avaient déjà augmenté en 2016 (+ 299 millions d'euros) et 2015 (+ 88 millions d'euros) connaissent une nouvelle augmentation de près de 4,8 % en 2017 (+ 391 millions d'euros).

Concernant les quatre programmes étudiés dans le présent avis, leurs crédits de paiement progressent en moyenne au même rythme que ceux de la mission « Justice » (4,8 %), augmentant ainsi de près de 188 millions d'euros, après une progression de 182,6 millions d'euros en 2016. Ces deux années d'augmentation constituent toutefois une forme de rattrapage par rapport à l'année 2015, où leurs crédits de paiement avaient régressé de 51 millions d'euros, alors que ceux de la mission « Justice » augmentaient.

Si la part des crédits de paiement des programmes suivis dans le présent avis reste stable à hauteur de 47,9 % du total des crédits ouverts, celle des autorisations d'engagement de ces mêmes programmes régresse de huit points entre 2016 et 2017. Les autorisations d'engagement de la mission « Justice » augmentent ainsi de près de 26,5 % (+ 2,2 milliards d'euros), alors que les autorisations d'engagement des quatre programmes suivis par le présent avis n'augmentent que de 4,4 % (+ 179 millions d'euros) sur la même période.

Sur le total de l'augmentation des autorisations d'engagement de la mission « Justice », près de 2 milliards d'euros sont dédiés au programme 101 « Administration pénitentiaire ». En effet, l'essentiel de cette enveloppe s'explique par l'engagement pris par le Gouvernement en vue du lancement de la première phase de construction ou d'extension d'établissements pénitentiaires.

Toutefois pour 2017, l'ensemble de ces augmentations est réduite par l'adoption à l'Assemblée nationale d'un amendement à l'initiative du Gouvernement en seconde délibération, réduisant de près de 42 millions d'euros les crédits de paiement et autorisations d'engagement de la mission « Justice » dont 18,3 millions concernant les quatre programmes suivis dans le présent avis 8 ( * ) .

Globalement, les crédits de paiement des programmes suivis par le présent avis ont augmenté de 14 % en moyenne depuis 2012, quand l'ensemble des crédits de la mission « Justice » a progressé de 16 %. La part des crédits relatifs aux programmes suivis par le présent avis a donc reculé de deux points, dans un contexte d'augmentation budgétaire notable, en raison de la priorité relative accordée à l'administration pénitentiaire. Le tableau ci-après détaille ces évolutions.

A. LE PROGRAMME « JUSTICE JUDICIAIRE »

Ce programme comprend l'ensemble des dépenses des juridictions judiciaires, du personnel affecté au sein du réseau judiciaire de proximité 9 ( * ) , ainsi que celui du casier judiciaire national. Il comprend également les crédits correspondant au budget de l'École nationale des greffes (ENG) et la subvention versée à l'École nationale de la magistrature (ENM).

1. Des crédits de paiement et des autorisations d'engagement globalement en progression

La programme « Justice judiciaire », dont les crédits de paiement avaient déjà augmenté en 2016 (+ 145 millions d'euros), connaît une nouvelle augmentation en 2017 (+ 119 millions d'euros), certes moins importante en valeur absolue que l'année passée. Ces deux années d'augmentation font toutefois suite à une année de diminution des crédits de paiement, de 45 millions d'euros en 2015.

En 2017, ce programme progresse toutefois dans une proportion moindre (3,7 %) que la moyenne des programmes suivis dans cet avis (4,8 %). Ses crédits de paiement (CP) atteignent ainsi 3,329 milliards dans le projet de loi de finances pour 2017, contre 3,210 milliards d'euros dans la loi de finances pour 2016.

Évolution 2016-2017 des crédits du programme « J ustice judiciaire »
(en millions d'euros)

Numéro et intitulé de l'action

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2016

PLF 2017

Évolution 2017/2016 (en %)

LFI 2016

PLF 2017

Évolution 2017/2016 (en %)

1- Traitement et jugement des contentieux civils

968,59

969,14

0,1 %

968,59

969,14

0,1 %

2- Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales

1 051,82

1 209,88

15,0 %

1 051,82

1 209,88

15,0 %

3- Cassation

48,14

50,44

4,8 %

48,14

50,44

4,8 %

5- Enregistrement des décisions judiciaires

10,74

11,85

10,3 %

10,74

11,85

10,3 %

6- Soutien 10 ( * )

1 024,18

1 018,68

-0,5 %

986,71

912,47

-7,5 %

7- Formation

116,96

151,70

29,7 %

116,96

151,70

29,7 %

8- Support à l'accès au droit et à la justice

27,16

23,23

-14,5 %

27,16

23,23

-14,5 %

Total

3 247,59

3 434,92

5,8 %

3 210,12

3 328,71

3,7 %

Source : Commission des lois du Sénat à partir du projet annuel de performance pour 2017.

Votre rapporteur pour avis relève que l'essentiel de la hausse des crédits profite à l'action relative à la « Conduite de la politique pénale et [au] jugement des affaires pénales » (+ 15 % de ses crédits de paiement, soit + 158 millions d'euros), quand l'action relative aux « Traitement et jugement des contentieux civils » ne progresse que de 1 % (tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement), soit seulement un demi-million d'euros.

Toutefois, un amendement adopté en seconde délibération à l'Assemblée nationale a réduit les crédits du programme « Justice judiciaire » de 8,2 millions d'euros, hors dépenses de personnel. Cette diminution représente près de 7 % du montant de l'augmentation initiale prévue pour les services judiciaires, mais seulement 0,3 % du budget total alloué aux services judiciaires. Celui-ci demeure en hausse de 3,5 % en crédits de paiement à 3,321 milliards d'euros et de 5,5 % en autorisations d'engagement à 3,427 milliards d'euros.

Depuis 2012, les crédits de paiement du programme « Justice judiciaire » ont progressé de près de 12 %. Toutefois, parmi les programmes suivis par le présent avis, il constitue celui qui progresse le moins et dont la progression est inférieure de près de quatre points à la moyenne de progression des crédits de paiement alloués à la mission « Justice ».

2. L'essentiel de la hausse budgétaire au bénéfice de nouveaux emplois affectés à la lutte contre le terrorisme

Le schéma d'emplois de la Chancellerie 11 ( * ) repose sur la création nette de 600 emplois pour les services judiciaires, soit presque quatre fois plus que l'an passé. Ces emplois correspondent aux deux tiers de la hausse des crédits pour le programme 166 « Justice judiciaire » (près de 80 millions d'euros supplémentaires). Il s'agit principalement d'emplois de greffiers (+ 465), de magistrats (+ 238) et d'assistants de justice (+ 134). Comme les années précédentes, ces créations sont permises, notamment, par la conversion d'emplois de catégorie C, non remplacés (- 310), en emplois de greffiers.

L'effort accompli en faveur de la lutte contre le terrorisme, qui fait l'objet de plans successifs (PLAT) 12 ( * ) depuis 2015, explique l'essentiel du solde positif du schéma d'emplois proposé pour 2017, comme pour les deux derniers exercices, surtout pour les magistrats.

Schéma d'emplois du programme
« Justice judiciaire » pour 2017
(en ETP 13 ( * ) )

Catégorie d'emploi

Entrées prévues

Sorties prévues

Solde des emplois du programme

Dont PLAT

Magistrats de l'ordre judiciaire

547

309

+ 238

+ 205

Personnels d'encadrement

249

115

+ 134

+ 47

B métiers du greffe, de l'insertion et de l'éducatif

851

386

+ 465

+ 136

B administratifs et techniques

101

28

+ 73

+ 30

Juristes assistants

-

-

-

+ 100

C administratifs et techniques

462

772

- 310

+ 50

Total

2 210

1 610

+ 600

+ 568

Sources : projet annuel de performance pour 2017 et commission des lois du Sénat.

Évolution du schéma d'emplois du programme
« Justice judiciaire » depuis 2012
(en ETP)

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde des emplois proposés en loi de finances initiale

+ 282

+ 142

+ 45

+ 183

+ 157

+ 600

Part PLAT

-

-

-

73 %

73 %

95 %

Sources : projet annuel de performance pour 2017,
ministère de la justice et commission des lois du Sénat.

Concernant l'entrée en fonction de ces personnels, d'après les informations transmises par la Chancellerie à votre rapporteur pour avis, les effets de ce renforcement pluriannuel des effectifs seront différés en raison des phases de formation correspondantes. En effet, la durée de la formation est de 31 mois 14 ( * ) pour les magistrats à l'École nationale de la magistrature (ENM), de 18 mois pour les greffiers à l'École nationale des greffes (ENG). Lors de son audition par votre commission sur le projet de loi de finances pour 2017, le garde des sceaux , M. Jean-Jacques Urvoas , a indiqué à votre rapporteur pour avis que les créations d'emplois étaient des « cibles, dont l'atteinte dépendra des résultats aux concours ».

3. Peu de créations d'emplois destinées à d'autres priorités

Au sein de ce schéma proposant la création de 600 emplois supplémentaires, seulement 32 d'entre eux ne sont pas dédiés au PLAT 15 ( * ) . Cette création nette de 32 emplois correspond au solde entre la création de 399 postes d'une part et le redéploiement de 367 postes d'autre part. Contrairement aux 568 emplois créés dans le cadre du PLAT, la répartition entre magistrats et fonctionnaires n'est pas encore connue pour ces 32 autres emplois créés.

Répartition de la création nette de 32 emplois « hors PLAT »
du programme « Justice judiciaire » pour 2017 (en ETP)

Créations d'emplois

Destination des emplois

Nombre d'emplois concernés

Traitement de dispositions en matière pénale

+ 20

Prévention de la récidive

+ 10

Fonctionnement général des juridictions

+ 36

Justice du XXI ème siècle

+ 37

Création de la juridiction unifiée du brevet

+ 12

Suppression de la juridiction de proximité

+ 15

Développement de l'assistance des magistrats par les greffiers

+ 232

Résorption des stocks d'affaires non traitées dans certaines juridictions 16 ( * )

+ 28

Réforme de la désignation des conseillers prud'hommaux

+ 9

Total créations d'emplois

+ 399

Économies d'emplois

Déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel

- 87

Transfert aux officiers de l'état civil de la gestion du pacte civil de solidarité (PACS)

- 70

Transfert aux officiers de l'état civil de la gestion des changements de prénom

- 8

Suppression de l'homologation obligatoire par le juge des plans de surendettement

- 38

Application de la procédure de l'amende forfaitaire à certains délits routiers

- 34

Informatisation de certaines procédures

- 80

Nouvelle cartographie des emplois issue de la réforme statutaire des greffes

- 50

Total économies d'emplois

- 367

SOLDE NET CREATION D'EMPLOIS

+ 32

Sources : projet annuel de performance pour 2017 et commission des lois du Sénat.

Selon votre rapporteur pour avis, ces créations nettes d'emplois dépendent ainsi en grande partie de redéploiements internes aux juridictions et de la réalisation d'économies d'emplois, dont deux d'entre elles paraissent prématurées pour l'année 2017. En effet, certaines mesures de déjudiciarisation prévues par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI ème siècle ne pourront produire leurs effets en année pleine dès 2017. Il en est ainsi du transfert aux officiers d'état civil de la gestion des PACS, qui n'entrera en vigueur que le 1 er novembre 2017, et de la suppression de l'homologation obligatoire par le juge des plans de surendettement, prévue au 1 er janvier 2018. En conséquence, les 108 emplois que la Chancellerie prévoit de redéployer dans ces deux matières ne seront pas « libérables » en année pleine avant l'exercice 2018, ce qui pose, selon votre rapporteur pour avis, un problème de sincérité budgétaire.

