B. UNE CONTRAINTE BUDGÉTAIRE PERSISTANTE

Votre rapporteure pour avis se félicite des augmentations de crédit constatées sur les programmes 172 et 193. Leur utilité est évidente car elles soulagent les opérateurs de recherche en prenant en charge des dépenses obligatoires. Néanmoins, si elles permettent de desserrer partiellement une contrainte budgétaire persistante, elles devront se poursuivre.

1. Le financement compliqué des dépenses de personnel obligatoires

Comme il a été indiqué précédemment, le projet de finances pour 2017 finance les mesures de revalorisation salariale de la fonction publique pour 2017. Toutefois, la première tranche de revalorisation du point (+ 0,6 %) au 1 er juillet 2016 a dû être autofinancée par les organismes de recherche , ce qui a représenté 1,3 million d'euros pour l'INSERM 76 ( * ) .

De même, le financement du « glissement vieillesse technicité », qui augmente chaque année le coût des personnels, est laissé à la charge des organismes de recherche , soit 20 millions d'euros pour le CNRS et 15 millions d'euros pour le CEA.

Pour faire face à ces dépenses indues, les organismes de recherche renoncent à embaucher une partie des personnels pourtant inscrits dans le plafond d'emplois autorisé. Ainsi, en 2016, le plafond d'emplois autorisé pour l'INRA s'élevait à 9 999 temps plein travaillé (ETPT) dans le projet de loi de finances, contre 8 462 prévus dans le budget initial établi par l'établissement.

Il faut cependant saluer l'effort soutenu du gouvernement en faveur de l'emploi dans la recherche publique. En effet, l'évolution démographique entraîne temporairement un moindre départ à la retraite dans certains organismes de recherche, qui devrait entraîner mécaniquement un moindre recrutement. Pourtant, l'État s'est engagé à lisser les embauches à travers un plan pluriannuel de recrutement.

Ainsi, à l'INSERM, alors qu'en 2017 seuls 33 chercheurs et 63 ingénieurs et techniciens partent à la retraite, 60 chercheurs et 75 ingénieurs/techniciens seront recrutés.

De même, le CNRS bénéficie de 2,5 millions d'euros supplémentaires afin d'ouvrir en 2017 le même nombre de postes aux concours qu'en 2016, soit 300 pour les chercheurs et 300 pour les ingénieurs et personnels techniques, en dépit de départs à la retraite inférieurs à ce chiffre.

2. Des impasses budgétaires à assumer

Le montant de la subvention pour charges de service public ne permet pas de financer toutes les dépenses obligatoires des opérateurs de recherche.

Le CEA doit faire face pour 2017 à deux dépenses supplémentaires au titre d'obligations réglementaires nouvelles :

- le déplafonnement de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) évalué à 8 millions d'euros pour le CEA civil ;

- les dépenses nécessaires au renforcement de la protection des sites civils en raison de la menace terroriste, qui entraîne un surcoût de 18 millions d'euros.

De même, l'INSERM s'est vu confier de nouvelles responsabilités par le gouvernement qui n'ont pour l'instant que partiellement été intégrées dans le projet de budget de 2017.

Le Président de la République a annoncé en 2016 le déblocage de 8 millions d'euros pour le consortium REACTing , chargé d'apporter une réponse « recherche » aux crises sanitaires mondiales telles qu'Ebola ou Zika. Pour autant, l'INSERM n'a pas reçu en 2016 ce financement pour REACTing et a dû effectuer des redéploiements afin d'assurer la poursuite des recherches post-Ebola en Guinée et être, aux côtés des instituts nationaux de santé américain (NIH), à l'origine d'un consortium international sur le développement d'un vaccin.

La loi relative à la modernisation du système de santé 77 ( * ) a créé le Système national des données de santé (SNDS) et a confié à l'INSERM la responsabilité d'une infrastructure de service au bénéfice de la communauté des chercheurs. L'INSERM évalue le coût de ladite infrastructure à 2,7 millions d'euros pour 2017.

En 2017, l'INSERM porte cinq projets :

- le pilotage du Plan France médecine génomique 2025 , évalué à 0,7 million d'euros et censé être cofinancé à part égale par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et le ministère des affaires sociales et de la santé. Il convient de rappeler qu'en 2016, 0,4 million d'euros était déjà prévu pour le pilotage de ce plan par l'INSERM, qui n'ont pas été perçus ;

- une étude portant sur la variabilité génétique en population générale (8 millions d'euros sont prévus sur deux ans dont 1,5 million d'euros financé par l'INSERM et 6,5 millions d'euros en provenance du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche). Au moment de la rédaction du présent rapport, seul l'INSERM a prévu les redéploiements nécessaires pour apporter sa part de financement ;

- un projet pilote financé dans le cadre du plan cancer sur le sarcome et le cancer du colon (8 millions sur deux ans) ;

- un projet « déficiences intellectuelles » dans le domaine des maladies rares qui repose sur un financement du ministère des affaires sociales et de la santé (8 millions sur deux ans) ;

- un projet pilote sur les maladies fréquentes (diabète) également censé être financé par le ministère des affaires sociales et de la santé (8 millions sur deux ans).

