B. UN BUDGET QUI NE RÉPOND QUE PARTIELLEMENT AUX ATTENTES DE LA PJJ

1. Une croissance portée principalement par le plan de lutte contre la radicalisation et le terrorisme

Depuis janvier 2015, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) a été étroitement associée à la mise en oeuvre des plans successifs de lutte contre le terrorisme et la radicalisation adoptés par le Gouvernement. D'importants moyens budgétaires lui ont été affectés dans ce cadre, afin de lui permettre de financer la prévention des comportements radicalisés chez les mineurs.

À la suite de l'adoption du premier plan de lutte contre le terrorisme (PLAT 1) en janvier 2015, le décret d'avance du 9 avril 2015 a permis l'ouverture de 10,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement . Ces moyens complémentaires ont permis de financer la création de 163 ETPT ainsi que la dispense de formations spécialisées sur la connaissance du phénomène radical à destination des agents du secteur public de la PJJ comme du secteur associatif habilité.

Au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, le Gouvernement a annoncé la mise en oeuvre de nouvelles mesures dans le cadre d'un second plan de lutte contre le terrorisme (PLAT 2) , dont la traduction financière a fait l'objet d'un amendement présenté par le Gouvernement à l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2016 au Sénat.

6,9 millions d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement et en crédits de paiement ont été affectés à la PJJ , en complément des moyens prévus dans le texte initial présenté par le Gouvernement. Ces moyens complémentaires étaient en premier lieu destinés à renforcer les effectifs de la PJJ, à hauteur de 58 ETPT, dont 5 emplois de formateurs et 70 emplois d'éducateurs. Ils ont par ailleurs permis de renforcer les activités initiées, notamment dans le milieu ouvert, autour des thématiques de citoyenneté et de valeurs républicaines.

Comme l'année passée, le budget 2017 est largement abondé par les moyens accordés à la lutte contre le terrorisme et la radicalisation. L'augmentation des crédits comme des effectifs s'explique en effet principalement par les moyens supplémentaires accordés au titre du nouveau plan d'action contre la radicalisation et la lutte contre le terrorisme (PART) , dont la création, en remplacement du PLAT, a été annoncée par le Gouvernement en mai dernier.

Hors masse salariale, 12 millions d'euros (en crédits de paiement) sont ciblés en 2017 sur la mise en oeuvre d'actions de prévention des comportements radicaux chez les jeunes 5 ( * ) :

- 7 millions d'euros sont destinés au développement des activités de lutte contre la radicalisation, à la formation des personnels à la lutte contre la radicalisation et à l'organisation des stages de laïcité ;

- 5 millions d'euros sont affectés à la réalisation de travaux de rénovation et de maintenance sur des sites dégradés.

Ces crédits représentent une augmentation de 5,3 millions d'euros par rapport aux moyens accordés dans la loi de finances initiale pour 2016 dans le cadre du premier plan de lutte contre le terrorisme (PLAT 1).

En termes de masse salariale, le titre 2 est abondé de 7,4 millions d'euros , destiné à financer la création de 145 ETPT supplémentaires ( cf. ci-dessus). Cela représente, hors corrections techniques et extensions en année pleine des emplois créés en 2016, 88 % du plafond d'autorisations d'emplois pour 2017.

Corrigés des ressources supplémentaires ciblées sur la prévention de la radicalisation, les crédits de paiement prévus dans le présent projet de loi de finances n'augmentent donc, par rapport aux crédits accordés dans la LFI pour 2016, que de 2 %. Hors masse salariale, l'augmentation ne s'élève qu'à 1 %. Au total, l'augmentation du budget de la PJJ entre 2015 et 2017 s'explique à 65 % par les moyens complémentaires débloqués dans le cadre de la lutte contre la radicalisation et le terrorisme .

Source : commission des lois du Sénat à partir des réponses aux questionnaires budgétaire

2. Une priorité maintenue pour les services du milieu ouvert, socle de la PJJ

Au cours des dernières années, priorité a été donnée par la DPJJ au renforcement des services du milieu ouvert. La note d'orientation du 30 septembre 2014, relative à la redéfinition des priorités de la PJJ, fait ainsi du milieu ouvert le point focal de l'intervention éducative et le garant de la continuité et de la cohérence des parcours des mineurs pris en charge dans le cadre pénal. Cet accent mis sur le milieu ouvert a été confirmé par la circulaire du 22 octobre 2015 relative au renforcement du milieu ouvert.

Parmi les axes définis, l'attention a notamment été portée à la réduction des délais de prise en charge des mesures pénales de milieu ouvert. Il est en effet communément admis que la rapidité du délai entre le prononcé de la décision par le magistrat et l'exécution de la mesure détermine la compréhension de la décision par le mineur et la non-réitération d'une infraction.