Dans ce contexte, votre rapporteur pour avis ne peut qu'émettre des réserves sur la création effective de ces 32 emplois supplémentaires.

Interrogé par votre rapporteur pour avis sur ce point lors de son audition par votre commission, le garde des sceaux , M. Jean-Jacques Urvoas , a indiqué que « le nombre de postes ne relevant pas de la lutte antiterroriste [était] plus élevé que 32 », précisant que « des magistrats référents en la matière [ avaient été nommés ] dans chaque parquet , [et] remplissaient toutefois d'autres tâches ». Selon le ministre, le bénéfice des emplois créés dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme permet « d'améliorer le fonctionnement des juridictions, en facilitant la gestion des dossiers extraordinaires » .

En outre, votre rapporteur pour avis souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur un sujet dont lui ont fait part les représentants des organisations syndicales de magistrats et de fonctionnaires entendus en audition.

Il s'agit d'une inquiétude concernant les conséquences de la mise en oeuvre de la réforme relative aux mesures de rétention des étrangers, qui modifie les conditions d'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) 17 ( * ) , en vigueur depuis le 1 er novembre 2016. Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis par la Chancellerie, ces mesures nécessiteraient un besoin supplémentaire de 28 ETPT de magistrats et de 15 ETPT de fonctionnaires (dont 10 ETPT de greffiers).

Votre rapporteur pour avis s'interroge donc sur la prise en compte de ce besoin dans le schéma d'emplois décrit précédemment 18 ( * ) , aucun document budgétaire n'en faisant mention, et souhaite que cet impact puisse être intégré dans le budget des services judiciaires.

Enfin, il s'agit également pour le Gouvernement de financer la mise en oeuvre de mesures catégorielles à hauteur de 15,6 millions d'euros (inclus dans le périmètre des 80 millions d'euros consacrés aux dépenses de personnel). Celles-ci ont plusieurs objets distincts :

- la poursuite de la réforme du statut des greffiers ;

- la revalorisation de la prime de fonction des chefs de juridiction ;

- la mise en oeuvre du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) 19 ( * ) , ainsi que du nouveau régime indemnitaire tenant compte des fonctions, sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) 20 ( * ) .

B. LE PROGRAMME « ACCÈS AU DROIT ET À LA JUSTICE »

Le programme « Accès au droit et à la justice » voit sa dotation budgétaire nettement progresser de 12,4 % en autorisations d'engagement et de 12,2 % en crédits de paiement, soit près de 44,75 millions d'euros, tant en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement.

Les crédits dévolus à l'aide juridictionnelle sont abondés de 40,1 millions d'euros. L'essentiel des dépenses nouvelles est toutefois couvert, comme on le verra 21 ( * ) , par la hausse de recettes affectées à cette fin au Conseil national des barreaux (CNB), conformément à la loi de finances initiale pour 2016, à hauteur de 83 millions d'euros.

Toutefois, compte tenu de l'adoption en seconde délibération de l'amendement du Gouvernement déjà mentionné 22 ( * ) , les crédits de paiement et autorisations d'engagement du programme « Accès au droit et à la justice » ont été réduits de 8,7 millions d'euros 23 ( * ) , cette diminution portant principalement sur les crédits dédiés à l'aide juridictionnelle 24 ( * ) .

En conséquence, par rapport à 2016, l'augmentation des crédits de paiement est donc revue à 9,8 %, à 403 millions d'euros, et celle des autorisations d'engagement à 10 %, pour un même montant.

1. Le renforcement apparent du réseau judiciaire de proximité

L'abondement des crédits dédiés au développement de l'accès au droit s'inscrit dans la continuité des années récentes, puisque cette action aura progressé de près de 56 % entre 2015 et 2017 (+ 2,83 millions d'euros). Le Gouvernement souhaite ainsi favoriser, grâce aux structures de proximité que sont principalement les maisons de la justice et du droit (MJD) et les conseils départementaux de l'accès au droit (CDAD), les consultations et informations juridiques conduites par des professionnels du droit ou par des associations. Ces points d'accès au droit sur le territoire 25 ( * ) ont ainsi vocation à constituer des lieux privilégiés pour la mise en oeuvre des modes alternatifs de règlement des litiges, comme la conciliation, devenue obligatoire préalablement à la saisine du tribunal d'instance par déclaration au greffe, à peine d'irrecevabilité, sauf dérogation, comme en dispose la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI ème siècle. De même, l'ouverture de quatre nouvelles MJD 26 ( * ) s'inscrit dans la démarche de renforcement du maillage territorial de structures facilitant l'accès au droit pour tous les justiciables. La participation de l'État à ces ouvertures se fait via le versement de subventions de fonctionnement aux quatre collectivités territoriales qui vont héberger les futures structures.

Votre rapporteur pour avis note toutefois que les crédits de paiement consacrés au « Support à l'accès au droit et à la justice » dans le programme « Justice judiciaire » également suivi dans le présent avis, qui comprend l'ensemble des dépenses de masse salariale du personnel judiciaire affecté au réseau judiciaire de proximité, régressent de 14,5 %. Cette baisse peut en effet sembler contradictoire avec la volonté de développer ce réseau. Votre rapporteur pour avis s'interroge donc sur l'affectation de personnel judiciaire dans les structures nouvellement créées, qui lui semble souhaitable dans la mesure où elle permet l'accès à une information judiciaire fiable et sécurisée.

2. La poursuite de l'aide aux victimes

La dotation consacrée à l'aide aux victimes, qui constitue une priorité gouvernementale, aura augmenté de près de 65 % entre 2015 et 2017 (+ 11,06 millions d'euros). Cette action correspond essentiellement à des subventions versées aux associations d'aide aux victimes, pour les différentes missions qu'elles prennent en charge 27 ( * ) et notamment les permanences au sein des bureaux d'aide aux victimes, dont le déploiement au sein des tribunaux de grande instance et de première instance est désormais achevé 28 ( * ) . Ces structures, qui peuvent assurer un accompagnement de proximité des victimes, ont pour mission d'informer, d'aider et d'orienter la victime tout au long de la procédure pénale et notamment au moment des audiences.

Un montant de 10 millions d'euros est dédié au financement d'actions spécifiques en faveur des victimes d'attentats, dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme (PLAT 2).

Une partie des crédits (1,8 million d'euros) est ouverte en contrepartie de la possibilité, introduite par la loi depuis juin 2016 29 ( * ) , de majorer certaines amendes prononcées en matière contraventionnelle, correctionnelle et criminelle, dans la limite de 10 % de leur montant, afin de financer l'aide aux victimes.

Évolution 2016-2017 des crédits du programme « Accès au droit et à la justice »

(en millions d'euros)

Numéro et intitulé de l'action

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2016

PLF 2017

Évolution 2017/2016 (en %)

LFI 2016

PLF 2017

Évolution 2017/2016 (en %)

1- Aide juridictionnelle

330,75

370,89

12,1 %

330,75

370,89

12,1 %

2- Développement de l'accès au droit et du réseau judiciaire de proximité

7,08

8,04

13,6 %

7,08

8,04

13,6 %

3- Aide aux victimes

24,55

28,00

14,1 %

25,17

28,00

11,2 %

4- Médiation familiale et espaces de rencontre

3,55

4,37

23,1 %

3,55

4,37

23,1 %

Total

365,93

411,30

12,4 %

366,55

411,30

12,2 %

Source : Commission des lois du Sénat à partir du projet annuel de performance pour 2017.

3. Une augmentation des crédits dédiés à la médiation familiale

Enfin, l'action « Médiation familiale et espaces de rencontre » voit également ses crédits progresser sensiblement, à hauteur de 23,1 %, après une augmentation de 9 % en 2016 30 ( * ) . Cette augmentation est cohérente avec la poursuite de l'expérimentation pour une durée de trois ans de la tentative de médiation préalable obligatoire en matière familiale, votée par le législateur dans la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI ème siècle 31 ( * ) . Celle-ci prévoit que la saisine du juge aux affaires familiales par les parents, aux fins de modification des modalités d'exercice de l'autorité parentale ou de la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, doit être précédée, sous peine d'irrecevabilité, d'une tentative de médiation familiale.

C. LE PROGRAMME « CONDUITE ET PILOTAGE DE LA POLITIQUE DE LA JUSTICE »

Les crédits de ce programme augmentent de 7 % en crédits de paiement (de 344 à 368 millions d'euros) mais baissent de 13,1 % en autorisations d'engagement (de 412 à 358 millions d'euros).

Ce programme comprend l'ensemble des dépenses de l'administration centrale du ministère de la justice, ainsi que celles correspondant à des projets menés au bénéfice de plusieurs ou de l'ensemble des juridictions, comme les projets informatiques ou certains projets immobiliers. Il intègre également les dotations aux deux opérateurs que sont l'agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ) et l'établissement public du palais de justice de Paris (EPPJP).

1. La poursuite des projets informatiques du ministère

La baisse enregistrée pour les autorisations d'engagement s'explique par la baisse de plus de 31 % des autorisations d'engagement dédiées à l'action informatique ministérielle.

Pourtant, les crédits de paiement consacrés à ces dépenses augmentent, eux, de près de 9 %, afin de poursuivre les grands projets informatiques du ministère.

Il en va ainsi de l'application informatique « Portalis », projet majeur pour les services judiciaires qui doit aboutir en 2021 et permettre de suivre et d'enregistrer la totalité des procédures civiles. Accessible dans chaque juridiction, il doit également permettre des échanges dématérialisés avec les justiciables et les auxiliaires de justice. Ce projet, dont le coût global est évalué aujourd'hui par le ministère à 52 millions d'euros 32 ( * ) , a vocation à permettre « la mise en oeuvre d'un greffe civil commun à tous les services » 33 ( * ) et, dans le même esprit, le service d'accueil unique du justiciable (SAUJ), dont la loi n° 2016 1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI ème siècle prévoit la généralisation 34 ( * ) .

Autre projet notable, la plate-forme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), qui a vocation à se substituer au système actuel des réquisitions en matière de communication. Ce projet a connu, selon les termes mêmes du Gouvernement, des « difficultés de fonctionnement » 35 ( * ) . L'achèvement de ce projet, dont le coût a augmenté de + 36 % depuis son lancement en 2009 atteignant désormais près de 181,5 millions d'euros, est décalé d'un an, pour une mise en oeuvre complète et opérationnelle par étapes à compter de janvier 2017 36 ( * ) .

Les crédits de paiement et autorisations d'engagement de ce programme ont toutefois été réduits, en seconde délibération à l'Assemblée nationale 37 ( * ) de 1,4 million d'euros. Ces économies, qui ne concernent pas les dépenses de personnel, seront permises, selon le Gouvernement 38 ( * ) , par une « optimisation des dépenses de fonctionnement des services de l'administration centrale ».

