EXAMEN EN COMMISSION

Réunie mardi 25 octobre 2016, sous la présidence de M. Richard Yung, vice-président, la commission a examiné le rapport pour avis en nouvelle lecture de M. Albéric de Montgolfier sur le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique n° 866 (2015-2016).

EXAMEN DU RAPPORT

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - En première lecture, la commission des finances avait reçu délégation de la commission des lois pour l'examen au fond de 56 articles du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dit « Sapin II ». Le Sénat a voté 25 articles conformes, modifié 25 articles, supprimé 6 articles et adopté 12 articles additionnels. L'Assemblée nationale a donc examiné, pour les sujets nous concernant, 43 articles en nouvelle lecture, après l'échec de la commission mixte paritaire le 14 septembre dernier.

En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a adopté 20 articles conformes et 17 articles avec modifications. Elle a confirmé la suppression de deux articles et rétabli quatre articles, dont deux dans une rédaction différente de la rédaction adoptée en première lecture.

On ne peut que se féliciter du grand nombre d'articles adoptés par l'Assemblée nationale dans leur rédaction issue de la première lecture du Sénat. La majorité des modifications apportées aux articles modifiés par le Sénat en nouvelle lecture sont d'ordre purement rédactionnel. De plus, elle a repris tous les articles additionnels adoptés par le Sénat dans notre champ de compétence.

Le Sénat a notamment introduit la possibilité de sanctionner les établissements bancaires et les entreprises d'assurance jusqu'à 10 % de leur chiffre d'affaires en cas de manquement à certaines obligations, en particulier en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. L'Assemblée nationale a également repris la limitation et l'encadrement des prérogatives du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), en cas de menace à la stabilité financière ; le rejet de la limitation de la durée des chèques de douze à six mois ; le renforcement des interdictions de publicité pour les produits financiers hautement spéculatifs et risqués et la création d'un document d'information contrôlé systématiquement par l'Autorité des marchés financiers (AMF) pour les « investissements atypiques » ; l'encadrement de la publicité pour les produits défiscalisés ; la nouvelle obligation d'information des entreprises d'assurance à l'égard des titulaires de contrats de retraite supplémentaire ; et la conclusion d'une convention cadre entre l'Agence française de développement (AFD) et la Caisse des dépôts et consignations afin de définir les modalités de leur collaboration en matière de développement, à l'initiative de Fabienne Keller et Yvon Collin.

Enfin, l'Assemblée nationale a confirmé la suppression de l'élargissement du champ des entreprises soumises au reporting fiscal, qui n'était pas conforme au cadre fixé par les accords BEPS (lutte contre l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices) de l'OCDE.

Deux points de divergence demeurent néanmoins. Le premier concerne l'autorisation donnée au Gouvernement de réformer par ordonnance l'ensemble du code de la mutualité. Le Sénat, estimant que cette habilitation - introduite par voie d'amendement de séance et sans débat - était excessivement large, en avait voté la suppression. L'Assemblée nationale, tout en partageant nos observations sur la méthode, a rétabli cette habilitation. Après avoir obtenu de plus amples éléments d'information auprès de représentants du mouvement mutualiste, je vous propose de revenir non à une suppression totale, mais à un champ d'habilitation plus raisonnable en supprimant deux dispositions : la définition des nouvelles activités qui seraient ouvertes aux mutuelles (activités sportives et pompes funèbres) et les dispositions qui mettent en cause l'équilibre entre les pouvoirs de l'assemblée générale et ceux du conseil d'administration.

Le second point de divergence, plus substantiel, concerne l'obligation de déclaration publique d'activités pays par pays. Le Sénat avait adopté en première lecture cette obligation pour les entreprises faisant plus de 750 millions de chiffres d'affaires au 1 er janvier 2018 en s'alignant sur le contenu actuel de la proposition de directive présentée par la Commission européenne, sous condition de son adoption. L'Assemblée nationale a préféré rétablir son texte de première lecture, qui revient à ne pas lier l'application de la mesure à l'entrée en vigueur de la directive, et retient un seuil de chiffre d'affaires de 50 millions. De plus, la déclaration d'activité serait publiée en ligne, dans un format de données ouvertes et gratuites. L'Assemblée nationale a enfin reporté l'entrée en vigueur par défaut du dispositif national du 1 er juillet 2017 au 1 er janvier 2018. La France pourrait ainsi se trouver seule à mettre en oeuvre un reporting public, ce qui serait contraire à ses intérêts. Le risque est également réel que le Conseil constitutionnel estime une nouvelle fois que cette disposition porte atteinte à la liberté d'entreprendre. Je vous propose par conséquent de revenir au texte du Sénat de première lecture.

