B. DES EVOLUTIONS RÉCENTES PORTEUSES D'INTERROGATIONS

1. Le volet « recherche et innovation » des contrats de plan État-régions diminue.
a) Six générations de contrats de plan prenant en compte l'enseignement supérieur et la recherche

Orientant des cofinancements publics dans une logique contractuelle et territorialisée, les CPER permettent à l'État et aux régions de s'engager sur la programmation et le financement pluriannuels de projets d'importance, tels que la création d'infrastructures ou le soutien à des filières d'avenir. Créés par la loi du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification, qui les définissait comme répertoriant « les actions que l'État et la région s'engagent à mener conjointement par voie contractuelle pendant la durée du plan », l'objectif de l'association des régions à l'État est, « au-delà même de la cohérence accrue des actions menées par chacun, un plus grand effet de levier pour des investissements de grande envergure et donc coûteux » 47 ( * ) .

L'enseignement supérieur et la recherche, qui ont fait leur entrée dès la deuxième génération de contrats (1989-1993), y occupent désormais une place essentielle. La sixième génération de ces CPER, pour la période 2014-2020, a succédé à la génération 2007-2013, en faisant de l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation l'une de ses principales priorités.

De 2007 à 2015, la part du CPER dans l'ensemble des financements R&T des conseils régionaux de métropole représente en moyenne 27 % . Mais cette part est variable selon les régions, comme le montre le graphique suivant.

PART DES CONTRIUTIONS AU CPER (EN %) DANS LE BUDGET R&T DES CONSEILS RÉGIONAUX DE MÉTROPOLE

Selon le périmètre R&T retenue par l'enquête du MENESR précitée, les CPER 2007-2013 ont principalement financé des opérations immobilières (à 66 % en moyenne, de 40 % en Bretagne et en Normandie à 82 % en Auvergne-Rhône-Alpes).

Recentrée sur une triple thématique (compétitivité et attractivité du territoire ; promotion du développement durable ; et cohésion sociale et territoriale) suite aux critiques de la Cour des comptes vis-à-vis de la génération précédente (2000-2006), cette cinquième génération de CPER (2007-2013) a été conclue pour une durée de sept ans afin de se coordonner avec le calendrier des fonds européens 48 ( * ) . Signe de l' inflexion du dispositif vers des thématiques axées sur la recherche et le progrès technique , l'obtention de ces fonds a été liée à l'investissement de plus des trois-quarts de l'enveloppe Feder + FSE à l'innovation et à la compétitivité (stratégie de Lisbonne) ou au développement durable (stratégie de Göteborg).

b) Les CPER 2015-2020

La nouvelle génération de CPER pour la période 2015-2020, qui est revenue à la dénomination antérieure à 2007 de contrats de plan État-région, cherche à mettre en cohérence les politiques publiques et les financements, jusqu'alors dispersés , en faveur des projets structurants dans les territoires. La philosophie générale de ce volet est d'oeuvrer à un rapprochement des trois piliers formation-recherche-innovation, et participer ainsi, au sein de la société de la connaissance, au renforcement de la compétitivité et de l'attractivité des territoires. 12,5 milliards d'euros sur six ans de crédits de l'État ont été contractualisés en ce sens, autour des six orientations prioritaires que sont la mobilité multimodale (6,7 milliards d'euros), l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation (1,2 milliard d'euros), la transition écologique et énergétique (2,9 milliards d'euros), le numérique (32 millions d'euros), les filières d'avenir (50 millions d'euros) et les territoires (994 millions d'euros). S'y ajoute un volet transversal concernant l'emploi, doté de 211 millions d'euros. Par ailleurs, des crédits spécifiques pour l'Outre-mer ont été mobilisés, à hauteur de 341 millions d'euros.

La réflexion stratégique lancée dans le cadre du CPER 2015-2020 a associé les différents partenaires financeurs et acteurs académiques, scientifiques et socio-économiques. Elle a dégagé des orientations en cohérence avec la stratégie européenne (Horizon 2020, « Smart specialisation » et accord de partenariat sur le FEDER),  les stratégies nationales d'enseignement supérieur et de recherche prévues par la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, les schémas régionaux pour l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation (SRESRI), également prévus par cette loi et les politiques publiques connexes.

Les CPER doivent également s'articuler avec les autres dispositifs de financement existants que sont les investissements d'avenir, l'opération campus, les contrats de site, les contrats des organismes de recherche et les fonds structurels européens.

27 CPER ont été signés en 2015. Sur le volet « recherche et innovation », environ 300 projets , construits à l'échelle des sites, ont été retenus dans le cadre de la contractualisation.