2. Une augmentation des dépenses de personnel

L'augmentation des crédits de paiement de ce programme (+ 23,9 millions d'euros), est en fait destinée à près de 80 % aux dépenses de personnel, avec un double objectif :

- la création de 80 emplois supplémentaires, dont 30 au titre du plan de lutte anti-terrorisme et 50 au bénéfice d'une réforme du secrétariat général du ministère de la justice ;

- la mise en place des mesures catégorielles destinées à accompagner, d'une part, la fusion des inspections du ministère et, d'autre part, la mise en oeuvre des évolutions statutaires et indemnitaires interministérielles, communes à toute la fonction publique et déjà évoquées précédemment pour le programme 166 « Justice judiciaire » 39 ( * ) .

Évolution 2016-2017 des crédits du programme

« Conduite et pilotage de la politique de la justice »
(en millions d'euros)

Numéro et intitulé de l'action

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2016

PLF 2017

Évolution 2017/2016 (en %)

LFI 2016

PLF 2017

Évolution 2017/2016 (en %)

1- État-major

10,26

11,12

8,4 %

10,26

11,12

8,4 %

2- Activité normative

23,45

25,25

7,7 %

23,50

25,25

7,4 %

3- Évaluation, contrôle, études et recherche

16,18

18,90

16,8 %

16,18

18,90

16,8 %

4- Gestion de l'administration centrale

106,55

115,50

8,4 %

119,68

125,13

4,6 %

9- Action informatique ministérielle

219,52

150,15

-31,6 %

138,66

150,83

8,8 %

10- Action sociale ministérielle

36,12

37,07

2,6 %

36,12

37,07

2,6 %

Total

412,08

357,99

-13,1 %

344,40

368,30

6,9 %

Source : Commission des lois du Sénat à partir du projet annuel de performance pour 2017.

S'agissant de la politique immobilière de l'administration centrale, le ministère achèvera en 2017 l'opération de regroupement des services de l'administration centrale sur deux sites distincts seulement (Parc du Millénaire dans le 19 ème arrondissement de Paris et Place Vendôme). L'objectif est de mettre fin à la trop grande dispersion des sites 40 ( * ) et, in fine , de réaliser des économies de fonctionnement et permettre une meilleure organisation du travail.

D. LE PROGRAMME « CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE »

Le projet de loi de finances pour 2017 dote le programme 335 de 3,80 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 4,56 millions d'euros de crédits de paiement. Ces montants correspondent à une hausse de plus de 10 % en autorisations d'engagement (+ 300 000 euros) et de 4,5 % en crédits de paiement (+ 200 000 euros).

Tout comme les autres programmes, ces crédits ont été réduits en seconde délibération à l'Assemblée nationale de 30 000 euros 41 ( * ) , ce qui représente un montant mineur par rapport au budget total du programme.

Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, M. Bertrand Louvel, président de la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature, a exposé les principaux projets de l'institution pour 2017 parmi lesquels la mise en place du collège de déontologie et la mise en oeuvre d'un outil de gestion des ressources humaines.

1. La mise en place du collège de déontologie

Le collège de déontologie des magistrats de l'ordre judiciaire 42 ( * ) sera chargé d'examiner, dans certains cas, les déclarations d'intérêts des magistrats et de rendre des avis sur toute question déontologique les concernant personnellement 43 ( * ) . M. Bertrand Louvel a indiqué à votre rapporteur pour avis que le service d'aide et de déontologie, mis en place le 1 er juin 2016, à l'initiative du Conseil supérieur, serait maintenu, faisant en quelque sorte fonction « d 'antichambre » du collège de déontologie.

En effet, contrairement à ce dernier, le service d'aide et de déontologie - saisi à 25 reprises par des magistrats depuis le mois de juin 2016 - ne dispense aucun avis au sens de l'article 65 de la Constitution et n'engage pas le Conseil supérieur de la magistrature.

2. La mise en oeuvre d'un outil de gestion des ressources humaines

Par ailleurs, conformément à ce que votre rapporteur pour avis avait déjà évoqué l'année dernière, M. Bertrand Louvel a également indiqué que le Conseil supérieur de la magistrature serait doté pour le mois de novembre 2016 d'un outil informatique permettant d'avoir une vision prospective de la gestion des ressources humaines pour les postes relevant de son pouvoir de proposition 44 ( * ) . Afin d'exercer cette compétence au mieux, il était en effet nécessaire que le Conseil puisse disposer d'une connaissance plus fine des départs prévisibles des magistrats, ainsi que des voeux exprimés par ceux-ci, en les conciliant avec les besoins ou les caractéristiques spécifiques des juridictions, ce qui n'était pas possible avec les outils dont il disposait jusqu'alors.

II. UNE SITUATION TOUJOURS DIFFICILE DANS LES JURIDICTIONS

Dans ce contexte d'augmentation budgétaire, il n'en demeure pas moins que le constat posé par votre rapporteur pour avis dans ses précédents avis demeure.

En effet, la situation des juridictions reste difficile, tant en termes de personnel, en raison du taux de vacance de postes qui continue de se dégrader, chez les magistrats comme chez les fonctionnaires, que de l'augmentation des dépenses de frais de justice, dont l'enveloppe budgétaire est toujours sous-dotée, ce que regrette votre rapporteur pour avis.

Dans ce contexte, l'activité des juridictions ne décroit pas et doit continuer, en 2017, de s'adapter à la mise en oeuvre des réformes, notamment celles votées dans le cadre de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI ème siècle.

A. DES EFFECTIFS QUI DEMEURENT SOUS TENSION

1. Une activité des juridictions toujours croissante dans un contexte de réformes

Votre rapporteur pour avis constate que la plupart des juridictions civiles ou pénales voit augmenter le délai moyen de traitement des affaires dont elles sont saisies.

Concernant les contentieux de première instance, le délai moyen de traitement continue de progresser pour l'activité civile des tribunaux de grande instance (TGI), même si la hausse est plus faible, avec + 0,1 mois entre 2014 et 2015, que celle de la période précédente. Elle s'explique par le niveau toujours aussi élevé des affaires nouvelles en 2015 45 ( * ) . Si le niveau de traitement des tribunaux de grande instance continue de s'améliorer en couvrant presque 98 % du flux des affaires nouvelles, la hausse de l'âge du stock 46 ( * ) nuance ce constat puisqu'il est possible d'en conclure que demeurent non-traitées les affaires les plus complexes. Le délai de traitement des tribunaux d'instance augmente lui aussi légèrement, de 0,1 mois entre 2014 et 2015.

La dégradation est plus marquée pour les conseils des prud'hommes, avec une augmentation de + 0,9 mois de délai de traitement entre 2014 et 2015. L'une des principales raisons réside dans l'accumulation du stock d'affaires complexes à traiter, notamment en contentieux social. Les modifications procédurales 47 ( * ) pour les contentieux introduits devant les conseils des prud'hommes issues de la loi « Macron » 48 ( * ) , qui ont pour ambition de réduire le temps de traitement des litiges, n'ont pas encore pu produire leurs effets.

En matière pénale, le délai de traitement des affaires de première instance a augmenté de 1,6 mois entre 2013 et 2014 49 ( * ) pour les cours d'assises, mais est resté relativement stable pour les tribunaux correctionnels, avec une augmentation de 0,1 mois. Pour les cours d'assises, cette évolution peut s'expliquer par la complexification des dossiers d'assises, notamment sous le poids des affaires traitées en juridictions interrégionales spécialisées (JIRS).

Le délai de traitement augmente également de 0,4 mois dans les cours d'appel entre 2014 et 2015, conséquence directe de l'augmentation du stock de contentieux social - traité en première instance par les conseils de prud'hommes déjà évoqués. Selon la Chancellerie, le droit social représente près de 80 % de la hausse du stock d'affaires et demeure difficile à traiter de manière efficace, en raison du phénomène des dossiers sériels de licenciement qui doivent être traités en bloc et pénalisent les juridictions dans la gestion de leur stock.

Enfin, le délai moyen de traitement des affaires en cassation a lui aussi légèrement progressé de 0,2 mois entre 2014 et 2015, en raison notamment, d'après la Chancellerie, de la baisse des effectifs des magistrats au sein des chambres intervenue en 2015 du fait des mobilités et de l'augmentation des affaires nouvelles.

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI ème siècle prévoit plusieurs dispositions dont l'objet est de recentrer le juge sur son office, en déjudiciarisant certaines procédures.

En matière pénale, la loi précitée prévoit la sanction systématique de certaines infractions routières par une peine forfaitaire 50 ( * ) .

En matière civile, la principale mesure est l'instauration du divorce par consentement mutuel sans juge, qui se substituerait à la procédure judiciaire actuelle 51 ( * ) . Cette mesure, qui entre en vigueur dès le 1 er janvier 2017 et dont le Gouvernement attend un allègement de la charge des juridictions, s'accompagne d'autres mesures s'inscrivant dans la même démarche, notamment la suppression de l'homologation par le juge de certaines décisions des commissions de surendettement 52 ( * ) ou encore le transfert aux officiers de l'état civil de la gestion du pacte civil de solidarité (PACS) 53 ( * ) . Toutefois, votre rapporteur pour avis rappelle que ces deux dernières mesures ne pourront alléger la charge des juridictions en 2017, puisqu'elles rentrent respectivement en vigueur à compter du 1 er janvier 2018 54 ( * ) pour la première et le 1 er novembre 2017 55 ( * ) pour la seconde.

De même, votre rapporteur pour avis s'interroge sur les conséquences du transfert vers les TGI de certains contentieux aujourd'hui dévolus aux tribunaux d'instance prévu par cette même loi. Il en va ainsi du contentieux des tribunaux de police et de celui des dommages corporels dont le préjudice est estimé à moins de 10 000 euros 56 ( * ) . Dans le même temps, la juridiction de proximité sera supprimée au 1 er juillet 2017 57 ( * ) et les juges de proximité pourront être intégrés à leur demande auprès du TGI, dans le corps des magistrats exerçant à titre temporaire 58 ( * ) . Dans ce contexte, votre rapporteur pour avis appelle à la vigilance sur la mise en oeuvre de cette réforme, qui, comme le Gouvernement l'indique 59 ( * ) , devrait conduire à ce que les fonctions des magistrats exerçant à titre temporaire soient orientées vers « une assistance auprès des TGI » et à ce qu' « une partie de l'activité que ces derniers traitaient [en tant que juges de proximité] soit désormais prise en charge par les juges d'instance, ce qui constituera une charge nouvelle et aura une répercussion sur le délai de traitement ».

D'autres textes ajoutent également de nouvelles compétences et accroissent la tâche des juridictions 60 ( * ) . Ainsi, la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France 61 ( * ) réduit de cinq jours à quarante-huit heures le délai dont dispose le juge des libertés et de la détention (JLD) pour se prononcer sur la demande de prolongation du placement en rétention. Cette disposition, dont l'application est entrée en vigueur le 1 er novembre 2016, « va faire peser de fortes contraintes d'organisation sur les tribunaux dans la gestion des audiences relatives à ce contentieux » 62 ( * ) . De même, les contestations sur les décisions de placement en centre de rétention administrative, auparavant de la compétence du juge administratif, relèvent du JLD depuis la même date, augmentant le nombre d'affaires traitées par ces juges.

2. Deux problèmes récurrents : la sous-consommation du plafond d'emplois et le taux de vacance de postes

Le plafond d'autorisation d'emplois 63 ( * ) du programme 166 « Justice judiciaire » pour 2017 serait fixé à 32 748 équivalents temps plein travaillés (ETPT), en augmentation de 666 64 ( * ) ETPT par rapport au plafond d'emplois fixé en loi de finances initiale pour 2016, qui était de 32 082 ETPT.