Enfin, malgré la reprise par l'Assemblée de tous les amendements introduits par le Sénat en première lecture concernant les nouveaux pouvoirs du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF) et l'ajout de la mention selon laquelle le HCSF doit « tenir compte » des intérêts des assurés, adhérents et bénéficiaires des contrats d'assurances, lorsqu'il met en oeuvre ses nouvelles compétences, j'estime nécessaire d'aller plus loin. Je propose d'inscrire dans la loi que le Haut Conseil « veille à la protection » des intérêts des assurés au même titre qu'il veille à la protection de la stabilité financière. En effet, les atteintes au droit des contrats comportant un risque d'inconstitutionnalité, il convient qu'elles soient strictement encadrées. Veillons à épuiser nos compétences en fixant des garde-fous au bénéfice de nos concitoyens. Dans sa décision n° 2016-591 QPC du 21 octobre 2016, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution la disposition législative instituant un registre public des trusts, sous le motif qu'elle porte atteinte au respect de la vie privée et que le législateur n'a pas précisé la qualité ni les motifs justifiant la consultation du registre, ni limité le cercle des personnes ayant accès aux données. De plus, cette QPC pourrait avoir des incidences sur l'article 45 quater B relatif à la création d'un registre public des bénéficiaires effectifs des personnes morales, voté en première lecture dans les mêmes termes par nos deux assemblées. Cet article renvoie en effet à un décret en Conseil d'État pour « préciser les informations sur les bénéficiaires effectifs qui sont mises à la disposition du public et celles qui ne sont accessibles qu'aux autorités publiques compétentes dans les domaines de la lutte contre le blanchiment, le financement du terrorisme, la corruption et l'évasion fiscale, ainsi qu'aux entités assujetties » aux obligations de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. J'avais souligné, dans mon rapport de première lecture, que « s'agissant des informations ayant vocation à être rendues publiques, il pourrait être préférable que la "ligne de partage" relève du législateur dans ses grands principes » et la récente QPC semble valider cette analyse.

En conclusion, je suggère que notre commission propose à la commission des lois d'adopter les articles votés par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture sous réserve des six amendements que je vais vous présenter.

M. André Gattolin . - Le seuil de chiffre d'affaires au-delà duquel les entreprises seraient contraintes au reporting n'est pas définitivement fixé à 750 millions d'euros. De plus, le projet de directive européenne ne prévoit qu'une harmonisation partielle et n'empêche aucunement, d'un point de vue juridique, les États membres de se montrer mieux-disants en fixant des seuils plus bas, en vertu du principe de subsidiarité.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - Ne soyons pas naïfs. De telles informations pourraient être utilisées par les concurrents de nos entreprises, mais aussi par les administrations fiscales de certains pays où elles sont plus dépendantes qu'en France du pouvoir politique. On pourrait ainsi voir les entreprises françaises soumises à des redressements fiscaux, et ces États capter des recettes fiscales auprès de certains grands groupes, au détriment de notre propre administration.

M. Richard Yung , président . - Je salue le retour parmi nous de notre collègue François Patriat.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 17

Les amendements rédactionnels n os FINC.1 et FINC.2 sont adoptés.

La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 17 ainsi modifié.

La commission proposera à la commission des lois d'adopter les articles 19, 20 et 21 sans modification.

Article 21 bis A

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - Je vous ai présenté le contenu de mon amendement n° FINC.3, qui retire du champ de l'habilitation à refondre le code de la mutualité l'élargissement du périmètre d'activité des mutuelles aux activités sportives et de pompes funèbres, ainsi que l'élargissement des compétences des conseils d'administration. Ces mesures ne relèvent pas du domaine technique et n'ont aucun caractère d'urgence.