Sur les 1,2 milliard d'euros consacrés à l'enseignement supérieure, la recherche et l'innovation, les 5/6 èmes - soit un milliard - sont dédiés aux universités, et pour la plus grande partie à son volet immobilier. Seul le reliquat, de 205,8 millions d'euros , financés sur le programme 172, profitera à la recherche et à l'innovation , ce qui n'est pas un montant excessif rapporté à l'ensemble des régions. C'est surtout un montant en baisse par rapport aux précédents CPER : à périmètre constant, ceux-ci comportaient une somme de 365 millions d'euros. Et encore a-t-il fallu de longues discussions pour obtenir des décisions de rallonge de la part du Premier ministre. Au départ en effet, une enveloppe de 124 millions d'euros seulement était prévue, soit un très net recul par rapport à l'exercice précédent. Cela au motif que les précédentes dotations avaient été surcalibrées, avec un taux d'exécution global d'environ 84%, et qu'il existait d'autres instruments de financement, comme le PIA ou le plan Campus. Finalement, les discussions engagées avec l'État et les préfets de région ont permis d'obtenir un surplus de 81,8 millions d'euros de dotations.

Par ailleurs, les organismes de recherche ont pris un engagement au titre des CPER, en complément du programme 172, d'un montant prévisionnel de 170 millions d'euros, alors qu'ils avaient apporté 245 millions d'euros dans le cadre de la précédente génération de CPER.

En 2015, 22,5 millions d'euros d'autorisations d'engagement ont été accordées par l'État dans le cadre des CPER et 40,2 millions d'euros l'ont été en 2016. À la suite des échanges entre l'État et les régions dans le cadre de la révision des CPER 2016, une somme de 20 millions d'euros est, à la date d'établissement du jaune budgétaire sur les politiques nationales de recherche et d'enseignement supérieur, arbitrée par le Premier ministre afin de répondre aux besoins de crédits nécessaires au financement en 2016 des projets de recherche inscrits aux CPER, prêts à démarrer mais qui ne peuvent être lancés en raison de la non budgétisation de l'enveloppe complémentaire accordée par le Premier ministre.

TABLEAU DE SUIVI DES CPER 2015-2020 PAR RÉGION

Montant en Euros

Engagement initial AE 2015-2020

AE 2015

AE 2016

Grand Est

21 734 000

2 308 000

5 047 000

Nouvelle Aquitaine

17 270 000

2 185 000

3 500 000

Normandie

10 684 200

1 150 000

2 425 000

Bourgogne-Franche Comté

11 560 000

1 058 000

3 166 000

Bretagne

21 700 000

1 583 000

3 602 000

Centre

8 910 000

1 150 000

1 552 000

Corse

3 400 000

67 000

517 000

Guadeloupe

400 000

49 000

67 000

Guyane

400 000

67 000

67 000

Ile de France

20 000 000

2 500 000

2 800 000

La réunion

1 300 000

220 000

208 000

Occitanie

22 616 000

2 583 000

3 857 000

Martinique

400 000

67 000

67 000

Mayotte

200 000

-

33 000

Hauts de France

23 580 000

2 608 000

3 939 000

Pays de la Loire

12 139 000

1 155 000

2 897 000

Provence Alpes Côte d'Azur

9 070 000

1 283 000

2 423 000

Auvergne Rhône Alpes

17 450 000

2 270 000

3 275 000

Cpier Vallée de la Seine

3 000 000

250 000

750 000

Total

205 813 200

22 553 000

40 192 000

Source : MENESR.

2. L'articulation des compétences et des financements entre les différentes collectivités publiques reste à construire.

La loi NOTRe entend rationaliser la répartition des compétences entre les collectivités territoriales et supprime la clause de compétence générale des régions et des départements. Elle confie aux régions des fonctions de programmation, de planification et d'encadrement de l'action des collectivités situées dans son ressort, à travers le schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII), qui définit notamment, selon les termes de l'article L. 4251-13 du code général des collectivités territoriales « les orientations en matière d'aides aux entreprises, de soutien à l'internationalisation et d'aides à l'investissement immobilier, à l'innovation des entreprises ».

La région a également en charge, depuis la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, de définir SRESRI, qui coordonne, selon les termes de l'article L. 214-2 du code de l'éducation, « les initiatives territoriales visant à développer et diffuser la culture scientifique, technique et industrielle ». Les autres collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui accueillent des universités ou des établissements de recherche sont associés à l'élaboration de ce schéma.