L'an passé, votre rapporteur pour avis avait déjà souligné le problème récurrent de la sous-consommation du plafond d'emplois : tous les ETPT ne sont pas consommés en fin d'année, certains étant reportés l'année suivante et d'autres tout simplement supprimés. Le taux de consommation de ce plafond, pour l'ensemble des emplois judiciaires, était de 98,1 % en 2014 et de 97,3 % en 2015, ce qui représentait, pour cette dernière année, une différence de 854 ETPT, soit une aggravation du solde négatif de 250 ETPT par rapport à l'exercice 2014.

Évolution du plafond d'emplois du programme
« Justice judiciaire » entre 2009 et 2017

(en ETPT)

Nombre par année

Évolution du nombre d'ETPT

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2009 2015

2012 2015

2009 2017

2012

2017

Plafond d'emplois voté (PAP 65 ( * ) )

29 295

29 653

31 018

31 137

31 455

31 640

31 641

32 082

32 748

+ 2 346

+ 504

+ 3 453

+ 1 611

Effectifs réels 66 ( * )

29 467

29 567

30 525

30 575

30 671

31 036

30 787

-

-

+ 1 320

+ 212

-

-

Solde entre le plafond voté et les effectifs réels 67 ( * )

+ 172

-86

-493

-562

-784

-604

-854

-

-

-1 026

- 292

-

-

Écart entre les effectifs réels 68 ( * ) par rapport à l'année N-1

-

-

+ 958

+ 50

+ 96

+ 365

-249

-

-

-

-

-

-

Sources : ministère de la justice et commission des lois du Sénat.

Le décalage systématique entre les crédits ouverts et les crédits effectivement dépensés affecte la sincérité de la programmation budgétaire. Votre rapporteur pour avis note en outre que cette sous-consommation du plafond d'emplois a tendance à s'aggraver.

Ainsi, sur l'exercice 2015, le plafond net d'emplois a diminué de 249 emplois, alors que la loi de finances initiale pour la même année prévoyait la création de 183 ETP 69 ( * ) .

Toutes les catégories d'emplois ne sont pas, à cet égard, dans la même situation. Jusqu'à présent et depuis 2011, le plafond d'emplois était presque toujours atteint pour les greffiers ou les personnels de catégorie C, les écarts étant en revanche beaucoup plus importants pour les magistrats.

Ce constat demeure pour les magistrats, dont le taux de consommation du plafond d'emplois demeure inférieur à 95 %.


Sources : ministère de la justice et commission des lois du Sénat.

L'élément nouveau réside dans la dégradation de la consommation du plafond d'emplois pour les personnels de catégorie C, dont le taux recule de près de cinq points par rapport à 2014, à 95 % seulement en 2015. Il en résulte une dégradation globale de la consommation réelle du plafond d'emplois de l'ensemble des services judiciaires, qui passe de 98,09 % en 2014 à 97,3 % en 2015.

Sources : ministère de la justice et commission des lois du Sénat.

Votre rapporteur pour avis s'interroge donc une nouvelle fois sur le respect des plafonds d'emplois votés pour 2016 et 2017, puisque ces derniers ne semblent pas avoir pris en compte la sous-consommation des années précédentes.

Cette sous-consommation soulève également d'autres questions, notamment s'agissant des effectifs de magistrats.

Votre rapporteur pour avis a ainsi noté, à la lecture des informations transmises par la Chancellerie, que le recours aux agents vacataires était croissant, pour des fonctions allant de l'assistant de justice au juge de proximité.

Consommation annuelle moyenne par catégorie de vacataires

(en ETPT)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Magistrats à titre temporaire

4

1

2

5

11

15

Juges de proximité

213

372

295

299

333

362

Assistants de justice

238

649

677

721

794

867

Total

455

1 023

974

1 024

1 139

1 244

Source : ministère de la justice.

Cette pratique devrait toujours concerner dans les années à venir un nombre important d'effectifs, pour au moins deux raisons.

D'une part, lors de son audition par votre rapporteur pour avis, les représentants du ministère de la justice ont indiqué envisager non seulement une intégration de tous les juges de proximité qui le souhaitent au sein du corps des magistrats exerçant à titre temporaire (population de 460 magistrats environ), mais aussi une augmentation du nombre de ces magistrats, à un niveau proche des localisations actuelles des juridictions de proximité (environ 630).

D'autre part, la création de la fonction de juriste assistant, par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI ème siècle 70 ( * ) , qui a vocation à intervenir auprès des magistrats dans la phase préparatoire des décisions, va également se matérialiser par des recrutements de personnels vacataires, dans une mesure qui n'a pas été indiquée à votre rapporteur pour avis.

Le ministère de la justice utilise une partie des crédits de personnel non consommés pour mobiliser la réserve judiciaire ou recruter des vacataires. Or, comme votre rapporteur pour avis le relevait déjà l'année dernière, il convient de respecter, en la matière, une juste mesure et d'éviter que des fonctions de magistrats professionnels soient durablement suppléées par le recours à des vacataires.

Si le nombre de postes de magistrats créés est important, force est donc de constater que ces créations ne profiteront pas nécessairement au fonctionnement courant des juridictions.

Une nouvelle fois, le constat des années précédentes peut être reconduit à l'identique : les vacances de postes se sont aggravées, en dépit des créations d'emplois intervenues. Ces vacances correspondent à des postes affectés à des juridictions, par la circulaire de localisation des emplois dite circulaire « CLE », qui n'ont pas été pourvus, faute d'un effectif suffisant 71 ( * ) .

Ainsi, le nombre de postes non pourvus à la date du 1 er janvier 2016 s'élève à un peu moins de 6 % de l'effectif total des magistrats en juridiction (479 postes pour un effectif théorique de 7 992 magistrats), ce solde se dégradant de près d'un point par rapport à 2015, dans le cadre d'une aggravation continue du phénomène depuis 2011.

Comparaison entre les effectifs réels et théoriques des magistrats
affectés en juridictions, hors Cour de cassation
(au 1 er janvier de l'année concernée)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Effectifs théoriques

7 844

7 740

7 740

7 687

7 687

7 829

7 853

7 887

7 992

Effectifs réels

7 630

7 710

7 708

7 594

7 521

7 489

7 458

7 483

7 513

Solde

- 214

- 30

- 32

- 93

- 166

- 340

- 395

- 404

- 479

Taux de vacance d'emploi

2,73 %

0,39 %

0,41 %

1,21 %

2,16 %

4,34 %

5,03 %

5,12 %

5,99 %

Sources : ministère de la justice et commission des lois du Sénat.

Sources : ministère de la justice et commission des lois du Sénat.

La situation se dégrade également pour les fonctionnaires, puisque le taux de vacance revient au niveau de l'année 2014, en passant de 7,06 % en 2015 à 7,6 % en 2016, soit près de 1 612 postes vacants pour un effectif théorique de 21 197 fonctionnaires. Le taux de vacance des personnels de greffe est même beaucoup plus important, à 9,14 %, ce qui représente 881 postes pour un effectif localisé de 9 640 greffiers.

Comparaison entre les effectifs réels et théoriques des fonctionnaires affectés
en juridictions ou en service administratif régional
(au 1 er janvier de l'année concernée)

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Effectifs théoriques

21 274

21 189

20 902

20 778

20 929

21 025

21 105

21 174

21 197

Effectifs réels

20 247

20 076

19 997

19 837

19 509

19 419

19 502

19 680

19 585

Solde

- 1 027

- 1 113

- 905

- 941

- 1 420

- 1 606

- 1 603

- 1 494

- 1 612

Taux de vacance d'emploi

4,83 %

5,25 %

4,33 %

4,53 %

6,78 %

7,64 %

7,60 %

7,06 %

7,60%

Sources : ministère de la justice et commission des lois du Sénat.

Sources : ministère de la justice et commission des lois du Sénat.

B. DES FRAIS DE JUSTICE EN AUGMENTATION

1. La sous-dotation des frais de justice

Les services judiciaires se sont engagés depuis plusieurs années dans un plan de maîtrise des frais de justice, dont la mesure la plus emblématique est la mise en place de l'application « Chorus Pro » à compter de l'année 2014 72 ( * ) . Cette plate-forme internet, qui permet la dématérialisation du paiement des frais de justice, a contribué à réduire le délai de paiement des prestataires et des auxiliaires de justice, le ramenant à 64 jours en moyenne 73 ( * ) , selon le dernier bilan transmis à votre rapporteur pour avis par la Chancellerie.

Les montants de la dotation initiale en matière de frais de justice sont régulièrement et parfois sensiblement sous-estimés et bien en-deçà des besoins réels des juridictions.

Selon le rapport annuel de performance pour 2015 74 ( * ) , les montants des engagements non payés en fin d'année étaient de 156,8 millions d'euros pour 2014 et de 133,8 millions d'euros pour 2015, ce qui représente respectivement près de 34 % et 30 % de leurs dotations initiales. Les engagements non payés en fin d'année sont ainsi très élevés, contribuant ainsi à reporter d'une année sur l'autre les paiements en retard. La prévision d'exécution pour 2016 s'élève, quant à elle, à 487,3 millions d'euros, ce qui représente un écart de 5,25 % par rapport à la dotation initiale.

Évolution de la dotation initiale des frais de justice
et de sa consommation réelle entre 2009 et 2017 (crédits de paiement en millions d'euros)

Crédits de paiement en M €

2009

2010

2011 75 ( * )

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Dotation initiale

409

393,3

459,6

470

475,9

455,3

449,8

463

474,6

Consommation réelle*

432,5

467,8

537,5

454,5

473,7

469,9

475,4

487,3

-

Écart entre la consommation finale et la dotation initiale

5,75%

18,94%

16,95%

-3,30%

-0,46%

3,21%

5,69%

5,25%

-

Évolution de la consommation réelle par rapport à l'année N-1

-

8,16%

14,90%

-15,44%

4,22%

-0,80%

1,17%

2,50%

-

* Pour 2016, il s'agit d'une prévision d'exécution.

Sources : ministère de la justice et commission des lois du Sénat.

2. L'augmentation apparente de la dotation pour 2017

Pour 2017, le Gouvernement prévoit de consacrer aux frais de justice une enveloppe de 474,6 millions d'euros, en augmentation de 11,6 millions par rapport à la dotation initiale de 2016, mais en recul de 12,7 millions par rapport à la consommation réelle estimée pour ce même exercice. La part des engagements non soldés en 2016 et demandés sur des crédits de paiement 2017 est estimée à 115,1 millions d'euros, ce qui représente un montant légèrement inférieur aux années précédentes.

Votre rapporteur pour avis a par ailleurs noté qu'un décret d'avance du 3 octobre 2016 76 ( * ) avait ouvert près de 25 millions d'euros en autorisations d'engagement et 40 millions d'euros en crédits de paiement sur le programme « Justice judiciaire ». Ces crédits de paiement sont, selon les informations transmises par la Chancellerie, destinés à apurer les dettes contractées par les juridictions auprès de leurs prestataires ou des auxiliaires de justice. En l'état, cette ouverture de crédits ne suffira toutefois pas à absorber la totalité du stock de dettes, puisqu'il restera près 75 millions d'euros non couverts par des crédits de paiement 2016, qui seront, de fait, directement reportés sur la dotation prévue pour 2017 77 ( * ) .