Ces projets impliquent la constitution de cohortes sous la responsabilité de l'INSERM. Tant que ce dernier ne disposera pas d'information concrète sur les financements attendus de ses deux ministères de tutelle, il n'est pas envisageable, éthiquement et scientifiquement, qu'il constitue lesdites cohortes en raison du manque de visibilité à long terme sur la conduite de ces projets.

Des impasses budgétaires concernent également la contribution française aux organisations internationales pour le financement de très grandes infrastructures ou de projets de recherche internationaux , même si le projet de loi de finances pour 2017 témoigne d'un réel souci de sincérité budgétaire (voir supra ).

Cette sincérité budgétaire doit maintenant être étendue à l'ensemble des participations de la France à des investissements internationaux et couvrir l'intégralité des engagements financiers pris. En effet, certaines contributions, comme par exemple la participation de la France à l'opération immobilière du centre international de recherche sur le cancer (CIRC), ne sont budgétées pour 2017 et ont donc vocation à être «ponctionnées » sur le budget courant des organismes de recherche.

Un premier pas a été franchi cette année puisque la lettre de plafond pour 2017 prévoit explicitement un dégel de la réserve de précaution à hauteur du besoin réel de financement . Toutefois, il serait souhaitable que ces dépenses soient exonérées de la réserve de précaution dont l'application n'a pas de sens puisque les engagements ont vocation à être honorés dans leur intégralité, quel que soit le montant fixé en projet de loi de finances et le taux de réserve de précaution appliqué.

Par conséquent, votre rapporteure pour avis soutient l'initiative menée par Thierry Mandon visant, dans le cadre de l'évaluation de la loi de 2013 sur l'enseignement supérieur et de la recherche, à élaborer un livre blanc pour évaluer les besoins de financement en matière d'enseignement supérieur et de recherche qui servirait de base à une loi de programmation des moyens financiers et humains pour les cinq ou dix années à venir.

En effet, si notre pays veut rester compétitif et mettre en oeuvre les stratégies qu'il a élaborées 78 ( * ) , il lui faudra investir massivement dans la recherche et l'enseignement supérieur pour élever le niveau général d'éducation de l'ensemble de la population et faire de l'innovation le moteur de la croissance économique.

Selon une étude de l'OCDE 79 ( * ) , un diplômé français rapporte 70 000 euros nets à la nation sur l'ensemble de sa carrière professionnelle. Le « retour sur investissement » serait d'ailleurs plus élevé en France que dans la moyenne des pays de l'OCDE. Ce solde nettement positif justifie pleinement que la nation réalise cet investissement dont le montant sera évalué par le livre blanc.

3. Un financement de base qui limite le développement des programmes de recherche autonomes

Dans l'attente d'une loi de programmation et en dépit des augmentations de crédits substantielles constatées dans le projet de loi de finances pour 2017, celles-ci ne permettent pas aux organismes de recherche de dégager les financements utiles au développement de projets de recherche autonomes par leurs équipes.

Ainsi, à l'INSERM, le soutien de bases aux unités (soit 1 200 équipes) s'est établi en 2016 à 59 millions d'euros pour un budget global de plus de 800 millions d'euros, soit une diminution de 25 % sur les dix dernières années.

Le président-directeur général de l'INRIA fait la même remarque : « Une fois payée la masse salariale, les sommes disponibles pour le fonctionnement, les investissements et en particulier la capacité de l'INRIA à initier de nouveaux projets scientifiques ou à mettre en oeuvre des actions de transferts de technologie a chuté de 13,3 millions en six ans, soit de plus de 26 %. »

La campagne conjointe de recrutement de doctorants menée par l'INRIA et l'INSERM illustre les limites imposées par la stagnation de la subvention pour charge de service public. Conscients du potentiel de la médecine numérique, ces deux organismes de recherche ont diffusé un appel spécifique au sein des équipes-projets INRIA et INSERM pour recruter des doctorants co-encadrés et favoriser le développement de la recherche pluridisciplinaire. Toutefois, les crédits disponibles pour ce projet n'ont permis de financer que trois doctorats, alors qu'une dizaine aurait été nécessaire la première année pour arriver à une vingtaine à moyen terme et permettre ainsi à la France de créer une véritable « force de frappe » reconnue à l'international.


* 76 Seuls les chiffres à la disposition de votre rapporteure pour avis sont cités. Ils permettent d'illustrer les propos tenus mais ne peuvent pas être généralisés à l'ensemble des organismes de recherche.

* 77 Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

* 78 Stratégie nationale de l'enseignement supérieur (STRaNES), Stratégie nationale de la recherche (SNR), Stratégie nationale de la culture scientifique, technique et industrielle (SNCTI).

* 79 OCDE, juin 2012 : Indicateurs de l'éducation à la loupe.

Page mise à jour le

Partager cette page