Un premier bilan des orientations choisies par les régions dans le cadre de ces schémas est aujourd'hui difficilement réalisable. Les SRDEII doivent être adoptés au 1 er janvier 2017 selon les termes de la loi NOTRe. Or, il apparaît que cette échéance risque de ne pas pouvoir être respectée dans certaines régions. Dans la mesure où ces schémas seront contraignants en matière d'aide aux entreprises pour les autres collectivités territoriales, selon les termes de l'article L. 4251-17 du code général des collectivités territoriales, c'est l'ensemble de la politique de recherche et d'innovation des collectivités territoriales qui est directement ou indirectement concernée.

Par ailleurs, la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de « modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles » fait, par ailleurs, des métropoles un interlocuteur privilégié des régions en matière de recherche et d'innovation, car elles sont associées de plein droit à l'élaboration, la révision et la modification des schémas et documents de planification en matière de recherche d'innovation. S'agissant du caractère contraignant du SRDEII, les métropoles bénéficient d'un régime particulier : elles sont en principe soumises à ses dispositions en matière d'aide aux entreprises, mais, à défaut d'accord avec les régions, elles n'ont pour seul obligation que de prendre en compte les orientations de leur propre document d'orientation stratégique 49 ( * ) .

Parallèlement aux relations des régions avec les autres collectivités, c'est aussi la relation entre les régions et l'État sur un certain nombre de dispositifs qui est à redéfinir, dans le contexte de baisse des crédits des CPER affectés à la recherche et à l'innovation.

Il en va notamment ainsi en matière de pôles de compétitivité . Dans l'enquête précitée sur la R&T des collectivités, 17 régions déclaraient, en 2015, financer des pôles, pour des montants importants (environ 60 millions d'euros). Comme le remarquait la Cour des comptes dans son référé du 4 juillet dernier, les régions ont une « implication de plus en plus grande dans cette politique, au niveau local mais aussi national ». Le « bleu budgétaire » précise que « le financement de l'État porte tant sur les projets de R&D collaboratifs du FUI que sur l'aide à la gouvernance des pôles, avec la perspective d'un transfert progressif de cette dernière aux régions, a l'exception de certains pôles », ce qui pose la question du financement de cet éventuel transfert et de la pérennité de l'engagement de l'État dans ce volet important de sa politique industrielle. L'État comme les régions doivent donc établir une doctrine claire sur l'avenir de leur investissement dans les pôles, en y associant les autres collectivités, également présentes dans les pôles (les conseils départementaux déclaraient ainsi financer les pôles à hauteur de 32,2 millions d'euros et le bloc communal 21,3 millions d'euros en 2015). La Cour des comptes remarque ainsi dans son référé qu'« une réflexion globale s'impose (...) sur le positionnement des pôles, tant vis-à-vis de l'État et des collectivités territoriales, en intégrant les évolutions législatives récentes ». À ce titre, l'association française des pôles de compétitivité propose la mise en place d'un comité national des pôles de compétitivité, qui permettrait que toutes les parties prenantes débattent collectivement des orientations du pilotage de la politique des pôles de compétitivité.

Les régions seront également invitées à s'investir sur le troisième volet du PIA , comme elles ont déjà eu l'occasion de le faire dans le cadre des deux premiers PIA 50 ( * ) . Ainsi, le « bleu budgétaire » consacré au troisième PIA mentionne que « 500 M€ seront co-décidés avec les régions qui accompagneront à la même hauteur les opérations sélectionnées d'innovation ». Les régions seront notamment amenées à s'impliquer si elles le souhaitent dans l'intégration des SATT, des incubateurs et des accélérateurs que le troisième PIA souhaite mettre en oeuvre (action 1 du programme 422).

Les régions devront, enfin, se positionner sur la possibilité qui leur est ouverte, depuis la loi NOTRe, et en lien avec la mise en oeuvre du troisième PIA, de participer au capital des SATT, dans le contexte de la réforme de leur gouvernance annoncée par le ministre de l'économie, le secrétaire d'État en charge de la recherche et le commissaire général à l'investissement le 8 juin dernier.


* 47 L'État et les régions : l'avenir des contrats de plan, rapport d'information n° 36 (2014-2015) fait par M. Albéric de Montgolfier au nom de la commission des finances

* 48 Fonds européen de développement régional (Feder) et Fonds social européen (FSE).

* 49 La métropole du Grand Paris ne doit d'ailleurs quoi qu'il en soit que prendre en compte les orientations du SRDEII.

* 50 De 2011 à 2015, les collectivités territoriales déclarent avoir mobilité 205,8 millions d'euros à la R&T dans ce cadre. Les régions ont financé 63% de ce montant, les conseils départementaux 24%, et les communes et EPCI 13%.

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