En matière civile, laquelle ne représente que 10 % du budget des frais de justice à hauteur de 47,7 millions d'euros, la programmation prévoit une baisse de 17 % par rapport à 2016, en raison de la baisse structurelle des frais de justice en matière commerciale qu'anticipe le Gouvernement 78 ( * ) .

La dotation pour 2017 est toutefois présentée comme tenant compte des mesures nouvelles et notamment la mise en oeuvre de la réforme concernant les mesures de rétention des étrangers, qui modifie les conditions d'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) 79 ( * ) .

Les dépenses en matière pénale représentent près de 90 % de la dotation globale de frais de justice. L'enveloppe de 427 millions d'euros allouée pour 2017 est en hausse de 5,4 % par rapport à 2016 80 ( * ) . Toutefois, contrairement aux années précédentes, la programmation 2017 intègre le coût en année pleine du paiement, dans le cadre du budget des frais de justice, des cotisations sociales des collaborateurs occasionnels du service public de la justice à hauteur de 50,8 millions d'euros 81 ( * ) . À périmètre constant, l'enveloppe budgétaire est donc de 376,1 millions d'euros 82 ( * ) , en retrait de près de 30 millions d'euros (- 7,2%) par rapport à 2016 83 ( * ) , soit un recul trois fois plus important en valeur absolue que celui déjà intervenu entre 2015 et 2016. La programmation prévoit également une enveloppe de 16 millions d'euros (contre 5 millions d'euros seulement pour le projet de loi de finances pour 2016) attribuée dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme (PLAT).

Certes, le ministère de la justice attend, comme l'année passée, d'importantes économies, obtenues notamment grâce à la mise en oeuvre de la plateforme nationale d'interception judiciaire (PNIJ) et à la nouvelle réforme de la médecine légale, à hauteur, respectivement, de 35 et de 7 millions d'euros, ainsi que 3,5 millions d'euros d'économies supplémentaires 84 ( * ) . Toutefois, l'expérience enseigne que les économies escomptées ne sont pas toujours effectives. Concernant la PNIJ, d'après les informations transmises à votre rapporteur pour avis par la Chancellerie, les économies pour 2015 seraient in fine de seulement 1 million d'euros contre 7,5 millions d'euros initialement attendus et de 12 millions d'euros seulement pour 2016, au lieu des 25 millions attendus.

Lors de son intervention devant votre commission à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances pour 2017, le garde des sceaux, M. Jean-Jacques Urvoas , a affirmé à ce sujet qu'une enquête technique était en cours afin de travailler sur des hypothèses d'adaptation de l'outil.

Votre rapporteur pour avis relève également l'importance du rythme de délégation des crédits aux juridictions, qui, s'il n'est pas prévisible, peut poser des difficultés aux chefs de cours. Une ouverture plus régulière de crédits par l'administration centrale permettrait de limiter ces difficultés.

En conséquence, votre rapporteur pour avis réitère son constat des deux dernières années, selon lequel l'inflation continue des frais de justice risque, au moins à court terme, de se poursuivre, et déplore la sous-dotation importante de l'enveloppe budgétaire correspondante, comme on l'observe depuis la loi de finances pour 2015.

L'inquiétude de votre rapporteur pour avis est renforcée par le fait que la réduction des crédits de paiement et autorisations d'engagement de 8,2 millions d'euros, intervenue sur le programme « Justice judiciaire » suite à un amendement adopté en seconde délibération à l'Assemblée nationale 85 ( * ) , est notamment permise par « un effort supplémentaire d'optimisation des frais de justice (...) ».

C. UNE AUGMENTATION DES MOYENS DE FONCTIONNEMENT COURANT

1. Une augmentation des crédits en 2017...

Le présent projet de loi de finances prévoit une augmentation de 10 % des crédits de paiement dédiés au fonctionnement courant 86 ( * ) des juridictions par rapport à 2016, à hauteur de 366,11 millions d'euros en autorisations d'engagement et 348,67 millions d'euros en crédits de paiement. Cette hausse de crédits est notamment destinée à accompagner la hausse des effectifs en juridictions, mais aussi à mettre en oeuvre les mesures de mise en sûreté des bâtiments dans le cadre du plan de lutte contre le terrorisme.

Les dépenses d'investissement 87 ( * ) augmentent plus nettement, de 13 % en crédits de paiement (à 155,4 millions d'euros) et de 111% en autorisations d'engagement (à 244,2 millions d'euros). Votre rapporteur pour avis constate que ces crédits de paiement reviennent à leur niveau de 2015, après avoir diminué de près d'un tiers en 2016. L'écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement s'explique par la programmation de différentes opérations de long terme confiées à l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ), par la poursuite de la mise aux normes des palais de justice et par la programmation de la mise en oeuvre des conséquences immobilières de certaines mesures issues de la loi de modernisation de la justice du XXI ème siècle, comme par exemple l'intégration au sein des tribunaux de grande instance du contentieux des tribunaux des affaires de sécurité sociale et des tribunaux du contentieux de l'incapacité.

2. ... qui permettra en partie d'apurer les charges non réglées en 2016

Ce constat doit toutefois être tempéré par l'importance des charges restant à payer par les juridictions en fin d'année 2016 et qui, de ce fait, amputeront dès le début de l'exercice 2017 la dotation budgétaire allouée.

En outre, de même que pour les frais de justice, la réduction des crédits de la justice judiciaire adoptée par voie d'amendement en seconde délibération à l'Assemblée nationale 88 ( * ) , impliquera des économies sur l'investissement immobilier, ce qui devrait encore réduire la dotation en la matière pour 2017.

Évolution de la proportion des charges restant à payer en fin d'année
entre 2016 et 2107 (crédits de paiement en millions d'euros)

Nature de la dépense

Loi de finances initiale pour 2016

Projet de loi de finances pour 2017

Dotation allouée

Montant correspondant à des engagements antérieurs

Dotation allouée

Montant correspondant à des engagements antérieurs

En valeur

En %

En valeur

En %

Fonctionnement courant

313,3

105,1

34%

348,7

122,95

35%

Investissement immobilier

118,5

122,2

103%

155,4

128,94

83%

Sources : projet annuel de performance pour 2017
mission « Justice » et commission des lois du Sénat.

III. L'AIDE JURIDICTIONNELLE : UN AJUSTEMENT QUI NE RÉSOUT PAS L'ENJEU DU FINANCEMENT STRUCTUREL

L'aide juridictionnelle, régie par la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique 89 ( * ) , modifiée par la loi du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits 90 ( * ) , permet de garantir au justiciable qu'un avocat pourra le défendre, malgré l'insuffisance de ses moyens.

L'admission à l'aide juridictionnelle est prononcée sous condition de ressources. Elle est accordée, selon la loi, à la « personne dont l'action n'apparaît pas manifestement irrecevable ou dénuée de fondement » 91 ( * ) . Elle entraîne pour le bénéficiaire, l'avance par l'État de la totalité ou d'une partie 92 ( * ) des frais afférents aux prestations d'auxiliaires de justice qui pourraient être engagés dans le cadre des procédures, qu'il s'agisse de prestations d'avocats, d'huissiers, d'experts ou d'enquêteurs sociaux mandatés par les juridictions. Toutefois, il ressort des auditions de votre rapporteur pour avis qu'en pratique, les bureaux d'aide juridictionnelle (BAJ) suivent une « logique de guichet », et n'ont guère la possibilité d'apprécier le fond de l'affaire.

Les admissions à l'aide juridictionnelle sont instruites par les (BAJ) présents dans chaque tribunal de grande instance (TGI).

L'avocat du bénéficiaire de l'aide peut renoncer à sa rétribution et recouvrer contre la partie tenue aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle l'indemnité que lui a allouée la juridiction, ou encore être rémunéré par le bénéficiaire de l'aide lorsque la décision de justice rendue à son profit lui a procuré des ressources telles que, si elles avaient existé au moment de la demande d'aide, cette aide n'aurait pas été accordée. En pratique, les deux facultés sont très rarement utilisées.

A. UN DÉBUT D'AJUSTEMENT DE LA RÉTRIBUTION DES AVOCATS

1. L'augmentation des ressources budgétaires et extra-budgétaires

Le projet de loi de finances pour 2017 prévoit une augmentation de 12 % des crédits budgétaires dédiés à l'aide juridictionnelle, soit plus de 40 millions d'euros de ressources supplémentaires. Les crédits de paiement et les autorisations d'engagement de cette action intégrée au programme 101 « Accès au droit et à la justice » atteignent ainsi 370,9 millions d'euros en 2017, contre 330,7 millions d'euros en 2016.

Ces crédits budgétaires seront complétés, pour 2017, par l'augmentation des ressources extra-budgétaires telles qu'elles avaient été prévues par les lois de finances pour 2015 et 2016.

L'évolution du financement extra-budgétaire de l'aide juridictionnelle
prévue par les lois de finances pour 2015 et 2016

La loi du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 a créé trois nouvelles recettes affectées au Conseil national des barreaux (CNB), aux fins de financement de l'aide juridictionnelle et résultant :

- d'une augmentation de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance (TSCA) appliquée aux contrats de protection juridique, un prélèvement forfaitaire de 25 millions d'euros étant affecté au CNB 93 ( * ) ;

- de la revalorisation du montant de la taxe forfaitaire sur les actes des huissiers de justice, la ressource étant limitée à 11 millions d'euros 94 ( * ) . Initialement fixée à 9,15 euros, elle est passée à 11,60 euros, soit une augmentation de 22 %. Cette taxe est acquittée par l'huissier, pour le compte de son client ;

- du presque doublement (+ 41% en moyenne) des droits fixes de procédure dus par chaque condamné à une instance pénale. Ces droits variaient de 22 euros à 375 euros, selon l'importance de l'instance. Ils s'échelonnent, après augmentation, de 31 à 527 euros, pour un rendement escompté de 7 millions d'euros.

La loi du 29 décembre 2015 de finances pour 2016, a réduit à deux types de recettes le financement complémentaire de l'aide juridictionnelle :

- en relevant à 35 millions d'euros le produit de la TSCA affecté au CNB ;

- en substituant aux recettes provenant de la taxe sur les actes des huissiers et du droit fixe de procédure pénale un prélèvement forfaitaire sur le produit d'une partie des amendes pénales. Ce montant a été fixé à 28 millions d'euros pour 2016.

Il est ainsi prévu, pour 2017, d'augmenter de nouveau le produit des recettes affectées au Conseil national des barreaux (CNB) qui a pour mission de reverser ces fonds aux caisses des règlements pécuniaires entre avocats (CARPA), qui assurent le règlement aux avocats des rétributions correspondant à l'aide juridictionnelle, via l'union nationale des CARPA.

Le produit de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance affecté au CNB passe ainsi de 35 à 45 millions d'euros, d'une part, tandis que la fraction du produit des amendes prononcées en application du code pénal et du code de procédure pénale 95 ( * ) qui lui est aussi affectée passe de 28 à 38 millions d'euros.

Au total, le budget consacré à l'aide juridictionnelle atteindra, en 2017, 453,9 millions d'euros, financés par 370,9 millions d'euros de crédits budgétaires (+ 40,1 millions d'euros par rapport à 2016) et 83 millions d'euros de ressources extra-budgétaires (+ 20 millions d'euros par rapport à 2016).