Si les délais de prise en charge imputables au services de la PJJ avaient déjà été réduits de manière significative entre 2008 et 2012, passant de 18,7 à 13,3 jours, les objectifs ont été renforcés en 2013 avec l'introduction d'une obligation de prise en charge du mineur par les services de la PJJ dans un délai maximal de cinq jours à la suite du prononcé de certaines mesures par le magistrat (article 12-3 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante).

L'article 12-3 de l'ordonnance du 2 février 1945
relative à l'enfance délinquante

Introduit par la loi de programmation relative à l'exécution des peines du 27 mars 2012, l'article 12-3 prescrit qu'à l'issue du prononcé par un magistrat d'une décision ordonnant une mesure ou une sanction éducative, le mineur et sa famille se voient remettre une convocation à comparaître devant le service de la protection judiciaire de la jeunesse dans un délai de maximum de cinq jours.

Applicable à compter du 1 er janvier 2014, cette disposition a pour objectif de réduire les délais d'exécution de certaines décisions pénales prononcées à l'encontre des mineurs.

Son périmètre d'application se limite toutefois aux seules décisions prises par un magistrat du siège (juge des enfants, tribunal pour enfants, juge d'instruction, juge des libertés et de la détention, tribunal correctionnel des mineurs, chambre spéciale des mineurs de la cour d'appel) à l'issue d'une audition ou d'une audience, à savoir :

- les mesures judiciaires d'investigation éducative prises dans le cadre pénal ;

- les mesures éducatives ;

- les sanctions éducatives ;

- les mesures et peines restrictives de liberté.

Les services de la PJJ ont été dotés de moyens complémentaires pour améliorer la qualité des mesures mises en oeuvre par les services de milieu ouvert. Entre 2013 et 2016, des emplois ciblés sur le milieu ouvert ont été créés : les effectifs du secteur public de la PJJ affectés aux services de milieu ouvert sont ainsi passés, sur la période, de 3 325 à 3 520 ETPT, soit une augmentation de près de 6 %.

Le renforcement du milieu ouvert continue de transparaître dans les documents budgétaires. Outre les moyens accordés au titre de la lutte contre le terrorisme et la radicalisation, qui bénéficient en partie au renforcement des dispositifs de droit commun ( cf. partie III. du présent rapport), 20 nouveaux emplois seront créés au cours de l'année 2016 pour renforcer le milieu ouvert.

3. Des moyens qui ne répondent que partiellement aux besoins

Si elle ne peut que saluer l'augmentation des crédits engagée depuis 2012, votre rapporteure constate néanmoins que les moyens budgétaires alloués au programme 182 demeurent insuffisants pour faire face aux besoins de la PJJ.

Au cours de son audition, la direction de la protection judiciaire de la jeunesse a en effet indiqué que les crédits accordés à la PJJ pour l'exercice 2017 étaient inférieurs aux besoins identifiés pour assurer une mise en oeuvre efficace des mesures ordonnées par les autorités judiciaires.

Elle a informé votre rapporteure avoir adressé une demande de crédits supplémentaires de 17 millions d'euros, qui seraient destinés à effectuer de nouveaux recrutements, notamment pour des postes d'éducateurs, à améliorer l'accompagnement des personnels et à renforcer la dotation du secteur associatif habilité.

Par ailleurs, s'ils ont relevé l'augmentation des moyens humains engagée depuis plusieurs années, les syndicats de personnels du secteur public entendus se sont toutefois inquiétés de la dégradation des moyens matériels dont ils disposent pour la prise en charge des mineurs. Ils ont indiqué que les restrictions budgétaires imposées à certains services, notamment dans le milieu ouvert, contraignent à réduire le nombre d'activités réalisées avec les jeunes, mettant en péril la diversité des mesures mises en oeuvre dans le secteur public. L'analyse des crédits alloués au secteur public (hors dépenses d'immobilier) permet en effet d'observer que les moyens dédiés à la conduite d'activités de formation ou d'insertion des jeunes, de déplacements ou d'activités sportives et culturelles n'a que peu bénéficié de l'augmentation du budget du programme 182, passant de 10,6 millions d'euros en 2016 à 10,7 millions d'euros en 2017.

Au vu de ce constat mitigé, et bien qu'elle n'en connaisse pas la ventilation exacte, votre rapporteure nourrit des inquiétudes quant à l'impact de la réduction des crédits votée au cours de la seconde délibération du projet de loi à l'Assemblée nationale.


* 5 Cette présentation ne tient pas compte de la réduction de 7,2 millions des crédits de la PJJ votée par l'Assemblée nationale.

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