M. Maurice Vincent . - Nous nous félicitons de l'évolution de votre position, puisque vous ne souhaitez plus supprimer l'habilitation. Mais notre groupe s'en tiendra à la proposition du Gouvernement, qui nous semble plus ambitieuse.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - La véritable ambition, pour le législateur, ce serait de légiférer... Le code de la mutualité mérite mieux qu'une ordonnance.

L'amendement n° FINC.3 est adopté.

La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 21 bis A ainsi modifié.

Article 21 bis

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - L'amendement n° COM-4, qui exclut le secteur de l'assurance dite non-vie des compétences du HCSF, me semble fondé. L'assurance dommages ou santé, par exemple, ne présente aucun risque systémique, et le secteur fait l'objet d'un encadrement réglementaire approprié. Cet amendement relève du bon sens et a été voté par le Sénat en première lecture. Avis favorable.

M. Claude Raynal . - L'argument peut être retourné : il n'y a pas de risque systémique dans les secteurs de l'assurance habitation, dommages ou automobile ; par conséquent, la question ne se pose pas et le texte se suffit à lui-même.

M. Jean-François Husson . - Au contraire, cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° COM-4.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - Mon amendement n° FINC.4 modifie une formulation redondante : « suspendre ou restreindre temporairement tout ou partie des actifs » est peu clair, et personne n'a su m'expliquer la différence entre les deux opérations. C'est pourquoi je propose de retirer le verbe « suspendre » au profit d'une formulation plus claire, qui montre bien le caractère temporaire des dispositions prises.

L'amendement n° FINC.4 est adopté.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur. - Mon amendement n° FINC.5 modifie la formulation de cet article, qui prévoit que le HCSF doit « tenir compte » des intérêts des assurés. C'est par trop imprécis : je propose « veiller à la protection » de ces intérêts. Toute rédaction insuffisamment précise nous expose à un risque de censure du Conseil constitutionnel. Toute restriction à la capacité pour les assurés de racheter leur assurance vie ou d'opérer des arbitrages doit être soigneusement justifiée par la loi et l'intérêt général.

M. Roger Karoutchi . - Voilà un excellent amendement. Je ne comprends pas les intentions du Gouvernement : « tenir compte » des intérêts des assurés implique que cela ne s'impose pas. « Veiller à la protection », en revanche, s'impose. C'est d'autant plus important que l'assurance vie est l'un des systèmes les plus solides et les plus porteurs pour les assurés ; le remettre en cause, c'est déstabiliser les épargnants.

M. Maurice Vincent . - Je suis d'accord avec les précisions apportées à la rédaction et au principe du maintien d'un équilibre dans les pouvoirs du HCSF. Mais ce dernier sera amené à faire des choix difficiles entre les intérêts des épargnants et des mesures qui peuvent s'avérer douloureuses.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur. - Si le Haut Conseil est amené à intervenir, c'est que par définition la décision est compliquée. Il doit avoir des motifs suffisants pour intervenir dans le droit des contrats.

M. Richard Yung , président. - Il convenait que le Haut Conseil s'occupe de ce domaine qui jusqu'à présent lui échappait ; c'est l'objet de cet article.

L'amendement n° FINC.5 est adopté.

La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 21 bis ainsi modifié.

Article 25

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - L'amendement n° COM-20 supprime une demande de rapport sur les enjeux de la dématérialisation des moyens de paiement. C'est la pratique de notre commission que d'écarter les rapports ; je m'en remets à votre sagesse.

M. Vincent Delahaye . - Cet amendement est bienvenu car il allège le travail de l'administration.

M. Maurice Vincent . - Allant contre la position du Gouvernement, l'Assemblée nationale a maintenu la durée de validité des chèques à douze mois ; le rapport a pour objet de vérifier la pertinence de cette mesure. Notre groupe s'abstiendra.

M. André Gattolin . - Le groupe EELV votera contre. Le rapport demandé par l'amendement a pour objectif d'éclairer le débat particulièrement obscur que nous avons eu sur la durée de validité des chèques. Nous savons bien que les banques, pour des raisons d'économie, ont intérêt à leur suppression...

M. Michel Canevet . - Je ne vois pas l'intérêt de prévoir un tel rapport dans la loi. Si le Gouvernement en a besoin, il a la possibilité de le commander à ses services.