Votre rapporteur pour avis observe toutefois que ce budget sera diminué de 8,7 millions d'euros de crédits budgétaires, suite à la réduction des crédits de paiement et autorisations d'engagement adoptée à l'Assemblée nationale et déjà évoquée. Le budget consacré à l'aide juridictionnelle ne sera ainsi pour 2017 plus que de 445,7 millions d'euros, dont 31,4 millions d'euros de crédits budgétaires.

2. L'augmentation de la rétribution des avocats

Cet effort budgétaire correspond au financement de l'augmentation de la rétribution des avocats, au titre de l'aide juridictionnelle.

Pour les avocats des justiciables, la contribution de l'État résulte du produit d'une unité de valeur dont le montant est fixé par la loi et d'un coefficient qui diffère selon la nature de la procédure 96 ( * ) , prévu par un barème fixé par voie règlementaire 97 ( * ) .

L'article 57 du projet de loi de finances pour 2017 prévoit que l'unité de valeur de référence, fixée jusqu'à présent à 26,50 euros 98 ( * ) , est ainsi augmentée à hauteur de 30 euros dans le projet de loi de finances initial pour 2017, après avoir déjà été augmentée de 22,5 euros à 26,5 euros en 2016.

Un amendement, déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale et adopté en séance publique, a finalement porté le niveau de l'unité de valeur à 32 euros. Cela correspond à une évolution très significative de 20,8 % entre 2017 et 2016 et de 42,2 % entre 2015 et 2017.

Auparavant, l'unité de valeur avait été déjà été augmentée, certes, dans une bien moindre mesure, en 2014 (+ 1,5 %), 2007 (+ 8 %) et 2004 (+ 2 %).

Par ailleurs, cette unité de valeur devient l'unique référence, toute modulation géographique étant supprimée. La suppression de cette modulation géographique interviendra par voie règlementaire. Les barreaux étaient jusqu'à présent répartis en trois groupes 99 ( * ) pour tenir compte des distinctions géographiques d'exercice de la profession, ce qui, selon le Gouvernement, ne se justifiait plus.

Ce dernier a également engagé une démarche de contractualisation, sans l'inscrire dans la loi, entre les présidents de tribunal de grande instance et les barreaux, afin de verser à ces derniers une dotation supplémentaire d'aide juridictionnelle en fonction des besoins et des efforts particuliers consentis au sein de chaque barreau.

En 2017, les possibilités de contractualisation locale existantes vont être étendues, afin de permettre un élargissement du champ des missions pouvant donner lieu à majoration de rétribution. Les missions éligibles sont en effet aujourd'hui restreintes à certaines procédures comme l'instruction criminelle ou l'assistance des étrangers devant le juge des libertés et de la détention par exemple.

Ce dispositif de contractualisation est censé compenser, pour certains barreaux, le manque à gagner provoqué par la suppression de la modulation géographique. Il s'agit d'un système à l'encontre duquel les représentants de certains barreaux expriment des réticences, estimant que ce n'est pas le rôle des chefs de juridiction de définir les priorités des barreaux. Selon les informations transmises par la Chancellerie à votre rapporteur pour avis, une enveloppe de 8,1 millions d'euros est prévue pour financer ce dispositif, incluse dans celle des crédits budgétaires supplémentaires pour 2017 (+ 40 millions d'euros déjà évoqués).

Lors de leur audition par votre rapporteur pour avis, les représentants des avocats ont attiré son attention sur ce projet de refonte du barème de rétribution des avocats au titre de l'aide juridictionnelle. Ils lui ont fait part de leur inquiétude, déjà exprimée l'année dernière, selon laquelle en dépit de la revalorisation de l'unité de valeur, la modification du barème pourrait aboutir à diminuer la rétribution de l'avocat.

D'après les dernières informations transmises par la Chancellerie à votre rapporteur pour avis, une étude est actuellement en cours sur le temps de travail des avocats nécessaire en moyenne pour traiter chaque type de contentieux, sur laquelle s'appuierait ensuite le ministère afin de réviser le barème des prestations soumises à l'aide juridictionnelle.

En l'état, l'unité de valeur est supposée représenter 30 minutes de travail, de sorte que, dans un certain nombre de cas, le barème ne correspond plus à la réalité du travail fourni ou, tout au moins, nécessaire. Plus largement, s'ils ont salué la revalorisation de l'unité de valeur, les représentants de la profession d'avocat ont estimé nécessaire la poursuite de cet effort.

3. Un financement sous-évalué

L'annexe du projet de loi de finances pour 2017 estime le coût total des différentes mesures en année pleine à 133 millions d'euros, sur la base d'une revalorisation de l'unité de valeur à 30 €. Cette estimation comprend également l'enveloppe dédiée à la contractualisation entre les barreaux et les tribunaux de grande instance, ainsi que le relèvement du plafond de ressources d'admission à l'aide juridictionnelle, intervenu en 2016 100 ( * ) .

Or, votre rapporteur pour avis a relevé que le montant total des ressources complémentaires consacrées en 2017 au financement de ces mesures ne s'élève qu'à 123 millions d'euros.

Certes, l'étude d'impact du projet de loi de finances pour 2017 évoque un coût légèrement inférieur en 2017 du fait des délais de paiement de l'aide juridictionnelle, mais uniquement à hauteur de 4,7 millions d'euros. Resterait donc un besoin de financement de 5,3 millions d'euros en 2017 et de 10 millions d'euros les années suivantes, cet effet retard du délai ne jouant que la première année.

En outre, l'augmentation complémentaire de l'unité de valeur à 32 € adoptée à l'Assemblée nationale, d'un coût supplémentaire estimé à 58,2 millions d'euros en année pleine, dont 14,6 millions dès 2017, ne s'accompagne pas d'un financement complémentaire.

Lors de leur audition par votre rapporteur pour avis, les représentants du ministère de la justice ont indiqué qu'il n'y avait pas nécessité de faire appel à un financement nouveau et ont évoqué la possibilité de redéploiement des crédits du programme « Accès au droit et à la justice », grâce au rééquilibrage des enveloppes prévues au titre de la contractualisation locale et du barème.

Votre rapporteur pour avis, sans précision complémentaire, ne peut qu'émettre des réserves sur la fiabilité de ce financement et craint que d'autres actions du programme 101, comme les crédits alloués au réseau judiciaire de proximité ou à la médiation familiale, soient mis à contribution pour compenser le besoin accru de financement de l'aide juridictionnelle .

Cette inquiétude de votre rapporteur pour avis est accrue par la baisse des crédits budgétaires de 8,7 millions d'euros votée à l'Assemblée nationale, qui interviendrait uniquement sur le budget de l'aide juridictionnelle 101 ( * ) .

La question de la mobilisation de nouveaux financements complémentaires, susceptibles de garantir un financement structurel et pérenne de l'aide juridictionnelle, continue donc de se poser.

B. LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉFLEXION À LONG TERME EN VUE D'UN FINANCEMENT STRUCTUREL

1. Les nombreuses pistes déjà étudiées

Depuis plusieurs années déjà, le constat est clair et unanime : le dispositif d'aide juridictionnelle nécessite l'engagement d'une réforme d'ampleur. Diverses propositions ont été formulées, notamment par nos collègues Sophie Joissains et Jacques Mézard, dans leur rapport d'information intitulé « Aide juridictionnelle : le temps de la décision » 102 ( * ) .

En 2016, Mme Christiane Taubira, alors garde des sceaux, avait dû renoncer, devant la protestation des barreaux, à créer une nouvelle recette affectée au Conseil national des barreaux (CNB). Celle-ci aurait été constituée d'une partie des produits financiers perçus par les avocats sur les fonds de leurs clients déposés sur les comptes qu'ils détiennent, à cet effet, auprès des caisses des règlements pécuniaires entre avocats (CARPA) constituées, en principe, auprès de chaque barreau. La ressource escomptée devait être de 5 millions d'euros en 2016 et de 10 millions d'euros en 2017, c'est-à-dire relativement modeste et peu dynamique compte tenu du taux de rémunération de ces fonds 103 ( * ) .

Tous les barreaux se sont vivement opposés à ce dernier prélèvement, qu'ils ont assimilé à une taxe sur leur profession. En effet, même si les « fonds CARPA » n'appartiennent pas aux avocats, puisqu'il s'agit des fonds de leurs clients, les produits financiers perçus sur ces fonds sont actuellement affectés au financement des barreaux, qu'il s'agisse des dépenses liées à la gestion de l'aide juridictionnelle, ou de celles liées à la formation initiale des avocats ou à l'action sociale entre avocats.

La voie d'une participation financière des avocats est ainsi pour l'instant abandonnée, en vertu de l'idée selon laquelle une profession ne doit pas être taxée pour financer la prestation qu'elle accomplit. Pour la même raison, l'idée d'une taxation du chiffre d'affaires des cabinets d'avocats rencontrerait la même opposition.

Le financement par les justiciables, via la contribution pour l'aide juridique (CPAJ) de 35 euros, a également été supprimé au 1 er janvier 2014. Cette contribution avait rapporté 51 et 54 millions en 2012 et 2013. Plusieurs rapports ont également suggéré une piste proche, qui pourrait être à nouveau explorée, celle d'une contribution pour la seule partie perdante par exemple.

Enfin, sur le fonctionnement de l'aide juridictionnelle, se pose également la question du renforcement par les bureaux d'aide juridictionnelle de l'examen du bien-fondé des recours et du contrôle effectif des ressources du demandeur et, plus largement, de l'amélioration de la gestion du dispositif à droit inchangé.

Lors de son audition par votre commission sur le projet de loi de finances pour 2017, le garde des sceaux , M. Jean-Jacques Urvoas , a indiqué à votre rapporteur pour avis qu' « il ne relancerait pas la réforme de l'aide juridictionnelle », « difficile » en raison « de la pluralité d'interlocuteurs » représentant les avocats. Il a précisé que l'hypothèse d'une nouvelle taxe affectée n'avait pas été retenue mais « qu'une évolution du système [était] toutefois nécessaire ».

2. Vers une contribution de l'ensemble des professionnels du droit au financement de l'aide juridictionnelle ?

Lors de leur audition par votre rapporteur pour avis, les représentants des huissiers de justice ont souhaité rappeler leur contribution actuelle au bon fonctionnement de l'aide juridictionnelle, notamment grâce à la taxe forfaitaire sur les actes d'huissiers, qui fait l'objet d'une nouvelle augmentation en 2017, prévue par la loi de finances pour 2016 104 ( * ) . Toutefois, cette taxe, auparavant affecté au CNB pour le financement de l'aide juridictionnelle 105 ( * ) , ne l'est plus depuis le 1 er janvier 2016.

Les notaires ont également indiqué leur souhait d'être associés à une réflexion sur l'aide juridique au sens large, au-delà du dispositif de l'aide juridictionnelle, mettant en avant leur rôle de maillon de l'accès au droit sur le territoire.

Cette contribution des autres professions du droit au financement de l'aide juridictionnelle pose cependant la question de la participation des avocats qui ne pratiquent pas l'aide juridictionnelle, à ce même financement. En effet, moins de la moitié des avocats (41 %) accomplit effectivement des prestations d'aide juridictionnelle et seulement 16 % accomplissent 84 % de l'ensemble des missions. Il n'existe pas, pour les avocats, d'obligation d'aide juridictionnelle, comme il existe, pour les médecins exerçant à titre libéral, une obligation de garde 106 ( * ) .

Une autre piste possible est celle d'une taxe perçue sur certains actes juridiques. Cette piste, proposée par le CNB, a été reprise par nos collègues Sophie Joissains et Jacques Mézard. Il s'agirait de faire payer les clients des professionnels du droit. La question a été débattue entre ces professions qui s'interrogeaient sur l'assiette à retenir.

Une réflexion sur le renforcement du principe de subsidiarité 107 ( * ) entre les contrats de protection juridique et l'aide juridictionnelle peut également constituer, pour les acteurs du droit et les pouvoirs publics, un axe de réflexion. Toutefois, le public des bénéficiaires potentiels de l'aide juridictionnelle et celui des détenteurs d'un tel contrat ne se recoupent, selon votre rapporteur pour avis, sans doute qu'assez partiellement. Dans les faits, la subsidiarité est rarement mise en oeuvre. D'où l'idée d'une plus grande mise à contribution des assureurs, au titre des taxes existantes.

Enfin, le fonds interprofessionnel de l'accès au droit et à la justice (FIADJ), créé par la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques 108 ( * ) , qui avait vocation à compléter le financement de l'aide juridictionnelle, ne constitue, pour l'instant, qu'une réponse théorique. À ce jour, le FIADJ a reçu compétence par décret pour octroyer des aides à l'installation ou au maintien des professionnels du droit 109 ( * ) , mais aucune disposition ne concerne pour l'instant l'aide juridictionnelle.

Votre rapporteur pour avis constate que la réforme attendue de l'aide juridictionnelle n'a toujours pas eu lieu, et qu'une nouvelle fois, un gouvernement propose une solution transitoire qui n'assure pas la pérennité financière d'un dispositif pourtant absolument nécessaire dans le cadre de l'État de droit.

La réflexion à conduire sur l'aide juridictionnelle dépasse bien évidemment le cadre d'un avis budgétaire et la mission d'information sur le redressement de la justice créée au sein de votre commission en juillet 2016, devrait, notamment sur ce sujet, formuler des propositions au premier trimestre 2017.

*

* *

Au bénéfice de l'ensemble de ces observations et de ces réserves, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes « Justice judiciaire », « Accès au droit et à la justice », « Conduite et pilotage de la politique de la justice » et Conseil supérieur de la magistrature » de la mission « Justice », ainsi qu'à l'article 57 du projet de loi de finances qui lui est rattaché.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de la justice

Cabinet de M. le ministre

M. Romuald Gilet , conseiller budgétaire

M. Samuel Lainé , conseiller services judiciaires

Mme Morgane Frétault , conseillère parlementaire.

Services judiciaires

M. Yves Badorc , chef de service au secrétariat général

M. Thomas Lesueur , adjoint à la directrice de la direction des services judiciaires

Conseil supérieur de la magistrature (CSM)

M. Bertrand Louvel , président du CSM, Premier président de la cour de Cassation

M. Daniel Barlow , secrétaire général

Conseil national de l'aide juridique

M. Olivier Rousselle , ancien président

Barreau de Paris

M. Xavier Autain , membre du Conseil de l'Ordre de Paris, délégué du Bâtonnier aux affaires publiques

M. Matthieu Baccialone , responsable des affaires publiques du Barreau de Paris

Conseil national des barreaux

Mme Béatrice Voss , membre de la commission Textes et de la commission Libertés et droits de l'homme du CNB, membre du comité interministériel de suivi des victimes (CISV)

M. Henri Gerphagnon , membre de la commission Accès au droit et à la justice du CNB

M. Jacques-Édouard Briand , directeur des affaires législatives et réglementaires du CNB

Conseil supérieur du notariat

M. Damien Brac de la Perrière , directeur des affaires juridiques du CSN

M. Jean-Philippe Fruchon , président de l'Institut d'études juridiques du CSN

Mme Christine Mandelli , chargée des relations avec les institutions

Chambre nationale des huissiers de justice

M. Pascal Thuet , trésorier

M. Gabriel Mecarelli , directeur du département juridique

Union syndicale des magistrats

Mme Virginie Duval , présidente

Mme Pascale Loué-Williaume , trésorière nationale adjointe, secrétaire nationale

Syndicat de la magistrature

Mme Clarisse Taron , présidente

Mme Anaïs Vrain , secrétaire nationale

Syndicat national des magistrats FO

M. Jean de Maillard , permanent syndical

Représentants des greffiers et des personnels judiciaires 110 ( * )

Unsa services judiciaires

Mme Brigitte Bruneau , secrétaire générale adjointe

M. André Toutain , secrétaire général adjoint

Syndicat des greffiers de France-FO

Mme Sophie Grimault , première secrétaire générale adjointe

Mme Hélène Placet , greffière à la cour d'appel de Paris

M. Jean-Jacques Pieron , greffier au conseil de prud'hommes de Vannes, secrétaire général adjoint

CGT chancellerie et services judiciaires

M. Cyril Papon , secrétaire général adjoint

Mme Martine Motard , secrétaire générale adjointe

C.JUSTICE

Mme Lydie Quirié , secrétaire général

M. Jean-Luc Lacoste , responsable national

M. Lucie Guillon , responsable nationale


* 1 Le compte rendu de cette audition est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20161121/lois.html#toc2

* 2 Le compte rendu de cette réunion est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20161121/lois.html#toc7

* 3 Ces deux derniers programmes sont respectivement étudiés au nom de la commission des lois par nos collègues M. Hugues Portelli et Mme Cécile Cukierman.

* 4 Loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature.

* 5 Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI ème siècle.

* 6 Rapport d'information n° 680 (2013-2014) de Mme Sophie Joissains et M. Jacques Mézard, « Aide juridictionnelle : le temps de la décision », fait au nom de la commission des lois, déposé le 2 juillet 2014. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : www.senat.fr/notice-rapport/2013/r13-680-notice.html)

* 7 Amendement n° II-144 au PLF 2017 présenté par le Gouvernement à l'article 29, Etat B, Mission « Justice ».

* 8 Les développements qui suivent sont réalisés à partir du projet de loi de finances initial pour 2017.

* 9 Maisons de la justice et du droit, commissions départementales d'accès au droit et bureaux d'aide juridictionnelle.

* 10 Le projet de loi de finances pour 2017 présente un changement de périmètre concernant la présentation par action des frais de justice. Les dépenses de frais de justice qui étaient prises en charge par le budget central des services judiciaires, jusqu'ici imputées sur l'action n° 6 « Soutien », sont désormais intégralement imputées sur l'action n° 2 « Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales ». C'est ce qui explique tant la baisse de cette action au sein du programme 166 « Justice judiciaire », que l'augmentation sensible de l'action n° 2.

* 11 Inchangé suite à l'adoption de l'amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale, réduisant de 8,2 millions d'euros les AE et CP des services judiciaires, la réduction de crédit ne concernant pas le titre 2 dédié aux dépenses de personnel.

* 12 Le plan de lutte anti-terrorisme est souvent abrégé dans les documents budgétaires par l'acronyme « PLAT », ou « PLAT 1 » et « PLAT 2 », pour la période à laquelle ils sont mis en oeuvre, respectivement les années 2015 et 2016 pour le premier et 2017 pour le second.

* 13 Le schéma d'emploi, non prévu par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), fixe, pour chaque ministère, le niveau des créations et des suppressions de postes (solde net). L'unité de compte est ici l'équivalent temps plein (ETP).

* 14 Par exemple, les magistrats de la promotion 2016, recrutés par concours en 2015, devraient être affectés en juridiction en 2018.

* 15 Cf . p. 56 du projet annuel de performance pour 2017.

* 16 Cette disposition concerne : les conseils de prud'hommes, les tribunaux pour enfants et les tribunaux d'instance.

* 17 Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

* 18 La totalité du besoin en effectifs sur cette seule réforme (+ 45 ETPT) dépasse le nombre d'emplois supplémentaires que le Gouvernement propose de créer, en plus des emplois dédiés à la lutte contre le terrorisme.

* 19 Le protocole PPCR est un accord qui concerne les trois fonctions publiques et porte réforme de l'architecture statutaire, des grilles de rémunération et de la gestion des fonctionnaires.

* 20 Ce régime indemnitaire va devenir, d'ici 2016, le nouvel outil indemnitaire de référence et remplacer la plupart des primes existantes dans la fonction publique de l'État.

* 21 Cf. infra , partie III.

* 22 Cf. supra , p.8.

* 23 Les développements qui précèdent ont été réalisés à partir du projet de loi de finances initial pour 2017.

* 24 Cf. infra partie III .

* 25 Selon le projet annuel de performance pour 2017, ce réseau judiciaire de proximité compte 1 250 points d'accès au droit sur le territoire (mission « Justice », p. 185).

* 26 Celles-ci seront situées dans les communes suivantes : Rillieux-la-Pape, Avignon, Clermont-Ferrand et Perpignan.

* 27 97 % des dépenses de l'action engagée en faveur de « l'aide aux victimes » correspondent à des dépenses d'intervention, selon le projet annuel de performance pour 2017, mission « Justice »,
p. 205.

* 28 Conformément à l'article 26 de la loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales.

* 29 Loi n° 2016-731 du 6 juin 2016, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.

* 30 Les crédits de cette action étaient, dans le projet de loi de finances pour 2016, proposés en baisse de 0,4 %, ce que votre rapporteur pour avis avait relevé. Il avait proposé un redéploiement de crédits en faveur de la médiation familiale permettant une hausse de 10 % de ces derniers et constate que c'est finalement une augmentation de crédits assez proche qui a été votée par le Parlement.

* 31 Article 7 de la loi précitée.

* 32 Projet annuel de performance pour 2017, mission « Justice », p. 236.

* 33 Ibid., p. 236.

* 34 Ibid. , p. 21 et 236.

* 35 Ibid. , p. 231.

* 36 Ibid. , p. 231.

* 37 Cf. supra , p.8.

* 38 Amendement n° II-144 au PLF 2017 présenté par le Gouvernement à l'article 29, Etat B, Mission « Justice ».

* 39 Il s'agit de l'entrée en vigueur du nouveau régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) et de l'accord « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR).

* 40 Cette opération immobilière, dénommée « Chancellerie 2015 », prévoit le regroupement de l'ensemble des services de l'administration centrale du ministère de la justice sur deux sites. Seront, à terme, regroupés sur le site du parc du Millénaire, dans le 19 ème arrondissement de Paris, les services centraux du secrétariat général et les directions gestionnaires. Les directions normatives (direction des affaires criminelles et des grâces et direction des affaires civiles et du sceau) seront quant à elles relocalisées sur le site historique de la place Vendôme.

* 41 Cf . supra p.8.

* 42 Conformément à l'article 10-2 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, dans sa rédaction issue de la loi organique n° 2016-1090 du 8 août 2016 relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature.

* 43 Sur saisine du magistrat concerné ou de l'un de ses chefs hiérarchiques.

* 44 Conformément à l'article 65 de la Constitution, le Conseil supérieur de la magistrature, dans sa formation compétente à l'égard des magistrats du siège, fait des propositions pour les nominations de magistrats aux postes du siège de la Cour de cassation, de premiers présidents de Cours d'appel et de présidents de tribunaux de grande instance. Cela concerne environ 400 postes.

* 45 Les tribunaux de grande instance ont été saisis de 958 000 affaires nouvelles en 2015, contre 962 000 en 2014, ce qui représente un niveau très élevé d'activité, selon le projet annuel de performance « Justice » pour 2017, p. 27.