Mme Marie-France Beaufils . - Le groupe CRC s'oppose à la suppression du rapport. Nous avons besoin d'être éclairés sur une disposition qui figure dans le projet de loi.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - Le rapport était justifié par le débat sur la durée de validité des chèques ; maintenant que celle-ci a été maintenue à un an, il n'a plus de raison d'être.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° COM-20.

La commission proposera à la commission des lois de supprimer l'article 25.

La commission proposera à la commission des lois d'adopter les articles 28, 28 bis A, 28 bis , 28 ter , 28 quinquies , 29, 29 bis AA, 29 quater et 33 sans modification.

Article 45 bis

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - Mon amendement n° FINC.6 revient à la rédaction adoptée par le Sénat en première lecture sur la déclaration publique d'activité pays par pays.

M. Maurice Vincent . - Notre groupe s'abstiendra.

Mme Marie-France Beaufils . - Le groupe CRC est favorable au maintien de la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale.

L'amendement n° FINC.6 est adopté.

La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 45 bis ainsi modifié.

La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 52 bis sans modification.

Article 54 bis B

M. Maurice Vincent . - L'amendement n° COM-23 de Richard Yung et moi-même met en conformité cet article avec une décision QPC du Conseil constitutionnel du 5 octobre dernier qui imposait une refonte de l'ensemble du dispositif de dialogue social au sein de la Caisse des dépôts et consignations. Il précise ainsi les modalités de désignation de deux représentants du personnel à la Commission surveillance de cet établissement.

M. Michel Bouvard . - Les dispositions du II de cet amendement sont tout à fait nécessaires, puisque la QPC remet en cause les modalités actuelles des relations sociales au sein de l'établissement. Mais pour adopter ces dispositions, nous sommes contraints de maintenir l'article 54 bis B qui introduit, même avec les modifications du I, ce que nous avons refusé en première lecture, c'est-à-dire la représentation du personnel au sein de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations. Cette dernière n'étant ni une société nationale, ni un établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), elle ne relève pas des dispositions législatives instaurant une représentation des personnels au sein des organes de direction. Est-il possible de voter le II de cet amendement sans conserver l'article ?

M. Maurice Vincent . - Peut-être par un sous-amendement.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - Nous avons trois possibilités : supprimer le I de l'amendement, mais avec une incertitude constitutionnelle, supprimer l'article dans son ensemble - c'était notre position en première lecture - ou enfin adopter l'amendement tel quel. Sagesse.

M. Vincent Delahaye . - Je partage l'avis de Michel Bouvard. La décision du Conseil constitutionnel imposait les mesures prévues par le II. Mais la Caisse des dépôts n'a pas de conseil d'administration, et une configuration très différente des autres établissements publics ; c'est pourquoi sa commission de surveillance a des responsabilités très spécifiques : il serait difficile que des membres du personnel y soient associés. Soit nous nous exposons à un risque constitutionnel en votant l'amendement sans son I - je suis prêt à le prendre - soit nous repoussons l'amendement dans son ensemble.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - L'adoption du seul II de l'amendement, qui vise à tirer les conséquences d'une décision du Conseil constitutionnel, pourrait ne pas être conforme à la règle de l'entonnoir, s'il était considéré que le II n'avait plus de lien avec l'article en discussion.

M. Maurice Vincent . - N'est-il pas possible de disjoindre le I du II ?

M. André Gattolin . - N'est-il pas préférable de déposer un amendement en séance ?

M. Michel Bouvard . - Nous pouvons adopter un amendement de réécriture de l'article reprenant uniquement le II de l'amendement COM-23 - même si nous ne sommes pas certains qu'il survivra.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur . - L'honnêteté m'oblige à dire que le II se suffit à lui-même. Je vous propose donc de rendre un avis défavorable à l'amendement n° COM-23 et d'introduire un amendement n° FINC.7 reprenant son II et commençant ainsi :

« L'article 54 bis B est ainsi rédigé :

L'article 34 de la loi... »

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° COM-23 et adopte l'amendement n° FINC.7.

La commission proposera à la commission des lois d'adopter l'article 54 bis B ainsi modifié et l'article 54 bis F sans modification.

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