* 46 Selon le projet annuel de performance pour 2017 de la mission « Justice », p. 26, l'âge moyen du stock des affaires non traitées devant les tribunaux de grande instance atteint 14,4 mois en 2015.

* 47 Suite au rapport du président de la chambre sociale de la Cour de cassation Alain Lacabarats, intitulé « L'avenir des juridictions du travail : Vers un tribunal prud'homal du XXI ème siècle », le Gouvernement a engagé une réforme visant à améliorer le fonctionnement de la juridiction prud'homale. Sont notamment prévus le renforcement des missions du bureau de conciliation, la création de nouvelles formations de jugement afin d'améliorer les délais de traitement et une révision de la procédure.

* 48 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

* 49 Dernières données disponibles.

* 50 Articles L. 221-2 et L. 324-2 du code de la route et articles 495-17 à 495-24 nouveaux du code de procédure pénale.

* 51 Cette procédure non judiciaire devient ainsi la procédure de droit commun en matière de divorce par consentement mutuel. Elle est régie par les articles 229-1 à 229-4 nouveaux du code civil. Le divorce par consentement mutuel se fait donc désormais uniquement par acte sous seing privé contresigné par avocats et constaté par un notaire, ce dernier donnant force exécutoire à la convention. Le seul cas dans lequel un juge peut être amené à prononcer un divorce par consentement mutuel est celui où l'un des enfants mineurs du couple, capable de discernement, demande à être entendu.

* 52 Cette mesure permettra que les dossiers de plans de surendettement ne soient plus à la charge des greffes qui doivent aujourd'hui les enregistrer, et des magistrats, qui doivent les examiner.

* 53 La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI ème siècle a également transféré la gestion de la procédure de changement de prénom, jusqu'ici soumise au juge, aux officiers de l'état civil. Ce transfert de compétence est toutefois plus modeste dans son périmètre puisqu'il ne concernerait que 2 500 demandes par an, selon les informations transmises à votre rapporteur pour avis par la Chancellerie.

* 54 Article 58 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI ème siècle.

* 55 Article 114 de la loi précitée.

* 56 Articles 14 et 114 de la loi précitée.

* 57 Article 15 de la loi précitée.

* 58 Les juges de proximité dont le mandat est en cours à la date de publication de la loi organique du 8 août 2016 peuvent être nommés, à leur demande et pour le reste de leur mandat, comme magistrats exerçant à titre temporaire dans le tribunal de grande instance du ressort dans lequel se trouve la juridiction de proximité au sein de laquelle ils ont été nommés

* 59 Projet annuel de performance pour 2017, mission « Justice », p. 27.

* 60 Idem supra .

* 61 Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

* 62 Projet annuel de performance pour 2017, mission « Justice », p. 27.

* 63 Prévu par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), le plafond d'emplois présente, par ministère, l'ensemble du personnel qui y est rémunéré par l'Etat. L'unité de décompte y est « l'équivalent temps plein travaillé » (ETPT). Il prend en compte le mois d'entrée dans l'année. Par exemple, un agent à temps plein employé toute l'année consomme un ETPT annuel.

* 64 Le différentiel entre le nombre de créations d'emplois proposé par le ministère dans le schéma d'emplois (600 ETP) et le nombre d'emplois autorisés dans le plafond annuel (666 ETPT) résulte d'une différence de périmètre comptable entre ces deux outils.

* 65 Correspond au nombre d'emplois proposés au moment du vote de la loi de finances. Sources : projets annuels de performances « Justice » 2009 à 2015.

* 66 Correspond à l'effectif réel mesuré en exécution budgétaire et issu des rapports annuels de performances « Justice » 2009 à 2015.

* 67 Différence entre les effectifs réels et le plafond voté.

* 68 Écart entre les effectifs réels d'une année sur l'autre.

* 69 Y compris effectifs dédiés au PLAT 1.

* 70 L'article 24 de la loi précitée a créé l'article L. 123-5 nouveau au sein du code de l'organisation judiciaire afin de régir cette nouvelle fonction de juriste assistant. Ils doivent être titulaires d'un diplôme de doctorat en droit ou d'un diplôme sanctionnant cinq années d'études avec deux ans d'expérience dans le domaine juridique.

* 71 Ne sont pas comptées dans ces vacances les absences temporaires, pour raisons médicales ou autres.

* 72 Le décret n° 2014-461 du 7 mai 2014 a prévu, à titre expérimental, l'établissement, la transmission et la certification des mémoires de frais sous forme dématérialisée. Après un démarrage sur trois cours d'appel en avril 2014, l'expérimentation du portail Internet « Chorus Portail Pro » , destiné à permettre aux prestataires requis de déposer de manière dématérialisée leur mémoire de frais de justice, a été étendue, au cours de l'année 2015, à l'ensemble des cours d'appel en trois vagues successives. Le décret n°2016-479 du 18 avril 2016 relatif au traitement des états et mémoires des frais de justice a généralisé le dispositif.

* 73 Les délais de paiement étaient auparavant très variables et pouvaient atteindre une année.

* 74 Rapport annuel de performance pour 2015, mission « Justice », p. 56.

* 75 Jusqu'en 2011 les frais postaux étaient inclus dans le périmètre des frais de justice. Ils sont depuis l'exercice 2012 rattachés aux crédits de fonctionnement courant des juridictions. Le montant hors frais postaux pour l'exercice 2011 équivaut à 481,8 millions d'euros.

* 76 Décret n° 2016-1300 du 3 octobre 2016 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 77 Sauf à ce que des autorisations de paiement et crédits de paiement supplémentaires soient ouverts pour 2016, par exemple à l'occasion d'une loi de finances rectificative.

* 78 Il s'agit de la mise en place du recouvrement des frais de justice commerciale et civile prévue par les articles R 91 et R 93 I du code de procédure pénale, la dématérialisation des avis de rétablissement personnel et des avis des procédures commerciales (TGI à compétence commerciale DOM/COM/Alsace-Moselle) publiés par le Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales.

* 79 L'impact est estimé à 600 000 euros de frais de justice supplémentaires.

* 80 Le projet de loi de finances pour 2017 présente un changement de périmètre de répartition par action des frais de justice. Les dépenses de frais de justice qui étaient prises en charge par le budget central des services judiciaires, jusqu'ici imputées sur l'action n° 6 « Soutien », sont désormais intégralement imputées sur l'action n° 2 « Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales ».

* 81 Il s'agit de la poursuite du plan d'action en faveur de l'affiliation au régime général de la sécurité sociale des collaborateurs occasionnels du service public de la justice initié en 2016, dont la liste a été redéfinie par les décrets n° 2015-1869 du 30 décembre 2015 et n° 2016-744 du 2 juin 2016. Ce plan prévoit de mettre en place le paiement des cotisations sociales, salariales et patronales, au titre de la prestation réalisée.

* 82 Projet annuel de performance pour 2017, mission « Justice », p. 72.

* 83 L'enveloppe prévue à périmètre constant en loi de finances initiale pour 2016 était de 405,2 millions d'euros.

* 84 Ces économies escomptées par le ministère correspondent à un effort de rationalisation de la gestion des frais de justice via deux principaux vecteurs : la mise en concurrence accrue des prestataires dans les domaines à fort enjeu (1,5 million d'euros), la maîtrise des frais de gardiennage de véhicules et la rationalisation des frais de conservation et de transport des scellés biologiques (2 millions d'euros).

* 85 Amendement n° II-144 au PLF 2017 présenté par le Gouvernement à l'article 29, Etat B, Mission « Justice ».

* 86 Le fonctionnement courant correspond aux dépenses quotidiennes des juridictions concernant la logistique, l'équipement informatique, les frais de déplacement. Sont également incluses dans ce périmètre les dépenses relatives à l'immobilier : les fluides, le nettoyage, le gardiennage, l'entretien courant, la maintenance, ainsi que les loyers lorsque la juridiction est locataire.

* 87 Concerne toutes les dépenses de travaux et de programmation immobilière, y compris les dépenses liées aux partenariats publics-privés conclus dans le cadre de construction de nouveaux tribunaux.

* 88 Cf . supra p.8.

* 89 Loi n° 91-647 relative à l'aide juridique.

* 90 Loi n° 98-1163 du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits.

* 91 Article 7 de la loi n° 91-647 relative à l'aide juridique.

* 92 En cas d'aide juridictionnelle partielle.

* 93 Article 1001 du code général des impôts.

* 94 Article 302 bis Y du code général des impôts.

* 95 Article 42 de la loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

* 96 Le coefficient de base fixé par le décret pour le divorce par consentement mutuel vaut, par exemple, 30 unités de valeur, quand une procédure devant les conseils des prud'hommes avec départage en vaut 36.

* 97 Décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

* 98 Le montant de l'unité de valeur est indiqué hors taxes.

* 99 Le montant de l'unité de valeur selon les groupes était de 26,5 euros, 27,5 euros ou 28, 5 euros.

* 100 La loi de finances pour 2016 a permis de relever le plafond d'admission à l'aide juridictionnelle, qui est passé pour une personne seule de 941 euros à 1 000 euros et a également été indexé sur l'inflation.

* 101 Le Gouvernement prévoit une « montée en puissance plus progressive que prévue du dispositif d'aide à la médiation ».

* 102 Les deux plus récents sont ceux du groupe de travail de votre commission des lois, présentés par nos collègues Sophie Joissains et Jacques Mézard (« Aide juridictionnelle : le temps de la décision », rapport d'information n° 680 (2013-2014), fait au nom de la commission des lois déposé le 2 juillet 2014. Ce rapport est disponible à l'adresse suivante : www.senat.fr/notice-rapport/2013/r13-680-notice.html) et celui commandé par la garde des sceaux, Mme Christiane Taubira, à notre collègue député, Jean-Yves Le Bouillonnec, « Financement et gouvernance de l'aide juridictionnelle. À la croisée des fondamentaux. Analyse et propositions d'aboutissement », septembre 2014.

* 103 La recette tirée de ces fonds représenterait entre 30 et 40 millions d'euros selon les années, correspondant à un rendement de 1 %.

* 104 Article 302 bis Y du code général des impôts : « Les actes des huissiers de justice sont soumis à une taxe forfaitaire de 13,04 euros pour les actes accomplis à compter du 1 er janvier 2016 et 14,89 euros pour les actes accomplis à compter du 1 er janvier 2017. »

* 105 Cf. supra.

* 106 Cette obligation de garde est fondée sur l'article 77 du code de déontologie médicale (R. 4127-77 du code de la santé publique) qui dispose qu'« il est du devoir du médecin de participer à la permanence des soins dans le cadre des lois et des règlements qui l'organisent ».

* 107 Le principe de la loi de n° 91-647 du 10 juillet 1991 précitée énonce à son article 5 que « L'aide juridictionnelle n'est pas accordée lorsque les frais couverts par cette aide sont pris en charge au titre d'un contrat d'assurance de protection juridique ou d'un système de protection. »

* 108 Article 50 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques .

* 109 Décret n° 2016-230 du 26 février 2016 relatif aux tarifs de certains professionnels du droit et au fonds interprofessionnel d'accès au droit et à la justice (FIADJ).

* 110 Les organisations syndicales de la CFDT et de la FSU, conviées aux auditions, n'ont pu, pour des raisons d'agenda, être entendues par votre rapporteur.

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